Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 2909632
SIMPSON, sir GEORGE, gouverneur de la Hudson’s Bay Company, auteur et homme d’affaires, né probablement en 1786 ou 1787 dans la paroisse de Lochbroom (région de Highland, Écosse), fils de George Simpson ; le 24 février 1830, il épousa dans la paroisse de Bromley St Leonard (Londres) sa cousine Frances Ramsay Simpson, et ils eurent cinq enfants dont quatre atteignirent l’âge adulte ; décédé le 7 septembre 1860 à Lachine, Bas-Canada.
Enfant naturel, George Simpson fut élevé par des membres de la famille de son père. Sa tante, Mary Simpson, devint de fait sa mère adoptive et prit soin de lui pendant les années où il fréquenta l’école paroissiale. Il ne semble pas avoir poursuivi ses études au delà de ce niveau et il se rendit à Londres, probablement aux environs de 1800. Son oncle Geddes Mackenzie Simpson, associé de la Graham and Simpson, maison londonienne de courtage en sucre, lui donna un emploi. En 1812, la fusion de la Graham and Simpson et de la Wedderburn and Company marqua l’arrivée d’Andrew Wedderburn dans l’entreprise, et c’est grâce à lui que George Simpson allait lier pour la vie ses intérêts à ceux de la Hudson’s Bay Company. En effet, la sœur de Wedderburn, Jean, avait épousé en 1807 lord Selkirk [Douglas*], par l’entremise duquel Wedderburn était entré à la Hudson’s Bay Company, d’abord comme actionnaire en 1808, puis comme membre du conseil d’administration en 1810.
Pendant les deux premières décennies du xixe siècle, la Hudson’s Bay Company et la société canadienne North West Company se livrèrent une chaude lutte. Au début, la North West Company semblait le mieux équipée pour mener la campagne : ses fonctionnaires, qui travaillaient sur place et recevaient une part des profits, étaient doués et énergiques, et ses représentants étaient d’astucieux hommes d’affaires. Mais, après 1810, la Hudson’s Bay Company devint plus dynamique. Des conflits s’ensuivirent, d’abord dans la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba), puis dans la région de l’Athabasca, où la North West Company récoltait le plus gros de ses revenus. Dans leur lutte pour la suprématie, les deux compagnies ne reculèrent devant rien afin d’acquérir des fourrures et d’empêcher leur rivale d’en avoir : elles pratiquèrent des prix élevés, distribuèrent généreusement de l’alcool, intimidèrent les Indiens et, à plusieurs reprises, recoururent à la force pour confisquer des fourrures et des marchandises de traite à la compagnie adverse. Le chef de la campagne menée par la Hudson’s Bay Company dans la région de l’Athabasca, Colin Robertson*, fut capturé par les Nor’Westers en octobre 1818 et accusé de tentative de meurtre. Malgré son évasion à l’été de 1819, le comité de Londres de la Hudson’s Bay Company avait perdu confiance en lui. De plus, le gouverneur en chef de la Hudson’s Bay Company, William Williams*, principal fonctionnaire de la compagnie en Amérique du Nord, risquait lui aussi d’être arrêté. Devant l’avenir incertain de ces deux hommes, le comité de Londres jugea nécessaire de confier le commerce nord-américain à un autre administrateur : par suite des pressions de Wedderburn, qui avait adopté en 1814 le nom d’Andrew Colvile, George Simpson fut donc nommé remplaçant du gouverneur en chef en 1820.
Pour Colvile et d’autres membres du comité de Londres, le temps paraissait propice à une entente entre les deux compagnies. L’unité de la North West Company était menacée par des faiblesses fondamentales dans son organisation et, à la fin de 1819, le comité de Londres avait appris que certains des associés hivernants avaient exprimé le souhait qu’une entente soit négociée. En outre, l’offre faite par Edward Ellice*, représentant de la North West Company à Londres, d’acheter la Hudson’s Bay Company avait été interprétée par les membres du comité de Londres comme un signe de faiblesse. Dans un contexte pareil, Colvile estimait que Simpson offrait une perspicacité d’homme d’affaires et un talent de négociateur admirables, qui lui paraissaient essentiels vu les conditions changeantes de la traite des fourrures.
Cette nomination semble avoir pris Simpson par surprise. Apparemment, Colvile lui avait confié dès 1818 certains dossiers de la Hudson’s Bay Company mais, dans l’ensemble, il connaissait peu la traite des fourrures en Amérique du Nord. En dépit de son inexpérience, il saisit l’occasion avec beaucoup d’enthousiasme et, le 4 mars 1820, fit voile pour New York, où il arriva un mois plus tard. Il se rendit ensuite à Montréal, capitale de la traite des fourrures, où il se renseigna comme il le put sur la North West Company et bénéficia du rang social accordé par la bonne société montréalaise au représentant de la Hudson’s Bay Company. Simpson quitta ensuite Montréal en canot, remonta la rivière des Outaouais, se rendit jusqu’au lac Nipissing (Ontario), puis redescendit la rivière French jusqu’au lac Huron. Poursuivant sa route vers l’ouest par le lac Supérieur, il arriva le 28 mai au fort William (Thunder Bay), où les associés de la North West Company se réunissaient. Il leur communiqua un message de lord Bathurst, secrétaire d’État aux Colonies, qui enjoignait aux deux compagnies de mettre fin à leurs actes de violence. Il alla ensuite à Rock Depot (Manitoba), sur la rivière Hayes, et y apprit du gouverneur Williams que Robertson avait été capturé de nouveau aux rapides Grand, et qu’il allait devoir s’occuper de la campagne de l’Athabasca à sa place. Robert Seaborn Miles, qui avait travaillé avec Robertson, accompagna Simpson à titre de commis et de responsable du journal de la campagne de l’Athabasca. Comme d’autres employés d’expérience, il fut sans aucun doute un conseiller très utile à Simpson pendant sa première saison consacrée à la traite des fourrures.
Les problèmes que Simpson eut à affronter convenaient fort bien à ses talents d’homme d’affaires, ce qui n’aurait pas été le cas s’il avait été nommé à peine un an plus tôt. Ses adversaires de la North West Company manifestaient des signes de bravade, mais ils n’étaient pas prêts à retomber dans la violence. Particulièrement indigné par les dures tactiques d’ « intimidation » employées par John Clarke, fonctionnaire de la Hudson’s Bay Company, Simpson comprit rapidement que les exigences de la traite des fourrures étaient en train de changer et nota : « il ne faut pas vaincre la North West Company par une guerre des prix, mais par un labeur persévérant, en faisant preuve d’économie dans [nos] arrangements commerciaux et en défendant nos droits, non pas avec le poing, mais avec des armes plus efficaces ». Il consacra son énergie à promouvoir l’épargne et la discipline, qui avaient fait défaut au plus fort de la guerre des fourrures, et son attachement à ces principes lui valut l’admiration de ses employeurs. Il se révéla d’une habileté remarquable, tant pour cerner les problèmes de la traite que pour maîtriser l’art de diriger les hommes. C’est sans doute qu’il savait s’appuyer sur les fonctionnaires d’expérience et leur emprunter des idées.
La fusion de la Hudson’s Bay Company et de la North West Company, conclue en mars 1821 [V. Simon McGillivray*], créa sous la charte de la Hudson’s Bay Company un gros monopole qui allait dominer pendant plus de 40 ans la traite des fourrures en Amérique du Nord britannique. L’entente conclue divisait le territoire de traite en deux, le département du Nord et le département du Sud, et confiait la direction de chacun à un gouverneur. La plupart des territoires riches en fourrures étaient situés dans le département du Nord, qui commençait à l’ouest du lac à la Pluie (Ontario) et du fort Albany (Fort Albany) et s’étendait jusqu’au littoral du Pacifique. Le comité de Londres nomma Williams gouverneur principal, présumément pour le département du Nord, et Simpson gouverneur en second. Toutefois, lorsque Nicholas Garry, membre du comité de Londres, prit les arrangements nécessaires en vue de l’application de l’entente, Williams choisit le département du Sud, laissant à Simpson le poste le plus intéressant. Cette décision fut avantageuse pour Simpson : elle lui permit d’exercer beaucoup mieux ses talents que si on lui avait assigné les régions surexploitées du département du Sud.
Pendant les premières années de son mandat de gouverneur, Simpson eut à composer avec des fonctionnaires querelleurs dont plusieurs avaient été des rivaux acharnés avant 1821. Il parvint avec beaucoup d’adresse à réconcilier ces fortes personnalités pour aborder l’époque du renouveau. Les fonctionnaires s’aperçurent bientôt que, sous des dehors aimables, il n’était pas homme à supporter le moindre signe d’insubordination. Ceux qui ne le comprirent pas constatèrent que les occasions d’avancement leur échappaient. En général, cependant, les promotions étaient accordées au mérite, et Simpson se préoccupait beaucoup d’analyser les aptitudes des trafiquants de fourrures. Ses jugements, consignés dans son célèbre « Character book » de 1832 (carnet dans lequel il prenait des notes sur ses employés), étaient quelquefois subjectifs, mais ils étaient généralement perspicaces et bien étayés. Les qualités de chef de Simpson n’expliquent cependant pas à elles seules la loyauté des fonctionnaires détenant des postes de commande : la compagnie était prospère, et ils recevaient une part des profits. En fait, les mesures d’économie introduites par Simpson désavantagèrent surtout les hommes qui se trouvaient au bas de l’échelle.
En tant que gouverneur du département du Nord, Simpson plaça la traite de la côte du Pacifique au nombre de ses principales préoccupations. En août 1821, il ordonna à John Lee Lewes et à John Dugald Cameron d’inspecter les anciens postes de la North West Company qui se trouvaient à l’ouest des Rocheuses. Ils signalèrent que nombre de ces postes pourraient devenir rentables si on éliminait du personnel excédentaire. La région du fleuve Columbia était jugée moins prometteuse sur le plan économique, mais on lui attribuait une importance stratégique considérable : elle constituait en effet une zone tampon qui empêchait les concurrents américains d’atteindre les régions du Nord, plus riches en fourrures. En 1824, le comité de Londres décida de concurrencer plus vivement les Américains dans le district de la Colombie, à condition que cela n’occasionne pas trop de pertes financières ; il donna donc l’ordre à Simpson de visiter la région et d’y instituer des mesures d’économie et d’efficacité. Pour s’acquitter de cette mission, ce dernier dut retarder le voyage qu’il avait projeté de faire en Angleterre dans le but, entre autres, de se chercher une femme.
Le 15 août 1824, en compagnie de James McMillan, de huit hommes d’équipage et d’un guide indien, Simpson quitta York Factory (Manitoba) dans un canot du Nord. C’était le premier et à bien des égards le plus remarquable de ses voyages transcontinentaux. Le journal qu’il tint reflète des traits distinctifs qui le caractérisèrent toute sa vie : un sens de l’observation exceptionnel, un besoin irrépressible de manifester du courage et de l’endurance physique devant l’adversité, et une passion pour les records de vitesse. Six semaines après son départ d’York Factory, Simpson dépassa l’équipe de l’agent principal John McLoughlin, partie 20 jours avant lui. McLoughlin, vétéran de la traite des fourrures et ancien Nor’Wester, se rendait en Colombie pour prendre la direction du district. Simpson arriva au fort George (Astoria, Oregon) le 8 novembre, au terme d’un voyage de 84 jours, 20 de moins que le record précédent pour le trajet de la baie d’Hudson au Pacifique. Pendant les quatre mois suivants, il élabora avec McLoughlin les plans qui allaient permettre à la compagnie de lancer une offensive tant contre les Russes, qui faisaient de la traite le long de la côte vers le nord, que contre les Américains, puis de dominer finalement la traite des fourrures du fleuve Columbia à l’Alaska. Dans le cadre de cette stratégie, Peter Skene Ogden irait faire du commerce au sud, dans la région de la rivière Snake, et McMillan serait envoyé au nord en 1827 pour établir le fort Langley (près de ce qui est aujourd’hui Fort Langley, Colombie-Britannique).
En mars 1825, Simpson quitta le fort Vancouver (Vancouver, Washington) pour prendre le chemin du retour. Voyageant encore une fois à une vitesse record, il gagna la colonie de la Rivière-Rouge en deux mois et demi. Il se rendit ensuite à York Factory où il s’embarqua pour l’Angleterre à l’automne, afin d’y rencontrer le comité de Londres. En tant que gouverneur du département du Nord, il avait été à même de démontrer à ses employeurs qu’il était un chef hors pair, contrairement à Williams, moins dynamique, et il avait profité au maximum de l’occasion qui lui était donnée. Non seulement avait-il appliqué avec zèle des principes d’économie et d’efficacité, mais il avait poussé l’expansion du commerce sur la côte du Pacifique. Le résultat était prévisible : en février 1826, avant le retour de Simpson en Amérique du Nord, le comité de Londres rappela Williams et nomma Simpson gouverneur des deux départements, même si l’unification des deux territoires ne se fit officiellement qu’en 1839.
Bien qu’il ait déjà exprimé le désir de se marier, Simpson revint célibataire en Amérique du Nord. Devenu gouverneur de deux départements, il avait des responsabilités accrues et, pour mieux diriger ce territoire beaucoup plus grand, il transféra son administration à Lachine, juste à l’extérieur de Montréal. Le village de Lachine servait déjà de base aux canots de la compagnie qui partaient pour l’Ouest. En outre, il était situé près de Montréal qui était un important centre financier et commercial et un meilleur point de départ pour l’Angleterre que York Factory qui, jusque-là, avait servi de base pour les activités de Simpson.
Malgré le transfert de son administration près de Montréal, Simpson continua de nourrir autant de passion pour les voyages difficiles et de se déplacer à un rythme effréné. En 1826, il se rendit à York Factory pour rencontrer le conseil du département du Nord et, après avoir passé les mois d’hiver à Montréal, il entreprit au printemps de 1827 un voyage qui le mena à Michipicoten (Michipicoten River, Ontario), où il convoqua le conseil du département du Sud, puis de nouveau à York Factory. Il reprit ensuite la direction de Montréal, tout en faisant la tournée du territoire du département du Sud : il remonta la rivière English (Ontario), passa par les rivières et les lacs du district du lac Nipigon, atteignit la rivière Albany, descendit dans la baie James, rejoignit Moose Factory, quartier général du département, puis remonta la rivière Abitibi et descendit la rivière des Outaouais jusqu’au Saint-Laurent. Pendant sa visite à Moose Factory, il avait préparé à l’intention du comité de Londres un rapport détaillé sur les affaires du département du Sud.
En 1828, Simpson retourna sur la côte du Pacifique, cette fois pour inspecter le territoire de New Caledonia, situé à l’ouest des Rocheuses et au nord du district de la Colombie. On disait de cette région qu’elle promettait d’être la plus rentable pour la traite des fourrures à l’ouest des montagnes. Il descendit aussi le fleuve Fraser afin de voir s’il n’offrait pas un autre trajet pour se rendre au littoral. La rentabilité du territoire de New Caledonia ne faisait aucun doute, mais les espoirs que Simpson avait d’augmenter encore les profits de la compagnie en passant par le Fraser s’engloutirent presque littéralement dans les rapides et les tourbillons du fleuve. Simpson demeura sur la côte du Pacifique jusqu’au printemps de 1829. Au cours de son voyage de retour, il passa par Norway House (Manitoba) et par Moose Factory pour rencontrer ses conseillers, et il arriva à Lachine vers la fin d’août 1829. Au mois de juin précédent, de la colonie de la Rivière-Rouge, il avait écrit à Colvile qu’il souhaitait aller en Angleterre pour consulter un médecin. Il n’était pas malade, mais ses voyages constants semblaient avoir réduit ses forces. Il avouait que ces « efforts qui n’ [avaient été] par le passé que des exercices l’épuis[aient] alors, [et qu’]en fait, [sa] traversée des Rocheuses en raquettes et [son] voyage à partir de la Saskatchewan [l’avaient] grandement affaibli ». Ce voyage avait cependant un autre motif, peut-être plus pressant : le désir de contracter un mariage convenable. Parti de New York le 24 septembre, il arriva à Londres le 21 octobre. Pendant l’hiver, il trouva la compagne qu’il cherchait : la fille de son oncle Geddes, Frances Ramsay Simpson. Elle avait 18 ans alors que lui était dans la quarantaine.
Avant d’épouser sa cousine, Simpson, tout comme beaucoup d’autres hommes engagés dans la traite des fourrures, avait noué avec des femmes de sang-mêlé des relations qui étaient reconnues plus ou moins formellement sous le nom de mariage à la façon du pays. La décision de mener une vie commune n’imposait aucune obligation légale à l’homme, même si nombre de ces unions duraient toute la vie, et, en quittant sa partenaire, il prenait d’ordinaire certaines dispositions pour assurer sa subsistance et celle de ses enfants. Simpson assigna de nouveaux partenaires aux femmes qu’il rejeta, mais il les traita avec à peine plus d’égards que des objets sexuels, et la manière dont il les abandonna montre qu’il avait peu de sentiments humanitaires. Même avant qu’il ne se marie, il s’était opposé vigoureusement aux mariages entre trafiquants de fourrures et femmes indiennes ou de sang-mêlé et, par la suite, il n’eut apparemment plus de contacts sexuels avec des sang-mêlé. Les femmes de couleur n’étaient pas les bienvenues dans la maison des Simpson, et Frances Ramsay Simpson appuya sans réserve la décision de son mari de les exclure.
Simpson avait eu plusieurs enfants illégitimes : une fille, de nom inconnu, née quelque part en Grande-Bretagne ; Maria, née en Écosse de mère inconnue ; une autre fille nommée Maria et trois fils, George Stewart, John McKenzie et James Keith, avec des femmes sang-mêlé. Il pourvut à la subsistance de tous ces enfants, mais il les tint à l’écart de sa vie avec sa femme.
De 1830 à 1833, les Simpson vécurent dans la colonie de la Rivière-Rouge. Pour Mme Simpson, la transition entre la vie à Londres et celle de Ruperts’s Land fut éprouvante. Elle n’avait pas d’amis et, dès son arrivée en 1830, sa santé fut mauvaise. Simpson était un mari attentif, mais leur différence d’âge et ses manières autocratiques les éloignaient l’un de l’autre. Ils se rendirent tous deux en Angleterre en 1833, et il fut décidé que Mme Simpson ne rentrerait pas en Amérique du Nord avec son mari en 1834, mais demeurerait en Angleterre pour refaire ses forces. Elle ne rejoignit pas Simpson avant 1838.
Comme Simpson avait établi en permanence son administration et sa résidence à Lachine à compter de 1834, il s’intégra à la société montréalaise et devint l’une des figures dominantes du milieu anglo-écossais des affaires. Même s’il partageait ordinairement les opinions politiques de ce groupe en vue, il s’abstenait de les exprimer publiquement à cause de son titre de gouverneur de la Hudson’s Bay Company. Il donna dans sa maison de Lachine de somptueux banquets, auxquels prenaient part des chefs politiques et des hommes d’affaires importants, et il se servit de ses relations pour promouvoir les intérêts de la compagnie. Proche des hommes politiques, il put empêcher l’adoption de lois néfastes pour la compagnie et obtenir des faveurs de la part de dirigeants gouvernementaux bien disposés à son égard. Son ami Francis Hincks* prit en tant que membre du cabinet et premier ministre plusieurs décisions profitables à la Hudson’s Bay Company. Par exemple, il confia aux postes de traite de la compagnie la responsabilité de verser les paiements gouvernementaux aux Indiens de la région du lac Huron, ce qui incita ces derniers à demeurer attachés à la compagnie au lieu de se rendre dans des points de distribution centraux où, attirés par certaines influences, ils auraient pu abandonner leur rôle de fournisseurs de fourrures.
Les affaires privées de Simpson prirent un essor considérable pendant ses années à Montréal, et, en s’associant avec des hommes d’affaires britanniques et montréalais, il s’engagea dans plusieurs entreprises différentes. En 1839, il entra au conseil d’administration de la North American Colonial Association of Ireland, compagnie par actions fondée pour acheter d’Edward Ellice la seigneurie de Villechauve, généralement connue sous le nom de Beauharnois, et pour l’aménager en vue de la colonisation. Pendant les années 1840 et la décennie qui suivit, il fut membre du conseil d’administration de la Banque de l’Amérique septentrionale britannique, dont il démissionna seulement quelques mois avant sa mort, en 1860, pour entrer dans celui de la Banque de Montréal. Il eut aussi des intérêts dans des compagnies minières : son nom figurait en 1848–1849 sur la liste des membres du conseil d’administration de la Compagnie de Montréal pour l’exploitation des mines. Le transport par chemin de fer et par bateau à vapeur se développait rapidement à l’époque, et Simpson concentra une grande partie de ses investissements dans ces deux secteurs. Avec des capitalistes montréalais aussi importants que James Ferrier* et William Molson*, il fut actionnaire fondateur et membre du conseil d’administration de la Compagnie du chemin à rails de Montréal et de Lachine, qui reçut sa charte en 1846. Son influence sur les fonctionnaires de la Hudson’s Bay Company était si grande qu’il convainquit plusieurs d’entre eux, dont John Ballenden, John Rowand et John Siveright, d’y acheter des actions. En 1850, cette compagnie fusionna avec la Compagnie du chemin à rails du lac Saint-Louis et de la ligne de la province pour former la Compagnie du chemin de fer de Montréal et New York ; là encore, Simpson fut membre du conseil d’administration. Il s’intéressa également à la Compagnie de chemin de fer de Champlain et du Saint-Laurent et siégea à son conseil d’administration. Cette compagnie fusionna avec la Compagnie du chemin de fer de Montréal et New York en 1857 pour former la Compagnie du chemin de fer de Montréal et Champlain ; Simpson allait faire partie du conseil d’administration de cette société jusqu’à sa mort. Toutes ces compagnies devaient finir par faire partie du Grand Tronc. En outre, il semble que Simpson investit dans la compagnie américaine Atlantic and St Lawrence Railroad et dans la Compagnie du chemin de fer de la rive nord, dont il fut élu président en 1857. Simpson fut l’un des associés de Hugh Allan* en 1852, au moment de la formation du groupe qui, en décembre 1854, fut constitué juridiquement sous le nom de Compagnie des bateaux à vapeur océaniques de Montréal, et il détenait 4 des 64 actions originales. Outre ses investissements dans cette compagnie, on rapporte qu’il eut des intérêts dans au moins trois bateaux à vapeur.
Au cours des années 1840, Simpson engagea Stewart Derbishire*, imprimeur de la reine, afin qu’il exerce des pressions sur le gouvernement tant en faveur des affaires officielles de la Hudson’s Bay Company que de ses affaires privées. Derbishire s’assura l’appui de parlementaires canadiens en distribuant de petits cadeaux comme des boîtes de cigares et des langues de bison. Il s’arrangea aussi pour offrir des présents plus substantiels, telles les « 10 000 raisons en or » remises au premier ministre Hincks et au procureur général du Haut-Canada, John Ross*, en mars 1854, pour l’influence qu’ils avaient exercée dans l’attribution de contrats gouvernementaux à la compagnie de bateaux à vapeur.
Installé à la Hudson’s Bay Company House et bien intégré à la société montréalaise, Simpson était devenu au milieu des années 1830 un homme important, tant dans les cercles britanniques que dans les milieux canadiens. Ses supérieurs de Londres l’écoutaient avec respect exprimer son avis, et c’était lui qui, en fait, rédigeait fréquemment les instructions qu’ils lui envoyaient. Il n’était pas l’« Empereur des Prairies », comme l’appelaient autant ses admirateurs que ses détracteurs, car l’autorité ultime du comité de Londres ne fut jamais remise en question. Mais Simpson avait le pouvoir absolu d’un vice-roi. Grâce à la fois à une saine gestion et à une forte demande, les profits étaient intéressants : ainsi, entre 1835 et 1840, le rendement annuel du capital investi fut de l’ordre de 10 à 25 p. cent. Dans des conditions aussi favorables, les membres du comité de Londres avaient peu de raisons de douter des capacités d’un gouverneur dont l’immense souci d’efficacité et d’économie avait contribué à cette prospérité. En reconnaissance de son aide aux explorations de Thomas Simpson et de Peter Warren Dease* dans l’Arctique, Simpson fut créé chevalier en 1841. Cet honneur venait aussi souligner son importance dans le monde des affaires et sa contribution comme conseiller du gouvernement britannique en matière d’affaires étrangères.
Gouverneur d’un territoire qui s’étendait sur la plus grande partie de l’Amérique du Nord britannique, Simpson se devait d’être plus qu’un homme d’affaires efficace. Il lui fallait être homme politique et aussi diplomate, puisque les États-Unis et la Russie disputaient à la Hudson’s Bay Company une partie de son domaine. Sur la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord, le territoire de traite faisait l’objet d’un conflit avec la Compagnie russo-américaine depuis la réorganisation de la Hudson’s Bay Company, c’est-à-dire depuis la fusion de 1821. Simpson et John Henry Pelly, gouverneur de la Hudson’s Bay Company, se rendirent donc à Saint-Pétersbourg, en Russie, en août 1838 pour négocier une entente avec le baron von Wrangel, l’administrateur le plus influent de la Compagnie russo-américaine. Ces pourparlers devaient aboutir en 1839 à un contrat, signé entre les deux compagnies par Simpson et von Wrangel, dans lequel les Russes louaient l’enclave de l’Alaska à la Hudson’s Bay Company. En contrepartie, la compagnie britannique entreprit de fournir à bon compte des produits alimentaires aux Russes établis à Sitka. Cette entente, qui plaçait de fait un territoire russe sous l’hégémonie de la Hudson’s Bay Company, était si forte que ses modalités furent respectées pendant la guerre de Crimée, en 1854–1855, et que, sur l’avis de Simpson, les gouvernements britannique et russe convinrent d’exclure la côte nord-ouest du théâtre des combats.
En 1825, Simpson avait été appelé à conseiller le ministère des Affaires étrangères sur le différend avec les États-Unis au sujet de la région de l’Oregon. À l’époque, il avait signalé au gouvernement britannique que, si elle n’avait pas la suprématie sur le fleuve Columbia, la Hudson’s Bay Company devrait probablement abandonner le commerce sur la côte ouest. Ce point de vue fut adopté par la Grande-Bretagne et demeura un des éléments clés de sa politique étrangère, même après que Simpson lui-même J’eut abandonné. Pendant 13 ans, la dispute entre les Britanniques et les Américains resta sans solution, et le territoire continua d’être occupé par les deux camps. Au cours de ces années, la Hudson’s Bay Company ne fit pas que maintenir sa position contre ses concurrents américains ; elle la renforça. En 1833, le commerce maritime des Américains avait à peu près été éliminé, et la politique qui consistait à trapper intensivement dans la région de la rivière Snake décourageait les trafiquants américains de l’intérieur. Toutefois, la compagnie fut incapable de relever le défi lancé par la colonisation agricole américaine du territoire, surtout quand celle-ci fut soutenue par le gouvernement des États-Unis. En 1838, Simpson apprit que le Congrès discutait d’un projet de loi visant à établir l’autorité des États-Unis sur la région en litige, et il prit sans délai des mesures vigoureuses. Il ordonna aux fonctionnaires de la compagnie d’occuper tous les points du fleuve Columbia qui pourraient servir d’établissements militaires aux Américains et de résister si ceux-ci tentaient de les en chasser. Son intention était de créer un « incident » qui forcerait le gouvernement britannique à appuyer la compagnie. Toutefois, les troupes américaines ne se présentèrent pas et, dans les années 1840, les colons américains se mirent à arriver en si grand nombre que Simpson et le comité de Londres reconnurent que l’hégémonie de la compagnie dans la vallée du Columbia tirait à sa fin.
Comme les événements de l’Oregon allaient atteindre un stade critique, Simpson décida de parachever les plans d’une grande aventure qu’il envisageait d’entreprendre depuis des années. Il irait faire le tour du monde et, en chemin, étudierait lui-même la situation dans l’Oregon. Il reverrait aussi avec la Compagnie russo-américaine l’application de l’entente qu’il avait négociée en 1838. Ce voyage lui permettrait aussi de visiter des endroits exotiques et de satisfaire son penchant pour les records de vitesse. Le 3 mars 1841, Simpson quitta Londres pour l’Amérique du Nord en se faisant accompagner d’un jeune secrétaire, Edward Martin Hopkins, car il avait des problèmes de vision. Il traversa le continent en passant par Halifax, Boston, Montréal, puis en remontant la rivière des Outaouais en canot. À son arrivée au fort Colvile (près de Colville, Washington), il nota qu’il avait « franchi environ 1 900 milles en 47 jours en voyageant pendant 41 jours et en étant retenu pendant 6 jours ». Pour accomplir cet exploit, lui et son équipe avaient chevauché 11 heures par jour. Simpson arriva au fort Vancouver à la fin d’août et, le 1er septembre, il s’embarqua sur le Beaver, bateau à vapeur de la Hudson’s Bay Company, pour faire la tournée des postes de la côte nord-ouest en compagnie de l’agent principal James Douglas*. Après avoir rencontré l’agent principal John Work* au fort Simpson (Port Simpson, Colombie-Britannique) et d’autres fonctionnaires de la compagnie, Simpson décida de réorganiser complètement la traite sur la côte du Pacifique. Comme la compagnie avait réussi à évincer les Américains du commerce côtier en leur faisant une concurrence directe et en monopolisant la fourniture d’approvisionnements aux Russes, Simpson conclut que la chaîne de postes permanents qui avait permis d’obtenir ce résultat mais qui s’était révélée coûteuse n’était plus nécessaire. À son retour au fort Vancouver, il informa donc McLoughlin de son intention de fermer tous les postes, sauf celui du fort Simpson, et de faire la traite à partir du Beaver. Cette décision déclencha entre eux un conflit amer, car McLoughlin avait été à bien des égards l’artisan du commerce qui s’était fait par l’intermédiaire de ces postes, et les deux hommes ne devaient jamais se réconcilier. À la fin de 1841, Simpson fit une courte visite en Californie, puis se rendit aux îles Sandwich (Hawaï) où, en février 1842, il tint avec McLoughlin une dernière série de discussions sur le district de la Colombie. Malgré les protestations de McLoughlin, Simpson lui donna des instructions pour qu’il ferme les forts Taku (Alaska) et McLoughlin (près de Bella Bella, Colombie-Britannique), et pour qu’il commence à construire dans l’île de Vancouver le nouveau quartier général du district, qui remplacerait le fort Vancouver.
En 1833, la Hudson’s Bay Company avait établi aux îles Sandwich un comptoir où elle échangeait du bois, du poisson et de la farine contre des produits hawaïens. Le cousin de Simpson, Alexander Simpson*, était venu dans les îles comme assistant de George Pelly, qui dirigeait les affaires de la compagnie à Honolulu. Après avoir quitté la compagnie, il était demeuré à Honolulu où, avec le consul général de Grande-Bretagne, Richard Charlton, il usait de son influence pour tenter de convaincre le gouvernement britannique de revendiquer les îles comme une dépendance. Simpson ne partageait pas cette position et croyait que les intérêts de la compagnie ne pouvaient pas être mieux servis que par un gouvernement hawaïen indépendant. Aussi, rencontra-t-il le roi Kamehameha III et ses conseillers pendant son séjour. Voyant que les Français, les Américains et les Britanniques manœuvraient de façon telle qu’on pouvait croire de leur part à des visées impérialistes sur les îles, Simpson tira au nom de la Hudson’s Bay Company une lettre de crédit de £10 000 (cours d’Angleterre) pour couvrir les frais d’une mission diplomatique hawaïenne qui irait chercher des garanties internationales de l’indépendance des îles. Plus tard, après son retour à Londres en 1842, il joua un rôle de premier plan dans l’organisation de pourparlers entre les représentants hawaïens et le ministère britannique des Affaires étrangères, à la suite de quoi les Britanniques s’engagèrent à reconnaître l’indépendance des îles. En 1843, il accompagna la délégation hawaïenne à Bruxelles et à Paris, et contribua à l’obtention d’engagements semblables de la part de la Belgique et de la France.
Simpson quitta les îles Sandwich en mars 1842 et fit voile pour Sitka, prévoyant poursuivre son voyage autour du monde en passant par la Russie et l’Europe. Mais avant, il décida de faire une dernière tournée des postes de la Hudson’s Bay Company situés dans la partie nord de la côte. Le 25 avril, à son arrivée au fort Stikine (Alaska), il découvrit que le fils de John McLoughlin, John, qui était responsable du poste, avait été assassiné. Il conclut que le jeune McLoughlin avait été tué au cours d’une bataille d’ivrognes. Il avait tort, et McLoughlin ne lui pardonna jamais d’avoir terni la réputation de son fils. Franchissant la dernière étape de son voyage, Simpson traversa la Sibérie et l’Europe pour arriver à Londres le 21 octobre. Tout son périple n’avait duré que 19 mois et 19 jours. Il n’avait pas battu de record – cela aurait été impossible vu le temps considérable que lui demandaient ses responsabilités commerciales –, mais son rythme avait néanmoins été impressionnant.
La fièvre des voyages ne diminua pas par la suite chez Simpson. Presque jusqu’à la fin de sa vie, il continua de se rendre en canot dans divers postes de la compagnie. En fait, au cours de ses 40 ans de service, il fit au moins un grand voyage par année, sauf pendant les trois ans qu’il passa à Londres. Il expliquait cette activité épuisante par le besoin de se tenir au courant, mais il y avait indéniablement quelque chose en lui qui le poussait à mettre sans cesse sa constitution à l’épreuve. De plus, les voyages exerçaient sur lui un effet remarquable. Il souffrait périodiquement de troubles visuels, mais sa vue semblait s’améliorer dès qu’il mettait le pied dans un canot. La dépression qui l’assaillit plusieurs fois durant sa vie disparaissait dès qu’il entreprenait un grand voyage. Il nota un jour : « il est étrange que tous mes maux s’évanouissent dès que je m’asseois dans un canot ». En 1850, cependant, il écrivit : « les voyages à l’intérieur des terres et les devoirs que j’y remplis depuis plus de trente ans me pèsent de plus en plus et, selon toute probabilité, je ne franchirai pas de nouveau l’arête des montagnes [les Rocheuses], à moins que les circonstances [...] ne rendent ma présence souhaitable ». Même s’il retourna à plusieurs reprises à l’intérieur des terres, il ralentit quelque peu son rythme de vie dans les années 1850, sans doute à cause de son âge. En outre, il participait de plus en plus à la vie de la communauté des hommes d’affaires de Montréal et était de moins en moins intéressé à visiter la colonie de la Rivière-Rouge. Pendant les quelques années où lui et sa femme avaient habité là, leur premier enfant était mort en bas âge, en 1832, et Mme Simpson avait contracté la maladie dont elle n’allait jamais se remettre tout à fait. En outre, il y avait dans cette colonie un mouvement de trafiquants indépendants qui menaçaient le monopole de la compagnie sur les fourrures en empiétant sur certaines de ses réserves les plus riches. En vertu de sa charte, la Hudson’s Bay Company détenait le droit exclusif de faire le commerce des fourrures à Rupert’s Land. Mais quand le trafiquant indépendant Pierre-Guillaume Sayer* fut libéré impunément, le 17 mai 1849, après avoir été reconnu coupable, parce que les Métis de la Rivière-Rouge avaient exercé des pressions, ce monopole arriva à son terme [V. Adam Thom*]. À compter de ce moment, Simpson fut heureux d’abandonner à d’autres les affaires de cette colonie. Juste avant le procès, voyant que Simpson ne voulait pas avoir à intervenir directement dans les affaires de la Rivière-Rouge et souhaitait limiter ses déplacements, le comité de Londres avait nommé Eden Colvile*, fils d’Andrew, au poste de gouverneur de Rupert’s Land et d’assistant de Simpson pour les affaires de la Hudson’s Bay Company dans l’Ouest.
En 1858, Simpson se rendit avec Edward Ellice à St Paul, au Minnesota, pour étudier la possibilité d’expédier les marchandises de traite de la compagnie vers l’ouest par chemin de fer plutôt que par la route traditionnelle, qui passait par la baie d’Hudson. En s’appuyant sur leurs recommandations, le comité de Londres décida d’envoyer un chargement de Montréal à St Paul par les chemins de fer canadiens et américains, puis de le faire parvenir par bateau à vapeur dans la colonie de la Rivière-Rouge. L’expérience réussit et, après la mort de Simpson, la compagnie utilisa principalement ce trajet.
L’expansion des communications par rail inaugura une ère nouvelle dans le développement de l’Amérique du Nord britannique et eut des répercussions profondes sur la Hudson’s Bay Company. À la fin des années 1850, il devint évident pour Simpson et d’autres que la mainmise incontestée de la compagnie sur Rupert’s Land tirait à sa fin. Certains Canadiens, dont George Brown*, rédacteur en chef du Globe de Toronto, avancèrent que Rupert’s Land devait faire partie du Canada. En 1857, la chambre des Communes de Grande-Bretagne confia l’étude de tous les aspects des activités de la Hudson’s Bay Company à une commission spéciale devant laquelle Simpson fut appelé à témoigner. Il ne parvint pas à convaincre la commission que le territoire de la compagnie était impropre à la colonisation, et elle recommanda que certaines parties de Rupert’s Land, dont les districts de la Rivière-Rouge et de la Saskatchewan, soient annexées à la province du Canada et ouvertes à la colonisation. Toutefois, le Canada n’avait pas les moyens d’acheter ces territoires ni d’établir avec eux des communications ferroviaires, de sorte qu’ils continuèrent d’appartenir à la compagnie jusqu’après la mort de Simpson.
Pendant les dernières années de sa vie, Simpson conserva sa vigueur intellectuelle, mais sa condition physique se détériora. En mars 1859, il prévint le gouverneur, à Londres, qu’il prendrait sa retraite bientôt : au terme de presque 40 ans de service, il sentait qu’il était temps de laisser la place à une personne plus jeune et plus énergique. En février 1860, il eut une grave crise d’apoplexie, mais, quelques semaines plus tard, il planifiait un autre voyage vers l’intérieur, en train et en bateau à vapeur cette fois. Il quitta Lachine le 14 mai ; toutefois, en arrivant à St Paul, il se rendit compte qu’il ne pourrait pas terminer son voyage et rentra à Montréal.
Simpson acheva sa vie sur une note qui convenait bien à sa personnalité. À l’occasion de la visite du prince de Galles au Canada à l’été de 1860, il reçut le groupe royal le 29 août dans sa propriété de l’île Dorval, près de Lachine. Il avait organisé un spectacle mettant en scène des Iroquois parés de peinture et de plumes et vêtus de costumes écarlates. Neuf jours plus tard, il était mort. Il avait paru en bonne santé lors des célébrations, mais, le 1er septembre, il eut une autre crise d’apoplexie et, au matin du 7 septembre, il glissa dans le coma et mourut. Son successeur fut Alexander Grant Dallas*, qu’il avait lui-même recommandé quelques mois plus tôt.
Simpson fut inhumé dans le cimetière du Mont-Royal, à Montréal, aux côtés de sa femme, morte en 1853. C’était un homme riche : il laissait des biens qui dépassaient de beaucoup les £100 000 (cours d’Angleterre) et qui comprenaient des actions, des obligations et des biens fonciers. Parmi les propriétés qu’il avait acquises figurait une partie du domaine de sir Alexander Mackenzie* à Montréal, ainsi qu’un magnifique terrain de 15 acres sur le mont Royal, où il avait envisagé à un moment de se faire construire une maison. Il légua la plus grande partie de ses biens à son fils John Henry Pelly Simpson, et chacune de ses trois filles légitimes reçut £15 000, à condition de ne pas se marier sans le consentement des exécuteurs testamentaires, auquel cas elles perdraient leur héritage. Il stipula aussi que si son fils n’avait pas d’héritier mâle ses biens passeraient aux héritiers mâles de ses filles, à condition qu’ils acceptent de prendre le nom de Simpson. Il inscrivit le nom d’un seul de ses enfants illégitimes sur son testament : celui de sa fille née en Écosse, Maria Mactavish, veuve de Donald, à qui il laissait une pension annuelle de £100.
Sir George Simpson fut l’un des principaux artisans du monopole que la Hudson’s Bay Company vint à exercer sur la traite des fourrures en Amérique du Nord au xixe siècle. Au moment de sa mort, la fortune souriait encore à la compagnie, mais son avenir était de plus en plus menacé par les trafiquants indépendants de la colonie de la Rivière-Rouge, par les demandes d’annexion de Rupert’s Land au Canada et par la volonté d’ouvrir le territoire à la colonisation agricole en étendant le réseau ferroviaire à toute l’Amérique du Nord britannique. Simpson avait prévu les effets de ces événements sur la traite des fourrures, mais il mourut avant qu’ils ne se matérialisent. Personnage controversé, il fut parfois impitoyable et sans scrupules. Loyal envers sa femme qu’il traita comme un bien cher, il eut une attitude insensible à l’égard des femmes indiennes et sang-mêlé. Toutefois, un aspect de sa personnalité fait l’unanimité : il servit la Hudson’s Bay Company avec un grand talent et un dévouement immense, et il demeure l’un des plus grands hommes d’affaires de son temps.
Les PAM, HBCA, ont conservé la plupart des papiers d’affaires de sir George Simpson, notamment sa correspondance avec le conseil de la compagnie (D.4 et D.5). Deux collections de cette correspondance ont été publiées dans HBRS, 10 (Rich) et 29 (Williams). Dans HBRS, 1 (Rich), Simpson fait un compte rendu de sa première saison dans l’Ouest. Par ailleurs, HBRS, 30 (Williams), reproduit le « Character book » de Simpson. Ces notes sur les chief factors et les chief traders de la compagnie témoignent à la fois de l’étendue de la connaissance du commerce que Simpson avait acquise et de sa minutie dans l’administration des affaires de la HBC. Bien que Simpson ait révisé quelques-uns de ses jugements au cours des années subséquentes [V. Peter Skene Ogden], le « Character book » reste une source biographique importante dans l’étude de la HBC. Frederick Merk a préparé et publié une édition du journal que Simpson a rédigé pendant son premier voyage sur la côte ouest, sous le titre de Fur trade and empire (1931 ; 1968). Le journal que Simpson a rédigé pendant son voyage autour du monde en 1841 et 1842 est le seul ouvrage publié de son vivant. Composé avec l’aide de son secrétaire, Edward Martin Hopkins, et d’Alexander Rowand et édité par Adam Thom* et le secrétaire de la HBC, Archibald Barclay, Narrative of a journey round the world, during the years 1841 and 1842 (2 vol., Londres, 1847) a été réédité aux États-Unis sous le titre de An overland journey round the world, during the years 1841 and 1842 (Philadelphie, 1847). John Taylor Hughes a aussi préparé une version abrégée intitulée California : its history, population, climate, soil, productions, and harbors [...] (Cincinnati, Ohio, 1848 ; 1849) contenant les observations de Simpson sur la Californie. Le récit au complet a connu une autre édition, sous le titre de Narrative of a voyage to California ports in 1841–42, together with voyages to Sitka, the Sandwich islands & Okhotsk [...], Thomas C. Russell, édit. (San Francisco, 1930). D’autres papiers ont été publiés par Joseph Shafer, Letters of Sir George Simpson, 1841–1843 ([New York, 1908]), et Grace Lee Nute, « Simpson as banker », Beaver, outfit 286 (printemps 1956) : 51–52. [j. s. g.]
Canada, prov. du, Statuts, 1846, chap. 82 ; 1854–1855, chap. 44.— Colonization of the county of Beauharnois [...] (Londres, 1840).— HBRS, 19 (Rich et Johnson).— Montreal Gazette, 8 sept. 1860.— Montreal directory, 1847–1860.— J. S. Galbraith, The Hudson’s Bay Company as an imperial factor, 1821–1869 ([Toronto], 1957) ; The little emperor ; Governor Simpson of the Hudson’s Bay Company (Toronto, 1976).— A. S. Morton, Sir George Simpson, overseas governor of the Hudson’s Bay Company ; a pen picture of a man of action (Toronto, 1944).— Tulchinsky, River barons ; « Studies in the development of transportation and industry in Montreal, 1837 to 1853 » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1971).— Van Kirk, « Many tender ties ».— A. M. Johnson, « Simpson in Russia », Beaver, outfit 291 (automne 1960) : 4–12.— G. L. Nute, « Jehu of the waterways », Beaver, outfit 291 (été 1960) : 15–19.— Sylvia Van Kirk, « Women and the fur trade », Beaver, outfit 303 (hiver 1972) : 4–21.— C. P. Wilson, « The emperor at Lachine », Beaver, outfit 265 (sept. 1934) : 18–22 ; « The emperor’s last days » (déc. 1934) : 49–51 ; « Sir George Simpson at Lachine » (juin 1934) : 36–39.
John S. Galbraith, « SIMPSON, sir GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 24 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/simpson_george_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/simpson_george_8F.html |
Auteur de l'article: | John S. Galbraith |
Titre de l'article: | SIMPSON, sir GEORGE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 2021 |
Date de consultation: | 24 nov. 2024 |