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EVANS, JAMES, instituteur, ministre et missionnaire méthodiste, et linguiste, né le 18 janvier 1801 à Kingston upon Hull, Angleterre, fils de James Evans, capitaine de navire, et d’une prénommée Mary ; en 1822, il épousa Mary Blithe Smith, et ils eurent deux filles, dont l’une mourut enfant ; décédé le 23 novembre 1846 à Keelby, Angleterre.
Après des études dans le Lincolnshire, James Evans travailla dans le domaine de l’épicerie, où il s’initia au commerce et à la sténographie. En 1822, il suivit ses parents dans le Bas-Canada et trouva bientôt une place d’instituteur près du village haut-canadien de L’Orignal. Environ trois ans plus tard, sa femme et lui s’installèrent dans le canton d’Augusta, sur le Saint-Laurent, où il se serait converti au cours d’une assemblée méthodiste en plein air. En 1828, le président du district haut-canadien de l’Église méthodiste épiscopale, William Case*, le persuada d’aller enseigner à l’école du lac Rice, réservée aux jeunes Indiens. Doué pour les langues, il n’eut guère de mal à comprendre le sauteux et se mit bientôt à l’écrire et à le traduire. Case l’encourageait régulièrement à donner suite à son projet de publier un « vocabulaire et [un] dictionnaire de mots indiens ».
En août 1830, pendant le séjour d’Evans au lac Rice, l’Église méthodiste épiscopale (plus tard appelée Église méthodiste wesleyenne) le prit à l’essai à titre de ministre. De 1831 à 1833, il œuvra dans les circonscriptions ecclésiastiques de Credit, d’Ancaster et de St Catharines. On l’ordonna en 1833 et l’année suivante on l’affecta à la mission Saint-Clair (près de Port Sarnia). À son arrivée en juillet, il constata qu’un grand nombre de Sauteux s’opposaient au christianisme [V. Bauzhi-geezhig-waeshikum] mais, en mars 1835, il put rapporter 15 conversions. Grâce à son travail à cet endroit et aux encouragements des autres missionnaires méthodistes, il fit de rapides progrès en linguistique autochtone. Avec Joseph Stinson*, Peter Jones* et Case, ainsi que son frère Ephraim*, il devint membre d’un comité chargé par la Conférence canadienne de l’Église méthodiste de concevoir un système de transcription du sauteux. Dès 1836, il proposa un syllabaire à huit consonnes et quatre voyelles, mais la société biblique de Toronto n’accepta pas de le publier cette année-là. En 1837, il passa quatre mois à New York afin de faire imprimer des traductions de cantiques et de textes bibliques ainsi que son ouvrage The speller and interpreter, in Indian and English, for the use of the mission schools [...].
L’année suivante, la Conférence canadienne envoya Evans en tournée sur la rive nord du lac Supérieur avec Thomas Hurlburt*, lui aussi missionnaire et linguiste. Le 18 mai 1839, Evans rencontra George Simpson*, gouverneur de la Hudson’s Bay Company, et le convainquit de toute évidence que les missionnaires méthodistes ne nuiraient pas aux activités de ses trafiquants dans le Nord-Ouest. En contrepartie, Simpson l’assura que le territoire de sa compagnie était ouvert aux méthodistes. À son retour dans le Haut-Canada, pendant l’été, Evans devint ministre à Guelph. En janvier 1840, Simpson, qui souhaitait confiner les missionnaires anglicans et catholiques à la région de la Rivière-Rouge (Manitoba), annonça qu’en vertu d’une entente avec la Wesleyan Methodist Missionary Society de Grande-Bretagne, on enverrait trois missionnaires nommés par celle-ci en des points stratégiques du Nord-Ouest. Probablement par suite de pressions des wesleyens britanniques, on ajouta un poste de surintendant et, le 7 avril, Evans apprit qu’il en était le titulaire. Aux quatre missionnaires s’ajoutèrent la femme d’Evans et sa fille, de même que les assistants autochtones Peter Jacobs [Pahtahsega*] et Henry Bird Steinhauer* ; le groupe comptait ainsi huit personnes. Evans arriva à Norway House (Manitoba) en août. Dès octobre, tous les autres missionnaires étaient à leur poste : George Barnley à Moose Factory (Ontario), William Mason au lac à la Pluie et Robert Terrill Rundle* au fort Edmonton (Edmonton, Alberta).
Parvenu au sommet de sa carrière, Evans trouvait à la fois exigeant et satisfaisant son travail missionnaire à Norway House et dans le village indien voisin, Rossville. Grâce au syllabaire qu’il avait déjà mis au point pour le sauteux, il put, dans les deux mois qui suivirent son arrivée, ébaucher une écriture analogue pour une autre langue algonquine (le cri), commencer à utiliser le nouvel alphabet syllabique dans ses écoles et pendant ses services religieux et lancer un programme de traduction et de publication. Selon les sources écrites, la Rossville Mission Press publia, pendant son mandat de surintendant, sept ouvrages, tous imprimés en écriture syllabique (à l’aide de caractères grossiers qu’Evans avait coulés lui-même, apparemment avec le plomb des parois de caisses à thé). Par ailleurs, comme il était un homme pieux, qu’il se préoccupait du sort des populations autochtones et qu’il se trouvait à un point de transit important de la Hudson’s Bay Company, il en vint à critiquer certaines des directives et pratiques de celle-ci, dont le travail dominical.
La compagnie avait aussi ses griefs : le transport des marchandises que commandaient les missionnaires se faisait à ses frais, Evans interdisait aux Indiens convertis de voyager le dimanche et il manifestait trop d’indépendance. En décembre 1842, Simpson ordonna donc à Donald Ross, agent principal à Norway House, de lui interdire d’assister aux réunions du conseil de la compagnie. L’année suivante, il força la famille Evans à quitter le fort pour s’installer à Rossville : ainsi le missionnaire pourrait moins facilement se mêler des affaires de la compagnie, et les rivalités nées dans l’exiguïté du fort, surtout entre les épouses d’Evans et de Ross, s’apaiseraient. En 1845, les trafiquants indépendants [V. Pierre-Guillaume Sayer] menaçaient sérieusement le monopole de la compagnie. Dans une lettre à Simpson, Evans soutint que les autochtones avaient le droit d’échanger des fourrures (pratique qu’ils assimilaient à un échange de cadeaux mais que la compagnie considérait comme une forme de traite contraire à son monopole) et demanda en leur nom l’autorisation de donner une peau à la mission. Immédiatement, en juin, Simpson écrivit à Robert Alder*, de la Wesleyan Methodist Missionary Society, pour demander qu’on retire Evans du territoire de la compagnie. La réponse allait se faire attendre un an.
Entre-temps, des problèmes d’autres sortes accrurent la tension qui pesait sur Evans et aggravèrent la controverse dont il était l’objet. En 1844, tandis qu’il se rendait en canot dans la région de l’Athabasca afin de contrer les efforts du missionnaire catholique Jean-Baptiste Thibault*, il fit feu accidentellement sur Thomas Hassall, son meilleur instituteur et interprète, et le tua. Jamais il ne se remit du choc. La correspondance de la compagnie commença à signaler que son comportement avait changé et qu’il souffrait de troubles émotifs. À Rossville, il vivait dans une petite maison surpeuplée, car il avait pris en pension plusieurs jeunes Indiennes, et il s’ennuyait de sa fille Eugenia Clarissa, mariée à John McLean* le 18 août 1845. À ce moment, les différends avec la Hudson’s Bay Company au sujet de la traite libre et des voyages dominicaux avaient dégénéré en hostilité ouverte. En juin, Simpson ordonna que la compagnie cesse de ravitailler les ménages de la mission et décida d’accorder plutôt une subvention annuelle de £200 pour couvrir « toutes les dépenses ». Dans ce contexte, les problèmes de santé d’Evans – infections rénales et troubles cardiaques – s’aggravèrent.
En février 1846, certaines rumeurs au sujet d’Evans prirent une autre tournure : les Indiens de Rossville l’accusèrent formellement d’avoir des contacts sexuels avec ses jeunes pensionnaires. Evans demanda alors à William Mason de constituer un tribunal ecclésiastique qui examinerait ces accusations à la lumière de la discipline wesleyenne. Tout en concluant à son innocence, le tribunal estima qu’il se montrait imprudent en soignant une jeune malade chez lui. L’affaire semblait classée, mais Evans prit mal le verdict d’imprudence et le fait que Mason avait acheminé les documents du procès à la société missionnaire de Londres. De son côté, le gouverneur Simpson envoya des accusations et des documents supplémentaires dans la capitale britannique.
En juin arriva la réponse d’Alder à la lettre dans laquelle Simpson avait demandé le rappel d’Evans. Sans faire mention de cette requête, Alder invitait Evans à venir discuter en Angleterre et laissait entendre que, par la suite, il pourrait retourner à la mission Saint-Clair. À son arrivée à Londres en octobre, Evans comparut devant les secrétaires de la société, Alder et John Beecham. Eux aussi écartèrent les accusations d’abus sexuel, mais ils estimèrent qu’en traitant ses jeunes pensionnaires indiennes avec autant de familiarité que sa fille il avait agi de manière inconvenante. Evans mourut d’une crise cardiaque en novembre, à la suite d’un ralliement missionnaire tenu dans le Lincolnshire. Après son départ du Nord-Ouest, les missions wesleyennes déclinèrent et, pendant un temps, aucun effort ne fut tenté pour les relancer.
Les événements navrants qui marquèrent la dernière année de James Evans n’estompent pas ses nombreuses réalisations, dont la plus notable reste l’invention et la propagation d’une écriture syllabique pour la langue crie. D’apprentissage facile, cette graphie se répandit rapidement parmi les communautés autochtones, d’abord grâce au travail de traduction et d’impression réalisé à Rossville par Evans lui-même, William et Sophia* Mason, Steinhauer, John Sinclair et d’autres. Son syllabaire fut bientôt adopté et adapté par des groupes missionnaires rivaux, soit la Church Missionary Society [V. John Horden* ; James Hunter*] et les Oblats de Marie-Immaculée, qui à leur tour en assurèrent la survie et la diffusion par leurs nombreuses traductions et publications. Qu’il soit encore utilisé aujourd’hui témoigne éloquemment de la valeur du travail d’Evans.
James Evans est l’auteur de : The speller and interpreter, in Indian and English, for the use of the mission schools, and such as may desire to obtain a knowledge of the Ojibway tongue (New York, 1837). Il a participé à la traduction de plusieurs publications méthodistes dans la langue des Sauteux, dont : The first nine chapters of the first book of Moses, called Genesis, Evans, trad., Peter Jones, réviseur et correcteur (York [Toronto], 1833) ; un recueil de cantiques en sauteux qui parut sous le titre de Nu-gu-mo-nun O-je-boa [...], Evans et George Henry, trad. (New York, 1837) ; et plusieurs autres ouvrages recensés dans J. C. Pilling, Bibliography of the Algonquian languages (Washington, 1891 ; réimpr. sous le titre de Bibliographies of the languages of North American Indians (9 part. en 3 vol., New York, 1973), 2.
Les traductions en langue crie qu’Evans prépara par la suite et fit paraître aux Rossville Mission Press sont recensées et analysées dans les études de Peel et Nichols citées plus bas. Une partie de sa correspondance a été éditée par Fred Landon et imprimée sous le titre de « Selections from the papers of James Evans, missionary to the Indians », OH, 26 (1930) : 474–491, et « Letters of Rev. James Evans, Methodist missionary, written during his journey to and residence in the Lake Superior region, 1838–39 », 28 (1932) : 47–70. Le syllabaire qu’il avait mis au point en 1836 pour les Sauteux se trouve dans la James Evans coll. à la Victoria Univ. Library (Toronto) (où il est incorrectement présenté comme l’un de ses derniers syllabaires en cri) et dans les James Evans papers de la Regional Coll. de l’UWOL. Un portrait d’Evans, par John Wycliffe Lowes Forster*, se trouve à l’UCC-C.
Humberside Record Office (Beverley, Angl.), Reg. of baptisms for the parish of Sculcoates (Kingston upon Hull), 19 févr. 1801.— PABC, Add. mss 635, box 3, folder 78, Simpson à Ross, 1er, 3 déc. 1842, folder 79 ; box 5, folder 176, particulièrement Ross à Simpson, 15 août 1842.— PAM, HBCA, A.12/2 ; B.235/c/1, n° 5 ; D.4/25 : fos 47–47d, 62d ; D.4/62 : fos 67d–68 ; D.4/68 : fos 54–55d, 154d–155 ; D.5/8, 11–12, 14, 17–18.— SOAS, Methodist Missionary Soc. Arch., Wesleyan Methodist Missionary Soc., corr., North America, Hudson’s Bay territories, boxes 13, 101–105.— UCC-C, John MacLean papers, doc. E99, c88m, William Mason, 30 déc. 1886.— R. M. Ballantyne, Hudson’s Bay ; every day life in the wilds of North America, during six years’ residence in the territories of the Honourable Hudson’s Bay Company (2e éd., Édimbourg et Londres, 1848).— Letitia [Mactavish] Hargrave, The letters of Letitia Hargrave, Margaret Arnett MacLeod, édit. (Toronto, 1947).— R. T. Rundle, The Rundle journals, 1840–1848, introd. et notes de G. M. Hutchinson, H. A. Dempsey, édit. (Calgary, 1977).— Wesleyan Methodist Church, Missionary Soc., Missionary Notices (Londres), nouv. sér., 2 (1844) : 413.— Wesleyan Methodist Church in Canada, The minutes of twelve annual conferences [...] from 1846 to 1857 [...] (Toronto, 1863).— Christian Guardian, 9 janv., 17 avril, 10 mai 1839, 1er avril 1840.— G. H. Cornish, Cyclopædia of Methodism in Canada, containing historical, educational, and statistical information [...] (2 vol., Toronto et Halifax, 1881–1903), 1.— Death notices of Ont. (Reid).— Boon, Anglican Church.— J. W. Grant, Moon of wintertime : missionaries and the Indians of Canada in encounter since 1534 (Toronto, 1984).— John McLean, James Evans : inventor of the syllabic system of the Cree language (Toronto, 1890).— J. D. Nichols, « The composition sequence of the first Cree hymnal », Essays in Algonquian bibliography in honour of V. M. Dechene, H. C. Wolfart, édit. (Winnipeg, 1984), 1–21.— B. [B.] Peel, Rossville Mission Press : the invention of the Cree syllabic characters, and the first printing in Rupert’s Land (Montréal, 1974).— J. E. Sanderson, The first century of Methodism in Canada (2 vol., Toronto, 1908–1910).— Nan Shipley, The James Evans story (Toronto, 1966).— E. R. Young, The apostle of the north, Rev. James Evans (Toronto, 1900).— T. C. B. Boon, « The use of catechisms and syllabics by the early missionaries of Rupert’s Land », UCC, Committee on Arch., Bull. (Toronto), n° 13 (1960) : 8–17.— Nathanael Burwash, « The gift to a nation of a written language », SRC Mémoires, 3e sér., 5 (1911), sect. ii : 3–21.— J. [S.] Carroll, « James Evans, the planter of Methodist missions in Rupert’s Land », Canadian Methodist Magazine (Toronto et Halifax), 16 (janv.-juin 1883) : 329–340.— G. M. Hutchinson, « James Evans’ last year », Canadian Church Hist. Soc., Journal (Sudbury, Ontario), 19 (1977)/UCC, Committee on Arch., Bull., n° 26 (1977) : 42–56.— E. R. Young, « James Evans, the inventor of the syllabic characters », Canadian Methodist Magazine, 16 : 433–448.
Gerald M. Hutchinson, « EVANS, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/evans_james_7F.html.
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Auteur de l'article: | Gerald M. Hutchinson |
Titre de l'article: | EVANS, JAMES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |