Les troubles qui ont précédé la création du Manitoba découlaient en bonne partie du désir de plusieurs habitants de la colonie de la Rivière-Rouge, dont un grand nombre de Métis menés par Louis Riel, que le passage au statut de province canadienne se fasse dans le respect des droits des populations locales. Le début des travaux d’arpentage à l’été de 1869, source de craintes pour la propriété des terres, a été un des éléments déclencheurs de la rébellion :
À mesure que la tension montait chez les Métis, la nécessité d’une direction ferme devenait évidente. Les expériences vécues par Riel au cours des dix dernières années avaient fait de lui un homme dont le mode de vie différait beaucoup de celui des Métis chasseurs de bison, mais il aspirait désormais à diriger ces gens-là. Les chefs plus âgés et mieux reconnus avaient eu peu de succès et montré peu d’initiative. Ambitieux, instruit, bilingue, jeune et dynamique, éloquent, profondément religieux et porteur d’un nom célèbre, Riel était plus que consentant à répondre aux exigences du moment.
À la fin d’août 1869, du haut des marches de la cathédrale de Saint-Boniface, Riel déclara que l’arpentage constituait une menace. Le 11 octobre, un groupe de Métis dont il faisait partie arrêta les travaux. Environ une semaine plus tard, on mit sur pied à Saint-Norbert avec l’appui du curé de l’endroit, Joseph-Noël Ritchot*, le Comité national dont John Bruce était président et Riel secrétaire.
Le premier ministre sir John Alexander Macdonald a interprété ainsi le début de la rébellion à l’automne de 1869 :
[L]es plus grands coupables, selon [Macdonald], étaient les fonctionnaires de la Hudson’s Bay Company. Les membres du conseil local étaient parfaitement au courant du mécontentement des Métis. Le transfert était décidé et connu depuis des mois. Un fonctionnaire de la compagnie, John H. McTavish, venu à Ottawa en avril, avait rencontré Macdonald et d’autres ; on l’avait alors informé du transfert du Nord-Ouest au Canada et du fait que les habitants auraient les mêmes droits qu’auparavant. Pourtant, les fonctionnaires de la compagnie ne donnèrent aucune explication aux habitants de la Rivière-Rouge sur ce qui allait se passer. « Tout ce que ces pauvres gens savent, dit Macdonald à Cartier le 27 novembre, c’est que le Canada a acheté le pays [...] et qu’on nous les refile comme un troupeau de moutons ; et on leur dit qu’ils perdent leurs terres [...] Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner qu’ils soient insatisfaits et qu’ils montrent leur mécontentement. »
Le gouvernement provisoire instauré à la Rivière-Rouge le 8 décembre 1869 a établi une liste de revendications et a préparé les négociations avec le Canada, comme le relate la biographie du prêtre et missionnaire catholique Noël-Joseph Ritchot :
[L]e 11 février 1870, Ritchot fut nommé délégué auprès du gouvernement du Canada à Ottawa avec John Black*, président de la Cour générale des sessions trimestrielles de l’Assiniboia, et Alfred Henry Scott*, aubergiste. Black devait représenter les anglophones de la Rivière-Rouge, Scott, les Américains, et Ritchot, les Métis. Leur mission consistait à négocier l’entrée de la colonie dans la Confédération à partir de la « Liste des droits » (en fait, la troisième) dressée par l’exécutif du gouvernement provisoire. Cette liste revendiquait entre autres la création d’une province, l’administration des terres publiques par cette dernière, l’usage du français et de l’anglais en Chambre, dans les tribunaux et dans les documents officiels, la nomination d’un lieutenant-gouverneur et d’un juge bilingues ainsi que l’amnistie de tous les membres et représentants du gouvernement provisoire. Avant de quitter la colonie le 24 mars, Ritchot reçut une quatrième version de la liste ; elle réclamait en plus des écoles séparées, probablement à la demande de Mgr Taché, et précisait la structure du nouveau gouvernement provincial.
Les négociations – pendant lesquelles sir George-Étienne Cartier, un des principaux artisans de l’expansion du Canada vers l’ouest et défenseurs des droits des minorités [V. Sir George-Étienne Cartier], a joué un rôle important – ont mené à la ratification de l’Acte du Manitoba, par le gouvernement provisoire, le 24 juin 1870. La création de la nouvelle province, le 15 juillet, a cependant été suivie d’une période d’instabilité et de violence marquée par l’exil de Riel, comme le relate la biographie de ce dernier :
Informé, le 24 août, que les soldats se proposaient de le lyncher, Riel quitta Upper Fort Garry quelques heures avant leur arrivée. Avec O’Donoghue et quelques compagnons, il traversa la rivière Rouge et se présenta au palais épiscopal de Taché à Saint-Boniface. Il déclara à l’évêque que celui-ci avait été trompé ; « n’importe ce qui arrivera maintenant, ajouta-t-il cependant, les droits des métis sont assurés par le Bill de Manitoba ; c’est ce que j’ai voulu – Ma mission est finie ». Riel se rendit alors chez lui, dans le village avoisinant de Saint-Vital où vivait sa mère ; craignant de plus en plus pour sa sécurité, il se réfugia ensuite à la mission Saint-Joseph, située à dix milles environ au sud de la frontière, dans le Territoire du Dakota.
Pour en apprendre davantage sur ce chapitre crucial de l’histoire de la colonie de la Rivière-Rouge et du Canada, nous vous invitons à consulter les listes de biographies qui suivent.