BUTEUX, JACQUES, prêtre, jésuite, missionnaire, explorateur, né le 10 avril 1599 de Jean Buteux, tanneur d’Abbeville, en Picardie, tué dans le haut Saint-Maurice le 10 mai 1652.

À l’âge de 21 ans, il entre au noviciat des Jésuites à Rouen ; de 1622 à 1625, il poursuit ses études philosophiques au collège de La Flèche, où le pionnier des missions acadiennes d’Amérique, le père Massé, entretient le feu sacré pour les missions du Nouveau Monde ; de 1625 à 1629, Jacques Buteux enseigne la grammaire à Caen, puis retourne à La Flèche et y suit les cours de théologie durant quatre ans ; il est ordonné prêtre en 1633. Dès l’année suivante, il est à Québec. Il n’y passe que quelques mois, car son supérieur, le père Paul Le Jeune, confie à ses soins la nouvelle habitation que Champlain fait ériger à Trois-Rivières. Les travaux, commencés le 4 juillet sous la direction de Laviolette, ne sont pas encore terminés lorsque le père Buteux prend possession de son nouveau poste, le 8 septembre 1634. Il desservira Trois-Rivières jusqu’à sa mort, en 1652.

Trois-Rivières est, à cette époque, un lieu de rassemblement fréquenté par les Indiens montagnais, algonquins et hurons. Dans sa relation de 1636, le père Le Jeune signale que « les Sauvages se plaisent davantage aux Trois Rivieres, que non pas à Kébec, aussi font-ils là plus souvent leur sejour, & en plus grand nombre : c’est pourquoy les Peres qui ont demeuré cette année en nostre Residence de la Conception, ont baptisé plus de personnes, que ceux qui sont restez à Kébec, où ces Barbares n’arrestent pas si log temps. »

Nommé supérieur de la mission de Trois-Rivières en 1639, le père Buteux déploie beaucoup de zèle. Il s’efforce de stabiliser quelques Indiens en les établissant au cap de Trois-Rivières, sur la rive gauche de la rivière Saint-Maurice. Dans une lettre datée de 1640, il se réjouit de voir quelques Indiens s’intéresser à la culture. La tentative de former un village indien ayant échoué, le religieux recrute des colons français ; en 1649, 14 concessions sont accordées, donnant ainsi naissance à la ville actuelle du Cap-de-la-Madeleine.

L’anéantissement des missions huronnes, en 1649, incite le missionnaire à répondre aux invitations pressantes des Attikamègues établis dans le bassin supérieur du Saint-Maurice. « Il y a dans tous ces quartiers-là, écrit Buteux, quantité d’autres Nations, plus que nous n’en pourrons baptizer, eussions nous encor quarante ans à vivre, & ces gens n’ont aucun commerce avec nous. C’est de là que les Hurons, avant que leur païs fut desolé, tiroient quasi tous leurs Castors, qui maintenant n’estans plus divertis ailleurs viendront à nos habitations Françoises, pourveu que l’Iroquois ne trouble point nostre repos. »

Le 27 mars 1651, le père Buteux, accompagné de deux Français et d’une quarantaine d’Attikamègues, entreprit la montée vers le Nord. L’expédition dura trois mois. Les voyageurs atteignirent des régions où vivaient des tribus qui n’avaient eu aucun contact avec les Blancs. Désireux d’aller jusqu’à la baie d’Hudson l’année suivante, le père Buteux fit envoyer des cadeaux « à des Capitaines de quelques Nations tirant plus vers le Nord ». Le 18 juin 1651, il était de retour à Trois-Rivières. Au cours de juillet, il partit en mission vers Tadoussac et Gaspé.

À la fin de son journal de voyage aux sources du Saint-Maurice, le missionnaire avait exprimé son désir de pousser plus loin son exploration évangélisatrice : « J’espere au Printemps prochain faire le mesme voyage, & pousser encore plus loin jusqu’à la mer du Nort, pour y trouver de nouveaux peuples, & des Nations entieres, où la lumiere de la foy n’a jamais encore penetré. Depuis ce voyage, les Iroquois sont entrez dans ce païs, qui sembloit quasi inaccessible » (lac Kisagami). Dans une lettre au père Ragueneau, il ajoutait : « je n’aurois jamais creu qu’ils eussent pû trouver ny aborder ce lac avec leurs canots : nous marchasmes environ vingt jours sur les neiges, au voyage que j’ay fait en ces contrées, devant que de le rencontrer ».

Malgré la menace iroquoise, le père Buteux repartit pour le Nord le 4 avril 1652, avec une escorte d’une soixantaine d’Attikamègues. Son rêve d’atteindre la baie d’Hudson ne se réalisa pas. Après cinq semaines de marches forcées, alors qu’ils devaient avoir atteint, sinon dépassé, la ligne de partage des eaux, Buteux et ses compagnons, le soldat Pierre Fontarabie et le Huron converti Thomas Tsondoutannen, furent attaqués par les Iroquois. « Le Huron, qui marchoit le premier, fut saisy si subitement, qu’il n’eut pas le loisir de faire aucun pas en arriere. Les deux autres, un peu plus esloignez, furent jettez par terre, les ennemis ayant fait sur eux la descharge de leur fuzils. Le Pere tomba blessé de deux balles à la poitrine, & d’une autre au bras droit, qui luy fut rompu. [...] Ils furent despoüillez, tout raids, & et leurs corps furent jettez dans la riviere. »

Ainsi se terminait tragiquement, le 10 mai 1652, une audacieuse randonnée apostolique. La nouvelle du drame fut rapportée à Trois-Rivières le 8 juin par le Huron Tsondoutannen, qui avait réussi à s’échapper.

Le père Buteux a laissé des lettres, une relation de son voyage de 1651 et de nombreux actes dans les registres de Trois-Rivières.

Albert Tessier

Archives de la paroisse de l’Immaculée-Conception de Trois-Rivières, Registres.— ACSM, Mémoires touchant la mort et les vertus des pères Isaac Jogues etc. (Ragueneau), repr. RAPQ, 1924–25 : 3, 25s., 28, 45s., 49.— JJ (Laverdière et Casgrain).— JR (Thwaites).— Ernest Gagnon, Le Père Buteux et le drame du St-Maurice (1652), La Nouvelle-France, XIV (1915) : 85–89.— Albert Tessier, Jacques Buteux, le premier évangélisateur de la région du St-Maurice (1634–1652), (« Pages trifluviennes », série B, no 6, Trois-Rivières, 1934) Le Père Jacques Buteux, Cahier des Dix, I (1936) 157–170.— Yvon Thériault, L’Apostolat missionnaire en Mauricie (Trois-Rivières, 1951), chap. iii et iv.

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Albert Tessier, « BUTEUX, JACQUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/buteux_jacques_1F.html.

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Auteur de l'article:    Albert Tessier
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    1986
Date de consultation:    16 nov. 2024