Provenance : Avec la permission de Wikimedia Commons
CHAMPLAIN, SAMUEL DE, soldat, cartographe, navigateur, auteur, explorateur, fondateur de Québec en 1608 et administrateur colonial, fils d’Anthoine de Champlain et de Margueritte Le Roy ; le 30 décembre 1610, il épousa à Paris Helene (Helaine) Boullé (Boulle), et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 25 décembre 1635 à Québec.
Le lieu et la date de naissance de Samuel de Champlain soulèvent des doutes encore au xxie siècle. En raison de la disparition des registres de baptême tenus avant 1615 à Brouage, en Saintonge, où Champlain a grandi, aucune archive incontestable n’a révélé ces renseignements. Champlain s’est dit « de Brouage » dans le rapport de son voyage de 1603, Des sauvages. De plus, le testament de son oncle Guilheume Allène l’a désigné « natural del bruaze » (naturel de Brouage), expression signifiant qu’il est probablement né à cet endroit. Les historiens du xixe et du xxe siècles ont suggéré les années de naissance 1567, 1570 et 1580. Champlain ayant écrit en 1632, dans les Voyages de la Nouvelle France occidentale, dicte Canada, faits par le Sr de Champlain, « avoir passé trente huict ans de mon aage à faire plusieurs voyages sur mer », l’année 1580 a paru plausible à certains. D’après cette seule source de première main connue à ce jour et une estimation à partir de la date présumée du baptême de celui qu’il considérera comme un père, François Gravé Du Pont, Champlain aurait donc commencé à naviguer vers l’âge de 14 ans, ce qui n’a rien d’étonnant pour un enfant de marin. D’autres découvertes ont relancé le débat, notamment celle d’un acte de baptême daté du 13 août 1574 dans le registre du temple Saint-Yon, lieu de culte protestant à La Rochelle. Jean-Marie Germe, généalogiste poitevin, y a repéré, en 2012, un certain Samuel Chapeleau, fils d’Anthoynne Chapeleau et de Margerite Le Roy. Dans les registres paroissiaux, l’orthographe des noms propres est souvent fantaisiste, les clercs y inscrivant ce qu’ils croyaient avoir entendu. Ici, les trois prénoms sont semblables, de même que le patronyme de la mère. Et la similitude entre Chapeleau et Champlain rend l’analogie très troublante. De plus, Brouage se situant à moins d’une demi-journée de navigation de La Rochelle, la mère de Samuel pouvait y séjourner avant la naissance de son enfant. Le baptême de Champlain dans un temple protestant confirmerait l’hypothèse, généralement admise, d’une enfance dans cette religion alors officiellement désignée sous le nom de Religion prétendue réformée. Si Champlain était né vers 1574, il aurait eu environ 19 ans lors de sa première fonction militaire en Bretagne en 1593, rendant très vraisemblables ses promotions ultérieures. Ces données ne constituent cependant pas des preuves irréfutables. Il faut savoir que Chapeleau est un patronyme très répandu en Saintonge et qu’on a déjà découvert plusieurs Marguerite Le Roy dans les registres. Avant d’accepter ce document comme l’acte de baptême de Champlain, d’autres sources s’avèrent donc indispensables.
L’incertitude sur la naissance de Champlain porte aussi sur sa religion de baptême. Le prénom Samuel, d’origine biblique, était habituellement attribué à des enfants de huguenots. La ville de Brouage, comme plusieurs autres de Saintonge, a été alternativement catholique et protestante, mais, à partir de 1577, prise par les soldats catholiques du duc de Mayenne, elle est restée fidèle à la religion du roi de France Henri III, malgré les nombreuses tentatives des protestants rochelais d’y établir leur autorité. On sait toutefois que la religion protestante était souvent pratiquée clandestinement. Si Champlain a certainement reçu une éducation catholique, comme il l’a montré tout au long de sa vie, il a néanmoins conservé des affinités avec des huguenots, dont Pierre Dugua de Monts, lieutenant général de la Nouvelle-France sous l’autorité duquel il a fondé les postes de l’île Sainte-Croix (Maine) (1604), de Port-Royal (Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse) (1605) et de Québec (1608). Son mariage avec Helene Boullé, fille de protestants, laisse encore supposer de réels antécédents dans cette religion.
La filiation de Champlain, bien établie, figure sur son contrat de mariage. Champlain y est dit fils d’« Anthoine de Champlain, vivant cappitaine de la marine [...] et de dame Margueritte Le Roy ». On sait aussi que ses parents possédaient plusieurs maisons à Brouage. Ces simples données permettent de les considérer comme notables de cette petite ville portuaire. Son mariage avec Helene Boullé, fille d’un secrétaire de la Chambre du roi, Nicolas Boullé (Boulle), confirme cette notoriété. Un personnage d’une telle importance ne pouvait autoriser le mariage de sa jeune fille de moins de 12 ans – dont la sœur aînée était encore célibataire – qu’à un véritable « Gentilhomme de merite », comme les Chroniques de l’ordre des ursulines le précisent.
Peut-on en déduire que Champlain était noble ? Certains historiens imaginatifs veulent lui attribuer une identité secrète et prestigieuse ou voir en lui un fils adultérin d’Henri IV à qui il devait sa mission de fondateur de la Nouvelle-France. Il n’en est rien. Les bâtards des rois, presque aussi précieux que les enfants légitimes, étaient élevés à la cour, ou à proximité, et préparés à occuper les plus hautes fonctions. Ce ne fut pas le cas de Champlain qui a servi, durant toute sa carrière, sous l’autorité de personnages de la grande noblesse. Son nom, généralement écrit avec la particule, elle-même accompagnée parfois du mot « sieur », signifie principalement que son patronyme a déjà été rattaché à une propriété terrienne. Bien qu’au moins huit propriétés connues en France aient porté le nom de Champlain (campus planus en latin) au xvie siècle, il n’y a pas de preuve absolue que l’une d’entre elles ait appartenu à sa famille. Certains indices privilégient un lieu-dit situé près de Saint-Pierre-des-Landes, en Mayenne, à proximité de Vitré, où les parents d’Helene Boullé ont fui la persécution contre les protestants. Champlain y a entretenu des liens étroits avec des membres de la communauté protestante, comme Pierre Noel, sieur de Cohigne, qui signe son contrat de mariage à Paris, et le fils de celui-ci, René, sieur de Bourgjoly, membre d’une expédition en Acadie, où il a trouvé la mort en 1605. On ne connaît aucun titre de noblesse à la famille de Champlain, mais on constate, de par ses affinités sociales, ses biens et ses activités au service de l’État, qu’elle vivait noblement. Champlain pouvait être qualifié de « noble homme » ou d’« écuyer », termes habituellement attribués à la noblesse, et ainsi devenir lieutenant du vice-roi Henri II de Bourbon, 3e prince de Condé, en 1612. Si sa condition lui permettait d’exercer des fonctions relativement importantes auprès de grands seigneurs, elle ne lui donnait pas accès à des responsabilités prestigieuses dépendant directement du roi ou réservées à la grande noblesse, ce qui explique qu’il n’ait jamais porté le titre de gouverneur de la Nouvelle-France.
On attribue à Champlain des capacités de « peintre » (comme l’écrivent les auteurs du « Factum des marchands de Saint-Malo contre Champlain », publié dans les Nouveaux Documents sur Champlain et son époque), de cartographe, de navigateur, ainsi qu’une excellente maîtrise de la langue française, mais on sait peu de choses sur la façon dont Champlain les a acquises. À Brouage, on n’a trouvé trace d’aucune école du temps de Champlain : la première petite académie, où les jeunes nobles recevaient une formation à leur future vie militaire, a été fondée en 1594. Champlain n’a pu y étudier et rien n’indique qu’il ait obtenu son éducation ailleurs. Une ou plusieurs personnes de son entourage lui ont probablement enseigné l’écriture, le dessin, la cartographie et les autres matières. Son père et son oncle Guilheume Allène, prospères capitaines de navires, pouvaient le préparer au métier de navigateur et mandater des maîtres capables de lui inculquer de solides notions de français, de calcul et de géographie. Brouage, alors une ville portuaire en plein développement et ouverte sur le monde atlantique, comptait plus d’un millier d’habitants, auxquels s’ajoutaient plusieurs milliers de marins de toutes nationalités qui y faisaient escale pour se ravitailler en sel. La fréquentation de cette population cosmopolite et dynamique était de nature à éveiller une curiosité pour les nouveaux territoires.
La première mission militaire de Champlain se situe dans la longue période des guerres de Religion (1562–1598). Ce dernier se serait engagé à l’occasion d’un recrutement du gouverneur de Saintonge et de Brouage, François d’Espinay, seigneur de Saint-Luc, qui, en mars 1593, conduit 800 soldats pour seconder le maréchal Jean IV d’Aumont, commandant de l’armée royale de Bretagne. Bien que le roi Henri IV ait adhéré officiellement à la religion catholique le 25 juillet, ce qui aurait dû mettre un terme au conflit, certains territoires résistent encore à son autorité, telles plusieurs régions de l’ouest de la France, où les Espagnols refusent d’abandonner les ports bretons conquis de haute lutte. Le régiment de Brouage, sous la direction de René de Rivery, chevalier de Potonville, est cantonné à Paimpol à partir d’octobre 1593. Par voie de terre, Champlain rejoint son poste de fourrier à Quimper – les livres de comptes de l’armée royale active en Bretagne lui donnent ce titre en 1595 –, soumis à l’autorité de Jean Hardy, officier chargé du ravitaillement. Au cours de la même année, Champlain agit comme officier de la gestion du logement des troupes, et, à titre d’aide de Hardy, effectue un voyage secret pour le service du roi. Il reçoit en 1595 une rémunération confortable : 33 écus et un tiers mensuels en mars et en avril, et 25 écus pour les mois de mai à décembre, ce qui dépasse largement les revenus fonciers moyens d’un petit noble. En 1597, Champlain est capitaine de compagnie à Quimper.
En Bretagne, Champlain côtoie de hauts dignitaires français et des marins anglais qui jouent un rôle déterminant dans son apprentissage. La reine Élisabeth Ire charge un contingent anglais de combattre les Espagnols aux côtés des Français fidèles à Henri IV. Parmi les effectifs figure le cartographe Ralph Treswell, qui établit la carte de la province de Bretagne pour les besoins des opérations militaires. Comme fourrier, Champlain doit produire les cartes nécessaires au logement et aux déplacements des troupes. Il est plus que probable qu’il travaille étroitement avec ce spécialiste et profite de son savoir et de son expérience.
Enfin, la France et l’Espagne signent un traité de paix à Vervins le 2 mai 1598. Une flotte de navires français affrétés par le roi d’Espagne Philippe II et commandés par le général Pedro de Zubiaur reconduisent les survivants des troupes espagnoles. Champlain part de Blavet (Port-Louis, France) le 9 septembre sur le Saint-Julien piloté par son oncle Allène, en direction de Cadix, en Espagne, où il débarque cinq jours plus tard, puis il séjourne à Sanlúcar de Barrameda sur la côte atlantique, port principal des expéditions espagnoles vers l’Amérique.
Champlain rapportera dans son « Brief discours des choses plus remarquables que Sammuel Champlain de Brouage a reconneues aux Indes Occidentalles », publié notamment dans les Œuvres de Charles-Honoré Laverdière* : « [J]e me resolus, pour ne demeurer oysif, de trouver moyen de faire ung voiage en Espaigne, y estant pratiquer & acquerir des cognoissances pour par leur faveur & entremise faire en sorte de pouvoir m’enbarquer dans quelqu’un des navires de la flotte que le Roy d’Espaigne envoye tous les ans aux Indes Occidentalles. » Son projet ne peut prendre forme dans de meilleures conditions. Le Saint-Julien est réquisitionné pour se joindre à la flotte des Indes occidentales commandée par Francisco Coloma. Champlain assume, selon le « Brief discours », « la charge dudict vaisseau » à la demande de son oncle, retenu en Espagne par le général Zubiaur. La flotte lève l’ancre le 3 février 1599, est à Porto Rico du 22 au 28 mars, puis à Saint-Domingue (île d’Haïti) le 8 avril, où elle affronte une escadre franco-anglo-hollandaise. Après deux mois à Veracruz, au Mexique, du 1er mai au 29 juin, le Saint-Julien atteint Cuba où, très endommagé, il est désarmé et vendu aux enchères. Champlain reste à La Havane jusqu’au 6 janvier 1600 puis, sur un navire de la flotte espagnole, retourne à Sanlúcar de Barrameda, où il arrive le 26 février. C’est alors qu’il entreprend la rédaction du « Brief discours ». Il demeure plus d’un an en Espagne, principalement à Cadix, et veille sur Allène, qui meurt vraisemblablement à la fin du mois de juin après avoir rédigé un testament en sa faveur.
Le « Brief discours » n’est ni un récit de voyage ni un journal de bord, mais plutôt un ensemble d’observations sur la faune, la flore, la géographie et les habitants des Antilles, rédigées au retour d’une année entière d’exploration. On n’a trouvé aucun original de ce manuscrit, qui devait contenir au moins 81 dessins et dont trois versions subsistent : l’une conservée aux Archives d’État de Turin, en Italie, l’autre à la Bibliothèque universitaire de Bologne, et enfin, la plus complète, à la John Carter Brown Library à Providence, dans le Rhode Island. Les informations, généralement proches de la réalité, comportent aussi des erreurs et des imprécisions, Champlain n’ayant pas eu la possibilité d’effectuer des études minutieuses sur place et rédigeant ses descriptions à distance. Cet aspect brouillon du « Brief discours » a soulevé des doutes sur le fait que Champlain en soit l’auteur et même qu’il ait pris part à ce voyage. De nombreux témoignages concordants, autant dans les archives espagnoles que françaises, ont dissipé ces incertitudes. L’exemplaire le plus complet et le plus soigné s’est trouvé entre les mains d’Aymard de Chaste, commandeur de l’ordre souverain de Malte, vice-amiral de France et gouverneur de Dieppe, où il a légué sa bibliothèque au couvent des minimes. Retrouvé chez le bibliothécaire dieppois Pierre-Jacques Féret en 1855, il a ensuite appartenu à la librairie parisienne Maisonneuve et compagnie, qui l’a vendu à la John Carter Brown Library en 1884.
Ce n’est pas par hasard que de Chaste ait eu en sa possession une version du « Brief discours ». En effet, après la mort d’Allène, Champlain est retourné à Brouage en 1601 pour régler la succession de son oncle et revoir ses compagnons d’armes, dont Rivery de Potonville, chevalier de l’ordre souverain de Malte et commandeur d’Oisemont, en Picardie, lieu situé à près de 31 milles de Dieppe. Potonville a vraisemblablement demandé à de Chaste, qu’il connaissait, de remettre le manuscrit au roi Henri IV. Le souverain a reçu Champlain et l’a gratifié d’une pension.
En 1603, sachant qu’Henri IV a de grands projets d’exploration et de colonisation en Amérique, de Chaste, détenteur du monopole du commerce en Nouvelle-France, lui recommande Champlain, dont il apprécie l’expérience et le talent et à qui il demande de « faire le voyage, pour voir ce pays, & ce que les entrepreneurs y feront », comme Champlain le racontera dans les Voyages de la Nouvelle France occidentale. Le roi charge Champlain d’une nouvelle mission d’observation qui devra donner lieu à un fidèle rapport. Champlain doit rejoindre François Gravé Du Pont, capitaine malouin qui pratique la traite des fourrures dans la vallée du fleuve Saint-Laurent depuis une vingtaine d’années. Il ne peut souhaiter meilleure compagnie pour s’initier au Canada et à ses habitants, car Gravé connaît bien ceux que les Français appellent des Montagnais (Innus). Deux d’entre eux, ramenés en France en 1602 par le lieutenant général de la Nouvelle-France Pierre de Chauvin de Tonnetuit, font partie du voyage vers le Saint-Laurent. Avec Champlain, ils montent à bord de la Bonne-Renommée, dont Gravé est le capitaine. La Françoise, sous le commandement de Jehan Girot, et un autre navire dont on ignore le nom, dirigé par Jean Sarcel de Prévert et appartenant au Malouin Gilles Éberard du Colombier, font aussi partie de la petite flotte. Ces bateaux d’exploration sont les mêmes que ceux qui rapportent en France des chargements de poissons et de fourrures. Ils ont un port d’environ 100 tonneaux et un gabarit moyen de 40 pieds de quille, 19 pieds de largeur et 10 pieds de profondeur. Le 15 mars, les trois navires lèvent l’ancre à Honfleur et, le 26 mai, entrent dans la baie de Tadoussac.
En 1600, Chauvin choisit d’établir un poste de traite à Tadoussac pour s’allier aux Montagnais du nord du Saint-Laurent. Cette nation a réussi à s’imposer comme coordonnatrice des mouvements et des échanges avec les chasseurs nordiques qui nomadisaient sur un territoire allant de l’ouest de la rivière Les Trois-Rivières (Saint-Maurice) à la vallée de la rivière du Nord (des Outaouais) et jusqu’au nord du lac Piékouagami (Saint-Jean).
Au début du xviie siècle, les nombreuses nations de la région du Saint-Laurent en relation plus ou moins directe avec les Européens peuvent se départager en deux grandes familles linguistiques : l’iroquoienne et l’algonquienne. Au premier groupe se rattachent notamment ceux que les Français nomment les Iroquois, les Neutres et les Hurons, qualifiés ainsi selon un terme du xive siècle pour des hommes dont une hure surmonte la tête (au xviie siècle, on les appellera Wendats). Les cinq nations iroquoises, soit les Agniers (Mohawks), les Onneiouts, les Onontagués, les Goyogouins et les Tsonnontouans, se rassemblent en une ligue désignée par les Français comme la Confédération iroquoise (Confédération haudenosaunee). Les nations de langue iroquoienne résident surtout au sud-ouest du Saint-Laurent, dans la région des Grands Lacs et au nord de ce qui deviendra l’État de New York. Les populations de langues algonquiennes occupent quant à elles toute la partie orientale du Canada et l’Acadie, en excluant les Inuits. Les Français trafiquent surtout avec les nations qu’ils connaissent sous les noms d’Algoumequins (Algonquins), de Montagnais, d’Etchemins (Malécites) et de Micmacs (Mi’gmaqs). Celles-ci ont accès à des pelleteries de premier choix grâce aux conditions environnementales des animaux de la forêt boréale et au vaste réseau de rivières qui facilite les déplacements des chasseurs. Par leurs divers alliés, dont les Hurons, les produits européens, les fourrures et les denrées alimentaires peuvent circuler sur de grandes distances par rivières et lacs.
Le 27 mai 1603, à leur arrivée à la pointe de Saint-Mathieu (pointe aux Alouettes), près de Tadoussac, les Français trouvent les Montagnais et leurs alliés algoumequins et etchemins, soit un millier de personnes. Tous sont prêts à faire la traite des fourrures préparées pendant l’hiver. Le chef montagnais Anadabijou invite les Français à participer aux réjouissances en l’honneur d’une récente victoire sur les Agniers de la rivière des Iroquois (Richelieu), dont une centaine de têtes ont été rapportées. Cette grande rencontre (que Champlain nomme « Tabagie » dans Des sauvages) réunit, sous une habitation sommaire, 80 à 100 personnes, dont Champlain et Gravé. Celui-ci, après ses nombreux voyages de commerce sur le Saint-Laurent, comprend sans doute la langue. Il peut, au besoin, agir comme interprète pour Champlain, qui doit aussi en avoir acquis quelques rudiments durant les deux mois passés sur le bateau auprès des Montagnais revenus de France. Comme le rapporte Champlain dans Des sauvages, la fête commence par une suite de discours. L’un des deux Montagnais raconte son passage en France, à la manière d’un ambassadeur au retour d’une mission. Il décrit « la bonne reception que leur avoit faict le Roy, & le bon traictement qu’ils avoient receu en France, & qu’ils s’asseurassent que sadite Majesté leur vouloit du bien, & desiroit peupler leur terre, & faire paix avec leurs ennemis (qui sont les Irocois) ou leur envoyer des forces pour les vaincre ». Anadabijou, à son tour, dans une longue harangue, dit « [q]u’il estoit fort aise que sadicte Majesté peuplast leur terre, & fist la guerre à leurs ennemis, qu’il ny avoit nation au monde à qu’ils voulussent plus de bien, qu’aux François : En fin il leur fit entendre à tous le bien & utilité qu’ils pourront recevoir de sadicte Majesté. » Champlain croit comprendre que le pouvoir du chef montagnais s’exerce aussi sur les autres peuples alliés et qu’il parle en leur nom. Il lui semble évident que les nations présentes considèrent les avantages d’un peuplement français et d’une alliance commerciale avec le roi de France en contrepartie d’une assistance militaire ; c’est ce qu’il exprime dans Des sauvages. Les Montagnais s’imposent ainsi comme les détenteurs de l’alliance avec les Français et, en quelque sorte, engagent leurs alliés. Cette alliance ne restera pas lettre morte et sera plusieurs fois confirmée par la suite. Le 28 mai, les peuples vont à Tadoussac, où ils reprennent les festivités le 9 juin.
À partir du 11 juin, Champlain, Gravé et leurs compagnons des Premières Nations entreprennent un voyage d’exploration. Champlain rapporte dans Des sauvages que la remontée de la rivière Saguenay, sur « douze à quinze lieues », révèle l’existence d’une « mer qui est salee » plus au nord, grâce à l’information des Montagnais, qui décrivent aussi le réseau hydrographique. Cette étendue d’eau prendra le nom de baie d’Hudson après son exploration par Henry Hudson sept ans plus tard. De retour à Tadoussac, Gravé entraîne Champlain, le 18 juin, sur le Saint-Laurent, vers l’ouest. Admiratif, celui-ci détaille soigneusement les rivages et les terres aperçues. Il signale chaque accident géographique, énumère les espèces d’arbres et, comme Jacques Cartier, mais sans le citer, repère « des diamans dans des rochers d’ardoise » à Québec. Ce sont en réalité des cristaux de quartz semblables à ceux extraits à proximité d’Alençon, en France. Champlain reconnaît Trois-Rivières comme un « lieu propre pour habiter » et facilement accessible aux Premières Nations qui fournissent des fourrures. Naviguant dans la rivière des Iroquois à contre-courant sur « cinq ou six lieues », les explorateurs rebroussent chemin après avoir appris l’existence d’un grand lac plus au sud (peut-être le lac George) « au bout duquel sont cabannez les Irocois » et d’une « riviere » (fleuve Hudson) débouchant sur la « coste de Floride » (Nouvelle-Angleterre).
En pénétrant dans l’archipel d’Hochelaga, au début du mois de juillet, Champlain s’étonne du nombre d’îles, du dédale des divers cours d’eau, et note la variété des espèces d’arbres fruitiers et d’animaux sauvages propres à la chasse et à la consommation. Il est surtout intrigué par l’éventualité d’une voie navigable vers l’ouest et ne porte aucune attention à l’absence de population sur ces îles pourtant considérées comme fertiles, ce qu’a auparavant reconnu Cartier. Leur barque ne pouvant pas les traverser sans danger, les voyageurs doivent interrompre leur expédition devant une dizaine de « saults » (rapides de Lachine). Leurs compagnons des Premières Nations leur décrivent les sources du fleuve jusqu’à reconstituer ce que l’on nommera le réseau des Grands Lacs, y compris les chutes du Niagara. À partir de ces indications, les explorateurs déduisent qu’un cours d’eau issu de ce réseau hydrographique pourrait conduire vers la « mer du Su[d], estant salee » (océan Pacifique). De retour à Tadoussac le 11 juillet, les Français corroborent ces hypothèses auprès d’autres membres des Premières Nations, qui confirment la possibilité d’atteindre la mer d’Asie grâce à leurs canots et à leurs indications. Gravé et Champlain avancent sur le fleuve jusqu’à Gaspé, où ils séjournent du 15 au 19 juillet. On leur fait l’éloge de l’Acadie avec ses mines d’argent et de cuivre, ce qui est de nature à encourager de futurs projets d’exploration. De là, les voyageurs retournent à Tadoussac effectuer une dernière traite et, après un arrêt à Gaspé, embarquent le 24 août pour Honfleur, où ils jettent l’ancre le 20 septembre 1603.
Le roi Henri IV, qui séjourne en Normandie du 17 août au 25 septembre, reçoit vraisemblablement, directement des mains de Champlain, une carte du Saint-Laurent accompagnée d’un rapport sommaire du voyage. Le compte rendu détaillé, dédié à l’amiral de France Charles de Montmorency, obtient le privilège de publication le 15 novembre et prend le titre Des sauvages, ou, voyage de Samuel Champlain, de Brouage, faict en la France nouvelle, l’an mil six cens trois : contenant, les mœurs, façon de vivre, mariages, guerres, & habitations des sauvages de Canadas, de la descouverture de plus de quatre cens cinquante lieuës dans le pays des sauvages, quels peuples y habitent, des animaux qui s’y trouvent, des rivieres, lacs, isles, & terres, & quels arbres & fruicts elles produisent, de la coste d’Arcadie, des terres que l’on y a descouvertes, & de plusieurs mines qui y sont, selon le rapport des sauvages. Comme son titre complet l’indique, l’ouvrage a la forme d’un journal de voyage, présenté en ordre chronologique. Il brosse un tableau du fleuve et de la vallée du Saint-Laurent, ainsi que de ses habitants. Pour la première fois, un explorateur européen décrit avec précision les conditions de navigation en reprenant la toponymie de ses prédécesseurs, dont celle de Cartier et du cartographe Guillaume Levasseur (carte de 1601). Toutefois, il ne les cite jamais expressément. On ne peut douter que Champlain ait été informé de leurs voyages, car il utilise la dénomination des lieux déjà connus. Craint-il de diminuer son mérite en rendant justice à ses précurseurs ? Ou veut-il alléger son récit sans s’attarder aux précédents ? Quoi qu’il en soit, il réussit à s’imposer comme un observateur sans pareil.
Le regard de Champlain sur les Premières Nations constitue la grande nouveauté de son ouvrage. L’explorateur identifie souvent les nations par les noms qu’elles utilisent selon lui, et que ses compatriotes pêcheurs et commerçants connaissent. Jamais auparavant on n’avait désigné, par écrit, ces populations autrement que sous le terme générique de « sauvages ». De même, les chefs, comme Anadabijou et Begourat, portent un nom précis. Ce sont eux et les membres de leurs nations qui fournissent à Champlain l’essentiel de l’information sur la géographie. Sa démarche s’inscrit dans une entreprise diplomatique dont il n’est encore qu’un témoin : des alliances déjà établies doivent s’élargir afin d’assurer la pérennité du commerce et des autres projets des Français en Amérique.
Comme demandé, en vue d’éventuels efforts de colonisation, Des sauvages s’adresse directement au roi Henri IV, qui sait bien que les marins français sont depuis longtemps familiers des rivages de l’Acadie, où des centaines d’entre eux passent la belle saison pour pêcher la morue, la faire sécher et commercer avec des nations, comme les Micmacs et les Etchemins. Ces derniers, qui fréquentent ou habitent la grande région des rivières Sainte-Croix, Saint-Jean, Penobscot et Kennebec, ont déjà une longue expérience d’échanges avec les pêcheurs et traiteurs européens. Ils y trouvent un poisson d’excellente qualité et un climat plus doux qu’à Terre-Neuve ou dans l’embouchure du Saint-Laurent. Situés à une latitude semblable à celle du sud-ouest de la France, le sol et les forêts de l’Acadie offrent des ressources minières, végétales et animales susceptibles d’accueillir un établissement permanent. L’échec du poste installé à l’île de Sable en 1598 par le vice-roi en Nouvelle-France Troilus de La Roche de Mesgouez ne dissuade pas les explorateurs de projeter leur implantation dans cette région si accessible.
Henri IV, qui souhaite étendre la présence française en Amérique, porte un vif intérêt au récit de Champlain. Il y trouve la possibilité d’exploiter des minerais, et de poursuivre la pêche et le commerce des pelleteries avec l’assistance des Premières Nations alliées. Malgré la mort de de Chaste, protecteur de Champlain, le 13 mai 1603, Henri IV conserve son objectif colonial. Le 8 novembre, il désigne Dugua lieutenant général de l’Acadie. Il lui accorde, le 18 décembre, le monopole du commerce des fourrures dans ce territoire pour dix ans.
Sollicité par Dugua et mandaté par le roi, Champlain participe de nouveau à l’expédition comme observateur et explorateur dans le but de faire un rapport fidèle. Ses fonctions sont identiques à celles de 1603, mais il doit, cette fois, accompagner l’établissement d’une colonie en Acadie, dans un lieu encore à déterminer. La Bonne-Renommée et le Don-de-Dieu quittent Honfleur le 7 avril 1604 et Le Havre deux jours plus tard avec une centaine de colons et des matériaux propres à élever rapidement les habitations. Le Don-de-Dieu, avec Dugua et Champlain, arrive à Port-au-Mouton le 13 mai. De là, à compter du 19 mai, Champlain et quelques hommes partent en barque reconnaître le littoral de la presqu’île acadienne, y compris la baie Française (baie de Fundy), la rivière Saint-Jean et, plus au sud, la rivière Sainte-Croix (que les Premières Nations nomment rivière des Estechemins). Avec son embouchure large et profonde, accessible toute l’année aux bateaux européens, ses rivages cultivables et sa situation propice au commerce des pelleteries, son île naturellement fortifiée et d’environ 1 640 pieds de circonférence, la rivière Sainte-Croix présente beaucoup d’atouts. On décide de s’établir temporairement sur cette île Sainte-Croix. Alors que Gravé retourne en France avec une cargaison de pelleteries, Champlain et ses compagnons poursuivent les explorations. Durant tout le mois de septembre, ils naviguent à proximité des côtes, pénètrent dans les rivières Penobscot et Kennebec à la recherche d’un passage vers l’intérieur du continent. Le rude hiver de 1604–1605 confirme le destin éphémère de l’établissement de l’île Sainte-Croix. Personne n’avait prévu que les glaces empêcheraient la navigation sur la rivière, privant ainsi les colons de gibier et de viande fraîche. Sur les 79 hivernants, 35 ou 36 meurent du scorbut. Enfin, le 15 juin 1605, Gravé ramène une quarantaine d’hommes et du ravitaillement. La petite colonie peut ainsi préparer sa migration.
Champlain et d’autres Français reprennent les investigations à l’été jusqu’à Mallebarre (Nauset Harbor, Massachusetts), au sud du cap Blanc (Cape Cod). Champlain rapporte le périple fidèlement. Dans la chronique quotidienne des événements, il insère ses observations sur les latitudes, l’estimation des distances, la profondeur des eaux, la découpe du littoral, les différents peuples et la nature. Ainsi, une quinzaine d’années avant l’installation permanente des Anglais, il trace les contours et révèle la géographie du littoral qui deviendra la Nouvelle-Angleterre. Il intègre ensuite ces données à son rapport intitulé les Voyages du sieur de Champlain, Xaintongeois, capitaine ordinaire pour le roy, en la marine, qu’il présentera au roi et publiera en 1613 à Paris.
En septembre 1605, les membres de la colonie démontent les maisons de l’île Sainte-Croix et les reconstruisent à Port-Royal, sur un promontoire repéré par les pêcheurs à l’époque de Cartier et indiqué précisément « Port Réal » sur la carte la Nuova Francia de Giacomo Gastaldi ([Venise, 1556]). En l’absence de Dugua, retourné en France, Gravé commande la colonie. Champlain installe son cabinet et prépare un jardin potager. Il se consacre encore, sans succès, à la recherche de mines. En septembre-octobre 1606, il retournera sur la côte atlantique, qu’il explorera jusqu’au delà du cap Blanc, cette fois avec le lieutenant-gouverneur de l’Acadie, Jean de Biencourt de Poutrincourt et de Saint-Just. Même si des baies présentent un réel attrait, le mauvais accueil de certains membres des Premières Nations, notamment lors du meurtre de quatre Français à port Fortuné (Stage Harbor) [V. Louis Hébert], dissuade définitivement les explorateurs d’envisager une installation en Nouvelle-Angleterre.
Les hivers de 1605–1606 et de 1606–1607 sont plus doux. Pendant le premier, 12 colons sur 45 meurent du scorbut, qui, au cours du second, fait encore 4 à 7 victimes. Les nouveaux habitants s’acclimatent peu à peu, apprennent à se prémunir contre la maladie en se nourrissant des aliments frais que procurent la chasse, la pêche et les jardins potagers, dont celui de Champlain. Avec l’ordre de Bon Temps, mis en place pendant l’hiver de 1606–1607, Champlain instaure un cérémonial issu des ordres de chevalerie. Les repas quotidiens, riches en viandes et en poissons frais, cuisinés à la mode de Paris et abondamment arrosés de vin, réunissent des colons ainsi que des chefs micmacs, dont le plus fidèle est Membertou. Des pièces, comme le Théâtre de Neptune en la Nouvelle-France (que l’avocat Marc Lescarbot publiera à Paris en 1609), mettent en scène des membres des Premières Nations et des colons. En cherchant à transplanter un art de vivre propre à l’aristocratie française, le petit groupe de Port-Royal réussit surtout à consolider les liens entre ses membres, à s’approprier quelques coutumes locales et à fraterniser avec les Premières Nations. De plus, il parvient presque à vaincre le scorbut.
La déception est grande, au printemps de 1607, d’apprendre qu’il faut rentrer en France en raison de la dissolution de la compagnie de traite de Dugua. Une nouvelle fois, Champlain et ses compagnons explorent le littoral entre Port-Royal et Canseau (Canso, Nouvelle-Écosse) au cours de l’été et quittent l’Acadie pour la France en septembre. Toutefois, même s’il a satisfait les concurrents en mettant un terme au privilège de Dugua, le roi, pour compenser les pertes de ce dernier, accepte, le 7 janvier 1608, de prolonger le monopole pour une nouvelle année.
Champlain lève l’ancre le 13 avril 1608 à Honfleur et débarque le 3 juin à Tadoussac, où il fait escale pour construire une barque. On évite de faire naviguer un gros vaisseau au delà de l’embouchure de la rivière Saguenay, car on craint de s’échouer sur le lit du fleuve Saint-Laurent, mal connu.
Gravé propose Québec comme endroit du nouvel établissement en 1608. Champlain en prend l’entière responsabilité, nommé lieutenant par Dugua qui, dorénavant, sans retourner dans la colonie, en défend les intérêts auprès de la cour. Le lieu, près du site appelé Stadaconé par Cartier en 1535, a aussi été identifié très clairement par Levasseur en 1601. D’après les spécialistes en ethnolinguistique, Québec aurait notamment une origine montagnaise, langue dans laquelle il désignerait l’endroit du rétrécissement de la rivière. On peut rapprocher ce toponyme de la désignation d’un lieu en Normandie situé au nord de la péninsule du Cotentin, celui de Bricquebec, d’origine scandinave, qui signifie, selon le Dictionnaire étymologique des noms de communes de Normandie, « le cours d’eau de la colline ». On ne peut que s’étonner de cette similitude sémantique et linguistique, et s’interroger sur les circonstances qui ont donné naissance au nom de Québec, peut-être issu d’un métissage toponymique entre normand et algonquien.
Le site de Québec présente de nombreux avantages pour l’établissement d’un poste colonial. Accessible par eau avec une rade propre à l’accostage, il offre aussi une protection naturelle avec son cap qui permet de voir venir de loin un éventuel ennemi. Le sol cultivable des environs, notamment de l’île d’Orléans, assurerait la survie alimentaire. De plus, le lieu pourrait devenir un point de rencontre commode avec les Premières Nations intéressées à la traite des pelleteries.
Dès son arrivée à Québec le 3 juillet, Champlain et ses hommes entreprennent le défrichage au pied du cap Diamant pour y élever une habitation fortifiée, composée de trois corps de logis et d’un magasin pour les vivres, entourée d’un fossé, d’une palissade et d’un espace de culture. Quelques jours plus tard, Champlain fait face à des rivaux de Dugua, qui montaient un complot destiné à le tuer et ainsi mettre fin au monopole de la traite. Le serrurier Antoine Natel identifie Jean Duval, lui aussi serrurier, comme le principal traître. Traduit devant un tribunal spécialement constitué et déclaré coupable, Duval est pendu à la vue de tous. L’ordre s’installe dans la colonie, qui doit toutefois affronter un hiver encore plus rigoureux que ceux de l’Acadie. Sur les 28 hivernants, il n’en reste plus que 8 quand Gravé revient avec du ravitaillement à la fin de mai 1609.
Le 18 juin, Champlain part à la découverte du pays des Iroquois avec des Montagnais. Il rencontre, près de la rivière Sainte-Marie (Sainte-Anne), entre 200 et 300 Hurons et Algoumequins venus à lui pour l’inciter à mener une campagne avec eux contre leurs ennemis agniers [V. Iroquet]. Après une visite de l’Habitation de Québec, où il est revenu à la demande des Hurons et des Algoumequins, il repart vers l’ouest le 28 juin. Onze Français l’accompagnent, dont son vieil ami Gravé. Le 1er juillet, celui-ci retourne à Québec pour s’occuper de l’Habitation et de Tadoussac. À l’embouchure de la rivière des Iroquois, seulement une soixantaine de membres des Premières Nations acceptent de poursuivre leur route aux côtés de Champlain. Arrivé aux rapides de Chambly, qu’il ne peut franchir avec sa barque, Champlain doit se résoudre à embarquer, avec deux Français, dans un canot de leurs alliés ; les autres Français rebroussent chemin. La petite troupe atteint, le 14 juillet, un lac majestueux auquel Champlain donne son nom. Six jours plus tard, elle affronte les Agniers à Ticonderoga (New York). Avec son arquebuse, Champlain tue deux de leurs chefs et blesse mortellement un autre Agnier. Pour les Montagnais et les Algoumequins, cette opération militaire s’inscrit dans l’alliance formée en 1603 avec les Français. Le 5 septembre, Champlain embarque à Tadoussac avec Gravé pour la France, après avoir désigné Pierre Chauvin de La Pierre pour commander à Québec. Il ignore qu’au même moment, une concurrence commence à prendre forme au sud du lac Champlain, qu’Hudson explore en vue de l’implantation future d’une colonie hollandaise.
De retour à Honfleur le 13 octobre 1609, Champlain va à Fontainebleau, où il rend compte de sa mission à Dugua et à Henri IV. Comme prévu, le roi n’a pas renouvelé le monopole individuel de commerce, mais Dugua est autorisé à former une société avec des marchands rouennais disposés à financer l’Habitation.
Après une brève traversée de 18 jours, Champlain arrive le 26 avril 1610 à Tadoussac, qu’il quitte deux jours plus tard pour aller à Québec. Les Premières Nations alliées l’engagent une deuxième fois dans la guerre. Le 19 juin, à l’entrée de la rivière des Iroquois, elles remportent une nouvelle victoire contre les Agniers. Champlain confie ensuite Étienne Brûlé au chef algoumequin Iroquet pour que le jeune homme apprenne la langue et devienne un truchement. En contrepartie et selon la coutume, le Huron Savignon fera le voyage en France. L’intervention de Champlain dans la vallée de la rivière des Iroquois modifiera profondément la pratique traditionnelle de la guerre chez les Premières Nations en raison de l’apparition d’armes très efficaces et de l’insertion des Français dans les conflits entre les peuples. Champlain n’a probablement pas encore conscience du bouleversement qu’entraînent ses actions contre les Agniers. Rassuré sur le commandement de Québec confié à Jean de Godet Du Parc [V. Claude de Godet Des Maretz], il embarque le 8 août pour Honfleur, où il arrive le 27 septembre.
D’autres événements majeurs de l’année 1610 marquent un tournant dans le destin de Champlain. L’assassinat d’Henri IV, le 14 mai, prive dorénavant la Nouvelle-France d’un soutien indéfectible et, avec le règne du jeune Louis XIII, la cour connaît de profonds conflits internes. La régente Marie de Médicis n’arrive pas à assurer son autorité sur les grands du royaume. Survient, le 30 décembre, un autre événement qui n’est peut-être pas sans rapport avec la mort d’Henri IV. Champlain et Helene Boullé reçoivent la bénédiction nuptiale à l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois, à Paris, sous réserve de ne consommer le mariage que deux ans plus tard. La veille, le fiancé a touché 4 500# de la confortable dot de 6 000# engagée par le contrat, ce qui représente un apport précieux pour son entreprise. De plus, ce mariage le fait entrer dans une famille proche du pouvoir. Nicolas Boullé, père d’Helene, est généralement désigné comme secrétaire de la Chambre du roi, mais aussi comme contrôleur ou huissier des finances. Par cette alliance, le lieutenant de Québec intègre la haute bourgeoisie de la finance. Cet influent réseau se révélera un soutien efficace.
Le 1er mars 1611, Champlain embarque à Honfleur pour Québec, où il arrive le 21 mai, avec la double préoccupation de développer les réseaux de traite des pelleteries et de poursuivre l’exploration du territoire vers l’ouest. Avec Savignon, il s’empresse d’aller au saut Saint-Louis (rapides de Lachine), qu’il atteint le 28 mai. Il parcourt l’archipel à partir du lieu qu’il désigne place Royale (Pointe-à-Callière), dont il fait son pied-à-terre pendant les mois de juin et de juillet. Il nomme l’île Saincte Elaine (Sainte-Hélène) en l’honneur de son épouse et rencontre divers membres des Premières Nations. Une nuit, un contingent de Hurons l’invite dans leur pays, ce qui préfigure l’éclipse diplomatique des Montagnais au profit des Hurons. À la suite d’une autre réunion, Champlain parvient à franchir les rapides du saut Saint-Louis en canot, ce qui lui donne espoir de poursuivre les explorations grâce à ce formidable véhicule dont il apprécie de plus en plus les possibilités. Cependant, il est surpris de la faible quantité de fourrures qu’on lui propose. Dans l’intention de retrouver la confiance de ses partenaires, Champlain se pose ensuite en médiateur et procède à des échanges de truchements, puis, après de brefs séjours à Québec et à Tadoussac, repart le 11 août vers La Rochelle, pour y jeter l’ancre le 10 septembre.
Déçus des minces produits de la traite, les associés rouennais décident de se retirer. Dugua achète leurs parts et envoie des hommes et du ravitaillement en Nouvelle-France au printemps de 1612. Il se rapproche alors des marchands rochelais et les autorise à entreposer leurs pelleteries à Québec. Devant le refus de la régente d’accorder un nouveau monopole, Champlain rencontre d’autres personnes influentes à la cour : le chancelier Nicolas Brulart, marquis de Sillery, le maréchal Charles II de Brissac et le contrôleur général des finances, Pierre Jeannin, qui s’intéressent tous aux expéditions atlantiques et à la colonisation. Lescarbot dédie par ailleurs à ce dernier la deuxième édition de son Histoire de la Nouvelle-France [...] (1611–1612) publiée à Paris. Jeannin fait en sorte de placer l’entreprise de Québec sous la responsabilité de Charles de Bourbon, comte de Soissons, gouverneur de Normandie qui, le 27 septembre 1612, reçoit le monopole de la traite dans le Saint-Laurent pour 12 ans et, le 8 octobre, prend le titre de lieutenant général du roi. Champlain devient son lieutenant le 15 octobre, ce qui représente une nette promotion, car il est dorénavant sous la responsabilité directe d’un prince de sang. À la suite de la mort du comte de Soissons le 1er novembre, Marie de Médicis nomme Henri II de Bourbon, 3e prince de Condé, lieutenant général de la Nouvelle-France 12 jours plus tard. Selon les lettres patentes reproduites dans Nouveaux Documents sur Champlain et son époque, elle lui accorde le monopole du commerce avec des fonctions élargies : représenter le roi en Nouvelle-France, faire respecter le monopole, administrer, rendre la justice, défendre, peupler et développer la colonie par des explorations « pour aller au pays de la Chine », créer des alliances avec les Premières Nations et « les appel[er] par toutes voyes les plus doulces qui se pourront faire à la congnoissance de Dieu et à la lumiere de la foy et religion catholique, apostolique et romaine, y en establir l’exercice ». Le 22 novembre, comme son prédécesseur, le 3e prince de Condé fait confiance à Champlain et le désigne comme son lieutenant. De fait, c’est lui qui doit réaliser ce programme ambitieux, car le 3e prince de Condé ne se déplacera pas en Nouvelle-France. En 1613, la publication des Voyages du sieur de Champlain, Xaintongeois, capitaine ordinaire pour le roy, en la marine, couvrant la période de 1604 à 1612, accompagnée de cartes et dessins, confirme sa réputation et justifie son titre. Champlain se concentre dorénavant sur sa mission, dont trois éléments sont indissociables : explorer vers la Chine, fonder une colonie et christianiser les Premières Nations.
Du 6 mars au 29 avril 1613, au départ de Honfleur, Champlain traverse de nouveau l’Atlantique sur un navire de Gravé. À son arrivée à Tadoussac, pour marquer son autorité et dissuader d’éventuels concurrents, il affiche le texte de sa commission sur un poteau du port, afin de bien faire comprendre ses nouvelles attributions. Sans s’attarder à Québec, pressé de rencontrer ses alliés fournisseurs, il parvient au saut Saint-Louis le 21 mai, où ceux-ci, mécontents de l’avoir attendu vainement en 1612, sont peu nombreux. L’explorateur décide alors de remonter la rivière du Nord avec les Algoumequins pour compléter la collecte de pelleteries, et, si possible, aller jusqu’à la mer du Nord, la baie d’Hudson. Le récit du voyage d’Hudson, publié à Amsterdam en 1612 sous le titre Descriptio ac delineatio geographica detectionis freti, sive, transitus ad occasum, suprà tèrras Americanas, in Chinam atq́ ; Japonem ducturi [...], a fait grand bruit. Champlain en a pris connaissance lors de son séjour en France et s’est intéressé, en particulier, à la carte qu’en a tirée Hessel Gerritsz. Celle-ci inspire largement Champlain pour celle qu’il réalise à la fin de l’année 1612 ; il en créera une nouvelle version à son retour en France en 1613. Elle stimule aussi son désir de se rendre à la mer du Nord. Quatre Français l’y accompagnent, dont les truchements Thomas Godefroy et Nicolas de Vignau. Ce dernier affirme y être allé et avoir vu l’épave du bateau d’Hudson. Le chef algoumequin Tessouat, de l’île que Champlain désigne en son honneur (île Morrison), met en doute ses dires. Il le traite d’imposteur et arrive à en convaincre Champlain. L’interprète, qui a hiverné à l’île de Tessouat en 1611, fournit pourtant un témoignage vraisemblable, mais Vignau disparaît et l’exacte vérité avec lui. Ce qui est sûr, c’est que les voyageurs français se heurtent, de la part de Tessouat, à une ferme opposition d’accompagnement vers la mer du Nord, chez ceux que Champlain nomme les Nebicerini (Népissingues). Les Algoumequins tiennent à sauvegarder leur position à la tête des rapides, à l’entrée d’un portage, et à continuer de contrôler le commerce entre l’ouest et le Saint-Laurent. Pour Champlain, cela représente l’échec de son projet d’exploration. Après un échange de cadeaux, accompagné d’un fils de Tessouat et pourvu d’une bonne cargaison de pelleteries complétée lors du trajet de retour, il rentre au saut Saint-Louis le 7 juin, puis à Tadoussac le 6 juillet. Non sans mal, l’alliance est une fois de plus confirmée. Même si Champlain n’a pas dépassé ce qu’il nomme l’île des Algoumequins (aux Allumettes), la route de l’ouest, en laquelle les Français mettent tant d’espoir et qu’ils suivront pendant deux siècles, est dorénavant ouverte et s’allongera peu à peu au cours des explorations ultérieures. Le 8 août, Champlain embarque sur un navire breton et, grâce aux vents d’ouest favorables, arrive à Saint-Malo le 26 août.
Devant les bons résultats de l’année, des commerçants de Rouen et de Saint-Malo s’engagent pour une durée de 11 ans dans le cadre du monopole du 3e prince de Condé. C’est la Compagnie de Canada, appelée aussi Compagnie de Condé, dont on signe le contrat d’association le 15 novembre 1613. Champlain reprend le récit du « Quatriesme voyage » (qui sera publié dans les Voyages du sieur de Champlain, Xaintongeois, capitaine ordinaire pour le roy, en la marine), où il rend compte au vice-roi des explorations, du commerce, des alliances, et auquel il joint une carte à jour. Toutefois, une partie de son mandat, l’évangélisation des Premières Nations, n’a pas encore été mise en œuvre ; or, dans le contexte de la sévère contre-réforme à laquelle tient la reine régente, cet objectif ne peut être négligé. Grâce à Condé et au secrétaire du roi Louis Houel, Champlain part de Honfleur le 24 avril 1615, accompagné cette fois de quatre récollets que la Compagnie de Canada finance ; ils sont à Tadoussac le 25 mai. Un mois plus tard, le 24 juin, les pères Denis Jamet et Joseph Le Caron disent une première messe à la rivière des Prairies, puis le lendemain, à Québec, les pères Jean Dolbeau et Pacifique Duplessis célèbrent le service religieux de manière solennelle, suivi d’un feu d’artillerie. Conformément à la volonté de la cour et surtout de la régente Marie de Médicis, la colonie prend les moyens de mettre en œuvre son programme de christianisation.
Au saut Saint-Louis, des Hurons, et peut-être aussi des Algoumequins, sollicitent de nouveau Champlain pour les aider à se défendre des Agniers, qui entravent la circulation entre les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent. En accord avec Gravé, Champlain décide de participer à une expédition militaire au pays des Hurons, ce qui lui offrira aussi l’occasion de poursuivre ses découvertes. Les Premières Nations alliées lui promettent 2 500 guerriers et partent, à la fin du mois de juin, avec 13 Français, dont Le Caron, sans attendre Champlain qui doit d’abord retourner à Québec. Très contrarié du départ précipité de ces hommes qu’il n’a pu préparer à sa propre stratégie militaire, le 4 juillet, Champlain embarque à son tour avec un truchement, probablement Brûlé, un domestique et dix membres des Premières Nations dans deux canots. Comme en 1613, ils remontent la rivière du Nord. Ils gagnent la rivière Mattawa, puis, par le lac des Népissingues (Nipissing) et la rivière des Français, atteignent le grand « lac des Attigouautan » (lac Huron), comme l’écrira Champlain en 1619 dans Voyages et descouvertures faites en la Nouvelle France, depuis l’année 1615, jusques à la fin de l’année 1618, qu’il nomme aussi « la Mer douce ». C’est le pays des Hurons. Leur population se chiffre alors à plus de 22 000 personnes, réparties dans 18 à 25 villages de maisons longues sur un territoire de 560 milles carrés. Grâce à leur situation géographique, à leur nombre et à leur organisation, les Hurons disposent d’un pouvoir tel qu’ils peuvent constituer un barrage contre les nations iroquoises qui cherchent à utiliser la route de communication du nord par le lac des Népissingues et les fournisseurs algoumequins qui se rendent vers la vallée de la rivière du Nord. En plein été, le 1er août, arrivé au pays des Hurons, dans le village d’Otouacha (près de la péninsule de Midland, en Ontario), où l’ont devancé les autres Français, Champlain décrit l’endroit comme étant « fort beau » et « tres plaisans ». Ses habitants y pratiquent la pêche, chassent le gibier, cultivent le sol, récoltent blé d’Inde et citrouilles, et cueillent les fruits en abondance.
Le 17 août, tous se retrouvent à Cahiagué (au nord-ouest du lac Simcoe) pour aller en territoire iroquois, ce qu’ils entreprennent le 1er septembre. Sept jours plus tard, une délégation de 12 guerriers hurons, accompagnés de Brûlé, s’adjoignent les alliés andastes (susquehannah). Le 9 octobre, des membres de l’expédition de Champlain capturent 11 Iroquois à environ 9 milles de leur village. Après avoir franchi le lac Ontario à son extrémité orientale et suivi la rivière Onneiout (Oneida), la troupe arrive le 10 octobre à l’extrémité sud du lac Onondaga, devant le fort ennemi (où, au début du xxie siècle, se situera le centre commercial Destiny USA de Syracuse, dans l’État de New York). Les Onontagués sont retranchés derrière une installation composée de quatre palissades successives de 30 pieds de haut. Compte tenu de l’impatience de ses alliés et malgré le désistement des Andastes, ce qui réduit considérablement le nombre de guerriers, Champlain doit attaquer dès le lendemain. Il utilise une stratégie à l’européenne pour une place forte, mais ses alliés, qui n’en connaissent pas la discipline, sont dispersés et chargent dans le désordre. En réalité, il n’arrive pas à imposer les manœuvres et à faire exécuter ses commandes. Après trois heures de combat dans la confusion, les alliés battent en retraite. Blessé de deux flèches (l’une à la jambe et l’autre au genou), Champlain devra être porté pendant quelques jours sur le dos d’un Huron. Les Français ressentent cette opération comme un véritable échec, mais ils ignorent qu’elle inaugure une période de deux décennies de paix. En effet, les Onontagués, qui ont perdu beaucoup d’hommes, ne cherchent pas à prendre leur revanche. Ils reconnaissent la puissance des Hurons et ne tiennent pas à affronter les Français, se réservant plutôt en vue d’une forme d’alliance avec eux et leurs alliés. Les nations iroquoises ont aussi d’autres projets : la présence émergente des Hollandais au sud-est sur le fleuve Hudson leur ouvre des perspectives de commerce profitables. Un état de guerre s’opposerait à leurs intérêts.
En novembre et en décembre, sur la route du retour vers Cahiagué, Champlain se plaint de voir les Hurons multiplier les astuces pour faire durer le voyage de façon à ce que les Français ne puissent repartir à Québec avant l’hiver. Bien que contrarié, il finira par reconnaître, dans Voyages et descouvertures, que « leur desseing estoit de me retenir avec mes compagnons en leur pays, tant pour leur seuretè, craignant leurs ennemis, que pour entendre ce qui se passoit en leurs Conseils, & assemblées ». Pour mettre son hiver à profit, Champlain accompagne ses hôtes à la chasse, explore et établit des alliances avec d’autres nations de la région des Grands Lacs, dont ceux qu’il nomme les Pétuns (Tionontati), au sud de la baie Nottawasaga, et les Cheveux-Relevés (Outaouais), au sud de la baie Georgienne. Dans Voyages et descouvertures, il fournira une excellente description géographique, aussi bien physique qu’humaine, du territoire et de la population environnant le lac Huron et de ce qui deviendra la province de l’Ontario. Autrement, l’explorateur n’apprend rien de nouveau à propos de la route vers la mer de l’Ouest, car ses alliés craignent encore de s’aventurer en terrain ennemi et ne vont guère au delà des Grands Lacs. Le 20 mai 1616, il quitte enfin le pays des Hurons avec Le Caron et le chef huron Atironta, qu’il appelle d’Arontal. À la fin de juin, Gravé, qui le croyait mort, l’accueille avec enthousiasme au saut Saint-Louis. Le 11 juillet, Champlain atteint Québec, où il prépare l’agrandissement de l’Habitation et fait récolter du blé pour en apporter en France. Le 3 août, c’est le départ de Tadoussac sur le bateau de Gravé pour Honfleur, où il jette l’ancre le 10 septembre.
Une fois de plus, à son arrivée, Champlain apprend une nouvelle qui pourrait être préoccupante pour son avenir : le 3e prince de Condé a été emprisonné neuf jours plus tôt, sur ordre de la régente. Le maréchal Pons de Lauzières, marquis de Thémines, responsable de son arrestation, le remplace provisoirement comme vice-roi à partir du 24 novembre ; il reconduit la fonction de lieutenant de Champlain le 15 janvier 1617. Les rivaux de la Compagnie de Canada exercent de fortes pressions sur la cour pour qu’elle perde son monopole de commerce. Champlain repart quand même, fait le voyage de Honfleur à Tadoussac entre le 11 mars et le 14 juin, puis atteint Québec au début du mois de juillet avec une première famille, celle de Louis Hébert et de Marie Rolet. À l’été de 1618, le mariage de leur fille Anne avec Étienne Jonquet sera le premier célébré dans la colonie. La cinquantaine d’habitants de Québec vivote péniblement. Le lieutenant y séjourne fort peu de temps, préoccupé par les hésitations, à la cour, à maintenir une colonie en Amérique du Nord. On le retrouve le 22 juillet à Paris pour la signature, avec Helene Boullé, du contrat pour l’engagement d’Ysabel Terrier comme servante.
Champlain doit prouver de nouveau le bien-fondé de l’entreprise. Il termine sa carte de la Nouvelle-France, datée de 1616, à partir des dernières explorations. Vers la fin de l’année 1617 ou au début de 1618, il présente un mémoire au roi et un autre à la Chambre du Commerce. Il expose un programme colonial d’envergure, de nature à accroître l’influence et le prestige de la France : développement d’une grande ville à Québec et fondation d’autres établissements, évangélisation des Premières Nations, émigration de 300 familles françaises, de 300 soldats et de 15 récollets. Il insiste aussi sur la diversification de l’activité économique, l’exploitation de richesses locales autres que les pelleteries, la mise en place de nouvelles industries et la poursuite des explorations vers la mer de l’Ouest et la Chine. Champlain réussit ainsi, le 12 mars 1618, à faire confirmer le monopole de la Compagnie de Canada et sa fonction de lieutenant.
Champlain embarque à Honfleur le 24 mai et arrive à Québec le 27 juin avec Eustache Boullé, son beau-frère. Cette fois encore, il y réside très peu, juste le temps de constater que les cultures vivrières progressent et d’aller à Trois-Rivières juger le meurtre de deux Français par deux Montagnais. Les circonstances de l’événement ne sont pas connues avec exactitude [V. Cherououny]. De par ses fonctions de lieutenant, Champlain doit exercer la justice auprès des colons français. Mais, afin de ne pas s’aliéner la fidélité de cette nation alliée, il décide de ne faire aucun geste à l’encontre des présumés coupables. Du 30 juillet au 28 août 1618, il refait le voyage de Tadoussac à Honfleur.
La Compagnie de Canada est aux prises avec les manœuvres des contrebandiers de La Rochelle et de la Bretagne qui réclament la liberté de commerce. À l’intérieur même de l’entreprise, catholiques et protestants débattent du bien-fondé du peuplement et de l’implantation du catholicisme. Champlain arrive toutefois, le 21 décembre, à faire signer un engagement aux associés pour le transport et l’entretien de 80 personnes à Québec. De plus, trois jours plus tard, le roi le gratifie d’une pension annuelle de 600#. Avec le solde de 1 500# de la dot de sa femme reçu le 14 janvier 1619, Champlain se prépare à reprendre ses fonctions de lieutenant du vice-roi et à se rendre à Québec en compagnie de son épouse. Les associés rouennais les empêchent toutefois d’embarquer. À l’instigation du marchand Daniel Boyer, ils reprochent à Champlain de privilégier les explorations, le peuplement et l’évangélisation au détriment de la traite, et veulent placer Gravé comme commandant à Québec, espérant ainsi une meilleure rentabilité de leurs investissements. Champlain retourne auprès du Conseil du roi et plaide sa cause ; le 18 juillet, un arrêt du Conseil d’État, reproduit dans les Nouveaux Documents sur Champlain et son époque, édicte qu’il « commandera estant present en l’habitation de Québec et pays de la Nouvelle-France, et qu’en son absence celuy qui sera commis par les deffendeurs pour y commander sera tenu prendre nomination dudit Champlain ».
Pendant cette longue année de négociations et d’attente, Champlain met au point son récit Voyages et descouvertures, éloge des richesses du territoire et des dispositions de la population envers la foi chrétienne dans une contrée des plus attrayantes pour étendre la grandeur du roi et la gloire de Dieu. Des inquiétudes subsistent encore à propos de la haute autorité de la colonie. Le 3e prince de Condé, libéré le 20 octobre 1619, recouvre ses droits et privilèges le 9 novembre. Par le fait même, le maréchal Pons de Lauzières est débouté de ses prétentions au titre de vice-roi de la Nouvelle-France. Toutefois, le 25 février 1620, le 3e prince de Condé vend sa fonction de vice-roi pour 30 000# à son beau-frère Henri II, duc de Montmorency, amiral de France, qui, au grand soulagement de Champlain, le confirme le 8 mars comme son lieutenant. Après un séjour de presque deux ans en France, en mai 1620, le commandant de Québec quitte Honfleur avec sa femme et leur servante. Ils affrontent une dure traversée d’environ deux mois et débarquent à Québec vers la mi-juillet.
Bien décidé à faire avancer le programme de colonisation, qui connaît toujours de fortes oppositions des commerçants sur fond de rivalités religieuses, Champlain entreprend la rénovation complète de l’Habitation, qui tombe en ruines, et la construction du fort Saint-Louis sur la falaise du cap Diamant. Le rôle de cet ouvrage de défense consiste surtout à montrer l’autorité du lieutenant sur l’Habitation, qui comprend notamment un entrepôt de pelleteries. Le 8 novembre 1620, sous la pression de négociants normands, le duc de Montmorency estime que la Compagnie de Canada n’a pas rempli son engagement de peuplement de la Nouvelle-France et lui retire le monopole de traite pour l’attribuer à Ézéchiel de Caën, marchand bourgeois et armateur catholique [V. Émery de Caën], et à son neveu, Guillaume de Caën, fils d’un armateur protestant dieppois établi à Rouen. En contrepartie, les de Caën financent partiellement la charge de vice-roi que le duc de Montmorency a acquise du 3e prince de Condé. Champlain apprend cette nouvelle à la mi-mai 1621, à l’arrivée d’un petit vaisseau.
À la suite de la venue des de Caën au début de l’été, les démêlés se multiplient entre la Compagnie de Caën et la Compagnie de Canada, qui se trouvent dans l’obligation, à la suite d’une décision du Conseil d’État, de faire la traite sur le même territoire pour le reste de l’année. Dans l’espoir de contrer ses puissants adversaires protestants, le commandant de Québec réunit la soixantaine d’habitants français le 18 août. Un cahier de remontrances, rédigé à l’intention du roi à l’initiative des récollets, demande notamment l’exclusion des protestants, la fondation d’un séminaire pour les Premières Nations, le renforcement des pouvoirs pour l’exercice de la justice, l’amélioration du système de défense et l’augmentation des appointements de Champlain. Le récollet Georges Le Baillif se rend en France, où il présente le cahier au roi, mais aussi d’autres documents qui accentuent la charge contre les de Caën et leurs associés, ce qui mécontente tout le monde [V. Louis Hébert]. Champlain finit par accepter, pendant l’été de 1622, la fusion de la Compagnie de Canada avec celle des de Caën, d’autant plus que leur délégué à Québec et principal commis pour l’hiver suivant est Gravé, son ami de toujours. Celui-ci rentre en France à l’été de 1623 et Champlain devient seul maître. Sans perdre de temps, Champlain fait aménager une ferme au cap Tourmente, où il récolte 2 000 bottes de foin et envisage un élevage de bestiaux. À Québec, il entreprend la reconstruction de l’Habitation, qu’il relie au fort Saint-Louis par un chemin et dont le corps de logis le plus important sera presque achevé en août 1624.
C’est la première fois que Champlain séjourne aussi longtemps en Nouvelle-France, soit pendant plus de quatre ans d’affilée. À côté de ses déboires avec les compagnies de commerce, Champlain a la satisfaction, en juillet 1624, de voir une trêve conclue entre les nations alliées des Français et les Agniers [V. Miristou]. S’il n’est pas l’artisan de ce compromis, il l’a encouragé vivement, notamment par des cadeaux offerts à deux Agniers reçus à Québec en juin 1622, convaincu que la paix entre les Premières Nations favoriserait la stabilisation et le développement de la colonie. Dans ses démarches diplomatiques, peut-être obtient-il quelque assistance de sa femme, qui, selon les Chroniques de l’ordre des ursulines, occupe ses longues journées à Québec à « entendre & parler passablement la langue barbare des Sauvages & tout aussi tôt elle aprit à prier Dieu à leurs femmes & à leurs petits enfans ». Mais Helene Boullé, « au plus beau de son âge, dans un lieu pire qu’une Prison, & dans la privation de quantité de choses necessaires à la vie », embarque avec son mari à Tadoussac le 21 août en direction de Dieppe, où leur bateau accoste le 1er octobre. Elle ne retournera plus en Nouvelle-France.
Le duc de Montmorency se démet de son titre de vice-roi en faveur d’Henri de Lévis, duc de Ventadour, qui, le 15 février 1625, confirme Champlain comme lieutenant ; son beau-frère Boullé l’assistera dans ses fonctions. Dans le respect du programme d’évangélisation, le nouveau vice-roi envoie en avril cinq jésuites, dont le supérieur Charles Lalemant et les pères Énemond Massé et Jean de Brébeuf, pour renforcer l’action des récollets. Comme on l’avait fait à l’arrivée de ces derniers en 1615, il leur sera concédé l’année suivante des terrains le long du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Saint-Charles. Le père Lalemant, proche du vice-roi, devient un partenaire efficace et fidèle du lieutenant dans le gouvernement de la Nouvelle-France. Bien informé de la situation précaire de la colonie, il recommande vivement son affranchissement de l’influence des marchands [V. Philibert Noyrot]. En octobre 1626, l’attribution des charges de grand maître, chef et surintendant général de la navigation et commerce de France à Armand-Jean du Plessis, cardinal de Richelieu, homme fort du Conseil du roi depuis près de deux ans, permet de franchir une étape en ce sens. Puis, à la faveur de la démission du duc de Ventadour, le cardinal de Richelieu est le seul maître de la Nouvelle-France, où Champlain est son lieutenant. Le 29 avril 1627, il abolit la Compagnie de Caën pour créer la Compagnie de la Nouvelle-France, destinée à rassembler « cent associez », d’où le nom sous lequel on la désignera communément. Selon l’Édict du roy pour l’establissement de la Compagnie de la Nouvelle France signé à La Rochelle l’année suivante, le cardinal de Richelieu doit réussir « l’establissement d’une colonie de naturels François, Catholiques de l’un & l’autre sexe ; jugeant que c’estoit le seul & unique moyen pour advancer en peu d’années la conversion de ces peuples, & accroistre le nom François à la gloire de Dieu, & reputation de cette couronne ». Comme les précédentes, la nouvelle compagnie, dont Champlain devient membre le 14 janvier 1628, détient le monopole de la traite. En contrepartie, les associés doivent, comme leurs prédécesseurs, prendre les moyens appropriés pour évangéliser les Premières Nations et assurer le peuplement du Canada avec plusieurs centaines d’émigrants français catholiques par an. L’édit prévoit aussi que les membres des Premières Nations christianisés seront reconnus comme des « naturels François » et qu’ils pourront demeurer en France.
À son retour à Québec le 5 juillet 1626, Champlain a retrouvé sa soixantaine d’habitants dans le plus grand dénuement, sans ravitaillement en produits alimentaires ni objets de traite, car ce qu’apporte la Compagnie de Caën ne suffit pas pour entretenir une population. Aussi, on maintient les travaux à l’Habitation, au fort Saint-Louis et à la ferme du cap Tourmente [V. Foucher] afin d’assurer au moins la survie des colons. Dans l’intention de faire respecter la trêve existante entre les Montagnais et les Agniers, une ambassade, composée notamment d’un émissaire français, Pierre Magnan, et de Cherououny, est dépêchée en Iroquoisie en juillet 1627. Les Agniers massacrent Magnan et Cherououny. Les Montagnais attribuent l’échec de la négociation aux Français, dont ils deviennent méfiants, et en assassinent deux en octobre [V. Miristou]. Pour éviter l’aggravation des tensions, Champlain consulte les chefs montagnais pour parvenir à une entente sur la façon de régler l’affaire et emprisonne le présumé coupable.
Au printemps de 1628, après un très rude hiver, Québec attend vainement l’arrivée du ravitaillement. On ne sait pas encore que Charles Ier, qui a déclaré la guerre à la France l’année précédente, autorise des corsaires britanniques, les frères Kirke, à s’emparer de la Nouvelle-France. On ignore aussi qu’en juillet 1627, l’armée anglaise, dirigée par le 1er duc de Buckingham, a débarqué dans l’île de Ré avec l’intention de s’installer à La Rochelle, bastion du protestantisme en France. Richelieu a assiégé la ville et repousse l’offensive en 1628. C’est un désastre pour l’armée anglaise. La décision d’attaquer Québec constitue fort probablement une réplique de l’Angleterre protestante à son échec à La Rochelle.
Un capitaine protestant de Dieppe, Jacques Michel, guide la flotte de trois navires des Kirke. Au début du mois de juillet 1628, les Anglais sont à Tadoussac, puis, arrivés au cap Tourmente, ils incendient la ferme. À Québec, le 10, ils présentent à Champlain, par l’intermédiaire de prisonniers basques, la sommation exigeant la reddition de Québec. Le commandant refuse. Il feint de pouvoir répondre à l’attaquant et prépare le combat, mais les Kirke préfèrent isoler et affamer Québec. Les 17 et 18 juillet, dans le golfe du Saint-Laurent, ceux-ci capturent quatre navires de la Compagnie des Cent-Associés avec leurs 400 passagers (incluant les colons récemment recrutés) et les emmènent en Angleterre [V. Claude Roquemont de Brison].
L’hiver de 1628–1629 est particulièrement pénible pour les résidents de Québec, privés à la fois de ravitaillement et des produits de la ferme. Pour diminuer le nombre de bouches à nourrir, le 26 juin, Champlain envoie des colons à Gaspé, afin qu’ils puissent passer en France sur des morutiers. Le 19 juillet, quatre vaisseaux anglais paraissent devant le cap de Levy (Pointe De Lévy). Thomas et Lewis Kirke présentent à Champlain une nouvelle sommation par l’entremise d’un commis. Celui-ci, rapporte le frère récollet Gabriel Sagard dans l’Histoire du Canada publiée à Paris en 1636, apprend au commandant de Québec que la paix entre la France et l’Angleterre a été entérinée le 24 avril à Suse, en Italie. Champlain réclame un délai, que les Kirke lui refusent, et, faute de moyens militaires et de vivres pour résister, cède l’Habitation. Champlain et Gravé signent la capitulation. Ce dernier, souffrant, bénéficie de l’assistance de son petit-fils François de Godet Des Maretz. Pour éviter le blâme, Champlain demande un inventaire, qui servira si Québec doit être rendue et qui lui permettra éventuellement de se justifier. Le 24 juillet, n’emportant que ses effets personnels, il quitte Québec à bord d’un bateau anglais, en direction de Tadoussac. Le jour suivant, à la hauteur de la rivière Malle Baye (Malbaie), les Kirke s’emparent du navire de ravitaillement d’Émery de Caën. Le 14 septembre, la flottille, qui emporte des Français, dont des jésuites et des récollets, part de Tadoussac et arrive le 18 octobre à Plymouth, en Angleterre, où elle reste cinq ou six jours avant d’accoster à Douvres le 27.
Une vingtaine de Français au moins demeurent au Canada. Les Kirke ont sollicité certains d’entre eux pour entretenir les relations avec les Premières Nations. C’est le cas notamment de l’interprète Nicolas Marsolet de Saint-Aignan, du charron Pierre Raye, du commis Olivier Le Baillif et de Brûlé. D’autres ont préféré ne pas s’éloigner de leurs intérêts dans la traite des fourrures ou n’avaient plus de motif de retour en France. La famille de Guillaume Couillard et de sa femme Guillemette Hébert reste le seul foyer avec enfants à Québec. Les Couillard gardent Espérance et Charité, deux des trois jeunes montagnaises confiées à Champlain l’année précédente pour qu’elles reçoivent une instruction française. D’après Sagard, Foi, la troisième, retourne vivre avec son peuple. Olivier Le Jeune, jeune d’origine guinéenne ou malgache vendu vraisemblablement comme esclave par l’un des frères Kirke à Le Baillif, demeure aussi sur place.
Alors que les autres Français rentrent en France, Champlain, libre de ses mouvements, passe à Londres le 29 octobre. Il présente l’original de la reddition de Québec à l’ambassadeur de France, Charles de l’Aubespine, marquis de Châteauneuf, en insistant sur le fait que le document, signé le 19 juillet 1629, plus de deux mois après la paix de Suse, indique bien que la conquête de la ville, conclue après la guerre, est illégale. Mais l’affaire est complexe, car elle ne constitue qu’un épisode de la guerre de Trente Ans (1618–1648), qui implique de nombreux pays européens. Toutes les victoires et défaites entrent dans la balance des négociations, y compris, en Acadie, la prise de Pentagouet (Castine, Maine), de Port-Royal et de l’île du Cap-Breton [V. Charles Daniel] par les troupes de William Alexander, comte de Stirling, entre 1626 et 1629. Conscient de la durée des pourparlers, qui ne font que commencer, Champlain rentre en France au début de décembre 1629 et multiplie ses démarches auprès du roi Louis XIII, de Richelieu et de la Compagnie des Cent-Associés. En 1630, il soumet au roi un mémoire qui rappelle ses principaux arguments présentés en 1617 ou en 1618 sur l’utilité de la Nouvelle-France, en y ajoutant la nécessité de développer l’agriculture afin d’éviter une trop grande dépendance de la métropole. La France et l’Angleterre poursuivent les négociations, mais ce n’est qu’en juillet 1631 que Charles Ier ordonne à la Company of Adventurers to Canada de quitter le Canada. La conclusion ne survient que le 29 mars 1632 : par le traité de Saint-Germain-en-Laye, reproduit dans la Collection de manuscrits, l’Angleterre s’engage à « rendre et restituer [...] tous les lieulx occupez en la Nouvelle France, la Cadie et le Canada [...] en mesme estat qu’elles estoient lors de la prise ».
Le 20 avril 1632, Louis XIII attribue la fonction de lieutenant général de la Nouvelle-France au commandeur Isaac de Razilly. Ainsi, près de trois années après la prise de Québec, Champlain se sent discrédité par ses supérieurs. Ses projets ne sont pas perçus comme prioritaires dans la politique du royaume, les rapports de la France avec les autres États européens prenant largement le pas sur les rêves d’empire en Amérique du Nord. C’est pourquoi Champlain s’attache encore à démontrer l’importance de l’implantation française sur ce continent et à mettre en valeur les bases chèrement acquises grâce à son habileté et à sa persévérance. À l’intention de Richelieu, il reprend alors le récit de toutes ses explorations ; il le fait précéder d’un historique rétrospectif des établissements français depuis 1504, et le termine par la relation des dernières années. Il y joint une carte inédite de la Nouvelle-France et le « Traitté de la marine et du devoir d’un bon marinier ». Sous le titre les Voyages de la Nouvelle France occidentale, l’ouvrage est publié en 1632 à Paris chez trois éditeurs : Claude Collet, Louis Sevestre et Pierre Le Mur. Cette même année, Richelieu envoie Champlain ravitailler le fort Sainte-Anne de l’île du Cap-Breton. Razilly prend officiellement le commandement de Port-Royal vers la mi-décembre et assure, pendant les trois années suivantes, un réel développement de l’Acadie.
Champlain effectue sa dernière traversée vers Québec, au départ de Dieppe, du 23 mars au 23 mai 1633, accompagné de 150 colons. Le titre de « command[ant] pour le service de sa Majesté, en l’absence de Monseigneur le Cardinal audit pays de la Nouvelle France », reçu des « Intendans & Directeurs de la Compagnie de la Nouvelle France » par une commission signée le 21 mars 1629 (reproduite dans les Voyages de la Nouvelle France occidentale) et suspendu après la prise de Québec, lui a enfin de nouveau été attribué en 1632. Par l’entremise de son lieutenant Charles Du Plessis-Bochart, Émery de Caën lui rend alors l’Habitation et le commandement de la colonie qui comprend, avec les nouveaux arrivants, 227 habitants. Champlain fait construire la chapelle Notre-Dame-de-la-Recouvrance et reprend contact avec les Premières Nations alliées, dont certains membres, durant son absence, ont fait la traite avec les Anglais. En fait, le retour de Champlain à Québec correspond à une recrudescence des animosités. En juin, trois Français trouvent la mort dans un raid des Agniers contre deux embarcations françaises près de Trois-Rivières. Les Agniers attaquent divers endroits de la vallée du Saint-Laurent qu’ils considèrent comme faisant partie de leur zone d’influence. Afin de mettre un terme aux menaces persistantes, Champlain sollicite le cardinal de Richelieu de lui donner les moyens pour mener une grande offensive contre les Agniers. Cette force militaire ne lui sera jamais accordée. Sur l’année 1633, le Mercure françois publiera en 1636 la « Relation du voyage du sieur de Chãplain en Canada », destinée au public et attribuée à Champlain et à Paul Le Jeune, supérieur des jésuites à Québec. Le texte consiste en un rapport détaillé de la traversée vers l’Acadie, Tadoussac et Québec, suivi du récit de la collecte des pelleteries en divers lieux. Les auteurs semblent vouloir y exposer les modalités du commerce et démontrer les difficultés éprouvées par la Compagnie des Cent-Associés face à la concurrence anglaise et hollandaise.
En 1632, conformément à la volonté du cardinal de Richelieu, les jésuites sont retournés à Québec pour y poursuivre l’entreprise d’évangélisation. Ils exercent un réel pouvoir social, voire économique et politique, sur le gouvernement local de la colonie. Une première école, fondée par leurs soins en 1635, deviendra un établissement d’enseignement secondaire connu, au début du xxie siècle, sous le nom de collège Saint-Charles-Garnier. À l’automne de la même année, 18 missionnaires sont répartis dans les postes français, de l’Acadie à la Huronie. En tout, une quarantaine de missionnaires récollets, capucins et jésuites ont œuvré au Canada depuis 1603.
En 1634, l’arrivée d’environ 100 immigrants, dont plusieurs familles, a apporté à Champlain « de nouveaux courages », comme il l’a exprimé dans une lettre au cardinal de Richelieu (reproduite dans les Œuvres publiées par Henry Percival Biggar). Par ailleurs, on érige une habitation à Trois-Rivières, où les jésuites établissent une mission [V. M. Laviolette]. Champlain reprend confiance en la volonté de la Compagnie des Cent-Associés de remplir ses obligations de peuplement et d’évangélisation, et non seulement de commerce. Conforté par ce nouveau départ de la Nouvelle-France, Champlain s’efforce de consolider la colonie.
Le démarrage démographique français au Canada modifie complètement le paysage humain de Québec et de ses environs. Robert Giffard de Moncel, apothicaire et maître chirurgien percheron déjà établi à Québec, amorce un mouvement d’immigration : il recrute, à ses frais, plusieurs centaines de colons majoritairement originaires de Normandie. Ce noyau initial intégrera peu à peu les futurs immigrants sur la base de la langue française et de coutumes partagées. À partir de sa seigneurie de Beauport, Giffard installe les habitants aux alentours, notamment sur la côte de Beaupré [V. Mathurin Gagnon].
L’immigration française s’effectue alors que d’autres Européens, beaucoup plus nombreux, s’installent en Amérique du Nord-Est. Depuis l’arrivée d’une centaine de puritains près de Plymouth sur le Mayflower en 1620, les établissements anglais se sont multipliés sur le littoral au sud de l’Acadie. En 1625, la puissante Compagnie hollandaise des Indes occidentales fonde la Nouvelle-Hollande à l’embouchure du fleuve Hudson. Au début des années 1630, la Nouvelle-Angleterre et la Nouvelle-Hollande comptent déjà plusieurs milliers d’habitants. Les épidémies de 1634–1640, liées à la forte présence d’éléments étrangers porteurs sains de virus, déciment les Premières Nations du Nord-Est américain. Heureux de l’arrivée de nouvelles familles françaises, Champlain ne verra pas l’effondrement démographique de ces populations alliées et ennemies, ni les suites de la menace grandissante des colonies anglaises sur la Nouvelle-France.
Consolider la colonie, c’est aussi la cartographier. Nommer les lieux, c’est aussi une façon de s’approprier un territoire. Champlain a été le premier voyageur européen à effectuer des représentations graphiques détaillées de quelque 2 670 milles du littoral nord-américain, du cap Blanc à l’île de Terre-Neuve et du golfe du Saint-Laurent jusqu’aux Grands Lacs. Ses cartes, basées sur des observations personnelles rigoureuses et sur des emprunts à d’autres navigateurs (dont Hudson), complétées par l’information obtenue auprès des Premières Nations, étonnent par leur remarquable précision. La cour de France les utilise et les diffuse largement, notamment lors de négociations diplomatiques à Londres. Pendant plusieurs décennies, des ouvrages hollandais, anglais et français les reprendront. Pierre Duval publie en 1653 à Paris une version augmentée de la carte de 1616 sous le titre le Canada faict par le Sr de Champlain […] ; il la modifiera et la réimprimera à quelques reprises jusqu’en 1677. D’autres, comme Jean Boisseau, font paraître la carte de 1632 avec peu de modifications et sans mention de l’auteur.
En octobre 1635, Champlain souffre de paralysie et voit ses forces décliner. Par son testament rédigé le 17 novembre, il réserve à sa femme les biens qu’il possède en France, et distribue ce qui lui appartient à Québec à ses proches, privilégiant les jésuites et la chapelle Notre-Dame-de-la-Recouvrance. Le 22 novembre 1636 à Paris, Helene Boullé déposera ce testament, que Marie Camaret, cousine germaine de Champlain, contestera par la suite. Celle-ci obtiendra ses parts dans la Compagnie de la Nouvelle-France et une compagnie particulière le 6 septembre 1639.
Assisté par le père Lalemant, Champlain meurt le 25 décembre 1635. Son corps est inhumé provisoirement dans un lieu inconnu, puis transporté plus tard dans une chapelle qui prendra son nom, élevée en annexe de la chapelle Notre-Dame-de-la-Recouvrance. Incendiée en 1640, la première chapelle est reconstruite, puis disparaît au début des années 1670. Selon certaines suppositions, les dépouilles qui y reposaient auraient été transférées sous la nouvelle église paroissiale connue, au commencement du xxie siècle, comme la basilique Notre-Dame de Québec, qui a aussi subi, au cours des siècles, de fréquents et importants travaux. En dépit de patientes recherches archéologiques, il semble toujours improbable de retrouver, un jour, les restes de Champlain.
À la fin de sa vie, Champlain porte un attachement exclusif à la religion catholique. Il n’en a pas toujours été ainsi. Lors de ses premiers voyages, sous le gouvernement d’Henri IV, il y avait une volonté de réconciliation entre catholiques et protestants. À Sainte-Croix et à Port-Royal, l’expédition comprend aussi bien un prêtre catholique qu’un pasteur protestant ; le chef, Dugua, est huguenot comme plusieurs autres colons.
L’intérêt politique, prioritaire, associe le religieux au commercial pour justifier la colonisation. La France veut surtout conquérir des peuples, qui doivent contribuer à la richesse du royaume, et non des territoires déserts. Pour Champlain, le moyen d’accroître la population de la Nouvelle-France n’est pas l’immigration de masse, mais le baptême des Premières Nations, qui leur accorde la nationalité française. Dans les Relations des jésuites de 1633, Le Jeune raconte que Champlain rêve à un avenir où « nos garçõs se marieront à vos filles, & nous ne ferons plus qu’un peuple ». Pour les autorités françaises, ce métissage constitue une façon de limiter le nombre de Français envoyés dans la colonie et d’assurer la loyauté des Premières Nations alliées. De plus, sous l’effet persistant de la contre-réforme, un territoire sous l’autorité de la France doit afficher son entière adhésion à la seule Église catholique : voilà ce qu’entreprennent la Compagnie des Cent-Associés et les jésuites, sous la direction du cardinal de Richelieu. Champlain ne peut enfreindre ces règles.
On pourrait en déduire que l’intérêt politique et colonial dicte la relation de Champlain avec les Premières Nations. Il est juste de convenir que l’objectif d’établir une entreprise française prospère en Amérique ne peut qu’inclure une participation des habitants déjà sur place. Mais l’adhésion à ce projet n’implique pas forcément de pression ou d’instrumentalisation, comme certains historiens l’ont récemment avancé. Les contacts entre Premières Nations et Européens ont commencé plus d’une centaine d’années avant la fondation de Québec. Pendant tout le xvie siècle, des dizaines de milliers de pêcheurs ont fréquenté les côtes du golfe et du fleuve Saint-Laurent et, dès les premières rencontres, ont pratiqué le troc d’objets européens contre des pelleteries, victuailles, remèdes et assistance à divers travaux. Champlain connaît bien la nécessité de ces échanges entre les deux groupes. Il les rappelle sans cesse dans ses réquisitoires en faveur de la Nouvelle-France. Il ne porte pas un regard complètement neuf sur les peuples en présence à Tadoussac en 1603, bien qu’il soit le premier voyageur français à décrire leurs mœurs avec autant d’attention. Il les observe avec la cordialité, souvent entachée de paternalisme, de l’entrepreneur abordant un partenaire incontournable. Il admet difficilement certaines de leurs pratiques, comme la liberté sexuelle et le traitement rigoureux des prisonniers de guerre, contre lesquelles il s’insurge en vain. Mais les uns et les autres sont plutôt solidaires. Les Premières Nations aussi ont beaucoup appris de la fréquentation des Européens pendant un siècle et n’ignorent rien de leurs intentions. S’il y a eu tentative de domination française sur les habitants du territoire, elle a échoué, du moins sous le commandement de Champlain : les Premières Nations ont l’avantage d’être sur leur terrain et réussissent généralement à imposer leurs exigences dans un partenariat où les deux parties croient trouver leur intérêt. En conséquence, Champlain a dû maintes fois modifier non seulement ses projets, mais aussi ceux de la cour de France, pour composer avec ceux des Premières Nations. Un respect réciproque s’est installé, les chefs sachant très bien rappeler leurs alliés français à l’ordre quand ceux-ci tardent à s’acquitter de leurs engagements. Des succès communs et de la fraternisation naissent alors la confiance et l’estime. Champlain porte un regard certes subjectif et parfois distant sur ses associés, mais il demeure toujours loyal envers eux : ils forment le socle de l’édifice français en Amérique.
Sur lui-même, on ne connaît vraiment que ce que Champlain a révélé par ses écrits et il appert que sa vie se confond avec son projet d’une Nouvelle-France. Même si plusieurs dessins et tableaux essaient de le figurer, il n’existe pas de portrait effectué de son vivant, sauf une silhouette, tracée par un graveur, le représentant au combat contre les Agniers en 1609. Sa résistance physique devait être particulièrement forte pour supporter, apparemment sans problème majeur, les deux douzaines de traversées de l’Atlantique, ainsi que les expéditions militaires et d’exploration sur des milliers de milles.
Pour trouver quelques éléments sur le caractère de Champlain, il faut lire entre les lignes de ses nombreux textes, car l’auteur demeure très discret sur sa personne et son intimité. Ses récits de voyage, discours destinés à confirmer le bien-fondé de la Nouvelle-France, revêtent comme il se doit l’apparente objectivité du reportage. Ce qui n’empêche pas le rédacteur d’évoquer, autant que possible, son propre rôle dans l’entreprise et à le mettre en valeur, en passant parfois sous silence la contribution de ses compagnons, notamment celle de Gravé, qui l’a initié au pays. Cette manière d’agir avec assurance et pragmatisme révèle aussi une autorité et une envergure certaines, probablement nécessaires à un chef qui porte un tel projet avec autant d’habileté que de ténacité.
Mission accomplie, pourrait-on dire d’une existence entièrement vouée à l’implantation de la France en Amérique. Sans jamais perdre de vue cet objectif, Champlain a d’abord cherché, de l’Acadie au cap Blanc, puis vers les Grands Lacs, le meilleur endroit où fixer une base de commerce et de peuplement français. Dans l’espoir de traverser le continent jusqu’à la mer de l’Ouest et d’accéder ainsi à la Chine, il s’est accroché avec obstination au cap Diamant, malgré les obstacles du climat, la démesure du territoire, la concurrence d’autres commerçants européens et les conditions singulières de la cohabitation avec les Premières Nations. Si Henri IV était un fervent partisan du rayonnement de la France, ses successeurs ont sans cesse eu besoin de nouveaux arguments pour poursuivre dans cette voie. Champlain a dû les convaincre. Il a exploré, cartographié et marqué l’espace d’une toponymie aussi bien inspirée des Premières Nations que des Français. Ses récits révèlent la beauté de la nature, rapportent l’existence d’habitants dans leur complexité, entrevoient des ressources minières et de multiples possibilités de développement. L’élan était donné : la France et les Français s’y sont fixés durablement et ont posé les bases de structures sur lesquelles s’est édifiée une « Nouvelle-France[,] ou Canada[,] » en Amérique.
Samuel de Champlain a publié, à Paris, quatre ouvrages qui constituent la source essentielle de renseignements sur sa vie : Des sauvages […] ([1603]) ; les Voyages du sieur de Champlain, Xaintongeois, capitaine ordinaire pour le roy, en la marine (1613) ; Voyages et descouvertures faites en la Nouvelle France, depuis l’année 1615, jusques à la fin de l’année 1618 (1619) ; et les Voyages de la Nouvelle France occidentale, dicte Canada, faits par le Sr de Champlain […] & toutes les descouvertes qu’il a faites en ce païs depuis l’an 1603, jusques en l’an 1629 (1632). De plus, il a vraisemblablement écrit, avec Paul Le Jeune, « Relation du voyage du sieur de Chãplain en Canada », Mercure françois [...] (Paris), 19 (1636) : 803–867.
Les nombreuses éditions modernes et érudites des textes de Champlain apportent de l’information précieuse et complémentaire sur les populations, les personnes, les événements et les lieux mentionnés par l’auteur. Parmi ces travaux, on retiendra ceux d’Éric Thierry, qui a fait paraître à Québec l’édition en français moderne des récits de voyages de Champlain : les Fondations de l’Acadie et de Québec, 1604–1611 (2008) ; À la rencontre des Algonquins et des Hurons, 1612–1619 (2009) ; Au secours de l’Amérique française, 1632 (2011) ; Espion en Amérique, 1598–1603 (2013) ; et les Œuvres complètes de Champlain, (2 vol., [2019]). Ajoutons à cette liste : Œuvres (Laverdière) ; Œuvres (Biggar) ; Des sauvages, Alain Beaulieu et Réal Ouellet, édit. (Montréal, 1993) ; et Samuel de Champlain before 1604 : Des Sauvages and other documents related to the period, C. E Heidenreich et K. J. Ritch, édit. (Toronto, 2010). Comme sources publiées, on trouve encore : [Marie de Pommereuse], « la Vie de la mère Helene Boullé, dite de S. Augustin, fondatrice & religieuse ursuline de Meaux », dans les Chroniques de l’ordre des ursulines (3 vol. en 2, Paris, 1673), 3 : 408–417 ; Coll. de manuscrits relatifs à la Nouv.-France ; et Arch. publiques du Canada, Nouveaux Documents sur Champlain et son époque, Robert Le Blant et René Baudry, édit. (Ottawa, 1967). Les archives et les sources manuscrites sont rares et dispersées ; voici les principales : Arch. départementales, Charente-Maritime (La Rochelle, France), « État civil », La Rochelle, temple Saint-Yon, 13 août 1574 : archives.charente-maritime.fr/archives-en-ligne/consulter-documents-numerises (consulté le 13 juill. 2018) ; et Arch. nationales (Centre d’arch. de Paris), MC/RS//281, 29 déc. 1610 ; MC/RS//282, 22 nov. 1636. Conservé à l’Archivo histórico provincial de Cádiz, en Espagne, le document « Donación de Guillermo Elena a Samuel de Champlain, 1601 [no 1512, ff.256v–259v ; f.284, Notario Marcos de Rivera, 1601] » [Cadeau de Guillermo Elena à Samuel de Champlain [no 1512, ff.256v–259v ; f.284, notaire Marcos de Rivera, 1601] est transcrit dans Samuel de Champlain before 1604 […], 178–191. Parmi les études sur Champlain et son époque, innombrables et souvent d’intérêt contestable, certaines des plus récentes enrichissent non seulement la connaissance de son œuvre, mais aussi celle du territoire et de ses habitants. Nous avons utilisé avec profit plusieurs sources, ouvrages collectifs, comptes rendus de colloques et de journées d’étude, dans lesquels le lecteur trouvera un approfondissement des réflexions autour de cette période de l’exploration et de la naissance de l’Amérique française : Bibliothèque et Arch. Canada (Ottawa), R11577-4-2 ; Atlas historique du Canada (3 vol., Montréal, 1987–1993), 1 (Des origines à 1800, sous la dir. de R. C. Harris, Marcel Paré, trad., 1987) ; [Jean Boisseau], Description de la Nouvelle France ou sont remarquées les diverses habitations des François, despuis la premiere descouverte jusques a present recuillie et dressée sur diverses relations modernes, 1643 (Paris, 1643) ; Champlain : la naissance de l’Amérique française, sous la dir. de Raymonde Litalien et Denis Vaugeois (Sillery [Québec] et Paris, 2004) ; Champlain ou les Portes du Nouveau-Monde : cinq siècles d’échanges entre le Centre-Ouest français et l’Amérique du Nord, xvie–xxe siècles, sous la dir. de Mickaël Augeron et Dominique Guillemet (La Crèche, France, 2004) ; Paul Cohen, « la Vie rêvée des empires : Amérindiens et Européens en Nouvelle-France selon David Hackett Fischer », Bull. d’hist. politique (Montréal), 27 (2018–2019), no 2 : 34–68 ; De la Seine au Saint-Laurent avec Champlain, sous la dir. d’Annie Blondel-Loisel et al. (Paris, 2005) ; Michel De Waele, « “Une loi, une foi, un roi” : tolérance et concorde en Nouvelle-France à l’époque d’Henri IV », Bull. d’hist. politique, 27, no 2 : 15–33 ; D. H. Fischer, le Rêve de Champlain, Daniel Poliquin, trad. ([Montréal], 2012) ; René Lepelley, Dictionnaire étymologique des noms de communes de Normandie (Condé-sur-Noireau et Caen, France, 1993) ; le Nouveau Monde et Champlain, sous la dir. de Guy Martinière et Didier Poton (Paris, 2008) ; Québec, Champlain, le monde, sous la dir. de Michel De Waele et Martin Pâquet (Québec, 2008) ; Éric Thierry, la France de Henri IV en Amérique du Nord : de la création de l’Acadie à la fondation de Québec (Paris, 2008) ; B. [G.] Trigger, les Enfants d’Aataentsic, J.-P. Sainte-Marie et Brigitte Chabert-Hacikyan, trad. (Montréal, 1991) ; Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France (6 tomes en 7 vol., Montréal, 1955–1999), 1 (les Vaines Tentatives, 1524–1603), 2 (le Comptoir, 1604–1627), 3 (la Seigneurie des Cent-Associés, 1627–1663), tome 1 (les Événements) et tome 2 (la Société) ; ainsi que When the French were here....and they’re still here : proceedings of the Samuel de Champlain Quadricentennial Symposium, Nancy Nahra, édit. (Burlington, Vt, 2010).
Raymonde Litalien, « CHAMPLAIN, SAMUEL DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/champlain_samuel_de_1F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/champlain_samuel_de_1F.html |
Auteur de l'article: | Raymonde Litalien |
Titre de l'article: | CHAMPLAIN, SAMUEL DE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 2023 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |