HARVARD, WILLIAM MARTIN, ministre méthodiste, né vers 1790 en Angleterre, probablement dans la région de Londres ; le 23 novembre 1813, il épousa dans cette ville Elizabeth Parks, et ils eurent cinq fils, dont deux moururent en bas âge ; décédé le 15 décembre 1857 à Richmond (Londres).

William Martin Harvard reçut certainement une formation d’imprimeur. En 1810, il devint suffragant à la Conférence méthodiste wesleyenne et, en 1813, il se porta volontaire pour aller ouvrir, avec le révérend Thomas Coke et d’autres, des missions méthodistes en Inde et à Ceylan (Sri Lankâ). À titre de futur missionnaire à l’étranger, Harvard fut ordonné à Londres en 1813. Ensuite, il se maria au cours d’une cérémonie célébrée par Coke. En décembre, Coke et ses compagnons s’embarquèrent à Portsmouth pour leur long voyage vers l’Inde, mais la contribution de Coke à l’entreprise missionnaire de la Conférence méthodiste wesleyenne prit fin lorsqu’il mourut en mer. C’est Harvard qui célébra le service funèbre. Le groupe se rendit à destination, et Harvard demeura à la mission de l’Inde et de Ceylan jusqu’en 1819, sa santé l’obligeant alors à rentrer en Angleterre. Son compte rendu de la naissance et de l’évolution de la mission indienne, bien écrit mais décousu, parut en 1823, l’année où mourut sa femme.

En Angleterre, Harvard recouvra la santé et, de 1819 à 1835, il fut affecté à plusieurs circonscriptions ecclésiastiques dans le sud du pays. En 1836, il fut nommé président de la Conférence canadienne, poste qu’il occupa jusqu’en 1838, et ministre faisant office de président du district du Bas-Canada. Arrivé à Montréal le 16 octobre, il entra immédiatement en fonction et, un an plus tard, alla s’établir à Toronto. John Saltkill Carroll* le décrivit comme « une personne imposante, presque la réplique du général Washington ; digne dans son maintien ; poli dans ses manières ; remarquablement chrétien d’esprit ; et d’une loyauté inhabituelle comme ministre ». Au début, il impressionna beaucoup plus favorablement les ministres canadiens que ne l’avait fait son prédécesseur, le révérend William Lord.

La nomination de Harvard à titre de président de la Conférence canadienne survint au cours d’une phase malheureuse des relations entre les conférences anglaise et canadienne. Les deux s’étaient réunies en 1833 pour former l’Église méthodiste wesleyenne en Canada. Entre-temps, en Angleterre, la Conférence méthodiste wesleyenne en était venue à être définie comme une Église : ses ministres étaient ordonnés par imposition des mains, leur autorité ne pouvait pas être partagée par les laïques autorisés à prêcher ou par les class leaders, et la conférence était souveraine. Ses dirigeants acceptaient l’Église établie et se montraient farouchement hostiles à ceux – il s’agissait ordinairement des mêmes personnes – qui prônaient la séparation de l’Église et de l’État et manifestaient du radicalisme en politique. Harvard partageait bien sûr les vues de la conférence anglaise et fut long à apprendre que tel n’était pas le cas de tous les membres de l’Église wesleyenne méthodiste en Canada.

Dès 1836, quelques membres de la Conférence canadienne se montrèrent déçus de l’union. Deux ans plus tôt, cette union avait précipité une scission menée par des prédicateurs autorisés, qui étaient mécontents et, qui avaient formé une nouvelle organisation, l’Eglise méthodiste épiscopale en Canada. À l’intérieur de la conférence, les partisans des wesleyens insistaient pour que le Christian Guardian devienne un journal exclusivement religieux, appuyant si nécessaire le statu quo politique, et pour que la conférence accepte une part des recettes des réserves du clergé si une répartition des réserves avait lieu. Les dirigeants de la Conférence canadienne, et probablement la majorité de leurs partisans, étaient au mieux sceptiques devant la position wesleyenne ou lui étaient carrément opposés. Quant à Harvard, dans une lettre de janvier 1837 au révérend Robert Alder*, il avançait que les méthodistes pourraient utiliser une part des réserves du clergé pour leurs temples, leurs écoles et leurs presbytères. « Les Écossais, écrivait-il en mai au révérend Egerton Ryerson*, font beaucoup d’efforts pour [obtenir une part] des réserves du clergé. Nous pourrions trouver qu’une part du gâteau [serait] fort utile pour nos presbytères, nos prédicateurs surnuméraires et nos étudiants au pastorat, à Cobourg [...] Je serais indiciblement vexé [que nous soyons] lésés de ce que nous sommes en droit d’attendre. » Il prit sans doute une part quelconque à la rédaction des résolutions équivoques que la conférence adopta en 1837 et dans lesquelles elle condamnait les prétentions exclusives des anglicans et des presbytériens et se disait disposée à accepter une part des réserves « pour l’amélioration religieuse et éducative de la province ». Chose peu surprenante, Harvard continua d’exercer des pressions pour que le gouvernement subventionne la Wesleyan Methodist Missionary Society.

Étant donné ses tendances traditionalistes, Harvard s’inquiéta beaucoup des désordres qui agitèrent la colonie en décembre 1837. Il croyait que, si les rebelles avaient réussi, tous les citoyens probritanniques auraient été massacrés ; aussi fut-il rassuré par l’appui que le gouvernement obtint à Toronto et ailleurs. Cet appui, concluait-il, « tendrait grandement à calmer l’opinion publique et à faire avancer la cause de la piété dans la province ». Par contre, en mars 1838, le révérend John Ryerson* s’exclamait : « Jamais l’horizon n’a été plus obscur et plus désespéré que maintenant pour les amis de la liberté civile et religieuse ; et Harvard et Evans [Ephraim Evans*] aiment qu’il en soit ainsi. M. H[arvard] est un faible despote de la hiérarchie ecclésiastique et Evans n’est qu’un jouet entre ses mains. »

Harvard confirmerait ce jugement en publiant le mois suivant, dans le Christian Guardian, une lettre pastorale adressée aux ministres du Haut-Canada de l’Eglise wesleyenne méthodiste en Canada. Ayant appris que certains méthodistes n’avaient pas « fait honneur â leur profession de foi durant la [...] rébellion contre nature », il crut essentiel d’affirmer que « certaines opinions [...] mett[aient] tellement en cause les éléments absolument vitaux de la moralité qu’on ne les trouve[rait] jamais dans un cœur plein de piété fervente et de profonde dévotion à Dieu ». Lorsqu’il était question « de la loyauté au souverain d’un empire, le gouvernement [pouvait] bien dire, en reprenant les mots de notre adorable Sauveur, « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ». Ensuite il demandait aux ministres faisant office de président de district d’exiger de chaque ministre qu’il passe au crible la loyauté des fidèles : « S’il se trouve un seul individu dont le prédicateur ne peut pas garantir en toute conscience la loyauté chrétienne devant ses frères [...], cet individu devra être traité avec amabilité et compassion, mais fermement, selon les règles du code de discipline. » Enfin, il rappelait à ses frères qu’en Grande-Bretagne les méthodistes étaient reconnus pour leur « fidèle attachement » à la couronne.

La déclaration de Harvard suscita une vive controverse parmi les méthodistes, ce qui le surprit peut-être. « Hier soir, rapporta-t-il à Alder, j’ai été intercepté assez rudement par un de nos class leaders et par un prédicateur autorisé qui ont qualifié ma lettre de bulle – [et dit] que j’agissais comme un pape. » Dans un numéro ultérieur du Christian Guardian, il souligna n’avoir nullement l’intention de retirer à quiconque son statut de membre de l’Église « seule ment pour des raisons de politique partisane ». Il fut sans doute troublé d’apprendre d’Egerton Ryerson que celui-ci avait lu sa lettre « avec beaucoup de douleur et de regret ». Ryerson faisait valoir qu’un désastre surviendrait « si le droit constitutionnel incontesté au jugement individuel et à la discussion sur les questions politiques n’[était] pas parfaitement compris et mutuellement reconnu par tous ». Ryerson avait joint à sa lettre personnelle une longue déclaration intitulée « What is Christian Loyalty », publiée dans le Christian Guardian, dans laquelle il rappelait que John Wesley « reconnai[ssait] comme membres à part entière ceux qui diverge[aient] d’opinion avec lui sur bien des points ». Il ajoutait « nous ne saurions non plus, sans que cela ne soit déraisonnable ou impropre, permettre moins de latitude et de liberté de sentiment sur les doctrines et mesures du gouvernement ».

Nullement ébranlé, Harvard demanda à Ryerson : « Comment pouvons-nous empêcher notre chariot méthodiste de s’enfoncer encore profondément dans la boue du radicalisme [...] sinon en nous tenant loin du fossé pendant que nous franchissons cet obstacle ? » Harvard souhaitait « voir le méthodisme wesleyen canadien devenir de plus en plus wesleyen, ce qui en fera[it] la gloire du pays ». Il lui semblait que « l’américaniser serait le neutraliser ». Il présida avec équanimité la conférence en juin 1838. Mais nombreux étaient ceux qui, dans l’assistance, devaient partager l’avis de John Ryerson : « M. Harvard [est] un homme très dangereux [...] Vous auriez été surpris de voir comment il a parcouru les alentours [Toronto] en se pavanant, en multipliant les courbettes, les sourires, les éloges, les flatteries [...] afin de se gagner des prosélytes pour lui-même et M. Evans. » Sans doute furent-ils soulagés d’apprendre que la Wesleyan Methodist Missionary Society avait déjà décidé de l’affecter à Québec.

Harvard resta dans le district du Bas-Canada jusqu’en 1845 en qualité de ministre faisant office de président. Cette année-là, il retourna à Toronto pour assumer la même fonction dans le district de l’ouest du Canada, qui avait été constitué après la dissolution de l’union de la Conférence méthodiste wesleyenne et de la Conférence canadienne, survenue en 1840. Il devait sa nomination à une proposition du révérend Matthew Richey*. Pendant son mandat à Toronto, il dut bientôt aider à persuader ses frères récalcitrants d’accepter la réunion des deux conférences, qui eut lieu en 1847. Ce dut être une tâche difficile, car il n’était pas le seul à considérer la scission de 1840 comme « une occasion providentielle » d’établir un véritable organisme wesleyen dans le Haut-Canada. Tout au long des négociations qui précédèrent la réunification, il pressa les wesleyens et les méthodistes canadiens de poursuivre chacun leur chemin et d’« accepter leurs divergences ». La fusion ne devait avoir lieu qu’à la condition que la Conférence méthodiste wesleyenne ait une hégémonie complète sur la Conférence canadienne. Finalement, les wesleyens acceptèrent moins que ce que Harvard jugeait sage, mais il travailla loyalement avec Alder à refaire un consensus au sein du district de l’ouest du Canada. De toute évidence cependant, il avait cessé d’être utile et, en 1847, il fut muté dans la circonscription ecclésiastique de Maidstone, en Angleterre.

De retour dans son pays, Harvard fut affecté successivement aux circonscriptions de Maidstone, de Portsmouth et de Norwich. Enfin, en 1855, il devint surveillant des affaires étudiantes de la succursale de Richmond de la Wesleyan Theological Institution. Il mourut en poste en 1857, après que la Conférence méthodiste wesleyenne eut connu des débats sur le statut à accorder aux ministres ordonnés.

D’après ses coreligionnaires, William Martin Harvard « se distinguait par [son] humilité et [sa] sainteté [...] Il fut loyal dans l’exercice de son ministère, « indulgent » parmi les Églises [...] estimé et aimé par une multitude des deux côtés de l’Atlantique. » Par sa conviction que le méthodisme wesleyen était supérieur à toute autre forme de méthodisme en raison de sa forme d’administration, de son zèle missionnaire, de sa loyauté aux institutions britanniques et de son conservatisme, il fut représentatif d’une bonne partie des méthodistes wesleyens de sa génération. Grâce à sa bienveillance et à sa courtoisie, il persuada un grand nombre de gens que le méthodisme tranquille qu’il prônait était le plus susceptible de réussir à son époque.

Goldwin French

Les écrits de William Martin Harvard comprennent : The Gospel warning : a sermon occasioned by the death of Private J. Jenny [...] (Londres, 1818) ; The faith of departed saints : an unperishable monument of instruction and admonition to survivors ; a funeral sermon, occasioned by the lamented death of his late most gracious majesty, George III, of religious and blessed memory, preached at the Wesleyan Methodist Chapel, Duke Street, Deal, on Wednesday, Feb. 16, 1820, being the day appointed for the interment of his late majesty (Deal, Angl., 1820) ; A narrative of the establishment and progress of the mission to Ceylon and India, founded by the late Rev. Thomas Coke, L.L.D., under the direction of the Wesleyan-Methodist Conference [...] (Londres, 1823) ; The substance of a funeral sermon, delivered in the Wesleyan Chapel, St. James Street, Montreal, on Sunday, August 13, 1837, on occasion of the lamented demise of his most gracious majesty, William the Fourth (Montréal, 1837) ; Remarks and suggestions, respectfully offered, on that portion of the clergy reserve property, (landed and funded), of Upper Canada, « not specifically appropriated to any particular church » ; in a letter addressed to His Excellency Sir George Arthur, K.C.B., governor, and commander-in-chief [...] (Québec, 1838 ; 2e éd., 1839) ; Defence of protracted meetings : special efforts for the souls of men justified, and observers of such efforts admonished, in a discourse delivered in St. Ann Street Chapel, Quebec (une seconde édition de ce dernier ouvrage, publiée à Londres et à Québec durant les années 1840, se trouve aux UCA) ; No honesty separate from veracity ; the unrighteous monopoly, (by an intolerant party in the Church of England), of « whatever Christian knowledge Canada possesses », examined, exposed, and rebuked ; to which is added : a defence of the Wesleyan Methodists, and other orthodox churches in Canada, against the « unchristian bitterness », « violent dealing », and misrepresentation, of the theological professor of M’Gill College, Montreal (Montréal, 1845) ; Facts against falsehood : the false allegations [...] made by the Christian Guardian, (the official organ of the Upper Canada Conference), against the missionaries of the British Wesleyan Conference, in Western Canada [...] fully and forcibly disproved [...] (Toronto, 1846 ; copie aux UCA) ; et Five defensive letters in behalf of the British Wesleyan Conference and their missionary society [...] against the attacks of the Canada Conference Journal (Toronto, 1846). Il est aussi l’auteur de Memoirs of Mrs. Elizabeth Harvard, late of the Wesleyan mission to Ceylon and India ; with extracts from her diary and correspondence, biographie de sa femme préparée après sa mort en 1823 ; une copie de la 3e édition (Londres, 1833) se trouve aux UCA.

SOAS, Methodist Missionary Soc. Arch., Wesleyan Methodist Missionary Soc., corr., North America, 1837–1847 (mfm aux UCA).— Jabez Bunting, Early Victorian Methodism : the correspondence of Jabez Bunting, 1830–1858, W. R. Ward, édit. (Oxford, Angl., et New York, 1976).— Wesleyan Methodist Church, Minutes of the conferences (Londres), 5 (1819–1824) : 102 ; 8 (1836–1839) : 47 ; 10 (1844–1847) : 198, 466 ; 13 (1855–1857) : 26 ; 14 (1858–1862) : 8–9.— Wesleyan Methodist Church in Canada, The minutes of the annual conferences [...] from 1824 to 1845 [...] (Toronto, 1846), 168.— Wesleyan-Methodist Magazine (Londres), 42 (1819) : 714 ; 60 (1837) : 72.— Christian Guardian, 30 nov. 1836, 15 nov. 1837, 18, 25 avril, 9 mai 1838.— Cornish, Cyclopædia of Methodism.— Carroll, Case and his cotemporaries, 4 : 131.— French, Parsons & politics.— J. E. Sanderson, The first century of methodism in Canada (2 vol., Toronto, 1908–1910), 1 ; 390–391, 393, 398, 404, 413, 420.— C. B. Sissons, Egerton Ryerson : his life and letters (2 vol., Toronto, 1937–1947), 1 : 379, 433, 471, 473.

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Goldwin French, « HARVARD, WILLIAM MARTIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/harvard_william_martin_8F.html.

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Auteur de l'article:    Goldwin French
Titre de l'article:    HARVARD, WILLIAM MARTIN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    21 déc. 2024