CAMPBELL, ROBERT, agriculteur, trafiquant de fourrures et explorateur, né le 21 février 1808 à Glen Lyon, Écosse ; le 5 août 1859, il épousa à Norway House (Manitoba) Elleonora C. Stirling, et ils eurent trois enfants ; décédé le 9 mai 1894 à Merchiston Ranch, près de Riding Mountain, Manitoba.
En 1830, Robert Campbell travaillait à la ferme d’élevage de moutons de son père en Écosse lorsqu’il fut embauché par la Hudson’s Bay Company pour aider l’agent principal James McMillan*, avec qui il était parent, à établir une ferme expérimentale dans la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba). Après avoir participé à une vaine tentative d’importer des moutons du Kentucky en 1833, Campbell, dégoûté de la vie de fermier, demanda une affectation de trafiquant de fourrures. L’année suivante, la compagnie le nomma commis du district du fleuve Mackenzie.
La Hudson’s Bay Company prenait à cette époque des mesures concertées pour assurer son expansion à l’ouest du Mackenzie afin de contrer la concurrence de plus en plus serrée des Russes dans les terres intérieures du Nord-Ouest. Deux expéditions menées par John M. McLeod* en 1831 et 1834 avaient permis de repérer la ligne de partage des eaux des rivières aux Liards et Dease. En 1837, la compagnie envoya Campbell ouvrir un poste au lac Dease (Colombie-Britannique), et le promut chef d’avant-poste. L’opposition des Indiens kaskas devait cependant obliger Campbell à passer deux années infructueuses dans la région, à souffrir de la faim. Au terme de cette période, la Compagnie russo-américaine et la Hudson’s Bay Company [V. sir George Simpson*] mirent fin à leur rivalité en signant une entente selon laquelle la compagnie britannique pouvait louer l’enclave de l’Alaska, et Campbell quitta la région du lac Dease.
Comme on croyait à l’époque que le district situé à l’ouest du Mackenzie était riche en fourrures, Campbell reçut la consigne de poursuivre l’exploration entreprise par McLeod en 1831 le long des bras nord du réseau hydrographique de la rivière aux Liards. En 1840, il se rendit donc jusqu’au lac Frances (Yukon), qu’il nomma ainsi en l’honneur de Frances Ramsay Simpson*, épouse du gouverneur de la Hudson’s Bay Company. De là, il poursuivit sa route par voie de terre jusqu’aux berges de la rivière Pelly, qu’il crut d’abord être la Colville (Alaska), découverte trois ans auparavant par Peter Warren Dease*. Campbell fut ainsi le premier Blanc à pénétrer par l’est dans le bassin du fleuve Yukon.
En 1842, à la tête de dix employés de la Hudson’s Bay Company et de quatre chasseurs indiens, Campbell retourna au lac Frances pour y construire un petit poste de traite. L’été suivant, il descendit la Pelly jusqu’au point de jonction d’une autre rivière importante, qu’il appela la Lewes (maintenant le fleuve Yukon). Après plusieurs années d’un retard attribuable aux difficultés d’approvisionnement et à l’hésitation de Campbell à pénétrer en territoire potentiellement hostile, on ouvrit finalement en 1848 un nouveau poste au point de jonction, le fort Selkirk. Particulièrement impatient de trouver une route vers le Pacifique, Campbell souhaitait poursuivre son exploration, mais le gouverneur Simpson craignait que les trafiquants indépendants ne profitent de la découverte pour détruire le monopole de la compagnie à l’intérieur des terres. La Hudson’s Bay Company ordonna donc à Campbell d’étudier plutôt le parcours qui séparait le fort Selkirk de l’autre poste de la compagnie dans la région, le fort Yukon (Fort Yukon, Alaska), que l’on savait maintenant être tous deux situés sur le fleuve Yukon. Campbell fit ce voyage en 1851 et mit ainsi fin à ses explorations dans le nord ; l’année suivante, on le promut chef de poste.
Quoique célèbre pour ses exploits au Yukon, Campbell demeure en quelque sorte une énigme comme explorateur. Il ne manquait certes pas de courage et de ténacité et, de fait, nombre de ses contemporains ont souligné son endurance devant les souffrances personnelles. Par contre, prudent à outrance, il procédait à petits pas timides et reculait devant l’inconnu. Il ne possédait peut-être pas les qualités typiques de l’explorateur, en particulier cette soif de pousser toujours plus loin vers l’imprévu, mais il souhaitait vivement passer à l’histoire comme l’un des découvreurs du Nord-Ouest. Cette attitude l’amena à avoir une courte vue des activités de la Hudson’s Bay Company et à surestimer sa propre importance.
À titre de trafiquant de fourrures dans le district du fleuve Mackenzie, Campbell connut une carrière houleuse, pleine de chamailleries avec ses confrères. James Anderson*, chargé du district en 1852, l’a décrit comme un « homme plein de zèle et d’initiative ». Et il poursuit : « [il est d’]un caractère vraiment digne d’estime, si je ne me trompe – mais qui vire à la folie dès qu’il est question de l’avenir du [fort] Selkirk. Il n’a aucun sens de l’économie, de la méthode ou de l’organisation et il est, bien sûr, en perpétuelles difficultés. » La source de celles-ci, outre son dédain pour les aspects terre-à-terre du commerce, est qu’il confondait son avancement personnel avec la réussite de la traite dans la région de la Pelly et du fort Selkirk. C’est sur sa recommandation optimiste qu’on s’était lancé dans cette entreprise, et il était déterminé à la justifier à tout prix. Même s’il reconnaissait, en privé, que les problèmes locaux rendaient le commerce des fourrures difficile, il préférait blâmer les autres du peu de bénéfices qu’on en tirait, en particulier celui qui fut son supérieur pendant la plus grande partie des années 1830 et 1840, Murdoch McPherson. Les vagues accusations de Campbell, sa répugnance à obéir aux ordres et les demandes qu’il présentait presque chaque année pour obtenir la permission de prendre sa retraite soulevèrent maintes fois la colère de Simpson. Celui-ci ne croyait pas que le sud du Yukon recelait beaucoup de richesses ni que Campbell devait administrer ce territoire à sa guise.
Si la Hudson’s Bay Company ne fit pas de profits au Yukon durant le mandat de Campbell, on ne peut en rejeter entièrement le blâme sur ce dernier. L’approvisionnement par la rivière aux Liards était à la fois peu fiable et coûteux et les contraintes du commerce au fort Selkirk empêchaient pratiquement de soutenir la concurrence contre les trafiquants de la côte du Pacifique. Tant au lac Frances qu’au fort Selkirk, les employés des postes de traite devaient accepter d’être régulièrement privés de tout, y compris de nourriture, et ils eurent même à plusieurs reprises à passer toute une année sans recevoir quoi que ce soit. Manquant de marchandises d’échange et forcé par la Hudson’s Bay Company de fixer des prix non concurrentiels, Campbell devait se contenter de regarder les trafiquants chilkats, chargés de fourrures, traverser sa région pour aller les vendre sur la côte du Pacifique. Il allait rapidement se décourager des possibilités de « son » district ; son journal personnel est plein de remarques qui traduisent son dégoût de la région, son immense solitude et le sentiment croissant de son échec.
En 1852, les Chilkats, depuis longtemps froissés de l’intrusion de la Hudson’s Bay Company dans leur commerce intérieur, saccagèrent le fort Selkirk. Campbell supplia Anderson de rouvrir tout de suite le poste, mais sans succès. Pour arriver à ses fins et, fait tout aussi important, pour se décharger de toute responsabilité dans cette affaire, Campbell quitta le fort Selkirk et se rendit à Montréal rencontrer Simpson. Celui-ci rejeta sa requête et lui suggéra plutôt de prendre un congé et de faire un voyage en Angleterre.
De retour en Amérique du Nord en 1854, Robert Campbell fut de nouveau affecté dans le district du fleuve Mackenzie, cette fois au fort Liard (Fort Liard, Territoires du Nord-Ouest). Puis, l’année suivante, on le chargea du district d’Athabasca, où il resta jusqu’en 1863, année de sa mutation dans le district de la rivière du Cygne. En 1867, on le nomma agent principal. Craignant que les Métis ne s’emparent du poste pendant l’insurrection de la Rivière-Rouge en 1869–1870, il emmena sa famille et emporta les fourrures de la compagnie, par les États-Unis, en évitant les routes habituelles de traite. Ses supérieurs, particulièrement William Mactavish*, gouverneur de l’Assiniboia et de la terre de Rupert, ne virent pas ce geste d’un très bon œil. En permission dans le Perthshire en 1871, Campbell reçut une lettre l’informant que l’on n’avait plus besoin de ses services. Le fait qu’il ait songé à démissionner ne diminua en rien sa colère, mais l’affliction dans laquelle la mort récente de son épouse l’avait plongé l’amena à ne pas demander réparation de ce qu’il considérait comme un mauvais traitement. Au cours des dix années suivantes, il vécut tour à tour en Écosse et au Manitoba pour s’établir finalement dans les années 1880 à Merchiston Ranch, sur une parcelle de terre qu’il avait achetée en 1878 près de Riding Mountain. Il y resta jusqu’à sa mort en 1894.
La plupart des papiers de Robert Campbell furent détruits par le feu en 1882. L’année suivante, il publia The discovery and exploration of the Pelly (Yukon) River ([Toronto]). Deux copies manuscrites de son autobiographie, ainsi que d’autres papiers sont conservés aux AN, sous la cote MG 19, A25. Deux de ses journaux furent publiés sous le titre de Two journals of Robert Campbell, chief factor, Hudson’s Bay Company, 1808 to 1853 [...] (Seattle, Wash., 1958).
AN, MG 19, D13.— PAM, HBCA, B.200/b/15–22 ; D.4/17–119 ; D.5/3–52.— Alan Cooke et Clive Holland, The exploration of northern Canada, 500 to 1920 : a chronology (Toronto, 1978).— K. S. Coates, « Furs along the Yukon : Hudson’s Bay Company – native trade in the Yukon River basin, 1830–1893 » (thèse de
Kenneth Stephen Coates, « CAMPBELL, ROBERT (1808-1894) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/campbell_robert_1808_1894_12F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/campbell_robert_1808_1894_12F.html |
Auteur de l'article: | Kenneth Stephen Coates |
Titre de l'article: | CAMPBELL, ROBERT (1808-1894) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |