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YOUNG, EGERTON RYERSON, instituteur, missionnaire méthodiste, conférencier et auteur, né le 7 avril 1840 dans le canton de Crosby, Haut-Canada, fils du révérend William Young et d’Amanda Waldron ; le 25 décembre 1867, il épousa à Toronto Elizabeth Bingham, de Bradford, Ontario, et ils eurent huit enfants, dont quatre filles et un garçon qui atteignirent l’âge adulte ; décédé le 5 octobre 1909 à Bradford et inhumé à Bowmanville, Ontario.
Egerton Ryerson Young n’était pas apparenté à son homonyme, l’éducateur et leader méthodiste Egerton Ryerson*. Le lien qui les unissait était plutôt religieux et culturel. Le père de Young et le frère de sa mère, Solomon Waldron, étaient des prédicateurs méthodistes wesleyens itinérants et, comme l’a dit John Saltkill Carroll*, ils étaient des « contemporains » des Ryerson et de William Case*. Enfant, Young baigna dans un méthodisme évangélique de type rural propagé par une Église itinérante qui n’avait pas encore été influencée par l’urbanisation de la fin des années 1800.
Sa mère étant décédée en 1842, Young fut élevé par sa belle-mère, Maria Farley. Il commença peut-être à enseigner vers la fin des années 1850, après avoir terminé ses études à Bond Head. Le conseil de l’Instruction publique lui décerna un brevet d’enseignement le 9 juin 1860. En 1860–1861, Young suivit à la Toronto Model School un programme très ardu qui lui apprit à enseigner presque toutes les matières. « Je souhaiterais être né avant l’invention des nerfs », nota-t-il avant de se présenter devant une classe à la Toronto Normal School. Cependant, rencontrer Egerton Ryerson lui plut : « en dépit des invectives et des savons qu’il re[cevait], c’était « l’homme le plus populaire de Toronto ».
En 1861, Young fut placé à la tête de l’école de Madoc. Il y avait là 105 élèves et il était le seul instituteur. Avoir tant de travail et si peu d’aide eut bientôt raison de son optimisme : « le charme est rompu ; plus tôt ma situation changera, mieux cela vaudra », écrivait-il le 9 mars 1863. Sachant que ses parents espéraient le voir embrasser la vocation paternelle, il déplorait de ne pas faire assez de « progrès spirituel ». « Parfois, disait- il, je me trouve bien présomptueux de songer à quelque sphère d’action plus élevée. »
À la fin de son engagement à Madoc le 10 mai 1863, Young fut pris à l’essai par l’Église méthodiste wesleyenne. Affecté d’abord dans la circonscription ecclésiastique de Hungerford, il résidait principalement à Bridgewater (Actinolite). Il prononça sa première oraison funèbre le 11 juillet 1863 devant la « dépouille gorgée de rhum » d’un homme qui s’était converti « de justesse » au cours d’une assemblée en plein air. En juin 1864, il fut muté dans la circonscription ecclésiastique de Thorold ; en 1866, il s’installa à Port Dalhousie.
Ordonné le 9 juin 1867 à Hamilton, Young fut invité à y assumer la charge de l’église First Methodist. Cependant, au début de 1868, ses supérieurs lui offrirent de devenir missionnaire auprès des autochtones de Rupert’s Land. Marié depuis peu, il consulta sa femme, Elizabeth Bingham, et pria avec elle. Que pensait-elle de cette offre inattendue ? « Je crois qu’elle vient de Dieu, répondit-elle ; nous irons. » Les Young se joignirent donc à un groupe de wesleyens qui partaient pour Rupert’s Land comme l’avaient fait en 1840 James Evans*, Robert Terrill Rundle* et les autres pionniers du méthodisme évangélique dans cette région. Le 11 mai 1868, le groupe quitta Hamilton pour se rendre dans la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba) par vapeur, par train et par chariot. Le guide du groupe était le révérend George Millward McDougall* ; le révérend George Young et sa famille étaient aussi du voyage. Parvenus à la Rivière-Rouge, Egerton Ryerson Young et sa femme se rendirent par bateau York à Norway House. Ils allaient remplacer Charles Stringfellow et sa femme à la direction de la mission de Rossville.
Plus que ses prédécesseurs immédiats à Rossville, Young exerça ses fonctions dans le Nord à la manière d’un ministre itinérant. En septembre 1868, il entreprit le premier de ses nombreux voyages à Oxford House pour rencontrer le prédicateur autochtone de l’endroit, John Sinclair, et ses fidèles. Tandis qu’il s’initiait aux agréments et aux périls des voyages en canot d’écorce, Mme Young, elle, apprenait à gérer la mission en l’absence de son mari. Le premier hiver fut dur. L’été précédent, il y avait eu une infestation de sauterelles à la Rivière-Rouge. Les vivres étaient donc « hors de prix » : « notre farine, qui est d’ailleurs de très piètre qualité, nous coûte 20 $ le baril », notait Young. Les dépenses des Young étaient d’autant plus élevées qu’ils tentaient de subvenir aussi aux besoins des autochtones, même s’ils croyaient « entendre des reproches de la part du comité missionnaire ». Comme ses supérieurs le constatèrent, Young faisait souvent fi de leurs principes d’épargne et de comptabilité pour aider les gens de l’endroit.
En janvier 1869, Young entreprit d’évangéliser les Cris de Nelson House. Leur réaction fut telle qu’il leur promit de tenir une assemblée en plein air en septembre. Cinquante familles autochtones y assistèrent. C’était encourageant. Young entreprit aussi du travail missionnaire auprès des Sauteux de la rivière Berens. Après plusieurs visites, il obtint de quoi payer un assistant autochtone qui se mettrait à l’œuvre là-bas, Timothy Bear. En 1873, l’aménagement de la mission fut confié à Young. À l’automne, lui-même et ses assistants autochtones dessinèrent les plans d’un établissement. Après un hiver de congé en Ontario, les Young s’installèrent à la rivière Berens avec leurs enfants, Egerton Ryerson et Clarissa Maria Lilian, nés tous deux à Norway House.
La mission remportait du succès et avait l’appui de Jacob Berens [Nah-Wee-Kee-Sick-Quah-Yash*], élu chef de bande en 1875 à la signature du traité n° 5, où les Young servirent de témoins. Toutefois, vivre dans ce petit poste isolé avec une famille de plus en plus nombreuse minait la santé de Mme Young. En plus, le fils aîné était sur le point d’atteindre l’âge scolaire. En 1876, Young se rendit à Port Perry, en Ontario, et plaça son fils à l’école. Le garçon, qui parlait couramment le cri et l’anglais, n’oublierait pas de sitôt le choc culturel qu’il avait éprouvé dans cette école rurale. En 1879, les Young s’installèrent à Colborne ; ils vécurent ensuite à Bowmanville et à Meaford.
En mai 1887, Mark Guy Pearse, distingué wesleyen anglais, alla voir Young à Meaford. Frappé par ses talents de prédicateur et de conteur, il l’invita en Angleterre et le pressa d’écrire et de donner des conférences, car il était temps de « raviver l’intérêt du public à l’égard des missions étrangères ». En 1888, Young, insatisfait des charges pastorales qu’on lui offrait en Ontario, décida de relever le défi. Il fit une longue tournée de conférences dans l’est des États-Unis. Il remporta autant de succès dans les îles Britanniques au printemps suivant, puis dans d’autres villes nord-américaines. Au fil des ans, il publierait plus d’une douzaine d’ouvrages inspirés de son expérience de missionnaire. Le premier parut en 1890 et connut de nombreuses éditions. Il s’agissait de By canoe and dog-train among the Cree and Salteaux Indians. Les illustrations de ce livre et d’autres images provenant de multiples sources servirent à monter une vaste collection de plaques de verre que l’on projetait à l’aide d’une lanterne magique. Ces séances impressionnaient les auditoires et faisaient connaître les missions. Par la suite, Young écrivit, notamment pour la jeunesse, des histoires d’animaux et des récits d’aventures ; plusieurs furent réimprimés plus d’une fois. En 1904–1905, Young et sa femme firent le tour du monde. Ils passèrent plusieurs mois en Australie, où Young donna des conférences et distribua ses livres. Ensuite, il se retira à Bradford, dans la maison familiale, Algonquin Lodge, où il composa, entre autres, une histoire des missions indiennes d’Amérique du Nord.
Les contemporains d’Egerton Ryerson Young qui ont parlé de ses sermons et de sa personnalité ont insisté sur son enthousiasme, son énergie et son humour. Pourtant, ce fut un personnage parfois contesté, comme le montre le vif débat qui l’opposa au révérend John Chantler McDougall* dans les pages du Christian Guardian. McDougall avait relevé de soi-disant erreurs dans un ouvrage lancé par Young en 1893, Stories from Indian wigwams and northern camp-fires. Finalement, le ton du débat dégénéra trop au goût du Guardian, si bien que McDougall publia à compte d’auteur sa dernière réplique, Criticism. Aucun des deux adversaires ne l’emporta, mais il est juste de signaler que, pour donner du piquant à ses écrits et conférences, Young prenait de très grandes libertés à l’égard de sa matière et recourait facilement à des stéréotypes pour décrire la culture autochtone de manière à frapper les auditoires victoriens. Cependant, en lisant ses papiers personnels et en faisant l’inventaire de ses relations, on voit qu’il était très proche de certains de ses collègues autochtones, dont Sandy Harte (Cri de Nelson House adopté pour un temps par les Young) et le révérend Edward Paupanakiss*. Le contenu de sa bibliothèque montre qu’il connaissait l’ethnologie de son époque ; ses écrits portent aussi la marque d’études ethnohistoriques. Par ailleurs, c’était un mari, un père et un grand-père affectueux et aimé.
Egerton Ryerson Young a écrit plus d’une dizaine de livres, dont les plus connus sont probablement By canoe and dog-train among the Cree and Salteaux Indians, introd. de M. G. Pearse (Londres, 1890) et Stories from Indian wigwams and northern camp-fires (Londres, 1893). Plusieurs de ses ouvrages ont fait l’objet de nombreuses éditions et quelques-uns ont été traduits en suédois et en allemand. Le Répertoire de l’ICMH contient une liste partielle de ses publications ; on en retrouve une énumération plus complète dans le National union catalog. Quelques lettres ont été publiées : E. R. Young, « Letters of Egerton Ryerson Young », Harcourt Brown, édit., Manitoba Pageant (Winnipeg), 17 (1971), n° 1 : 2–11.
AO, F 976.— PAM, A 0023 (family services, church reg)./GR 1212 (Rossville, Norway House, reg. of baptisms, 1840–1889).— Christian Guardian, 13 oct. 1909.— J. S. H. Brown, « A Cree nurse in a cradle of Methodism : Little Mary and the Egerton R. Young family at Norway House and Berens River », First days, fighting days : women in Manitoba history, Mary Kinnear, édit. (Regina, 1987), 18–40.— J. [C.] McDougall, « Indian wigwams and northern camp-fires » : a criticism (Toronto, 1895).— Morris, Treaties of Canada with the Indians.— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).
Jennifer S. H. Brown, « YOUNG, EGERTON RYERSON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/young_egerton_ryerson_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/young_egerton_ryerson_13F.html |
Auteur de l'article: | Jennifer S. H. Brown |
Titre de l'article: | YOUNG, EGERTON RYERSON |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 22 déc. 2024 |