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ARGALL (Argoll), sir SAMUEL, commandant de la première expédition anglaise à contester la colonie française d’Acadie, né probablement à East Sutton, Kent, Angleterre, et baptisé le 4 décembre 1580, huitième fils de Richard Argall, qui se fit remarquer comme officier, et de sa femme Mary, fille de sir Reginald Scott, de Scott’s Hall, Kent ; décédé le ou autour du 24 janvier 1626.
En 1606, Jacques Ier créait par une charte deux compagnies de Virginie, la Compagnie de Londres et la Compagnie de Plymouth. La première devait établir une colonie permanente dans l’Est de l’Amérique du Nord entre le 36e et le 41e degré, et l’autre entre le 38e et le 45e. La Virginia Company of London établit sa colonie, Jamestown, et en 1609, elle reçut sa concession officielle d’un océan à l’autre et 400 milles le long du littoral. La seconde compagnie ne réussit pas à fonder une colonie, mais sa concession de 1606 fut confirmée dans la concession du conseil de la Nouvelle-Angleterre de 1620. Au début, toute l’étendue de ce territoire s’appelait Virginie.
Les archives du « Guild of Merchant Tailors » indiquent que le capitaine Samuel Argall était au service de la Virginia Company of London en 1609 et avait été chargé de découvrir une route plus courte pour aller en Virginie et pour pêcher l’esturgeon, précieux pour son caviar. Parti des Açores et allant vers l’Ouest, il atteignit les Bermudes et de là la rivière James, au lieu de mettre le cap vers le Sud jusqu’aux tropiques, puis de se laisser porter vers l’Ouest par les vents alizés. Son voyage ne prit que neuf semaines et six jours y compris deux semaines où il resta en panne. Cette nouvelle route permit aux Anglais d’éviter les Espagnols et d’économiser leurs provisions. À son arrivée à Jamestown, Argall trouva la nouvelle colonie dans la plus grande détresse. Il laissa aux colons tous les vivres dont il pouvait se passer et rentra en Angleterre à la fin de l’été avec une importante prise d’esturgeon. Cette aide parvint à la colonie à l’un des moments les plus critiques de son histoire.
Argall revint en Virginie en 1610, accompagné de Lord De la Warr et fut nommé au conseil par le gouverneur. Par la suite, il dévia de sa route lors d’un voyage aux Bermudes, et il navigua et pêcha le long du littoral jusqu’à l’embouchure de la rivière Penobscot, sur la côte du Maine. Les cartes qu’il fit de cette côte à cette occasion furent utilisées plus tard par le capitaine John Smith et d’autres voyageurs.
En 1611, la Grâce de Dieu, avec Charles de Biencourt et les pères Biard et Massé à bord, en route pour Port-Royal, fut poussée vers Newport, île de Wight, par le mauvais temps. Bien que depuis 1610 les Anglais pussent lire en traduction les travaux de Lescarbot sur la Nouvelle-France, cette nouvelle preuve que les Français poursuivaient leurs entreprises coloniales au voisinage du territoire ou sur le territoire même concédé à la compagnie de Virginie, et que les Jésuites participaient à cette expansion, alarma la compagnie. La session d’été de l’assemblée de Virginie, en vertu de l’autorité conférée par Jacques Ier nomma donc le capitaine Argall amiral de Virginie, et il fut chargé par le gouverneur sous l’autorité du Grand Sceau d’Angleterre d’expulser les Français de tout le territoire revendiqué par l’Angleterre. Argall partit pour la Virginie le 23 juillet 1612 sur le Treasurer, navire de 130 tonneaux, armé de 14 canons et transportant 60 hommes. Ce navire appartenait conjointement à Sir Robert Rich, plus tard comte de Warwick, et à Argall. Au printemps de 1613, Argall remonte le Potomac, et après avoir ravi Pocahontas, fille du chef indien, qui s’était montrée bien disposée pour les colons, il l’emmena en otage à Jamestown pour obtenir la libération de huit Anglais retenus prisonniers par son père, Powhatan. Au début de juin, il met le cap au Nord pour reconnaître les colonies françaises dont on avait signalé l’existence.
Dans l’intervalle, il existait à Port-Royal une profonde dissension entre les pères jésuites Biard et Massé, et Jean de Biencourt de Poutrincourt et son fils Charles. Lorsque l’écho de cette polémique parvint en France, la marquise de Guercheville, l’une des dames les plus influentes de la cour de France, équipa et envoya une expédition de secours comprenant deux vaisseaux, le Jonas de 100 tonneaux et une pinasse de 12 tonneaux sous le commandement de René Le Coq de La Saussaye, pour ramener les pères Biard et Massé de la colonie de Port-Royal. Le Coq avait la mission de s’établir plus au sud sur le littoral, sur une concession accordée à Mme de Guercheville par le roi de France. Il atteignit Port-Royal en mai 1613, y recueillit Biard et Massé, puis mit le cap au Sud vers la Penobscot et commença à établir une colonie nommée Saint-Sauveur.
Argall les y découvrit en juillet avant qu’ils n’eussent bâti des fortifications. Leurs vaisseaux furent aisément capturés, puisque la majorité des Français avaient mis pied à terre pour travailler à la colonie, et lorsque Argall fit débarquer un petit contingent, quelques-uns se rendirent et les autres s’enfuirent dans les bois. Plusieurs furent tués, y compris Gilbert Du Thet, frère coadjuteur jésuite. Selon Biard, Argall fouilla les coffres de Le Coq, y découvrit sa lettre de mission, dissimula les documents et traita par la suite les Français comme pirates. D’après une déposition faite à une enquête en Angleterre en 1614, Argall fit trois offres aux Français : premièrement, leur laisser atteindre les bancs de pêche où ils pourraient rencontrer des pêcheurs français, deuxièmement, leur laisser la petite pinasse avec suffisamment de vivres pour rentrer en France, ou, troisièmement, donner à Le Coq une pinasse pour qu’il poursuive sa route avec les hommes qu’il aurait choisis, et ramener les autres en Virginie (BM, Cotton. MS Otho E. VIII, 84, ff.252s.). La troisième offre fut acceptée. Le père Massé partit avec Le Coq ; ils rencontrèrent un navire de pêche et retournèrent en France. Les pères Pierre Biard et Jacques Quentin, le capitaine Fleury du Jonas et La Motte-le-Vilin faisaient partie des 14 hommes emmenés prisonniers à Jamestown.
Le conseil de Virginie décréta que le capitaine Argall devrait immédiatement partir avec sa petite flotte, le Treasurer et les deux vaisseaux français qu’il avait capturés, emmenant avec lui plusieurs des prisonniers français y compris le père Biard, et qu’il devrait détruire tous les autres établissements au Nord jusqu’au 46e degré 1/2 selon Champlain (Œuvres (Biggar), IV : 20), jusqu’au 46e degré 1/2 selon Biard (JR (Thwaites), IV : 35). Débarquant d’abord à Saint-Sauveur, il détruisit les vestiges de la colonie de La Saussaye, abattit la croix érigée par les Jésuites et la remplaça par une autre portant le nom du roi d’Angleterre. Il se rendit alors à Sainte-Croix, où il détruisit les restes de la vieille colonie et s’empara d’un approvisionnement de sel entrepose par les pêcheurs français. Biard affirme qu’il refusa de guider Argall jusqu’à Sainte-Croix, mais que ce dernier réussit à s’y rendre quand même. Il gagna alors Port-Royal en traversant la baie. Biard rapporte qu’un Indien, le sachem local, fut capturé par les Anglais et leur servit de guide, mais Poutrincourt rejette la responsabilité sur le père Biard. Personne ne songe à l’explication évidente selon laquelle il dut exister assez de cartes et d’instructions écrites dans les bagages de Le Coq et sur le Jonas pour indiquer à Argall le chemin de Sainte-Croix et de Port-Royal. Quoi qu’il en soit, la surprise fut complète. Biencourt était parti avec des Indiens à la recherche de nourriture et n’avait laissé ni sentinelles ni garnison au fort. Argall pilla à son gré la colonie, tua quelques bestiaux et en emmena d’autres vivants, puis il rasa la colonie, sauf le moulin et quelques granges isolées. Il détruisit également les moissons dans les champs.
Biencourt revint alors que les Anglais s’apprêtaient à mettre à la voile et il eut avec Argall un entretien particulier sur le rivage. Argall dit que c’était la faute des jésuites si le gouverneur de la Virginie avait donné l’ordre d’attaquer, et Biencourt exigea qu’on lui remît Biard pour le pendre. Un auteur anglais anonyme (dans Purchas, Pilgrimes, XIX (1906)) soutient que Biencourt offrit de passer aux Anglais s’il recevait la permission de demeurer à Port-Royal sous leur protection, mais qu’Argall refusa l’offre. Il semble n’exister aucune confirmation chez d’autres auteurs.
La flotte d’Argall quitta Port-Royal le 13 novembre et essuya presque immédiatement une terrible tempête. Argall, sur le Treasurer, revint en Virginie en s’arrêtant en route, selon certaines autorités, pour recevoir la soumission de la petite colonie hollandaise, à l’embouchure de l’Hudson, à l’autorité anglaise. Le plus petit des navires disparut sans laisser de trace. Le Jonas, sous le commandement du lieutenant Turner et avec les pères Biard et Quentin à bord, dériva vers l’Est et, après une escale aux Açores pour prendre de l’eau et des approvisionnements, atteignit Pembroke, au pays de Galles. Sur l’intervention de l’ambassadeur de France, les jésuites reçurent l’autorisation de rentrer en France.
Lorsqu’Argall retourna en Angleterre en 1614, ses attaques contre les Français firent l’objet d’une enquête, mais on reconnut que ses initiatives étaient légitimes et propres à assurer la protection des droits octroyés à la Virginia Company par la couronne. Le navire Jonas fut rendu à Mme de Guercheville, mais sa réclamation d’indemnité de 100 000# fut rejetée.
Le capitaine Argall resta au service de la Virginia Company. Élu sous-gouverneur en 1616, il administra la colonie en l’absence du gouverneur jusqu’en 1619. Les lois de la colonie étaient rigides parce que les colons qu’elle attirait étaient de ceux qu’il fallait tenir serrés, et Argall, devant le désordre qui y régnait, appliqua ces lois avec rigueur. Notamment pour cette raison, de nombreuses plaintes parvinrent à Londres pour l’accuser entre autres choses d’extorsion, d’oppression, de dilapidation des revenus de la compagnie et de mesures tyranniques contre les individus. Pendant qu’Argall était en Virginie, le comte de Warwick envoya le Treasurer, sous le commandement d’un autre capitaine, faire une tournée aux Antilles, avec le résultat qu’Argall fut également accusé de piraterie ; mais même aux yeux des Espagnols, cette accusation ne tint pas.
Les nombreuses allusions à Argall qui le dépeignent comme un tyran et un scélérat se fondent sur ces accusations formulées dans le procès-verbal de la colonie de Virginie par son ennemi le plus acharné, Sir Edwin Sandys ; ces allégations omettent toutes les preuves qui les réfutent, notamment une longue enquête après le retour d’Argall en Angleterre en 1619, enquête qui le disculpa. Par contre, le père Biard, qui avait les meilleures raisons de le détester, le tenait en haute estime et ne cachait pas son admiration.
Pendant que l’enquête progressait, il reçut de plus grands honneurs et assuma de plus lourdes responsabilités. En 1620, il était capitaine d’un navire marchand armé de 24 canons et il participa à une expédition contre Alger. À son retour de la Méditerranée, il fut nommé membre du Council of New England. Il assistait ponctuellement aux séances du conseil et s’intéressait activement à la colonisation de cette région. Par la suite, il fut nommé amiral pour la Nouvelle-Angleterre. Le 26 juin 1622, le roi Jacques le créait chevalier. En 1624, il était nommé, mais non élu, gouverneur de Virginie, et la même année, le roi le nommait membre de son conseil de guerre. En 1625, vers le milieu de l’été, à la tête d’une flotte de 28 vaisseaux, il fit de nombreuses prises au large des côtes de France et, en octobre, il commanda le vaisseau amiral qui attaqua Cadix sans succès.
De toute évidence Argall mourut à bord de son navire le ou autour du 24 janvier 1626 ; son testament fut homologué le 21 mars suivant.
Sur les agissements d’Argall en Amérique, on trouvera des versions, souvent contradictoires, dans : BM, Cotton MS Otho E VIII, 84, ff.252s.— PRO, CSP, Col., 1574–1660.— Champlain, Œuvres (Biggar).— India Office (London), Court Minute Book, IV : 392.— JR (Thwaites).— Purchas, Pilgrimes (1905–07), XIX : 213–216.— The genesis of the United States, ed. Alexander Brown (2 vol., Boston and New York, 1897).— DAB.— DNB.— P. L. Barbour, Pocahontas and her world (Boston, 1970).— Huguet, Poutrincourt.— R. A. Preston, Gorges of Plymouth Fort (Toronto, 1953).— W. O. Sawtelle, Sir Samuel Argall, the first Englishman at Mount Desert, Sprague’s J. of Maine Hist., XII, no 4 (1924) : 201ss.
W. A. Squires, « ARGALL (Argoll), sir SAMUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/argall_samuel_1F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/argall_samuel_1F.html |
Auteur de l'article: | W. A. Squires |
Titre de l'article: | ARGALL (Argoll), sir SAMUEL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |