BRUNEAU, FRANÇOIS-JACQUES, magistrat et membre du Conseil d’Assiniboia, né en décembre 1809 au lac Vert (Green Lake, Saskatchewan), fils illégitime d’Antoine Bruneau et d’une Crise de race pure ou d’une Métisse, décédé le 26 juin 1865 à Saint-Boniface (Manitoba).
Le père de François-Jacques Bruneau fut probablement « voyageur » de la North West Company ; il semble qu’il ait eu des liens de parenté avec les Bruneau, bien connus dans la société québécoise, y compris la femme de Louis-Joseph Papineau*, Julie. Les grands-parents de François-Jacques étaient originaires du Poitou ; il appartenait donc à une famille française récemment établie au pays, chose rare parmi les Métis français. Ceux qui le pouvaient se disaient petits-fils de « Français de France », dans l’espoir d’être sur le même pied que les Métis anglais, leurs compatriotes, qui comptaient pour la plupart parmi leurs proches parents des Écossais ou des Anglais.
En 1814, François-Jacques Bruneau se rendit avec son père à Montréal où il fut baptisé le 28 octobre ; en 1822, il s’installa à la Rivière-Rouge. Il s’inscrivit à l’école de Saint-Boniface (qui devint collège classique l’année suivante) dont le directeur était l’abbé Jean Harper. En 1827, il exprima le souhait de devenir prêtre, ce qui ne pouvait que plaire à l’évêque, Joseph-Norbert Provencher*, car Bruneau parlait couramment la langue des Cris. Mais en 1829, alors qu’il était en rhétorique, le premier élève du collège à atteindre ce niveau, il décida de devenir professeur. Il épousa, probablement en 1831, Marguerite Harrison, fille d’une Crise et d’un employé de la North West Company, et abandonna l’enseignement pour l’agriculture. Sa famille, ses biens et ses troupeaux s’agrandirent et il acquit de nouvelles charrettes pour son entreprise de transport, comme le montrent les recensements faits en Assiniboia entre 1832 et 1849. Un de ses 11 enfants, Athanase, servit de guide à lord Milton [Wentworth-Fitzwilliam*] et au docteur Walter Butler Cheadle en 1862.
En 1849, pour l’Assiniboia du moins, Bruneau était un homme bien nanti. Il était aussi engagé dans les affaires de la colonie. En juillet 1843, il avait joué, devant le Conseil d’Assiniboia, un rôle prédominant au sein d’une délégation métisse demandant la création d’une distillerie qui permettrait aux Métis d’écouler leurs surplus de grain, ainsi que des modifications périodiques au corps de police, de façon à ce qu’un plus grand nombre d’entre eux puissent participer à l’administration du pays. Le retour de Louis Riel, père, du Bas-Canada au cours de l’été de 1843 relégua Bruneau au second rang jusqu’en 1849. Il fit fonction de diacre honoraire en 1845, lors de l’ordination à la prêtrise d’Alexandre-Antonin Taché*, qui devint plus tard évêque et archevêque de Saint-Boniface. Son rôle fut à ce point effacé au cours de cette période qu’il s’abstint même de tenter d’obtenir le renvoi d’Adam Thom*, recorder francophobe de Rupert’s Land et membre du Conseil d’Assiniboia. En son genre, Bruneau représentait fort bien les Métis français élevés à la Rivière-Rouge, qui manquaient toujours d’assurance en présence des Blancs ou des Métis anglais élevés ailleurs. Il était accommodant, comme les autres Métis français qui finirent par être nommés au Conseil d’Assiniboia, et se laissait facilement influencer par les autorités en place, qu’elles fussent civiles ou religieuses.
Bruneau prit le parti des Métis au printemps de 1849, lorsque leur mécontentement atteignit son apogée avec l’arrestation de Pierre-Guillaume Sayer* qui avait empiété sur le monopole commercial de la Hudson’s Bay Company. Il adhéra à un comité de vigilance et en fut le seul membre à faire partie du jury lors du procès de Sayer, mais Riel attirait plus que lui l’attention du public. Après le procès cependant, Bruneau ne signa pas la pétition présentée au Conseil d’Assiniboia en mai 1849, qui demandait la révocation de Thom et la nomination d’un recorder bilingue ainsi que de Canadiens français et de Métis français au conseil. Il fut pourtant l’un des deux Canadiens français et des trois Métis français, « hommes de bon sens capables de juger sainement », dont Mgr Provencher recommanda la nomination au conseil après que les Métis eurent approuvé ce choix lors d’une grande réunion qu’ils tinrent avant leur départ pour la chasse d’été. George Simpson*, gouverneur de Rupert’s Land, ne partageait toutefois pas l’opinion de l’évêque, et, à Londres, la direction de la compagnie eut certaines réticences lorsqu’il parla d’illettrés. Seul l’abbé Louis-François Laflèche* devint membre du conseil en juillet 1850.
À cette époque, Mgr Provencher fit de nouveau valoir auprès de Simpson combien il importait de nommer au conseil des Canadiens français et des Métis français. Simpson, qui se trouvait alors à la Rivière-Rouge, étudia de plus près la candidature de Bruneau et finit par le proposer aux dirigeants de Londres comme un « homme de bonne réputation et d’éducation moyenne » dont la nomination favoriserait la paix chez les « Métis canadiens [qui] constituent une grande partie des habitants et ne se sentent pas placés sur le même pied que les autres groupes de la colonie ». En 1851, la proposition de Simpson reçut l’appui d’Eden Colvile*, gouverneur de Rupert’s Land, qui souhaitait lui aussi la nomination de Bruneau, entre autres, afin de faire contrepoids aux membres du clergé qui siégeaient au conseil.
Entre temps, Bruneau avait été nommé magistrat de l’un des districts judiciaires d’Assiniboia à l’automne de 1850 et il en devint président ou juge en 1851. Le 29 mars 1853, il prêta enfin le serment de membre du Conseil d’Assiniboia ; après Cuthbert James Grant*, il fut le deuxième laïque de langue française à siéger au conseil. On lui confia bientôt divers postes qui lui rapportaient des salaires annuels de £12 à £25, et entre autres celui de juge de plusieurs districts. Il assista régulièrement aux réunions du conseil mais ses interventions furent peu nombreuses.
S’il faut en croire ses contemporains, Bruneau était courtois et d’abord facile. Il avait des goûts simples et aimait à lire les livres qu’il empruntait à la bibliothèque de la compagnie ou à celle de l’évêché. Par deux fois, il prit la défense de son protecteur, Mgr Provencher, dans le Nor’Wester qui ne reconnaissait pas suffisamment son influence éducative et civilisatrice à la Rivière-Rouge. Bruneau eut toujours beaucoup de respect pour Provencher et son successeur Taché, même s’il ne partageait pas toujours leur attitude dans les affaires civiles ; ainsi, il désapprouva la position qu’adopta Taché au conseil en faveur d’une taxe sur les boissons alcooliques pour en freiner l’importation. Bruneau, qui savait comment se concilier la faveur des gens les plus influents, proposa et fit adopter un amendement visant à exempter les importations d’Angleterre.
En 1865, Bruneau et sa femme furent victimes de la typhoïde qui sévissait dans la colonie. En 1870, seuls trois de ses filles et un de ses fils vivaient encore. Bruneau avait fidèlement contribué à maintenir l’autorité de la Hudson’s Bay Company sans nuire aux intérêts de ses compatriotes métis, mais sans contribuer beaucoup non plus à leur progrès politique, social ou économique.
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Lionel Dorge, « BRUNEAU, FRANÇOIS-JACQUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bruneau_francois_jacques_9F.html.
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Auteur de l'article: | Lionel Dorge |
Titre de l'article: | BRUNEAU, FRANÇOIS-JACQUES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |