Titre original :  Manitoba Pageant: Letters of Egerton Ryerson Young

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bingham, Elizabeth (Young), missionnaire laïque méthodiste et auteure, née le 10 avril 1843 à Bradford, Haut-Canada, aînée des enfants de Joseph Bingham, tanneur et bottier, et de Clarissa Vanderburgh, d’ascendance loyaliste new-yorkaise ; le 25 décembre 1867, elle épousa à Toronto Egerton Ryerson Young*, et ils eurent huit enfants, dont trois moururent en bas âge ; décédée le 29 mai 1934 dans cette ville.

Elizabeth Bingham grandit à Bradford, où elle fréquenta l’école publique. Issue d’une famille active dans l’église méthodiste wesleyenne locale, elle chantait dans la chorale et jouait de l’orgue.

À la fin de 1867, Elizabeth épousa Egerton Ryerson Young, avec qui elle avait noué une idylle enfantine entre 1853 et 1855, soit à l’époque où le père de ce dernier était ministre de leur église. Elle rejoignit son mari à Hamilton, où, peu de temps auparavant, on l’avait ordonné ministre et affecté à l’église First Methodist. Ils n’y resteraient pas longtemps.

Au début de 1868, l’Église méthodiste wesleyenne organisa, dans la nouvelle province de l’Ontario, une expédition dirigée par George Millward McDougall* et George Young* pour fournir du personnel aux missions que James Evans* et, notamment, Robert Terrill Rundle* avaient établies dans la terre de Rupert en 1840. Moins d’un mois après le mariage des Young, Enoch Wood*, le surintendant des missions, leur demanda de se joindre à l’équipe qui comprenait le révérend Peter Campbell et sa famille. Le jeune couple accepta, et le groupe partit en mai.

Après 2 mois et 19 jours de voyage par bateau et par train jusqu’à St Paul, au Minnesota, par chariot de la Rivière-Rouge vers le nord, puis par bateau York pour remonter le lac Winnipeg, les Young arrivèrent le 29 juillet 1868 à la mission de Rossville, près de Norway House (Manitoba). Elizabeth relata un grand nombre de ses expériences dans ses écrits personnels ; ses mémoires de 1927 fournissent des détails du voyage qu’on ne trouve pas dans les comptes rendus de son mari. Lorsqu’elles s’approvisionnaient à St Paul, les femmes achetaient des « bonnets quakers », auxquels elles ajoutaient de longs voiles lestés de petites balles de plomb pour se protéger des moustiques et des mouches. Pendant que son mari chassait le tétras des prairies, nouvel aliment pour eux, Elizabeth conduisait parfois leur cheval et leur chariot. Durant leurs dix jours de navigation le long du lac Winnipeg, les Young eurent la désagréable compagnie d’un gros bœuf attaché devant leurs sièges, qu’ils devaient enjamber chaque fois qu’ils campaient à terre.

À la mission de Rossville, les désirs et les besoins des Cris ne tardèrent pas à absorber l’attention d’Elizabeth. « Nous commençâmes tout de suite à faire des bouillons, des soupes, pour les malades, et à nourrir les affamés. Nous comprîmes vite pourquoi nous étions là », rapporterait-elle dans ses mémoires. Avec leurs maigres provisions, les Young offraient toute l’aide médicale possible à la mission, ressource cruciale pour la communauté. Elizabeth traitait les blessures et prescrivait des poudres sudorifiques, de l’huile de ricin et des antidouleurs, tout en s’efforçant de contrôler les doses pour éviter l’épuisement subit des réserves. La nourriture se faisait souvent rare et, selon sa description, lorsqu’il y avait assez à manger, l’alimentation des Young se composait de poisson 21 fois par semaine, avec à l’occasion de la viande de gibier et des « pommes de terre aqueuses ». En 1869, Elizabeth ne parvint pas à allaiter son fils Egerton Ryerson, surnommé Eddie, son aîné et le premier de ses trois enfants nés durant ses années de travail missionnaire, ce qu’elle attribua à la malnutrition.

L’année suivante, la variole menaça la région. Le nombre de malades était tel que, comme l’écrirait Elizabeth dans ses mémoires, « [le bâtiment] ressemblait davantage à un hôpital qu’à une maison de mission ». La Hudson’s Bay Company fournit aux Young de la lymphe pour vacciner les gens, et le couple mit sur pied une brigade composée de Cris de Rossville, dirigée par Samuel Paupanekis, frère du révérend Edward Paupanekis*, pour ravitailler les lieux touchés le long de la rivière Saskatchewan.

Les fonctions d’Elizabeth comprenaient la présidence des réunions féminines de prière hebdomadaires, pendant lesquelles elle distribuait parfois des vêtements chauds offerts par des méthodistes anglais. Elle eut aussi à s’occuper de situations gênantes, par exemple à l’occasion du don d’une grande caisse de bonnets de styles et de modes variés, que les femmes de Rossville jugeaient incompatibles avec leurs châles et leurs couvertures. Chaque année, au jour de l’An, Elizabeth organisait à l’église un « festin chrétien », auquel assistaient plusieurs centaines de personnes.

À l’été de 1873, on demanda au mari d’Elizabeth de parcourir l’Ontario avec le révérend Thomas Crosby* afin de recueillir des fonds pour les missions. Tandis qu’il attendait son successeur et se préparait à partir à la rivière Berens, où Elizabeth et lui fonderaient une mission l’année suivante, elle se mit en route pour l’Ontario avec leurs trois enfants. La famille dut affronter les orages et la chaleur sur le lac Winnipeg durant le voyage vers le sud en bateau York, et Nellie Elizabeth, bébé à la santé chancelante, mourut. Les bateliers cris lui fabriquèrent un cercueil, et l’archidiacre Abraham Cowley* veilla à l’inhumation de la petite fille à l’établissement autochtone de St Peter’s. L’année suivante fut ardue : sans domicile en Ontario, Elizabeth, avec ses enfants survivants, demeura occasionnellement chez sa mère et séjourna quelque temps chez d’autres parents.

Au printemps de 1874, Egerton Ryerson commença à travailler parmi les Sauteux à la rivière Berens. Sa famille le rejoignit au début de l’été. Ils partagèrent une cabane en bois rond de 12 pieds sur 12 pieds, surmontée d’un toit de rondins de peuplier et d’argile, jusqu’à la construction d’une maison adéquate. Durant l’hiver, la rougeole frappa durement la communauté. L’église, la maison de la mission et une grande tente en peaux de bison abritèrent les malades. Eddie se remémorerait comment sa mère avait aidé plus de 400 personnes à se rétablir pendant l’épidémie. Le 20 septembre 1875, les Young signèrent le traité n°5, à titre de témoins, avec les signataires principaux, dont le lieutenant-gouverneur Alexander Morris* et le chef Jacob Berens*. À la rivière Berens, Elizabeth constata que le travail nécessaire à la fondation d’une nouvelle mission, ses responsabilités familiales de plus en plus lourdes et ses ennuis de santé l’empêchaient de nouer avec la population locale autant de relations qu’à la mission de Rossville, communauté en place depuis 28 ans à l’arrivée des Young en 1868.

Les Young quittèrent la rivière Berens à l’été de 1876, invoquant comme motif principal la santé d’Elizabeth. Une autre chose les préoccupait : Eddie, sur le point d’atteindre l’âge scolaire, avait adopté les manières cries sous les soins affectueux de sa nourrice de Norway House, Mary Robinson, surnommée Little Mary par les membres de la famille, qui les avait accompagnés à la rivière Berens. Eddie trouva très douloureuse la transition vers une école rurale de l’Ontario. Sa mère et lui se rappelleraient très nettement ses problèmes à Port Perry, où Egerton Ryerson avait été pasteur de 1876 à 1879. Parmi d’autres incidents, Elizabeth « était très en colère contre les garçons qui se moquaient de lui et lui donnaient des noms indiens ». À la maison, les parents d’Eddie s’efforcèrent de maintenir l’utilisation de la langue crie grâce aux hymnes et aux prières ; tous trois décriraient chaleureusement et en détail leur vie dans le Nord.

Les pasteurs méthodistes changeant d’affectation tous les trois ans, la famille vécut à Colborne, à Bowmanville, à Meaford et à Brampton entre 1879 et 1888. Egerton Ryerson abrégea son mandat à Brampton. Il se mit à écrire des livres et à donner des conférences pour raconter ses expériences et recueillir du soutien pour les missions. Elizabeth l’accompagna dans plusieurs voyages, dont un tour du monde en 1904–1905 et un long séjour en Australie. Elle « contribua grandement à l’attrait de ses conférences en chantant une ou deux chansons en cri », selon Eddie. Ses compétences dans cette langue dépassaient celles de son mari : il avait prêché et voyagé dans le Nord avec un interprète, tandis qu’elle avait directement pris soin des gens et de leurs besoins quotidiens. Son attachement à la langue perdura. Dans sa vieillesse, on sait que le dimanche matin elle fredonnait en cri des hymnes méthodistes wesleyens tirés d’un livre de cantiques en caractères syllabiques cris. Après la mort de son mari en 1909, on vendit la maison familiale de Bradford. Pendant les dernières années de sa vie, Elizabeth vécut avec ses enfants et leurs familles à Toronto, et parfois avec l’une de ses filles en Angleterre.

Elizabeth Young publia un article en deux volets, dans les numéros de février et de mars 1898 de la revue The Indian’s Friend (Philadelphie), intitulé « The transformed Indian woman ». Le texte portait sur un thème central des écrits missionnaires : l’amélioration de la qualité de vie des femmes dont les maris, convertis au christianisme, étaient par conséquent devenus, selon Elizabeth, plus « doux et compatissants ». « Pour moi, en tant que femme, une des phases les plus réjouissantes de notre travail était de voir l’élévation progressive et le bonheur croissant de nos sœurs indiennes », écrirait-elle. On retiendrait d’elle, après sa mort à l’âge de 91 ans, surtout son caractère et son esprit, et qu’elle était la dernière membre vivante du groupe de missionnaires méthodistes partis pour le Nord-Ouest en 1868.

Jennifer S. H. Brown

Elizabeth Bingham (Young) est l’auteure de « The transformed Indian woman », Indian’s Friend (Philadelphie), 10 (septembre 1897–août 1898), no 6 : 9–10 ; no 7 : 9–10. Ses nombreux écrits sur sa vie et son travail à Norway House et à la rivière Berens, ainsi que les mémoires de son fils Egerton Ryerson Young ont paru dans Mission life in Cree-Ojibwe country : memories of a mother and son, J. S. H. Brown, édit. (Edmonton, 2014).

UCC, F 3607 (Egerton Ryerson Young fonds).— Canadian Statesman (Bowmanville, Ontario), 7 juin 1934.— Evening Telegram (Toronto), 30 mai 1934.— Toronto Daily Star, 30 mai 1934.— Bruce West, « Ancient Cree », Globe and Mail, 15 juin 1966.— J. S. H. Brown, « A Cree nurse in a cradle of Methodism : Little Mary and the Egerton R. Young family at Norway House and Berens River », dans First days, fighting days : women in Manitoba history, Mary Kinnear, édit. (Regina, 1987).— Isaac Cowie, The company of adventurers : a narrative of seven years in the service of the Hudson’s Bay Company during 1867–1874 […] (Toronto, 1913).— J. W. R. McIntyre et C. S. Houston, « Smallpox and its control in Canada », Canadian Medical Assoc., Journal (Toronto), 161 (juillet–décembre 1999) : 1543–1547.— E. R. Young, By canoe and dog-train among the Cree and Salteaux Indians, introd. par M. G. Pearse (Toronto, 1890).— E. R. Young [fils], « Elizabeth Bingham Young », Missionary Monthly (Toronto), août 1934 : 340–343.

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Jennifer S. H. Brown, « BINGHAM, ELIZABETH (Young) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bingham_elizabeth_16F.html.

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Auteur de l'article:    Jennifer S. H. Brown
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2021
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