RICHEY, MATTHEW, ministre méthodiste wesleyen et éducateur, né le 25 mai 1803 à Ramelton (Rathmelton), comté de Donegal (République d’Irlande) ; en 1825, il épousa Louisa Matilda Nichols, à Windsor, Nouvelle-Écosse, et ils eurent cinq enfants ; décédé le 30 octobre 1883 à Halifax.
Presbytériens dévots, les parents de Matthew Richey lui procurèrent une solide formation classique, dans l’espoir qu’il devînt ministre. Bien qu’il n’eût point la permission de fréquenter d’autres Églises, il trouva moyen de participer aux réunions de prière des méthodistes et se persuada que « les méthodistes [étaient] un peuple élu, le peuple de Dieu [...] ; par la grâce de Dieu, ajoutait-il, je vivrai et mourrai avec eux ». Après sa conversion, il accompagna son frère à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, en 1819 ; il y trouva du travail comme employé de bureau chez un solicitor et, plus tard, comme répétiteur à l’école secondaire locale. Il attira bientôt l’attention du révérend James Priestley, qui le persuada de se porter candidat au ministère dans l’Église méthodiste. À la réunion de 1820 du district de la Nouvelle-Écosse, il fut nommé adjoint du révérend Duncan McColl*, à Saint-David, Nouveau-Brunswick, et, en 1821, il devenait candidat régulier à l’essai dans le district néo-écossais de la Conférence wesleyenne britannique, qui faisait partie de la vaste organisation missionnaire que dirigeait la Wesleyan Methodist Missionary Society. Il acheva ses années de probation en 1825 et fut élu membre de la conférence du district.
Le zèle évangélique et la science étaient bien équilibrés dans les sermons de Richey. Le premier qu’il prononça devant l’assemblée du district, il le donna « d’une manière fort agréable, ordonnée et pieuse, et sans effort apparent ». En moins de dix ans, il se fit la réputation d’« un prédicateur que personne n’oublie plus, après l’avoir entendu ». Ses Sermons delivered on various occasions sont savants, fondés sur l’exégèse, et remplis d’allusions classiques et historiques ; mais on n’y voit point cette « éloquence douce et persuasive » qui était « admirée autant par les gens les plus intelligents et les plus cultivés que par les personnes simples et illettrées ». On n’y retrouve point, non plus, le prédicateur qui, apparemment, passait facilement des chaires méthodistes les plus prestigieuses de Halifax dans les rues et sur les places publiques, où il parlait à la foule des passants. Il est évident qu’il se sentait plus à l’aise dans un milieu où régnaient l’ordre et le décorum, et qui lui permettait de dérouler les périodes sonores de la rhétorique classique, avec ces accents passionnés qui impressionnaient tellement les auditeurs.
Richey travailla dans plusieurs « circuits » des Maritimes avant d’être muté à Montréal, dans le district du Bas-Canada, en 1835. En 1836, il devint le premier directeur de l’Upper Canada Academy, de Cobourg, école préparatoire mixte d’allégeance méthodiste qui deviendra, en 1841, le Victoria College. Installé officiellement dans ses fonctions le 18 juin 1836, Richey allait les assumer jusqu’en 1840.
De 1836 à 1850, année où il retourna en Nouvelle-Écosse, Richey prit une part active au progrès du méthodisme dans les deux Canadas. Son rôle, toutefois, ne peut être compris que replacé dans le cadre des relations complexes qui existaient alors entre le méthodisme canadien et le méthodisme britannique. Trois ans avant l’arrivée de Richey dans le Haut-Canada, les wesleyens britanniques et canadiens avaient formé une union. Pendant le mandat de Richey comme directeur de l’Upper Canada Academy, les rapports entre les deux groupes se dégradèrent continuellement, surtout par suite de la tendance persistante des wesleyens britanniques à dénoncer les dirigeants canadiens comme des agitateurs déloyaux dont les campagnes en faveur des libertés civiles et religieuses détruiraient la constitution, le lien avec l’Empire et le principe de l’appui de l’État aux institutions religieuses. Les méthodistes canadiens, dirigés par Egerton Ryerson et ses frères John* et William*, proclamèrent leur loyauté et leur détermination de s’assurer leurs droits en tant que « chrétiens et sujets canadiens d’origine britannique ». Ils refusèrent aussi de transformer leur revue, le Christian Guardian, en un inoffensif bulletin de nouvelles religieuses.
Richey, dont le comportement reflétait l’éducation qu’il avait reçue en Irlande du Nord et la vision traditionaliste des wesleyens de Grande-Bretagne et de la Nouvelle-Écosse, insistait pour que le méthodisme fût purifié « des souillures de la politique » et marqué « au sceau resplendissant de la vraie loyauté britannique ». En janvier 1840, il se joignit à un autre ministre wesleyen, Joseph Stinson*, pour affirmer au gouverneur général Charles Edward Poulett Thomson* que, « l’Église d’Angleterre étant, à [leur] avis, l’Église établie de toutes les colonies britanniques, [ils n’avaient] aucune objection à ce qu’elle fût reconnue spécifiquement comme telle », – prise de position que les méthodistes canadiens n’accepteraient pas. Il seconda fortement les vains efforts de ses collègues, Stinson et Robert Alder*, pour ramener la Conférence de l’Église méthodiste wesleyenne en Canada dans la bonne voie ; leurs griefs contre Egerton Ryerson furent exposés par Richey à la réunion tenue à Belleville, en juin 1840. Peu de temps après, Stinson et Richey assistèrent à la fatidique session de 1840 de la Conférence wesleyenne britannique, en Angleterre, au cours de laquelle fut dissoute l’union de 1833.
À leur retour au Canada, Stinson et Richey organisèrent un nouveau district du Haut-Canada, sous la direction de la Wesleyan Methodist Missionary Society, pour les prédicateurs et les laïcs qui étaient déterminés à n’accepter ni la juridiction ni les prises de position de la Conférence canadienne. Richey fut secrétaire de cet organisme en 1840 et 1841, et président de 1842 à 1845. Faisant vigoureusement campagne pour la consolidation et l’expansion de l’influence des wesleyens dans le Haut-Canada, il repoussa durement toute suggestion visant à la réunification des deux groupes méthodistes. Lui et ses partisans affirmaient que ce serait « une calamité nationale » d’empêcher la diffusion du méthodisme britannique dans le Haut-Canada, d’autant que, grâce à l’influence de son enseignement biblique, le « triomphe de la démocratie » pouvait être « conjuré pendant des générations, peut-être pour toujours », dans la colonie.
Mais, devant la menace de dissensions en Grande-Bretagne même, les coûts toujours plus élevés des missions de l’Amérique du Nord britannique et l’émergence au sein de l’Église d’Angleterre d’un groupe qui lui niait son caractère protestant, la Conférence wesleyenne britannique songea à se réconcilier avec les Canadiens. Muté à Montréal en 1845 pour y devenir président du district du Bas-Canada, Richey participa à la réunion de 1846 de la Conférence wesleyenne britannique, au cours de laquelle on accepta en principe la réunion des conférences britannique et canadienne. À titre de représentant de la Wesleyan Methodist Missionary Society, lors d’une session spéciale de l’assemblée du district du Haut-Canada, en février 1847, il chercha à apaiser les craintes de ses confrères relativement à l’union projetée, bien que lui-même se défiât des Ryerson, et qu’il les jugeât encore sévèrement. De même, au cours d’une rencontre ultérieure entre Robert Alder, représentant de la Conférence wesleyenne britannique, et les ministres wesleyens, il affirma nettement avoir travaillé à la réunification « au prix des plus nobles sentiments de son cœur ». Il n’est pas étonnant que, pendant l’office religieux qui suivit l’adoption des conditions de l’union par la Conférence canadienne, en juin 1847, Richey, « pénétré d’un esprit séraphique, soulev[ât] l’assistance et l’amen[ât] à partager ses sentiments de charité et d’amour, pendant qu’il prononçait son discours improvisé, mais hors de pair ».
En 1847 et 1848, Richey fut codélégué ou vice-président de la Conférence canadienne, dont il devint président en 1849. En outre, en dépit du fait que beaucoup de méthodistes, dont Anson Green*, eussent critiqué sa gestion financière de l’Upper Canada Academy, on lui offrit la direction du Victoria College. Malheureusement, en octobre 1849, il fut gravement blessé dans un accident de voiture. Il est évident que ce malheur aviva sa vieille tentation de retourner dans les Maritimes.
En 1850, Richey participa aux angoissantes délibérations de la Conférence canadienne et du conseil du Victoria College sur la possibilité que le collège fût incorporé à l’University of Toronto. On laissa entendre que Richey pouvait être nommé directeur des étudiants méthodistes en théologie et professeur de rhétorique et d’anglais à l’université. Il en arriva toutefois à la conclusion que ce projet était conçu dans les intérêts de quelqu’un d’autre, et il partit brusquement pour la Nouvelle-Écosse. Il fit plus tard le commentaire suivant : « l’université est un organisme anormal et semi-incrédule dans lequel la religion, ostensiblement reconnue, est bannie dans les faits. Pareil établissement n’est [...] pas un endroit pour un ministre méthodiste. »
De retour en Nouvelle-Écosse, Richey fut nommé, en 1852, président du district de l’Ouest nouvellement formé, lequel avait été créé en partie pour lui tailler un poste à sa mesure. À titre de président, il participa aux discussions qui précédèrent la fondation de la Conférence de l’Amérique britannique orientale. Ce projet remontait au début des années 1840. Bien qu’il ne voulût rien faire qui pût rompre l’union avec la Conférence wesleyenne britannique, Richey collabora efficacement avec la Wesleyan Methodist Missionary Society à la réalisation de ce projet. Lors de la création de la nouvelle conférence, en 1855, Richey en devint vice-président, et, de 1856 à 1861, puis en 1867–1868 encore, il en fut président. Durant les années 1864 à 1867, il agit à titre de président du district de l’Île-du-Prince-Édouard. Son dernier poste officiel, avant de prendre sa retraite en 1870, fut celui de président du district de Saint-Jean.
Matthew Richey occupa les plus hauts postes qui lui étaient accessibles au sein de la communauté méthodiste, mais il ne semble pas avoir été un dirigeant ecclésiastique combatif à la manière de ses collègues Robert Alder, Egerton Ryerson ou Enoch Wood. Il donnait plutôt l’impression d’un homme gentil et courtois, qui avait une haute opinion de son importance, et qui se dévouait entièrement à la cause du méthodisme wesleyen et du conservatisme politique, de même qu’au maintien des liens étroits, dans les domaines religieux et politique, entre la Grande-Bretagne et l’Amérique du Nord britannique. En privé, il exprimait souvent ses idées d’une façon vitriolique et dans un langage peu mesuré, ce qui amena peut-être ses supérieurs à se méfier de son jugement. Il fut essentiellement un prédicateur évangélique puissant qui, comme beaucoup d’autres, paraît n’avoir pas compris la contradiction latente entre la réalisation ici-bas de l’idéal de la sainteté et sa propre acceptation de l’ordre politique et social existant. Il serait facile de simplement noter avec John Saltkill Carroll que Richey avait une « constante maîtrise de la langue la plus exubérante et la plus élevée, qui confinait presque à l’enflure du style », et de le disqualifier comme un orateur à la réputation surfaite. Mais, en fait, il résumait en lui nombre de caractéristiques du méthodisme wesleyen de son temps. En plus d’être un défenseur de liens étroits avec la tradition wesleyenne anglaise, il contribua à favoriser, au sein du méthodisme en Amérique du Nord britannique, la recherche d’un statut officiel pour son Église, la neutralité politique et l’hostilité envers certaines activités culturelles, comme le théâtre.
La Wesleyan University, de Middletown, Connecticut, reconnut officiellement les services rendus au méthodisme par Richey en lui décernant une maîtrise ès arts en 1836 et un doctorat en théologie en 1847. Selon John Fennings Taylor, il fut « l’orateur le plus éloquent et le plus accompli de tout le réseau méthodiste du dominion du Canada ». Le révérend John Lathern*, son ami et collègue, affirma que la biographie de William Black*, fondateur du mouvement méthodiste dans les provinces maritimes, par Richey, était « un ouvrage excellent et de premier ordre ». Et il ajoutait : « au témoignage de ceux qui furent ses ouailles, les plus bouleversants appels qu’ils eussent jamais entendus du haut d’une chaire, ce furent les siens ». « Tous ceux qui le connurent », disait le président Samuel Sobieski Nelles, du Victoria College, « conserveraient de lui un affectueux souvenir ».
Matthew Richey mourut des suites d’une longue maladie à la résidence du gouverneur, à Halifax, résidence officielle de son fils, le lieutenant-gouverneur Matthew Henry Richey*. Nul endroit n’eût été mieux choisi pour quelqu’un qui, comme lui, s’était si intimement identifié à l’histoire du méthodisme dans le monde de l’Atlantique Nord au xixe siècle.
Matthew Richey est l’auteur de : A funeral discourse, on occasion of the death of Mrs. J. A. Barry : delivered at the Methodist chapel, Halifax, on the evening of Sunday, 13th January, 1833 (Halifax, 1833) ; The internal witness of the spirit, the common privilege of Christian believers : a discourse, preached at Halifax, before the Wesleyan ministers of the Nova-Scotia district, on the 24th of May, 1829 (Charlottetown, 1829) ; A letter to the editor of The Church ; in answer to his remarks on the Rev. Thomas Powell’s essay on apostolical succession (Kingston, Ontario, 1843) ; Life and immortality brought to light by the gospel : a sermon (Halifax, 1832) ; A memoir of the late Rev. William Black, Wesleyan minister, Halifax, N.S., including an account of the rise and progress of Methodism in Nova Scotia [...] (Halifax, 1839) ; The necessity and efficiency of the gospel : a sermon preached before the Branch Methodist Missionary Society of Halifax, Nova-Scotia, February 11th, 1827 (Halifax, 1827) ; Persuasives to active benevolence : a sermon, preached at the Wesleyan chapel, Halifax, on Christmas evening, 1833, for the benefit of the poor (Halifax, 1833) ; A plea for the confederation of the colonies of British North America ; addressed to the people and parliament of Prince Edward Island (Charlottetown, 1867) ; A sermon occasioned by the death of the Rev. William Croscombe, preached in Windsor, 30th October, and in Halifax, 6th November, 1859 (Halifax, 1859) ; A sermon on the death of the Rev. William M’Donald, late Wesleyan missionary ; preached at Liverpool Wednesday, March 19, and in substance at Halifax, on Sunday, March 30, 1834 (Halifax, 1834) ; A sermon preached at the dedication of the Wesleyan Methodist Church, Richmond Street, Toronto, on Sunday, June 29, 1845, and of the Wesleyan Methodist Church, Great St. James Street, Montreal, on Sunday, July 27, 1845 (Londres et Montréal, 1845) ; Sermons delivered on various occasions (Toronto, 1840) ; A short and scriptural method with Antipedobaptists, containing strictures on the Rev. E. A. Crawley’s treatise on baptism, in reply to the Rev. W. Elder’s letters on that subject (Halifax, 1835) ; Two letters addressed to the editor of The Church, exposing the intolerant bigotry of that journal, and animadverting especially on the spirit and assumptions of an editorial article which appeared in its columns on the 7th April, 1843 (Toronto, 1843) ; et en collaboration avec Joseph Stinson, A plain statement of facts, connected with the union and separation of the British and Canadian conferences (Toronto, 1840). Le Catalogue of books in theology & general literature (from the library of the late Rev. Dr. Richey), among which are many rare & valuable works, now offered for sale by Messrs. MacGregor & Knight, stationers and booksellers, 125 Granville St., Halifax, N.S. (Halifax, 1885) constitue un ouvrage digne d’intérêt.
Methodist Missionary Soc. Arch. (Londres), Wesleyan Methodist Missionary Soc., Corr., Canada (mfm aux UCA).— UCA, Matthew Richey papers, 1841–1854.— United Church of Canada, Maritime Conference Arch. (Halifax), Matthew Richey papers, 1833–1859 (mfm aux UCA).— Methodist Church (Canada, Newfoundland, Bermuda), Nova Scotia Conference, Minutes ([Halifax]), 1884.— Wesleyan Methodist Church in Canada, Minutes (Toronto), 1824–1845 ; 1847–1850.— Wesleyan Methodist Church of Eastern British America, Minutes (Halifax), 1855–1874.— Christian Guardian, 7 nov. 1883.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose), II.— Notman et Taylor, Portraits of British Americans.— Carroll, Case and his cotemporaries.— Centenary of Methodism in Eastern British America, 1782–1882 (Halifax et Toronto, [1882]).— G. E. Jaques, Chronicles of the St. James St. Methodist Church, Montreal, from the first rise of Methodism in Montreal to the laying of the corner-stone of the new church on St. Catherine Street (Toronto, 1888).— D. W. Johnson, History of Methodism in eastern British America, including Nova Scotia, New Brunswick, Prince Edward Island, Newfoundland and Bermuda [...] ([Sackville, N.-B.], s.d.).— Sissons, Egerton Ryerson.— T. W. Smith, History of the Methodist Church within the territories embraced in the late conference of Eastern British America [...] (2 vol., Halifax, 1877–1890).— John Lathern, « The Reverend Matthew Richey, D.D. », Canadian Methodist Magazine, 21 (janv.–juin 1885) : 259–268.
G. S. French, « RICHEY, MATTHEW », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 17 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/richey_matthew_11F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/richey_matthew_11F.html |
Auteur de l'article: | G. S. French |
Titre de l'article: | RICHEY, MATTHEW |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 17 déc. 2024 |