PECK, EDMUND JAMES, missionnaire de l’Église d’Angleterre, fondateur de la première mission permanente sur l’île de Baffin (Nunavut), traducteur et auteur, né le 15 avril 1850 à Rusholme, près de Manchester, Angleterre, fils de Thomas Peck et de Clara Coleman ; le 29 avril 1885, il épousa à Greenwich (Londres) Sarah Ann Coleman, et ils eurent trois enfants ; décédé le 10 septembre 1924 à Ottawa.

Issu d’une famille pieuse et financièrement modeste qui s’est installée à Dublin en 1857, Edmund James Peck est l’aîné de quatre enfants. Au moment du décès de sa mère, il n’a que dix ans et doit quitter les bancs de l’école pour aller travailler dans une imprimerie ; son père meurt trois ans plus tard. Peck entre dans la marine britannique en 1865 et y restera jusqu’en 1875. Il occupe différents postes subalternes sur de nombreux navires : l’Ajax, l’Impregnable, le Caledonia, l’Excellent, puis le Hector, à bord duquel il trouve sa vocation et organise des groupes de prière. À partir de 1875, il se consacre à l’étude du grec et de la théologie à la Reading Preparatory Institution de la Church Missionary Society [V. William Duncan*] à Islington (Londres). Au printemps de 1876, John Horden*, évêque du diocèse anglican de Moosonee, sollicite une nouvelle recrue pour son territoire qui s’étend sur une bonne partie de la baie d’Hudson et de la baie James. Après avoir accepté l’offre, Peck, à titre de missionnaire formé par la Church Missionary Society, quitte l’Angleterre en juin 1876 à bord du Prince of Wales. Il profite de cette traversée de trois mois pour étudier l’inuktitut, la langue des Inuits, à partir de textes publiés par des missionnaires moraves déjà installés au Groenland et au Labrador.

Au cours de son premier séjour chez les Inuits (1876–1884), Peck se consacre à plusieurs apprentissages. Le 1er septembre 1876, il arrive à Moose Factory (Ontario), poste de la Hudson’s Bay Company où la Church Missionary Society a établi une mission en 1851. Il repart presque aussitôt pour la rivière Little Whale (Petite Rivière de la Baleine, Québec), autre poste de la compagnie, situé plus au nord, que l’expédition atteint le 24 octobre. Convaincu de l’importance de la connaissance des langues vernaculaires pour le succès de l’évangélisation, Peck apprend l’inuktitut et le cri ; à la demande de l’évêque, il prononce d’ailleurs un sermon dans cette dernière langue à l’occasion de son ordination comme ministre de l’Église d’Angleterre, le 3 février 1878, à Moose Factory. Comme il le reconnaîtra lui-même, les catéchistes autochtones John et Moses Melucto, Edward Richard et Adam Lucy l’aident grandement à maîtriser ces parlers. Il reprend l’écriture syllabique que le missionnaire méthodiste James Evans* a mise au point pour le sauteux et le cri, non pour l’adapter à l’inuktitut – ce travail ayant déjà été réalisé par John Horden et le révérend Edwin Arthur Watkins –, mais pour relancer l’œuvre catéchistisque en permettant une plus large diffusion des textes de l’Évangile. En 1877, il distribue des catéchismes. Dès 1878, il fait publier à Londres les Portions of the Holy Scripture for the use of the Esquimaux on the northern and eastern shores of Hudson’s Bay, premier volume suivi, en 1881, des Portions of the Book of Common Prayer : together with hymns, addresses, etc., for the use of the Eskimo of Hudson’s Bay et du St. Luke’s Gospel translated into the language of the Eskimo of Hudson’s Bay. Ce séjour se termine à l’été de 1884 avec un voyage d’exploration de trois semaines (du 17 juillet au 10 août) qui conduit Peck de la rivière Little Whale jusqu’au fort Chimo (Kuujjuaq), où il reprend le bateau pour l’Angleterre le 5 septembre.

Le deuxième séjour de Peck se déroule sous le thème des premiers défis (1885–1892). Sur le plan de l’apostolat, c’est à partir de fort George (Fort George, Québec) – où la mission de la rivière Little Whale est déplacée en 1886 – qu’il multiplie dorénavant ses voyages dans les camps environnants. Sa vie personnelle est également fort bien remplie. Revenu chez les Inuits après s’être marié en Angleterre, Peck y voit naître ses trois enfants (en 1886, 1889 et 1891). Le missionnaire doit écourter son séjour en raison des problèmes de santé de son épouse, qui supportait difficilement son isolement.

Au cours de ce moment de repos en Angleterre, Peck, qui songeait depuis 1892 à étendre l’évangélisation, trouve le moyen de se rendre gratuitement à la baie de Cumberland. En 1894, un armateur écossais, Crawford Noble, propriétaire d’une station baleinière dans le sud de l’île de Baffin, l’embarque avec Joseph Calder Parker, missionnaire laïque, à bord de l’Alert. Pour Peck, l’occasion est providentielle, car elle lui permet enfin d’entrer en contact avec des Inuits non encore évangélisés. Avec Parker, il fonde la première mission anglicane sur l’île de Baffin le 21 août 1894. La première église construite sur l’île de Blacklead (sur laquelle vivent alors 171 Inuits) est fabriquée en peau de phoque. Entre 1894 et 1905, avec d’autres missionnaires de la Church Missionary Society (Edgar William Tyler Greenshield, Julian William Bilby, Charles George Sampson), Peck séjourne à quatre reprises dans la baie de Cumberland (1894–1896 ; 1897–1899 ; 1900–1902 ; 1903–1905). Il fait également de nombreux voyages dans les régions voisines (notamment dans la baie Frobisher et à l’île de Kekerten). Avec l’aide du révérend William Gladstone Walton, il multiplie encore les travaux de traduction et de transcription. En 1897, l’ouvrage The four Gospels, translated into the language of the Eskimo of Hudson’s Bay est publié à Londres, où Peck fait imprimer en 1900 une version plus complète des Portions of the Book of Common Prayer. Conforté par le succès de ses stratégies d’évangélisation, notamment de l’enseignement de l’écriture, il songe à répandre le christianisme encore beaucoup plus au nord.

En dépit de son zèle apostolique, Peck s’efforce de recueillir et de traduire, à la demande de Franz Boas*, des données ethnographiques de grande qualité, notamment sur le chamanisme, que Boas publiera dans The Eskimo of Baffin Land and Hudson Bay, from notes collected by Capt. George Comer, Capt. James S. Mutch and Rev. E. J. Peck (ouvrage en deux volumes paru à New York en 1901 et 1907). Peck réalise ses dernières translittérations de la Bible entre 1895 et 1917. À partir de 1905, il porte le titre de surintendant des missions dans l’Arctique. Bien que, en 1903, la Church Missionary Society ait décidé de se retirer progressivement du Canada, Peck consacre la plus grande partie de son temps à la collecte de fonds pour assurer la poursuite de l’évangélisation sur l’île de Baffin. Il réside surtout à Ottawa, mais il fait encore plusieurs visites ponctuelles (1909, 1911, 1917, 1918, 1919) dans le détroit d’Hudson, entre autres à Lake Harbour (Kimmirut, Nunavut), dans la baie Wakeham et au fort Chimo. En 1919, il rédige une grammaire et un dictionnaire en langue inuit. L’Eskimo grammar (Ottawa, 1919) connaîtra plusieurs rééditions, tandis que l’Eskimo-English dictionary sera édité par le révérend William Gladstone Walton à Hamilton, en Ontario, en 1925. En 1920, à l’occasion du centenaire de la Church Missionary Society sur la terre de Rupert, Peck rédige une brochure sur les Inuits et l’histoire de l’évangélisation dans l’Arctique de l’Est canadien. Destiné à un large public, ce texte, intitulé The Eskimo : our brethren of the Arctic et dans lequel l’auteur fait état de ses besoins matériels et financiers, est publié, probablement à Toronto, vers 1922.

Malgré de faibles moyens techniques et financiers, Edmund James Peck souhaitait résoudre à tout prix la question de l’implantation du christianisme chez les Inuits nomades. Il s’est montré particulièrement fidèle aux principes de Henry Venn, troisième secrétaire de la Church Missionary Society. Ainsi, sur l’île de Baffin comme dans ce qui deviendra le Nunavik, dans la province de Québec, ses méthodes catéchistiques se sont toujours organisées autour de deux pôles : la traduction, puis la mise en circulation rapide, des Saintes Écritures et, conformément à la Native Church Policy adoptée par la Church Missionary Society, la formation de prosélytes et leaders indigènes. Peck a souvent recruté parmi d’anciens chamans les premiers ministres inuits, notamment les Melucto, Peter Tulugaqjuaq et Luke Qillaapik. Ses pairs l’ont baptisé « l’apôtre des Inuits » ; ces derniers lui ont rendu hommage en le surnommant Uqammaq, « celui qui parle bien ».

Frédéric Laugrand

Outre les ouvrages déjà mentionnés, Edmund James Peck a aussi publié de nombreux articles dans le Church Missionary Gleaner (Toronto) et le Moosonee and Keewatin Mailbag (Moosonee, Ontario).

Les documents originaux concernant Peck sont conservés à la Univ. of Birmingham Library, Special Coll. (Birmingham, Angleterre), Church Missionary Soc. Arch., et à l’Église anglicane du Canada, General Synod Arch. (Toronto), M56/1 (Peck papers) ; ce fonds contient, entre autres, la version préliminaire d’une autobiographie, ainsi qu’une biographie inédite rédigée par Kenn Harper, « Uqarmat : the life of Reverend Edmund James Peck » et une copie de l’acte de mariage de Peck. BAC a une copie sur microfilm des archives de la Church Missionary Soc. ayant trait au Canada (MG 17, B2). Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, Geneal. Soc., International geneal. index.— Apostle to the Inuit ; the journals and ethnographic notes of Edmund James Peck : the Baffin years, 1894–1905, Frédéric Laugrand et al., édit. (Toronto, à paraître).— Karen Evans, « Edmund James Peck : his contribution to Eskimo literacy and publishing », Canadian Church Hist. Soc., Journal (Toronto), 26 (1984) : 58–68.— Kenn Harper, « The early development of Inuktitut syllabic orthography », Études inuit (Québec), 9 (1985) : 141–162.— Frédéric Laugrand, « “Ni vainqueurs, ni vaincus” : les premières rencontres entre les chamanes inuit (angakkuit) et les missionnaires dans trois régions de l’Arctique canadien », Anthropologie et Sociétés (Québec), 21 (1997) : 99–123 ; « Premiers Catéchismes et Méthodes catéchistiques des missionnaires anglicans et oblats chez les Inuit de l’Arctique de l’Est (1852–1937) », SCHEC, Études d’hist. religieuse, 64 (1998) : 9–29 ; « Siqqitiqpuq : conversion et réception du christianisme par les Inuit de l’Arctique de l’Est canadien (1890–1940) » (thèse de ph.d., univ. Laval, 2000).— Arthur Lewis, The life and work of the Rev. E. J. Peck among the Eskimos (New York, 1904).

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Frédéric Laugrand, « PECK, EDMUND JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 23 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/peck_edmund_james_15F.html.

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Auteur de l'article:    Frédéric Laugrand
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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