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HUDSON, HENRY, navigateur, explorateur et, en un sens, fondateur à la fois de la ville de New York et de la Hudsons Bay Company ; circa 1607–1611.

Les origines et la jeunesse de Hudson restent obscures. Lorsqu’il apparaît dans l’histoire, en 1607, il est déjà d’âge mûr et de renommée internationale. Cette année-là, au service de la English Muscovy Company, il cherche une route directe vers la Chine par le pôle Nord. Il ne réussit qu’à établir le record de « la latitude la plus septentrionale » et à rapporter des observations qui serviront à la création d’un poste de pêche à la baleine au Spitzberg. En 1608, pour le compte des mêmes armateurs, il partit à la recherche d’un passage du Nord-Est par l’Atlantique russe ; ce fut un échec complet.

Le fait que ses compatriotes, à la suite de ses insuccès, furent convaincus que ce genre d’entreprise était impossible indique bien la réputation de dévouement et de compétence que Hudson s’était acquise. Se décourageant moins facilement, les directeurs de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales lui demandèrent de faire une nouvelle tentative du côté du Nord-Est. Il partit en 1609 sur le Half Moon avec un équipage formé de Hollandais et d’Anglais (notamment un ancien camarade de bord, le peu commode Robert Juet). Arrivé à la banquise au delà du cap Nord, à l’extrémité de la Norvège, l’équipage se révolta et refusa d’aller plus loin. Le capitaine dut donc virer de bord et chercher une route vers la Chine par l’Amérique du Nord. Il remonta la rivière Hudson (découverte en 1524 par l’Italien Verrazzano) jusqu’à Albany et il montra les possibilités commerciales qu’offrait ce cours d’eau intérieur. À son voyage de retour, il fit escale dans un port anglais ; il y reçut du Privy Council l’ordre de ne pas retourner aux Pays-Bas ni de se remettre au service d’une puissance étrangère.

Cette interdiction n’inquiéta pas l’explorateur, puisqu’il trouva un emploi immédiat chez ses compatriotes. Son dernier voyage, bien qu’infructueux, avait ranimé l’espoir de trouver ailleurs un vrai passage pour la Chine. Sir Thomas Smith, fondateur et premier gouverneur de la East India Company et de la Northwest Passage Company, trésorier de la Virginia Company ; Sir Dudley Digges, jeune homme riche, intéressé aux explorations ; et M. (plus tard Sir) John Wolstenholme, du Yorkshire, célèbre promoteur d’explorations, financèrent, de concert avec un certain nombre de marchands, une nouvelle expédition, dont Hudson reçut le commandement. Il devait pousser ses recherches vers le détroit de Davis [V. John Davis], dans une région qui, évoquant le nébuleux détroit d’Anian, semblait lui offrir les meilleures chances de succès.

Le Discovery était monté par un équipage plus nombreux et plus mêlé que celui que commandait Hudson lors des voyages qu’il avait entrepris précédemment en partant de ports anglais. Il engagea Juet en qualité de second. C’est un signe de faiblesse de la part de l’explorateur, qu’il n’ait pas pu refuser ce poste important à un homme dont il connaissait parfaitement le caractère désagréable. C’est peut-être pour moins dépendre du vieux fauteur de troubles qu’il enrôla, mais seulement comme matelot, Robert Bylot. Ce dernier était un excellent navigateur et, comme il allait le montrer, un homme d’un courage flegmatique, mais indomptable. Hudson prit à son bord quatre civils : Edward Wilson, chirurgien (à ne pas confondre avec William Wilson, promu plus tard au grade de maître d’équipage et l’un des principaux conspirateurs contre son capitaine), Abacuk Pricket, serviteur de Sir Dudley Digges, Thomas Wydowse (ou Woodhouse), mathématicien qui devait probablement aussi sa place à Digges, et (à l’insu des armateurs) un certain Henry Greene. Ce dernier était un jeune homme débauché, déshérité par sa famille, gens à l’aise qui habitaient le Kent ; Hudson l’avait protégé et maintenant, avec sa bonhomie et son manque de jugement caractéristiques, il le prenait à son bord et lui promettait, en dépit de la fausse situation du jeune homme, de lui verser les gages de matelot au retour du voyage. Greene avait une certaine instruction ; il se peut que Hudson, manifestement naïf dans tout ce qui n’était pas son métier, ait cru trouver en lui le pendant de John Janes, l’ami de John Davis et l’auteur des récits pittoresques de quelques-uns de ses voyages.

Le Discovery partit de Londres le 17 avril 1610 et, à la suite d’une traversée heureuse jusqu’en Islande, fit escale dans une baie afin de laisser reposer l’équipage en attendant que les champs de glace en direction de l’Ouest se dispersent. C’est là qu’apparurent les premiers signes de discorde. Greene, qui était arrogant et doué d’une grande force physique, se querella avec Edward Wilson et le battit si brutalement que « nous eûmes grand peine à rembarquer le chirurgien ». Cet incident indigna fort l’équipage, mais Hudson couvrit son protégé et rejeta le blâme de la bagarre sur Wilson. On avait repris la mer lorsque, étant ivre, Juet, qui, à l’instar du chirurgien, détestait les prétentions du jeune parvenu, déclara publiquement que Hudson avait enrôlé Greene pour espionner les officiers et les hommes d’équipage. En entendant cette accusation, le capitaine entra dans une violente colère, et on eut de la difficulté à le dissuader de retourner en Islande et de renvoyer le vieil officier au pays à bord d’un navire de pêche. Tel fut le prélude peu digne et peu encourageant d’une période d’épreuves que seules une soumission et une harmonie impeccables auraient pu rendre acceptables. Vers la fin de juin, on aperçut l’île de la Bonne-Fortune (plus tard île de la Résolution) qui marquait à droite le détroit de Davis et à gauche le détroit d’Hudson.

Le détroit d’Hudson n’a pas été découvert par celui qui lui a donné son nom. À son troisième voyage à Meta Incognita (1578), Frobisher y était entré par erreur et, à ce qu’il affirme, y avait navigué 60 lieues. Toutefois, Sir Martin était un navigateur médiocre – du moins de l’avis de son capitaine, Christopher Hall – et il était connu pour ses exagérations, même à une époque où l’on exagérait facilement. Les pilotes expérimentés accordaient plus de poids aux observations de Davis (en 1587) et aux résultats du voyage du capitaine Waymouth ; celui-ci, en 1602, avait tenté le passage du détroit, mais l’opposition de son équipage l’avait contraint à virer de bord et à rentrer en Angleterre. En 1606, John Knight s’était approché de l’entrée du détroit, mais il avait péri mystérieusement sur les côtes du Labrador.

Il existe de plus vagues prétentions à cette découverte bien avant la revendication de Frobisher. D’après G. M. Asher, historien du xixe siècle, Sébastien Cabot connaissait le détroit d’Hudson ; sur la foi d’anciennes cartes, sans l’appui d’aucun document digne de confiance, Asher attribue aux navigateurs portugais l’honneur d’avoir franchi le détroit et d’être allé jusque dans la baie. Plus récemment, J. A. Williamson voit également en Sébastien Cabot un précurseur. Les mieux renseignés des contemporains de Hudson ne partageaient pas du tout cette façon de voir. Luke Fox écarte toutes les prétentions antérieures pour affirmer que ce fut Davis et Waymouth qui, pense-t-il, « ouvrirent à Hudson la voie de son détroit ». En l’absence d’un témoignage irrécusable, il est plausible de conclure que les navigateurs portugais et anglais connaissaient l’existence du détroit et avaient cherché à tâtons autour de l’embouchure orientale, tandis que Hudson fut le premier à avoir l’audace et la détermination de s’engager sur la piste et de la suivre sans hésiter où qu’elle pût le conduire.

Une observation ambiguë de Pricket laisse entendre que le capitaine avait l’intention de remonter le détroit de Davis vers le Nord – croyant qu’il trouverait une mer libre de glace à une latitude plus élevée – lorsque son navire, pris par la marée, fut entraîné au sud de l’île de la Résolution dans les eaux encombrées de glaces du détroit d’Hudson. Une fois là, il n’osa pas faire voile arrière de peur que son équipage épouvanté et divisé n’insistât pour abandonner complètement une si périlleuse entreprise. Sur un vaisseau assailli par les glaces, ballotté par les marées dans des parages inexplorés et, craignait-on, parsemés de récifs, les hommes crurent leur dernière heure venue ; Hudson lui-même, comme il l’avoua par la suite à Pricket, fut sur le point de se laisser abattre.

Près de l’île Akpatok, quand l’équipage se révolta à l’instigation de l’implacable Juet et réclama à grands cris qu’on virât de bord, le charpentier Philip Staffe resta fidèle à son capitaine qui, mêlant les objurgations aux supplications, parvint à ramener à l’obéissance ses compagnons indisciplinés. Pilote avisé, Hudson ne manqua aucune occasion de marquer des points de repère des deux côtés du détroit ; à la suite d’un voyage en zigzag de six semaines, passant entre le cap Wolstenholme, en territoire québécois, et l’île Digges (ainsi baptisés en l’honneur des commanditaires de l’expédition), il entra dans la baie même qui porte son nom.

Dans le « larger discourse » de Pricket, qui fournit plutôt des aperçus pittoresques sur le voyage qu’un relevé cohérent, Hudson apparaît surtout aux moments où la tension à bord était particulièrement aiguë. Pourtant, il dut faire preuve de beaucoup de patience et de fermeté pour affronter avec son navire les dangers multiples du détroit, lesquels, deux siècles plus tard, devaient causer une si forte impression à Franklin* et à Parry*, qui cependant s’y attendaient. Il avança lentement, ne faisant que dix milles par jour en moyenne, dans une atmosphère de « tristesse indescriptible », propre à aviver les craintes superstitieuses de ses compagnons les mieux disposés. La conquête du détroit confère à Hudson une grandeur que sa folie et ses bévues ultérieures ne réussiront pas à détruire.

Hudson jeta l’ancre près de l’île Digges, mit la barque à l’eau et envoya Pricket à terre en compagnie de Bylot et de Greene. À leur retour, ils rapportèrent avoir aperçu quantité de gibier à plume et l’herbe la plus belle qu’ils aient vue depuis leur départ de l’Angleterre. Pricket exhorta le capitaine à y passer deux jours pour délasser son équipage et refaire ses provisions épuisées ; mais Hudson, convaincu qu’il avait répété l’exploit de Magellan et qu’il était maintenant dans le Pacifique, rejeta cet avis d’un ton maussade. Juet, en se moquant méchamment, prétendait non sans raison que Hudson était un visionnaire dénué de sens pratique, qui comptait atteindre les îles aux Épices à la Chandeleur.

Ayant mis le cap au Sud, Hudson profita de l’accroissement de son prestige pour se venger des mutins qui avaient presque fait échouer son expédition à l’île Akpatok. Juet fut traduit devant l’équipage (dangereux précédent), fut convaincu d’incitation à la désobéissance et cassé de son grade d’officier. C’est Robert Bylot qui reçut le poste et la solde qu’il comportait. Le maître d’équipage, pour le même motif, perdit ses fonctions. William Wilson le remplaça et partagea la solde de son grade avec John King, individu loyal, mais ignorant, que ses compagnons étaient enclins à mépriser. Hudson eut la faiblesse de s’excuser auprès des hommes qu’il avait punis et de leur promettre que, si leur conduite à venir était satisfaisante, « il s’occuperait d’eux et oublierait leurs torts ».

La popularité qui avait enhardi le capitaine à s’affirmer de la sorte fut de courte durée. En octobre, le navire était dans la baie qui recevra plus tard le nom de Thomas James et qui ressemble à « un labyrinthe sans fin ». Manquant du courage nécessaire pour avouer son échec de ce côté-là, Hudson perdit quelques semaines à chercher une sortie vers le Sud et dut hiverner dans le coin sud-est de la baie – probablement à l’embouchure de la rivière Rupert. Son irritation, qui était bien naturelle, était partagée par ses hommes qui se voyaient privés des récompenses qu’on leur avait promises pour la découverte d’un passage ; en outre, ils s’attendaient à un hiver très dur, encore qu’ils ne pussent en prévoir toute la rigueur.

L’imprudence de Hudson contribua à aggraver cet état de mauvaise humeur étouffée. Vers cette époque, mourut John Williams, le canonnier ; selon la coutume, on vendit ses effets à l’enchère sur le gaillard d’avant. Il s’y trouvait une robe de drap gris, vêtement que tous les hommes convoitaient sous la menace imminente d’un hiver presque arctique. Hudson déplut grandement en se l’appropriant et en la passant à Greene, son protégé, qui n’avait ni argent ni salaire assuré pour garantir le remboursement de sa dette.

Hudson, une semaine auparavant, avait rejeté avec impatience l’idée de Staffe qui voulait bâtir sur le rivage un abri pour l’équipage ; celui-ci reçut maintenant l’ordre d’en construire un. Staffe s’exclama que le temps était devenu trop froid et qu’il « ne voulait ni ne pouvait entreprendre pareil travail ». Hudson, qui s’était montré indulgent envers des délinquants brutaux et endurcis, révéla sa faiblesse en manifestant une extrême sévérité à l’égard d’un homme d’une fidélité à toute épreuve. « Il alla le [Staffe] chercher dans sa cabine pour le frapper, l’abreuvant d’injures et menaçant de le pendre. » Deux ou trois jours plus tard, grâce au caractère loyal de Staffe et, peut-être aussi, aux remords du capitaine un peu trop vif mais généreux, la querelle s’apaisa et la maison fut construite. Mais, dans l’intervalle, l’insolent Greene avait fait voir le mépris qu’il nourrissait à l’égard de Hudson en témoignant à Staffe des amabilités particulières. Le capitaine, irrité, lui reprit sa robe qu’il remit à Bylot et, reprochant à Greene des fautes qu’il avait lui-même tolérées, il le menaça de retirer sa promesse de lui payer un salaire.

Le Discovery était fort mal approvisionné en vue des longs mois qu’il faudrait passer avant de rentrer au pays. Pricket, qui était bien placé pour le savoir, affirme que Hudson aurait pu recevoir une plus grande quantité de vivres, mais qu’il avait refusé avec son optimisme bien caractéristique ; il voulait probablement éviter de charger son navire en prévision du danger que présenterait la navigation dans les glaces. Bien que les perdrix et d’autre gibier d’eau vinssent augmenter la ration réduite, plusieurs hommes souffrirent du scorbut au cours de l’hiver. Vers l’époque de la débâcle, les explorateurs reçurent la visite d’un Amérindien qui, après avoir été bien reçu, prit congé en promettant par signes de revenir « après un certain nombre de nuits ». Les voyageurs ne le revirent jamais. En désespoir de cause, Hudson prit la barque et alla à la recherche des indigènes afin d’obtenir de la viande. Il découvrit leur établissement, mais les Amérindiens refusèrent de communiquer avec lui et mirent le feu à la forêt afin de garder les visiteurs importuns à distance. Le produit de la pêche fut désappointant et l’incertitude qui régnait au sujet de la quantité des vivres en réserve contribuait à accroître les craintes de l’équipage.

Greene, moins facile à apaiser que Staffe, s’efforçait de discréditer Hudson auprès de ses hommes. Pricket affirme que lui et William Wilson, personnage grossier, mais résolu, complotèrent de voler la chaloupe et de déguerpir – histoire incroyable à moins que ces vagabonds aguerris aient projeté, non pas de retourner au pays, mais de se joindre aux Amérindiens et de vivre comme eux. Tant que Bylot demeurait fidèle, Hudson était à l’abri de toute mutinerie immédiate ; en effet, Juet était jugé incapable de conduire le navire jusqu’en Angleterre ; seuls Hudson et Bylot pouvaient ramener leurs compagnons de ces régions désertes. Or, vers cette époque, on ignore pour quelles raisons, Hudson confia le poste de second à John King, homme servile et ignare. Greene, Wilson et Juet pouvaient maintenant machiner en toute sûreté la perte du capitaine, assurés qu’ils étaient de l’appui ou de la neutralité de Bylot.

Le voyage de retour commença le 12 juin 1611. Hudson partagea entre ses compagnons ce qu’il prétendit rester de provisions, les prévenant qu’ils devraient s’en contenter jusqu’à l’arrivée à l’île Digges. Les hommes étaient sûrs qu’il se gardait une réserve, mais ils ne pouvaient qu’en conjecturer la quantité. Une attitude franche à cet égard aurait encore pu le sauver.

Le soir du 23 juin, le navire étant alors abrité derrière l’île appelée plus tard du nom de Charlton par Thomas James, qui y passera l’hiver de 1631 –1632, Greene et William Wilson entrèrent dans la cabine de Pricket pour l’informer de leur intention de se mutiner et d’abandonner dans une embarcation le capitaine avec les hommes les plus débiles, qui souffraient encore des méfaits du scorbut ; ce serait la façon de s’assurer un supplément de vivres qui permettrait de survivre. Après avoir protesté faiblement, le domestique, apeuré, obtint des meneurs et de leurs complices qu’ils jurent « de ne rien faire que pour la gloire de Dieu et pour le bien du projet en cause, et de ne causer de mal à personne » (il n’explique pas l’interprétation qu’il donnait à ce serment), puis il abandonna toute opposition. Au point du jour, Hudson, son fils John, Wydowse et cinq autres marins sont appréhendés et poussés par-dessus bord dans la chaloupe. Dédaignant de se sauver la vie en collaborant à un tel crime, Staffe suivit volontairement son capitaine dans la barque. Les mutins coupèrent alors l’amarre de la chaloupe et naviguèrent un certain temps vers le Nord avant de mettre en panne pour piller le navire. Ils trouvèrent des vivres cachés, mais qui ne constituaient pas une réserve considérable pour un équipage de 21 hommes. Pendant qu’ils étaient occupés à cette tâche, la chaloupe apparut ; les plus compatissants voulaient qu’on reprenne les malheureux abandonnés à bord. Mais l’intransigeance de Wilson l’emporta : l’équipage hissa les voiles et s’éloigna « comme devant un ennemi ».

Grâce à sa force de caractère et au prestige de sa naissance, Greene affirma son autorité sur ceux qui restaient. Il ravala l’infortuné Juet et rendit à Bylot le poste de second. Pricket apprit alors que Greene avait d’abord eu l’intention de l’abandonner avec les autres et qu’il devait la vie aux conspirateurs plus prudents qui voyaient en lui l’homme capable d’obtenir leur grâce par l’intermédiaire de son maître, Sir Dudley Digges. Le malheureux serviteur espérait prouver son innocence grâce au stratagème hypocrite du serment ; mais Greene déjoua habilement ses plans ; il donna à Pricket les apparences d’avoir été l’un des principaux conspirateurs en l’installant, bien malgré lui, dans la cabine de Hudson et en le préposant à la garde des vivres.

Bylot conduisit le navire directement à l’île Digges, ce qui n’était pas un mince succès de navigation, puisque la course détournée qu’on avait faite dans la baie James, l’automne précédent, avait brouillé la direction à l’estime. Dans l’île, ils rencontrèrent des Inuits dont ils avaient vu seulement des traces à leur voyage d’aller ; Greene comptait obtenir d’eux quelque nourriture. Avec une témérité incroyable il alla à terre avec quelques compagnons et, sans être armés, ils s’aventurèrent parmi les indigènes craintifs et soupçonneux. Ceux-ci les attaquèrent ; Greene se battit avec courage, protégeant la retraite de ses camarades à l’aide d’un manche de pic cassé ; une flèche le frappa à mort au moment où il grimpait dans la barque ; William Wilson et un autre homme furent blessés mortellement. Les survivants désespérés s’installèrent dans une autre partie de l’île et se procurèrent assez de gibier à plume pour assurer leur subsistance pendant le voyage de retour. Juet mourut en route et les survivants faillirent périr de faim. Alors que tous ses compagnons étaient prostrés dans l’indifférence du désespoir, Bylot, par son habileté, sa patience et son courage imperturbable réussit de justesse à atteindre le Sud de l’Irlande où on obtint de l’aide pour les ramener à Londres.

On ne sait rien du sort ultime de leurs victimes. Par la suite, des visiteurs passant par la baie James – Thomas James, Radisson* et d’autres – découvrirent des vestiges qu’on imagina avoir été laissés par Hudson et ses hommes. Le complot qui leur coûta la vie paraît d’autant plus odieux qu’il n’a pas eu souvent son pareil. Les explorateurs polaires ont maintes fois risqué et, au moins en une occasion, ont trouvé la mort pour tenter de sauver des camarades invalides. Sans doute, vu les privations qu’ont endurées les huit survivants, on peut supposer que l’équipage du Discovery, s’il eût été au complet, aurait péri de misère. Mais c’est là un point de vue discutable. En effet, Pricket ne mentionne aucune privation excessive entre l’abandon de Hudson et la deuxième escale du navire au cap Digges. On peut présumer que les 21 membres de l’équipage auraient tous survécu jusque-là ; de même, ces 21 hommes, sous une direction plus avisée que celle de Henry Greene, auraient très bien pu ne pas s’exposer à la perfidie des indigènes et faire des provisions pour le retour. Pareil succès de survie n’aurait rien eu de plus remarquable que la traversée de John Davis rentrant de la Patagonie, 20 ans plus tôt.

Nous sommes surtout redevables au « larger discourse » d’Abacuk Pricket pour le récit des incidents de cette célèbre expédition et des derniers épisodes de la vie de celui qui la commandait. On a naturellement douté de sa véracité. Il avait à sauvegarder non seulement sa propre réputation, mais aussi celle de ses camarades encore en vie ; ceux-ci auraient pu lui rendre la monnaie de sa pièce s’il avait osé témoigner contre eux. Dans ces conditions, les critiques s’inquiètent de ce qu’il ait épargné les vivants et ait reporté le poids de ce crime à peu près entièrement sur les morts. Pourtant son histoire est plausible et cohérente d’un bout à l’autre ; les passages douteux de son récit ne manquent pas de pièces à l’appui. Nous savons que Greene avait mauvaise réputation avant le début du voyage ; un fragment heureusement conservé du journal de Thomas Wydowse confirme le portrait que Pricket fait de Juet : homme déloyal et fauteur de troubles invétéré. À propos du bandit Wilson, il y a des traits de fermeté et de réalisme que Pricket, qui n’était pas Shakespeare, n’a pu inventer. La fin tragique de Hudson est probablement rapportée aussi fidèlement que tout compte rendu historique qui dépend principalement d’un seul document originel dont l’auteur n’est pas complètement désintéressé.

Compte tenu des réserves précitées, la relation de Pricket reste pittoresque et convaincante. Sans grande aptitude pour la géographie, il avait pourtant, comme son collègue puritain Bunyan, le don de l’observation exacte et de l’expression vivante ; il fournit les éléments nécessaires à une juste appréciation de l’explorateur auquel il avait lié son sort. Hudson était un homme courageux, capable de concevoir et de poursuivre un dessein ; malheureusement, ces dons étaient gâtés par l’absence d’une qualité plus ordinaire : il ne savait pas commander. Il n’avait ni la force brutale de Sir Francis Drake ni la robuste bonhommie de John Davis ; grâce à ces qualités, ces deux capitaines pouvaient plier les hommes à leur volonté aux heures de danger et d’incertitude. Il montra peu de jugement dans le choix de ses favoris ou dans l’appui qu’il leur accordait. De là vient qu’il eut surtout des difficultés avec ses officiers, comme son pendant plus récent, William Bligh. Il y avait sûrement parmi l’équipage des hommes d’une solide honnêteté du genre de Philip Staffe ; autrement le voyage aurait probablement pris fin lors du premier geste de révolte de Juet à l’île Akpatok. Hudson devait également avoir une bonne part d’énergie morale et de puissance de conviction pour avoir survécu à cette crise et rallié à lui, en vue d’un nouvel effort, son équipage pris de panique.

Par ce qu’il a accompli, Hudson occupe un rang très élevé dans le groupe des navigateurs des Îles britanniques qui ont tant contribué à agrandir la carte du sous-continent canadien. Seuls Parry et Franklin peuvent se comparer à lui pour la façon dont il dépassa ses devanciers et l’ensemble de ses propres découvertes ; toutefois, Parry avait l’appui d’un état-major nombreux et bien formé, ainsi que d’un équipage bien discipliné ; Franklin devait plus aux voyages de Hearne* et de Mackenzie*, que Hudson aux vagues découvertes de Cabot et des navigateurs portugais. Les succès de ces derniers, quoique méritoires, ont été peu utiles et n’ont guère contribué à ouvrir la voie à leurs successeurs. À lui seul, Hudson fraya un chemin sur les 400 milles du détroit qui porte son nom et ouvrit à la navigation la vaste mer intérieure qui s’étend au delà. De plus, son effort gigantesque donna à ses compatriotes un élan tel que, à peine cinq ans après sa disparition, la carte sommaire de la baie était à peu près complète et Baffin pouvait affirmer, avec une certitude raisonnable, que c’était une mer fermée qui n’avait aucun débouché navigable du côté de l’Ouest. Ce n’est pas la faute de Hudson si les Anglais se montrèrent alors moins entreprenants que les Hollandais qui l’avaient d’abord pris à leur service, et s’ils laissèrent passer un demi-siècle avant de commencer l’exploitation commerciale de sa dernière et magnifique aventure.

Ironie du sort, l’importance même de la réussite de Hudson servit à protéger les huit survivants du Discovery, qui étaient au moins coupables d’avoir contribué à sa perte. En tête de ces conjurés, il y avait Robert Bylot ; il prétexta qu’il n’avait eu aucune part dans la mutinerie ; cette justification aurait eu moins de poids devant une cour criminelle que le fait incontestable d’avoir été nommé à un poste de commandement par les mutins sitôt le crime commis. Le service signalé qu’il avait rendu en sauvant l’expédition et ses archives, sans compter ceux qu’il pouvait rendre comme pilote dans des expéditions à venir pour chercher un passage au delà de la baie, semblaient justifier un acquittement. Mais alors on ne pouvait guère en user sévèrement avec les autres. Aussi, bien que les huit mutins, ou quelques-uns d’entre eux, aient été incarcérés pendant quelque temps et que le tribunal maritime ait poursuivi des enquêtes pendant un certain nombre d’années, on ne trouve aucune mention de poursuite judiciaire avant 1618, date à laquelle Pricket (qui entre temps avait pris part à l’expédition de Button à la baie d’Hudson), Edward Wilson et deux de leurs anciens compagnons subirent une sorte de procès devant le tribunal maritime. Étant donné le laps de temps et les circonstances atténuantes, les autorités désiraient manifestement terminer le procès par un acquittement. On traduisit quatre inculpés devant le tribunal, non pas sous l’accusation de mutinerie, car alors l’issue n’eut fait aucun doute, mais pour motif de meurtre – or, ce n’était pas un meurtre d’avoir abandonné à la dérive des marins expérimentés, près d’une côte qui n’était ni aride ni inhabitée. Ils furent tous quatre acquittés.

L. H. Neatby

G. M. Asher a recueilli le récit d’Abacuk Pricket et d’autres documents de l’époque relatifs à Hudson dans son livre Henry Hudson, the navigator : the original documents in which his career is recorded, collected, partly translated, and annotated (Hakluyt Soc., XXVII, 1860).— Llewellyn Powys, Henry Hudson (London, 1927) : excellente biographie qui, en plus d’une bibliographie étendue, reproduit les documents (inconnus au temps d’Asher) relatifs au procès de Pricket et de trois autres mutins.— DAB.— DNB.— Dodge, Northwest by sea, 114–129.— C. R. Markham, A life of John Davis, the navigator, 1550–1605, discoverer of Davis Straits (London, 1889).— L. H. Neatby, In quest of the North West Passage (Toronto, 1958), 14–29.— Oleson, Early voyages, 163166.— Voyages of Foxe and James (Christy).— The voyages of William Baffin, 1612–1622, ed. C. R. Markham (Hakluyt Soc., 1st ser., LXIII, 1881).

Bibliographie générale

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L. H. Neatby, « HUDSON, HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hudson_henry_1F.html.

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Auteur de l'article:    L. H. Neatby
Titre de l'article:    HUDSON, HENRY
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    2013
Date de consultation:    19 mars 2024