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La nature de l’économie des terres septentrionales de l’Europe au début du Moyen Âge et la façon dont les hommes se sont adaptés au climat et aux ressources terrestres et aquatiques du Nord, expliquent l’expansion de la société des Vikings norvégiens d’île en île à travers l’Atlantique septentrional. Cette expansion provoqua la découverte précolombienne de terres qui devaient devenir canadiennes. Elle donna en outre naissance à une zone d’expansion septentrionale et maritime qui occupait et exploitait les terres nordiques de la Norvège au Groenland, puis, au delà du Groenland, jusqu’à l’Arctique canadien de l’Est, au Labrador et peut-être à Terre-Neuve.

Cette expansion de l’économie septentrionale conduisit non seulement à la découverte du Canada, mais aussi (à mesure qu’Anglais, Portugais et Français commençaient à s’emparer de l’ancienne zone d’expansion norvégienne) à l’extension, au xvie siècle, de la limite des terres connues et de l’économie septentrionale jusqu’au Canada. En conséquence, la mise en valeur du Canada a eu des origines distinctes de celles du reste des Amériques ; l’économie et l’histoire du Canada, dès le début, ont eu un caractère distinctif qui reste prononcé.

L’économie du Nord avait pour caractéristiques sa diffusion et la dépendance où elle restait à l’égard des marchés métropolitains. Là où l’agriculture devenait possible, la ferme formait la base économique ; ailleurs, c’était le village de pêcheurs ou le camp du chasseur. À partir de ces bases, des troupeaux paissaient sur les collines ; le chasseur et le trappeur s’éloignaient encore davantage ; les pêcheurs allaient à la recherche des bancs et des courants où les poissons s’alimentaient. Les commerçants voyageaient pour trouver le bois d’œuvre, ou les marchandises rares du Sud, offrant en échange les produits ordinaires du Nord qui étaient le poisson et les fourrures, ou des articles exotiques de l’Arctique tels que l’ivoire et l’huile. À moins d’en être réduite à celle des Inuits et des Lapons, peuples nomades qui se suffisent à eux-mêmes, l’économie du Grand Nord avait besoin d’importer les produits du Sud pour maintenir la technologie, les arts et la religion dérivés, en tout ou en partie, de ceux de régions plus favorisées.

La mise de l’Atlantique Nord et de ses îles dans l’orbite de l’Europe a été l’œuvre des Norvégiens, entre les années 800 et 1000 de notre ère, soit au cours de la période pendant laquelle ils étendirent considérablement leur zone d’expansion maritime. Non pas qu’ils fussent les premiers à pénétrer dans ces mers septentrionales ; Pythéas de Massilia l’avait fait dès le ive siècle avant Jésus-Christ et les Irlandais, aux viie et viiie siècles. Pythéas a peut-être visité l’Islande, et on y a sûrement vu des ermites irlandais aux viiie et ixe siècles. Mais ces entreprises n’eurent aucun résultat décisif, et l’Europe en général ignora l’existence de la région de l’Atlantique Nord jusqu’à ce que les Scandinaves, et en particulier les Norvégiens, poussés peut-être par la surpopulation, lancent sur les eaux turbulentes du Nord les navires en mesure de tenir la mer qu’ils avaient mis au point au cours des siècles.

Ce mouvement d’expansion ne se rattachait qu’en partie à la descente, en pirates et sur le pied de guerre, des Danois et des Norvégiens vers les Îles britanniques et l’Europe occidentale, pays plus évolués. Pacifiquement, parce que ces terres restaient en somme inhabitées, les Norvégiens se dirigèrent peu à peu vers le Nord, établissant des colonies à mesure qu’ils avançaient à travers les archipels situés au nord de l’Écosse, c’est-à-dire les Orcades, les Shetlands, les Féroés, jusqu’en Islande. La plus importante de ces îles était l’Islande, que les Norvégiens découvrirent entre 850 et 870 et qu’ils colonisèrent entre 870 et 930. Dans ce territoire, mêlés aux colons irlandais et aux esclaves qu’ils avaient amenés, ils devaient former le peuple islandais et créer une culture brillante. Au delà de l’Islande encore, mais pas très loin, se trouvaient les terres septentrionales de l’hémisphère occidental.

À l’époque même où les Norvégiens faisaient de l’Atlantique Nord une mer européenne, les Islandais y introduisaient le Groenland, l’Arctique canadien oriental et la côte orientale de l’Amérique (au sud jusque vers le 35e degré nord), ouvrant ainsi la voie à la découverte de l’Amérique du Nord. Il s’était produit plus tôt des contacts avec le Groenland, mais le premier qui fût durable a été celui d’Eirikr Thorvaldsson (Érik le Rouge). Exilé de l’Islande pendant trois ans pour homicide en 982, il passa ces années à explorer la côte occidentale du Groenland, puis, à son retour en Islande, il organisa une petite troupe pour coloniser le pays auquel il avait donné un nom si attrayant. Il établit deux colonies sur la côte occidentale. Elles portèrent le nom d’Établissement de l’Est (dans le voisinage de l’actuel Julianehaab) et d’Établissement de l’Ouest (dans la région connue maintenant sous le nom de Fjords Godthaab). Ce dernier dura à peu près jusqu’en 1342 et l’autre, jusqu’au xvie siècle. Le christianisme y fut accepté vers l’an 1000, et un évêché y fut établi en 1124. On comptait au moins 12 églises dans l’Établissement de l’Est et 4 dans celui de l’Ouest. Le christianisme se pratiqua dans ce dernier jusqu’au xvie siècle.

Le Groenland une fois colonisé, la découverte de l’Amérique continentale devenait inévitable. Les rives en furent aperçues d’abord par les Islandais dès 986, puis explorées pour la première fois par Leifr heppni Eiriksson (Leif Ericsson, ou Leif l’Heureux), fils d’Érik le Rouge, vers l’an 1000. Un essai de colonisation eut lieu dans l’une des trois régions qui avaient surtout été visitées au cours des premières années du xie siècle. Toutefois, au bout de deux ou trois ans, cette colonie, connue sous le nom de Vinland, fut abandonnée, surtout, semble-t-il, à cause de l’hostilité des aborigènes de la région. On ne tenta plus de coloniser au sud du Saint-Laurent. Cependant, des relations furent maintenues pendant des siècles entre les deux régions, soit le Helluland (terre de Baffin) et le Markland (Labrador). La première fournissait à l’Europe, par voie du Groenland, l’oiseau le plus prisé pour la fauconnerie, c’est-à-dire le faucon blanc ; l’autre fournissait aux Groenlandais le bois dont ils avaient besoin en plus du bois d’épave que leur apportait le courant arctique.

La situation exacte du Vinland a suscité bien des discussions animées. Bien que l’on ait apporté des arguments en faveur d’un lieu aussi au sud que la Nouvelle-Angleterre, le nom a pu s’appliquer à une vaste étendue de territoire au sud du Labrador, y compris Terre-Neuve où l’on a prétendu avoir découvert en 1961 des restes de constructions norroises. En 1962, de nouvelles fouilles ont révélé que ces bâtiments pouvaient être norrois, mais pas nécessairement. Une forge et des quantités de fer et de scories indiquent qu’on a pu y travailler le fer de la même manière que dans l’Islande et le Groenland du Moyen Âge, mais on n’a pas encore procédé aux vérifications définitives. On a découvert peu d’objets façonnés par l’homme, sauf quelques clous. Les déterminations de date au moyen du carbone 14 de matières organiques prises à cet emplacement (l’anse aux Meadows) ont donné une date des environs de l’an 1000. Les données archéologiques pourraient de la sorte jeter une lumière nouvelle sur ce problème épineux.

Les contacts ont été beaucoup plus importants avec les îles de l’Arctique canadien qu’avec l’Amérique continentale. Elles présentaient surtout un intérêt d’ordre économique : animaux aquatiques ou terrestres, poissons et oiseaux. Les baleines et les phoques étaient importants pour l’économie domestique ; et les morses, les narvals et les ours polaires, pour l’exportation. L’ivoire de morse et les cordes faites de la peau du morse trouvaient un débouché facile en Europe. La chasse au morse était fructueuse surtout à l’extrémité septentrionale de la baie de Baffin. La longue corne du narval était prisée en Europe pour ses prétendues qualités médicinales. Les ours polaires étaient des possessions précieuses des rois du Moyen Âge. On trouve les pièges à ours posés par les Groenlandais au Groenland du Nord, dans les îles de l’archipel arctique et à l’ouest jusqu’à la péninsule de Melville. Les terrains de nidification de l’eider, qui fournissaient un article d’échange, témoignent de la présence des Islandais dans l’île de Norman Lokyer (79° nord). Des abris ou des nids de pierre dans lesquels les canards pouvaient déposer leurs œufs avaient été aménagés dans les terrains de nidification, comme ce fut la coutume en Islande pendant des siècles : des restes en existent encore. C’est ainsi que, par le Groenland, ces produits, ainsi que des peaux et des fourrures, parvenaient en Europe de l’Arctique canadien pendant toute la dernière partie du Moyen Âge.

Pendant cinq siècles, les Islandais se sont maintenus au Groenland au moyen d’une économie fondée sur l’agriculture et la chasse, mais leur culture finit par perdre tout contact avec l’Islande et l’Europe. L’agriculture semble avoir eu une importance plus considérable pendant les premiers siècles, mais avoir été remplacée de plus en plus par la chasse vers la fin de cette période. Il est à peu près sûr que ce changement s’est accéléré après 1266, année où les Skrælings (ainsi que les Islandais appelaient les aborigènes qu’ils rencontraient dans leurs chasses septentrionales, à l’île Disko et plus au nord encore) commencèrent à se frayer un chemin, d’abord dans l’Établissement de l’Ouest puis dans l’Établissement de l’Est. Aucun indice ne permet de croire que les relations entre Islandais et Skrælings fussent rien de moins qu’amicales. La disparition de la culture européenne-chrétienne dans l’Établissement de l’Ouest vers 1342 et quelque deux siècles plus tard dans l’Établissement de l’Est, ne peut s’expliquer que par les mariages de plus en plus nombreux entre les deux peuples et l’adoption chez les Groenlandais d’un mode de vie qu’on peut qualifier d’inuit. Les sources littéraires nous apprennent que, depuis les débuts de la colonisation du Groenland, de nombreux Islandais avaient quitté les régions où se pratiquait l’agriculture, pour se mettre à chasser et pêcher dans les étendues désertiques (óbygðir) du Groenland et de l’Amérique. On a tout lieu de croire que ces hommes sont les Tunnits des légendes inuits, tribu d’hommes gigantesques qu’on trouvait en particulier à la terre de Baffin et au Labrador, et qu’on disait venus du Groenland. En tout cas, nous savons que le mélange ethnique se produisit de bonne heure, mais il est moins aisé de dire qui étaient les Skrælings et quel peuple résulta du mélange ethnique. Toutefois, on peut risquer provisoirement l’assertion que les Skrælings sont les détenteurs de la culture dite de Dorset et que l’ethnie mélangée est dépositaire de la culture dite de Thulé.

On affirme souvent que le contact avec le Groenland se perdit après 1410. Ce n’est pas exact. La pièce n’eut pas de fin ; il se produisit plutôt un changement de personnages. Si, jusqu’au xve siècle, les Scandinaves ont été les principaux intermédiaires entre l’Europe, le Groenland et l’Arctique canadien, ils firent ensuite place à cet égard aux Européens des latitudes moyennes, en particulier aux Anglais, aux Portugais et aux Français. Le déclin des Scandinaves peut être dû à diverses raisons, notamment à l’effet débilitant de la « Peste noire » en Norvège après 1349, à la mainmise croissante de la Ligue hanséatique sur le commerce norvégien au xive siècle et aux empiétements des marchands de Bristol au xve. Au xve siècle également, les connaissances géographiques que les Scandinaves possédaient au sujet de l’Amérique du Nord, par suite de leurs contacts vieux de plusieurs siècles avec le nord du Canada, commencent à pénétrer dans le sud de l’Europe, bien qu’elles fussent déformées par l’idée médiévale (répandue du nord au sud) qu’il n’existait que trois continents : l’Asie, l’Afrique et l’Europe. Cette hypothèse avait entraîné la croyance que le Groenland formait une péninsule de l’Asie, notion qui devait signifier qu’il s’étendait vers le sud à partir de l’angle nord-ouest de l’Asie. Ses particularités géographiques se trouvent représentées avec assez d’exactitude dans certaines cartes du xve siècle, par exemple celles de Claudius Clavus. L’archipel arctique porte différents noms, notamment les îles du Faucon, et tout le territoire de l’Amérique connu des Islandais est baptisé du nom d’Albania magna, ou supérieure. Les relations entre les cours du Danemark et du Portugal [V. notamment : Sofus K. Larsen, The discovery of North America twenty years before Columbus (Copenhagen and London, [1925]) ; Carl V. Sølver, Imago mundi (Copenhagen, 1951)], et même les visites d’ambassadeurs portugais au Groenland dans les années 70 et 90 du xve siècle, répandaient la connaissance de l’Arctique canadien. D’actifs échanges commerciaux entre l’Islande et l’Angleterre (Bristol, en particulier) ont pu jouer un rôle, bien qu’il n’existe pas de preuves bien nettes qu’on ait connu le Groenland en tant que territoire distinct de l’Islande. Il en résulta que, lorsqu’au début du xvie siècle, le lien scandinave avec l’Arctique canadien fut rompu, Anglais et Portugais se trouvèrent en mesure d’en forger un autre par suite des voyages anglo-portugais de 1480 à 1509.

On ne saurait dire quel rapport a pu exister entre l’intérêt que les Anglais portaient aux pêcheries islandaises et le début de l’exploration maritime anglaise des îles situées dans l’Atlantique septentrional. Il existait des rapports avec les Açores et avec les Portugais qui cherchaient le passage au nord par voie de mer. Ce qui est certain, c’est que John Lloyd, de Bristol, fit un voyage d’exploration sans succès dans l’Arctique en 1480 [V. Thomas Croft et John Jay]. D’autres voyages de Bristol suivirent en 1481 et peut-être les deux années suivantes : d’autres ont pu se produire sans que les annales en fassent mention. Des voyages ultérieurs eurent lieu encore de 1491 à 1494. On a des indices, mais non des preuves certaines, qu’un de ces voyages aboutit à la découverte de l’Amérique du Nord par les Anglais avant 1492.

De nouveau, ce qui est sûr, c’est que les tentatives des gens de Bristol attirèrent le navigateur italien Jean Cabot qui, à la suite d’un voyage sans succès, peut-être en 1496, atterrit sur les rives orientales du Canada et traça l’esquisse de la côte, probablement à partir d’un point d’atterrissage situé dans le Maine ou le sud de la Nouvelle-Écosse jusqu’au cap Race [V. Jean Cabot]. L’année suivante, Cabot apparemment périt au cours d’une exploration plus ambitieuse.

D’autres voyages partirent de Bristol jusqu’en 1505, peut-être à la recherche du passage du Nord-Ouest, mais sans résultat dont on ait gardé la trace. Un des participants de ces voyages fut le navigateur originaire des Açores João Fernandes, surnommé le Labrador, qui avait peut-être exploré la côte occidentale du Groenland et navigué avec Cabot, donnant son nom pour une raison quelconque à la côte du continent. Un des capitaines de Terceira, des Açores, Gaspar Corte-Real, explora la région du Groenland et du Labrador en 1500 et 1501. Gaspar périt au cours du dernier de ces voyages et son frère Miguel Corte-Real disparut alors qu’il était parti à sa recherche en 1502.

Quelque temps après le dernier voyage de Bristol qui eut lieu en 1505, et avant 1509, Sébastien Cabot, bien que d’aucuns attribuent des détails au premier voyage de son père Jean, se rendit dans le Nord-Ouest jusqu’à, prétendait-il, la latitude 67° 30´ nord. Il aperçut l’entrée du détroit d’Hudson et peut-être la baie au delà. Il croyait y voir s’ouvrir la voie maritime libre vers l’Asie, qu’il cherchait. Mais ses hommes insistèrent pour rentrer et Cabot ne devait jamais reprendre son voyage vers le Nord-Ouest. La recherche du passage du Nord-Ouest se poursuivit néanmoins jusqu’en 1585.

Ces voyages étaient comme des coups de sonde destinés à trouver une voie maritime vers l’Asie, mais ils eurent pour résultat immédiat l’établissement des pêcheries de morue à Terre-Neuve. Explorateurs et pêcheurs profitaient de la brève période printanière, de vents relativement favorables, c’est-à-dire du moment où, la dépression de l’Islande passant du sud au nord-ouest de cette île à la fin de l’hiver, les vents d’ouest dominants faisaient place aux vents d’est intermittents. C’est ce phénomène qui explique que dès le début on ait préféré emprunter la route septentrionale pour aller vers l’Amérique.

À la suite du voyage de 1508–1509 de Sébastien Cabot, il devenait évident que la route maritime vers l’Asie ne pouvait se trouver qu’autour de la masse terrestre qu’était l’Amérique du Nord. Pendant que des explorateurs sous les auspices des Français, Verrazzano et Cartier, continuaient à chercher un isthme ou un réseau fluvial qui permettrait d’atteindre le Pacifique, l’idée d’une voie maritime vers l’Asie persistait en Angleterre. Les voyages peu connus des Anglais John Rut et Richard Hore en 1527 et 1536 peuvent, bien que la chose paraisse improbable, avoir eu pour objet de rechercher le passage du Nord-Ouest.

Mais il n’y eut aucune tentative sérieuse avant 1553, année où Londres s’intéressa à la recherche du passage du Nord-Est et non du Nord-Ouest. L’Angleterre y consacra toute son énergie, bien qu’en 1565 sir Humphrey Gilbert commençât à demander l’autorisation du roi pour chercher le passage du Nord-Ouest. Gilbert n’obtint pas les conditions qu’il demandait. Le capitaine Martin Frobisher reprit son idée et, en 1575, grâce à ses protecteurs, il fut autorisé à entreprendre la recherche. En 1576, Frobisher parvenait à l’île de la Résolution et pénétrait dans le détroit d’Hudson. Des voyages subséquents, en 1577 et en 1578, eurent pour objet non seulement de pousser l’exploration du détroit d’Hudson, mais aussi d’extraire du minerai qu’on croyait contenir de l’or à la terre de Baffin, que Frobisher avait découverte en 1576. Cette tentative en vue de joindre à l’exploration l’exploitation des ressources des terres du Nord échoua parce que le minerai se révéla sans valeur.

Entre-temps, Gilbert obtint enfin en 1578 des lettres patentes qui l’autorisaient à fonder une colonie outre-mer. Il semble que son choix se porta sur « les parties septentrionales de l’Amérique vers la rivière de Canada » pour avoir une base à partir de laquelle il étudierait la possibilité d’un passage fluvial vers le Pacifique, dont Verrazzano et Cartier suggéraient l’existence. Gilbert ayant péri à la suite d’une reconnaissance de Terre-Neuve en 1583, les Anglais se remirent à la recherche du passage du Nord-Ouest par la voie maritime. De 1593 à 1597, ils tentèrent de mettre en valeur l’économie septentrionale dans la région du Saint-Laurent et de chercher le passage vers l’Ouest en remontant le fleuve, mais il appartenait aux Français de réaliser effectivement ces projets.

En 1585, le capitaine John Davis, un des plus habiles des navigateurs élisabéthains, poussa l’exploration vers le nord à partir du détroit dans lequel Frobisher avait pénétré. Il découvrit le détroit qui porte son nom et parvint à 66° 41´ nord. Au cours d’un second voyage, en 1586, Davis ne fit aucune découverte, mais, en 1587, il parvenait jusqu’à 72° 12´ nord, le long de la côte du Groenland. Il revint convaincu qu’il n’existait pas de passage vers l’Ouest.

Pendant 15 ans, personne n’eut le temps ni n’éprouva le désir de poursuivre l’œuvre de Davis. Puis, en 1602, George Waymouth, au service de l’East India Company, répéta l’expédition de Frobisher et de Davis pour trouver un passage au Nord-Ouest. En 1605 et en 1606, James Hall et John Knight, au service d’abord du Danemark puis de la Compagnie des Indes, suivirent son exemple.

Leurs voyages infructueux furent le prélude à l’expédition de Henry Hudson au détroit de Frobisher en 1610, laquelle porta des fruits en dépit de la mort tragique de Hudson. Vu qu’il paraissait avoir découvert un passage vers l’Asie, les commanditaires de Hudson s’organisèrent sous le titre de « Governor and Company of the Merchants of London, Discoverers of the North-West Passage » et le capitaine Thomas Button reçut l’ordre de partir avec ses navires pour l’Asie en 1612. Button aperçut la côte occidentale de la baie d’Hudson, y passa l’hiver puis rentra chez lui, mais en gardant toujours l’espoir de découvrir un passage au Nord-Ouest. Le navigateur danois Jens Munk, en 1619, répéta héroïquement mais en vain ses découvertes et ses souffrances : la plupart de ses hommes périrent dans le port de Churchill.

En 1614, les Découvreurs armèrent une troisième expédition sous les ordres de William Gibbons, cousin de Thomas Button, à laquelle participa aussi Robert Bylot. Ils ne purent pénétrer dans le détroit d’Hudson et ils furent pris, plus tard, dans les glaces sur la côte du Labrador. En 1615, Robert Bylot, accompagné de William Baffin, mit à la voile pour faire la lumière sur un courant dont Button avait signalé l’existence dans le chenal de Foxe, et qui, d’après lui, viendrait du Nord-Ouest. Ils conclurent qu’on n’arriverait pas au passage par là.

En conséquence, Bylot et Baffin, toujours commandités par les Découvreurs, cherchèrent en 1616 le passage par le détroit de Davis. Naviguant vers le nord jusqu’au goulet de Smith à la latitude de 78° nord, ils découvrirent et nommèrent les goulets Jones et Lancaster. Mais Baffin, le plus grand des navigateurs arctiques, conclut qu’il n’existait pas de passage au Nord-Ouest libre de glaces, et les Découvreurs acceptèrent cette conclusion.

La recherche d’un passage à partir de la baie d’Hudson ne reprit qu’en 1629, année où Luke Fox eut la conviction que Button était sur la bonne voie. Le capitaine Thomas James prépara une expédition dans le même sens. Tous deux partirent en 1631 pour poursuivre l’exploration de la côte occidentale de la baie d’Hudson. Fox descendit jusqu’au cap Henrietta-Maria, puis poussa vers le nord dans le chenal et le bassin qui portent son nom, jusqu’à 66° 47´ nord, sans toutefois trouver un passage vers l’ouest avant de rentrer en Angleterre. James explora le même littoral que Fox, mais il passa l’hiver dans la baie à laquelle il a attaché son nom. Le printemps suivant, il chercha un passage vers le Nord-Ouest. Grandement gêné par les glaces, il retourna en Angleterre. Ce double échec arrêta toute autre recherche du passage pendant plus d’un siècle. On n’avait ouvert aucune voie vers l’Orient ; on n’avait trouvé ni minéraux, ni pêcherie.

Toutefois, la recherche prolongée du passage du Nord-Ouest à laquelle s’étaient livrés les Anglais avait révélé le grand goulet de la baie d’Hudson et la côte de l’archipel arctique sur le détroit de Davis et la baie de Baffin. Mais elle n’avait pas révélé de passage vers l’Asie, ni abouti à l’occupation ou à l’exploitation des territoires septentrionaux du Canada au nord du Saint-Laurent. Ce qui devait lier la recherche du passage à l’occupation du Nord canadien, ce fut le mouvement vers l’Ouest du commerce des fourrures, mouvement dû à l’initiative des Français dans le domaine de l’économie septentrionale du Canada.

En 1660, deux traitants de pelleteries canadiens-français, Médard Chouard Des Groseilliers et Pierre-Esprit Radisson*, en étaient venus à la conclusion hardie que la région d’où arrivaient les meilleures fourrures pouvait être atteinte plus aisément par la baie d’Hudson que par le Saint-Laurent. Tel fut le motif de leur voyage remarquable à la cour de St. James, de l’expédition du Nonsuch et de l’octroi en 1670 de la charte aux Governor and Company of Adventurers of England dans la baie d’Hudson.

La charte de la compagnie lui accordait la possession du sol et le monopole du commerce dans toutes les terres dont les eaux s’écoulaient dans la baie d’Hudson, moyennant le paiement à la couronne de deux élans et de deux castors noirs chaque fois que le monarque se rendrait dans ces territoires. Il y était question du voyage qu’avaient entrepris le Nonsuch et l’Eaglet « pour découvrir un nouveau passage vers la mer du Sud ». Ainsi donc, la recherche du passage se trouvait associée à l’occupation et à l’exploitation des terres septentrionales du Canada, association qui continua jusqu’au premier voyage de John Franklin* en 1818. Naturellement, la grande ressource se révéla être le commerce des fourrures.

Ce commerce se faisait au moyen de navires qui apportaient les approvisionnements aux postes établis à l’embouchure du fleuve, où l’on échangeait les fourrures avec les Amérindiens qui descendaient les cours d’eau pour s’y rendre. On fonda les premiers postes à la baie James ; ce n’est qu’en 1682–1684 qu’on en établit un, le comptoir d’York, sur les cours d’eau qui descendent du bassin de la Winnipeg.

La création de la Hudson’s Bay Company provoqua la fondation, en 1682, de la Compagnie du Nord française, sous la direction de Charles Aubert* de La Chesnaye. À partir de ce moment et jusqu’à la paix d’Utrecht en 1713, les deux pays et leurs compagnies respectives se disputèrent la haute main sur la baie d’Hudson. En fin de compte, par le traité de 1713, les Français abandonnèrent leurs prétentions, mais, pendant un certain temps, au cours des années de guerre de la fin du siècle, ils jouirent d’une supériorité très nette. De 1697, année du traité de Ryswick, jusqu’à 1713, ils tinrent tous les postes de la baie, sauf le fort Albany. Ainsi le xviie siècle finissant voyait les Français et les Anglais engagés dans une lutte acharnée pour la possession exclusive du commerce des pelleteries dans le Nord canadien. Ce commerce continuait à se faire par la route septentrionale qui, depuis longtemps, reliait l’Europe à l’Arctique canadien et qui conduirait peut-être un jour en Asie.

 
 

Oleson, T. J. Formerly Professor, Department of History, University of Manitoba, Winnipeg, Manitoba.

 

Morton, W. L. Professor of Canadian History and Provost, University College, University of Manitoba, Winnipeg, Manitoba.

 

T. J. Oleson et W. L. Morton,  « les abords septentrionaux du Canada », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 (les Presses de l’univ. Laval, 1966 ; éd. corrigée 1986)

 

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