KAHGEGAGAHBOWH (Kahkakakahbowh, Kakikekapo) (connu sous le nom de George Copway), missionnaire méthodiste, écrivain, conférencier et médecin herboriste, né en 1818 dans le Haut-Canada près de l’embouchure de la rivière Trent, fils de John Copway, chef et guérisseur mississagué ; décédé le 27 juin 1869 à Ypsilanti, Michigan.

Enfant, George Copway partagea la traditionnelle vie nomade de ses parents, qui vivaient de chasse et de pêche dans la région de Rice Lake. En 1827, ses parents se convertirent au christianisme et, au début des années 30, il se mit à fréquenter sporadiquement l’école de la mission méthodiste de Rice Lake. Un de ses premiers maîtres d’école blancs fut le révérend James Evans*, qui devait se rendre célèbre en transcrivant la langue des Cris en caractères syllabiques.

En juillet 1834, Copway fut invité par le successeur d’Evans, le révérend Daniel McMullen, à participer à l’œuvre missionnaire de l’Église épiscopale méthodiste des États-Unis auprès des Sauteux dans la région du lac Supérieur. Il partit pour l’Ouest accompagné de son oncle John Taunchey, de son cousin Enmegahbowh (John Johnson) et de John Cahbeach. Il passa l’hiver de 1834 à la mission de Kewawenon, sur la rive sud du lac, et les hivers de 1835 et de 1836 plus à l’ouest, à La Pointe (Wisconsin), en qualité d’interprète et de maître d’école. Au cours de son dernier hiver à La Pointe, il aida le révérend Sherman Hall à traduire les Actes des apôtres et l’Évangile selon saint Luc en sauteux.

Les supérieurs de Copway à la mission se rendirent compte de ses qualités intellectuelles et l’envoyèrent, en 1838, dans une école confessionnelle de l’Illinois où il étudia jusqu’à l’automne de 1839 avant de revenir au Canada. Au cours de l’été de 1840, à la mission de Credit River, il épousa une Blanche, Elizabeth Howell, une amie de l’épouse de Kahkewaquonaby* (Peter Jones). Rappelés au Wisconsin et au Minnesota pour une tournée missionnaire, les Copway partirent pour l’Ouest sitôt après leur mariage. Ils étaient de retour au Canada à l’automne de 1842. Après avoir été admis comme prédicateur par la Conférence canadienne des méthodistes wesleyens, Copway entreprit une tournée missionnaire de trois mois dans le Haut-Canada avec le révérend William Ryerson*. L’année suivante, il se vit confier la mission de Saugeen (près de Southampton) puis celle de Rice Lake en 1844 ; il retourna à Saugeen en 1845. Pendant l’été, il fut élu par le conseil général des Sauteux vice-président de leur assemblée. Son élection marquait l’apogée de sa carrière missionnaire car, plus tard, au cours de la même année, la bande de Saugeen d’abord, puis celle de Rice Lake, l’accusèrent de détournement de fonds. Au cours de l’été de 1846, il fut incarcéré durant plusieurs semaines par le département des Affaires indiennes et exclu de la Conférence canadienne de l’Église méthodiste wesleyenne.

Tombé en disgrâce, Copway alla s’installer aux États-Unis où il fit une carrière extraordinaire. Au début de 1847, son autobiographie, intitulée The life, history and travels of Kah-ge-gagah-bowh, fut publiée et lui valut immédiatement une grande popularité. Son livre, le premier publié par un Canadien d’origine amérindienne, fut un succès de librairie ; à la fin de l’année, on en avait écoulé six réimpressions. Copway y décrivait, d’une manière très vivante, sa jeunesse auprès de son peuple, puis sa carrière de missionnaire méthodiste. Il ne fit aucune allusion à son expulsion de l’Église et prétendit, à tort, qu’il était « chef indien » ; cependant, certains renseignements sont véridiques. En 1851, un poème épique intitulé The Ojibway conquest parut sous le nom de Copway. Il n’en était cependant pas l’auteur. En 1898, Julius Taylor Clark, qui vivait alors à Topeka, Kansas, déclara l’avoir écrit plus de 50 ans auparavant et avoir permis à Copway de le publier sous son nom dans le but de « recueillir des fonds pour l’aider dans ses œuvres auprès des siens ».

Il est certain que la formation reçue par Copway comme prédicateur méthodiste le servit admirablement lorsqu’il entreprit, à la fin des années 40, une longue série de conférences. Dans les allocutions qu’il prononça « de la Caroline du Sud jusqu’au Massachusetts », Copway préconisait la création d’un territoire amérindien de 150 milles carrés sur la rive nord-est du Missouri. Les 100 000 Amérindiens du « Nord-Ouest » y auraient l’occasion de prendre contact avec « l’instruction et le christianisme ». Sous le régime d’un gouverneur blanc, les Amérindiens « cultivés » pourraient gérer le territoire et prendre la relève des « Indiens plus âgés » dont les « préjugés », disait Copway, « les avaient toujours rendus inaptes à instruire convenablement leur peuple ».

Avant la parution de son autre ouvrage, The traditional history and characteristic sketches of the Ojibway nation, en 1850, Copway s’assura l’appui de nombreux partisans même parmi les intellectuels. Le jeune historien Francis Parkman*, par exemple, qui fit sa connaissance en mars 1849, mentionna, dans une lettre à un ami : « Il m’a beaucoup plu et j’ai voulu le fréquenter plus longuement. » Un mois auparavant, à Boston, le poète Henry Longfellow s’était lié d’amitié avec Copway qu’il décrivit comme le « poète et prédicateur des Ojibwés ». En 1850, lorsque Copway partit faire une tournée en Europe, qu’il raconte dans ses Running sketches of men and places, in England, France, Germany, Belgium, and Scotland, Longfellow lui remit une lettre de recommandation pour le poète allemand Ferdinand Freiligrath. Lors de la parution du premier numéro de l’éphémère hebdomadaire Copway’s American Indian, le 10 juillet 1851, Copway reçut des lettres d’encouragement des éminents ethnologues Lewis Henry Morgan et Henry Rowe Schoolcraft, de Parkman et des romanciers James Fenimore Cooper et Washington Irving.

Dès novembre 1849, pourtant, Parkman avait dit de Copway que son « projet d’établir les Indiens était un feu de paille ou plutôt qu’il n’avait pas, et n’avait jamais eu, le moindre projet précis ». Apparemment, Copway lui avait demandé de l’argent à plusieurs reprises ; dans une lettre de novembre 1850, Parkman critique ses ennuyeuses « demandes [...] d’aide financière ». D’autres en vinrent graduellement à adopter l’opinion négative de Parkman ; l’hebdomadaire de Copway perdit tout soutien et cessa de paraître à l’automne de 1851.

À la fin des années 40, Copway ne savait plus très bien où il en était. Son dilemme (qui a très bien pu tourmenter un certain nombre de Mississagués élevés dans des écoles méthodistes) résultait d’une loyauté partagée. D’un côté, il cherchait à se faire bien voir des Blancs, de l’autre il gardait à son peuple un profond attachement. Ainsi, au début de 1849, il écrivit pour le Flag of Our Union de Boston un article où il qualifiait les États-Unis de « défenseurs de la liberté » ; il y ajouta une déclaration enflammée de son admiration pour les Blancs d’Amérique : « Comment ne pas aimer et estimer les Américains ? J’aime leur Bible et leurs institutions. » Il écrivit ailleurs dans une veine différente : par exemple, dans la deuxième édition de son autobiographie et dans toutes celles qui suivirent : « L’homme blanc s’est conduit comme un lion affamé, s’abattant sur sa proie pour la dévorer. Il nous a arrachés à notre nation, à nos demeures, à nos biens. »

Il nous reste peu de documents permettant de décrire les activités de Copway de 1851 à 1867. Il semble qu’il soit resté aux États-Unis. Longfellow écrivit à Freiligrath en décembre 1858 : « Kagegahgabow est toujours là, mais j’ai bien peur que son côté Pau-Puk-Keewis prenne de plus en plus de place. » Si Longfellow compare Copway au brandon de discorde de son poème épique Hiawatha, c’est qu’il avait lui-même perdu confiance en son ami amérindien.

Environ trois ans après leur mariage, les Copway avaient eu un fils, George Albert, puis, 20 ans plus tard, une fille, Frances Minne-Ha-Ha, surnommée Minnie. On ne sait pas où Elizabeth et Minnie vécurent pendant les années 1860, mais elles n’étaient pas avec George qui, au milieu de cette décennie, devint bigame. Il épousa en effet une veuve, Sarah Van Gleson (Vengegan), née Gardner, à Geneva, dans l’État de New York ; il la quitta peu après. On a cru, sur la foi de renseignements donnés par Enmegahbowh, le cousin de Copway, que celui-ci était mort à Pontiac, Michigan, vers 1863, mais en 1867, on le retrouve à Detroit, offrant ses services comme praticien dans « l’art de guérir » et invitant « tous les malades » à « venir se faire soigner ». Au printemps de 1868, il vivait et pratiquait son « art » à Jackson, au Michigan ; il mourut à Ypsilanti l’année suivante.

Donald B. Smith

Kahgegagahbowh est l’auteur de The life, history, and travels of Kah-ge-ga-gah-bowh, (George Copway) a young Indian chief of the Ojebwa nation [...] (Philadelphie, 1847), réimprimé sous le titre de Recollections of a forest life ; or, the life and travels of Kah-ge-ga-gah bowh [...] (Londres, [1850]) ; The life, letters and speeches of Kah-ge-ga-gah-bowh or G. Copway [...] (New York, 1850) ; The traditional history and characteristic sketches of the Ojibway nation (Londres, 1850 ; réimpr., Toronto, 1972) ; et Running sketches of men and places, in England, France, Germany, Belgium, and Scotland (New York, 1851).

APC, RG 10, 409–410, 511, 532, 2 221.— ASSM, 8, A ; 36, André Cuoq, Notes inédites pour servir à l’histoire de la mission du Lac-des-Deux-Montagnes (copie dactylographiée).— UCA, Mission register for the Credit River Mission.— Victoria University Library (Toronto), Peter Jones coll., Peter Jones papers, box 3, letterbook.— [J. T. Clark], The Ojibway conquest ; a tale of the northwest [...] (New York, 1850).— [J. F. Cooper], The letters and journals of James Fenimore Cooper, J. F. Beard, édit. (6 vol., Cambridge, Mass., 1960–1968), I.— La Pointe letters, F. T. Sproat, édit., Wisconsin Magazine of History (Madison), XVI (1932–1933) : 203–209.— [H. W. Longfellow], The letters of Henry Wadsworth Longfellow, Andrew Hilen, édit. (4 vol., Cambridge, Mass., 1966–1972), III–IV.— [Francis Parkman], Letters of Francis Parkman, W. R. Jacobs, édit. (2 vol., Norman, Okla., 1960), I.— Christian Guardian (Toronto), 20 sept. 1837.— Copway’s American Indian (New York), 10 juill. 1851.— Detroit Free Press, 6, 11 sept., 1er oct. 1867.— J. C. Pilling, Bibliography of the Algonquian languages (Washington, 1891).— Life of Henry Wadsworth Longfellow, with extracts from his journals and correspondence, Samuel Longfellow, édit. (2e éd., 2 vol., Boston, 1886).

Bibliographie de la version révisée :
Notre livre intitulé Mississauga portraits : Ojibwe voices from nineteenth-century Canada (Toronto, 2013) contient de l’information sur George Copway qui n’était pas disponible quand notre biographie a initialement paru dans le DBC/DCB. Les documents de recherche que nous avons utilisés pour ce travail sont conservés à l’E. J. Pratt Library de la Victoria Univ., à la Univ. of Toronto : Special coll., 80 (Donald B. Smith fonds), acc. 2013.08, ser. 4, boxes 17–22 ; la liste se trouve à : library.vicu.utoronto.ca/collections/special_collections/f80_donald_b_smith/series_4. La numérisation d’un certain nombre de journaux nord-américains du milieu du xixe siècle a permis l’accès à de précieux renseignements sur les dix dernières années de la vie de George Copway. Nous souhaitons remercier Marshall Lloyd, de Tappahannock, en Virginie, qui a trouvé la date de décès de George Albert Copway, ainsi que l’historien Chris Czopek, de Lansing, au Michigan, qui a découvert sa notice nécrologique dans le Pontiac Weekly Bill Poster (Pontiac, Mich.), 15 janv. 1873.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Donald B. Smith, « KAHGEGAGAHBOWH (Kahkakakahbowh, Kakikekapo) (George Copway) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/kahgegagahbowh_9F.html.

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Auteur de l'article:    Donald B. Smith
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    2015
Date de consultation:    2 déc. 2024