CROFT, THOMAS, fonctionnaire anglais qui finança l’un des premiers voyages de découverte, troisième fils de William Croft, de Croft, dans le Herefordshire, né en 1442 ; mort en 1488.
Élevé avec Édouard d’York, Croft vécut à la cour dès l’avènement d’Édouard sous le nom d’Édouard IV. Le roi lui accorda des concessions et divers petits emplois, dont le titre de « serviteur du roi ». Avocat à Lincoln’s Inn, il fut aussi député de Leominster en 1478. Entre autres postes, il occupa ceux de codirecteur des douanes. à Bristol, percepteur des droits du port de Bristol (1478) et sous-régisseur adjoint de Bristol et d’autres ports (1483). Il resta fidèle à Richard III jusque vers la fin de 1484, et épousa alors la cause de Henri Tudor. Dès le début du nouveau règne, il perdit ses emplois à Bristol, mais Henri VII lui en confia bientôt d’autres pour le récompenser de sa participation « à notre dernière campagne victorieuse » (la bataille de Bosworth) et d’autres services. Il mourut en 1488 et on a encore le testament qu’il fit en 1485.
En tant que directeur des douanes à Bristol, il n’était pas censé exercer de commerce ; pourtant il reçut, le 18 juin 1480, une patente royale qui lui permettait de pratiquer pendant trois ans, de concert avec trois marchands de Bristol, soit William Spencer, Robert Straunge et William de la Fount, le négoce de toutes marchandises, sauf la laine et le drap, et d’utiliser à cette fin deux ou trois navires d’au plus 60 tonnes chacun. (Il y a lieu de croire que Croft, qui était officier des douanes, reçut cette permission afin de se livrer à des explorations.) Le 15 juillet suivant, la première expédition anglaise lancée à la recherche de terres dans l’Atlantique – du moins la première dont l’histoire fait mention – quittait Bristol sous le commandement d’un certain Lloyd [V. John Jay] à la recherche de l’île du Brésil. On ne sait au juste si cette expédition était celle de Croft et de ses amis, ou si la leur était une entreprise rivale ; il semble, en effet, que leur subvention devait servir à payer des voyages d’exploration. L’entreprise de 1480 ne fut pas fructueuse.
Quoi qu’il en soit, le 6 juillet 1481 ou vers cette date, deux vaisseaux quittaient Bristol pour aller de nouveau à la recherche de l’île du Brésil. On dit qu’il s’agissait de navires ou de balingers, nom employé pour désigner des vaisseaux de 60 tonnes au plus et ordinairement de 20 à 50 tonnes. Il s’agissait du George, vaisseau de 52 tonnes, si c’est bien celui qui figure dans le registre matricule de Bristol à cette époque, et du Trinity. Thomas Croft était propriétaire du huitième de chacun de ces navires. Il y a lieu de croire que ses associés, Spencer, Straunge et de la Fount, possédaient la plus grande partie du reste, encore que John Jay, qui avait une part du navire qui fit le voyage de 1480, ait bien pu être copropriétaire. Thomas Croft participa aussi à l’armement des navires en vue du voyage en fournissant 40 boisseaux de sel d’une valeur de 20s. Une telle quantité de sel semble indiquer qu’un des buts du voyage consistait à repérer et à exploiter des fonds de pêche. On n’a trouvé jusqu’ici aucun compte rendu des résultats de ce voyage et, quoique Thomas Croft ait bien pu s’embarquer sur l’un des navires, nous n’en savons rien.
Nous savons, cependant, qu’il était à Bristol le 24 septembre 1481 au moment de l’enquête sur sa participation à l’équipement des navires malgré le règlement qui lui interdisait, en tant qu’officier des douanes, d’exercer un commerce. Bien qu’elles n’en fassent pas précisément mention, les instructions décrétant cette enquête donnent à entendre, en outre, que les navires étaient alors rentrés du voyage. L’enquête révéla les noms des navires, la part de propriété de Croft et sa participation à l’armement de ces vaisseaux. Elle constata que Croft avait contribué à l’amélioration, à la consolidation et à l’entretien desdits navires ou balingers pour leur permettre, non pas de transporter des marchandises, « mais d’aller à la découverte d’une certaine île appelée île du Brésil » (pro reparacione artillacione et sustentacione predictarum Navium sive Balinger et non causa mercandisandi set causa scrutandi et inveniendi quandam insulam vocatam le Ile of Brasile). Le 20 janvier 1483, Thomas Croft se voyait accorder un pardon dans les mêmes ternies au sujet de sa participation à l’expédition.
Eu égard à l’affirmation faite par John Day en 1498 [V. Jean Cabot], selon laquelle « autrefois » les Anglais auraient découvert l’île du Brésil avant les voyages de Cabot, il est raisonnable de croire que l’expédition de 1481 a bien pu mener à la découverte, par delà l’Atlantique, de terres avoisinant des fonds de pêche comme ceux des bancs de Terre-Neuve. Thomas Croft prendrait ainsi, dans l’histoire des découvertes de l’Amérique, une importance à laquelle on n’avait pas songé jusqu’ici ; mais en l’absence de nouvelles preuves, il reste impossible d’estimer avec quelque autorité la pleine valeur des réalisations (si tant est qu’il y en ait eu) de l’expédition de 1481.
J. C. Wedgwood et A. E. Holt, History of Parliament : biographies of the members of the Commons house, 1439–1509 (3 vol., London, 1936), 239s. (où il n’est pas question de l’activité déployée par Croft à Bristol),— The overseas trade of Bristol in the later Middle Ages, ed. E. M. Carus-Wilson (« Bristol Record Soc. », VII, 1937), 157s., 161–165, où figurent les documents de 1480–1481 accompagnés de commentaires,— V. aussi : W. E. C. Harrison, An early voyage of discovery, Mariner’s Mirror, XVI (1930) : 198s,— Oleson, Early voyages, 124,— D. B. Quinn, The argument for the English discovery of America between 1480 and 1494, Geog. J., CXXVII (1961) : 277–285 ; Edward IV and exploration, Mariner’s Mirror, XXI (1935) : 277–284,— Carl V. Solver, Imago mundi : skitser fra de store opdagelsers tid (Kobenhavn, 1951),— L. A. Vigneras, The Cape Breton landfall : 1494 or 1497 ? Note on a letter by John Day, CHR, XXXVIII (1957) : 219–228,— Williamson, Cabot voyages (1962).
David B. Quinn, « CROFT, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/croft_thomas_1F.html.
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Auteur de l'article: | David B. Quinn |
Titre de l'article: | CROFT, THOMAS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
Date de consultation: | 2 déc. 2024 |