Titre original :  Photograph R. G. Haliburton, Montreal, QC, 1868 William Notman (1826-1891) 1868, 19th century Silver salts on paper mounted on paper - Albumen process 8.5 x 5.6 cm Purchase from Associated Screen News Ltd. I-33793.1 © McCord Museum Keywords:  male (26812) , Photograph (77678) , portrait (53878)

Provenance : Lien

HALIBURTON, ROBERT GRANT, avocat, officier de milice, auteur, propriétaire d’une revue et anthropologue, né le 3 juin 1831 à Windsor, Nouvelle-Écosse, fils de Thomas Chandler Haliburton* et de Louisa Neville, frère de Susanna Lucy Anne Haliburton* ; décédé célibataire le 7 mars 1901 à Pass Christian, Mississippi.

Robert Grant Haliburton était l’avant-dernier d’une famille de 11 enfants. Il avait quatre ans lorsque sa famille s’installa dans un domaine de 27 acres, Clifton, à Windsor, où il grandit dans un milieu aristocratique. Il fit ses humanités au King’s College de Windsor et obtint une maîtrise ès arts en 1852. (Ses recherches scientifiques allaient de plus lui valoir un doctorat honorifique en droit civil en 1876.) Admis au barreau en 1853, il ouvrit un cabinet à Halifax et, peu après, devint traducteur et interprète de français et d’allemand à la Cour de vice-amirauté. Principal avocat-conseil des propriétaires devant la commission des terres de l’Île-du-Prince-Édouard en 1860 [V. Edward Palmer*], il en était commissaire lorsque la question des terres de l’île trouva un règlement en 1875. L’année suivante, il fut nommé conseiller de la reine et entra au conseil de la Nova Scotia Barristers’ Society. Parvenu au rang de lieutenant-colonel dans la milice de la Nouvelle-Écosse, il devint en 1862 l’un des aides de camp du lieutenant-gouverneur, lord Mulgrave [Phipps*]. Il démissionna deux ans plus tard, furieux que le gouvernement refuse de lui accorder la moindre rémunération même si sa charge de travail avait augmenté.

Haliburton n’eut jamais de domicile permanent à Halifax. Il passa quelque temps à Ottawa à la fin des années 1860 et habita en Angleterre de 1871 à 1876. L’année suivante, il ouvrit un cabinet à Ottawa, mais pour des raisons de santé, il dut l’abandonner en 1881 et passer ses hivers sous des climats tropicaux ou semi-tropicaux. Il vécut assez longtemps en Jamaïque, où il fit adopter une réforme du régime d’aide aux pauvres que les autres colonies britanniques des Antilles allaient appliquer elles aussi. Dans ses dernières années, il se consacra surtout à la recherche scientifique et à l’anthropologie.

Manifestement, Haliburton subit l’influence de son père. Il refusa une belle carrière politique sur son conseil, hérita de ses idées sur l’unité impériale et, dans sa poésie, s’inspira du personnage créé par celui-ci, Sam Slick. Définir leur relation est difficile, mais Robert devait avoir du respect pour son père, car il aida le Haliburton Club à publier un volume commémoratif dont il rédigea la partie biographique. Trop souvent cependant, contemporains et biographes ne voient en lui que le fils de Sam Slick. Étant donné ce qu’il a laissé à la postérité, il mérite davantage.

Même si la politique coloniale ne présentait pas d’attrait pour lui, Haliburton avait des préoccupations et des opinions bien définies, qu’il exprima dans ses écrits et par le truchement des diverses sociétés auxquelles il appartint. Selon l’historien Del A. Muise, sa réputation d’auteur était « difficilement égalée par [celle des] autres pamphlétaires de la province ». L’exploitation du potentiel agricole de la Nouvelle-Écosse lui tenait à cœur. En 1861, il dirigea une enquête prospective sur l’immigration provinciale, et l’année suivante, en qualité de secrétaire, il accompagna les commissaires affectés par la Nouvelle-Écosse à l’Exposition universelle de Londres. Il fut aussi secrétaire correspondant de la Horticultural Association and International Show Society et, en 1863, premier président de la Nova Scotia Fruit Growers’ Association.

D’après Muise. Haliburton fut l’un des « deux prophètes de la prospérité industrielle de la Nouvelle-Écosse » (l’autre étant sir John George Bourinot). Après la levée du monopole que détenait la General Mining Association, en 1858, la province ouvrit l’exploitation des gisements de charbon de Pictou à la concurrence, et Haliburton fut parmi les investisseurs qui prirent des concessions minières. À titre de porte-parole de la Nova Scotia Coal-Owners’ Association, il se rendit à Ottawa à la fin des années 1860 et réclama avec force l’imposition d’un droit de douane sur le charbon américain. Bien que, par la suite, il ait déclaré qu’en dernière analyse sa préférence allait au libre-échange, il estimait que l’application des tarifs américains rendait le protectionnisme nécessaire parce que, dans les faits, elle forçait le Canada à l’autosuffisance. Pour Haliburton, la Confédération était donc le moyen « le plus judicieux » d’exploiter les richesses de la Nouvelle-Écosse, et il préconisait l’adoption d’une « politique d’autarcie » qui, en consolidant l’économie, garantirait l’unité du Canada. Ces positions, il les exprima dans deux opuscules publiés en 1868, le premier à Halifax et le second à Ottawa, The coal trade of the new dominion et Intercolonial trade : our only safeguard against disunion. On qualifie quelquefois ce dernier de « testament de McGee », car le soir de son assassinat, Thomas D’Arcy McGee* avait exprimé des sentiments semblables dans une discussion avec Haliburton. On dit aussi que cette brochure préfigurait la Politique nationale de 1879 [V. sir Samuel Leonard Tilley*], bien que selon l’historien Carl Berger, elle ait surtout annoncé les subventions fédérales à la production du charbon néo-écossais.

Haliburton participa à la fondation du mouvement Canada First [V. William Alexander Foster*], ce qui témoigne encore de sa foi en la Confédération. Ce mouvement fut lancé à Ottawa en 1868 par Haliburton et cinq autres jeunes intellectuels qui se réunissaient pour fraterniser et discuter des problèmes et défis qu’affrontait le pays. Adeptes d’un nationalisme anglo-saxon agressif, ils firent campagne contre les Métis au cours du soulèvement de la Rivière-Rouge en 1869–1870 [V. Louis Riel*]. Peu après cependant, ils perdirent la maîtrise du mouvement au profit des libéraux, qui le transformèrent en parti politique. Même si les historiens ne s’entendent pas sur sa signification, le mouvement Canada First exerça une influence évidente sur ses fondateurs, qui continuèrent individuellement de travailler à l’éclosion du sentiment national. Haliburton, quant à lui, donna des conférences sur le nationalisme canadien dans les principaux centres du pays. Dans son discours le plus connu, publié à Montréal en 1869 sous le titre : The men of the north and their place in history [...], il esquissait une mythologie pour la nouvelle nation. C’était, a-t-on dit, l’une des premières fois que quelqu’un tentait d’appliquer au Canada, de manière cohérente, le thème de la supériorité nordique.

Haliburton ne prônait pas l’indépendance nationale. Comme beaucoup d’autres impérialistes, il croyait plutôt que l’avenir du Canada se réaliserait dans une fédération impériale aux liens commerciaux consolidés. Selon Carl Berger, cette notion de l’unité impériale constituait une forme de nationalisme puisque la destinée et la prospérité du Canada en étaient le fondement. Pendant son séjour en Angleterre, Haliburton tenta de promouvoir l’unité impériale en achetant le St. James’s Magazine de Londres au nom duquel il ajouta : United Empire Review. La politique de « désintégration » du gouvernement britannique et ses effets sur l’unité de l’Empire l’inquiétaient. Devant les concessions faites aux États-Unis dans le traité de Washington, en 1871 [V. sir John Alexander Macdonald*], il se plaignit que les Canadiens, en tant que descendants des loyalistes, méritaient davantage de la Grande-Bretagne. Son ultime espoir de justice résidait dans une union élargie des colonies et pays anglo-saxons. Par la suite, beaucoup d’impérialistes allaient connaître la même évolution que lui, à savoir passer de l’idée d’une nation et d’un empire unis principalement par des liens commerciaux à une conception plus vague de l’unité, fondée sur la race et la langue.

Par ailleurs, Haliburton se passionnait pour la science. Membre fondateur du Nova Scotian Institute of Natural Science, organisme créé en 1862 et voué à la présentation et à la publication d’articles savants sur les richesses naturelles de la province, il en occupa aussi la vice-présidence. Il fit plusieurs communications et publia à Halifax des textes dans les mémoires de l’institut (Proceedings and transactions). Membre de sociétés savantes d’Europe et d’Amérique, il assistait à des réunions sur les deux continents. Il consacra une décennie de loisir à des recherches sur les coutumes et superstitions de plusieurs cultures, en vue de prouver l’unité des origines de l’humanité – ce qui, affirmait-il, n’avait jamais été fait systématiquement. Sa méthode comparative s’inspirait de la philologie, approche courante à l’époque puisque les anthropologues combinaient souvent biologie, langue et culture dans leurs études. Il commença par identifier des coutumes qu’on observait encore universellement. Comme c’était le cas dans nombre d’études comparatives, ses données ethnographiques avaient principalement valeur d’illustration, et ses conclusions étaient surtout déductives. Il disposait, par « collage », des exemples qui étayaient sa position, puis argumentait pour en établir l’universalité, déduisant que ces coutumes avaient été transmises à partir d’une origine commune.

Dans ce domaine, l’ouvrage le plus important et le plus controversé de Haliburton fut une étude comparative des fêtes des morts. Il concluait que ces célébrations étaient l’expression de deux calendriers primitifs régis par les Pléiades. On pouvait donc, disait-il, découvrir la signification première des superstitions et fêtes de l’homme civilisé en observant les coutumes similaires chez le « sauvage inchangé ». Son but ultime, en tentant de prouver l’unité des origines de l’humanité, était d’appuyer les enseignements de la Bible. Comme bon nombre de scientifiques du xixe siècle, il affirmait que la science et la religion étaient compatibles, et pourtant il soutenait que toute théorie mettant en question la vérité des Écritures ne devait être prise en considération que si elle reposait sur une preuve absolument indubitable. Il s’engagea dans la réfutation d’une théorie qui proposait pour l’origine des races des « centres de création » différents, idée dangereuse puisqu’elle remettait en question la version biblique de la création et du plan divin. Pareilles incohérences montrent bien que la science, au xixe siècle, traversait une période de changement et de confusion.

Ayant délaissé l’« éthologie », qu’il définissait comme l’étude des fêtes et coutumes de diverses nations, Haliburton s’intéressa, vers la fin du siècle, à l’« ethnographie », ou étude d’une seule culture, tribu ou société. Il fut l’un des nombreux anthropologues amateurs qui parcoururent des régions inexplorées à la faveur de l’expansion de l’Empire. En 1887–1888, il découvrit dans la région de l’Atlas, en Afrique du Nord, une tribu de pygmées qu’il décrivit dans The dwarfs of Mount Atlas [...], paru à Londres en 1891. Ses écrits postérieurs sur les races naines soulevèrent d’immenses controverses, surtout parce qu’il soutenait que l’évolution de l’homme avait commencé par une « ère de nains ».

Peut-être le meilleur portrait de Robert Grant Haliburton est-il celui-ci, qu’a brossé une de ses connaissances : « aimable gentleman de la vieille école », animé de « l’élan et de l’enthousiasme d’un homme de science voué à une existence d’une grande diversité et d’études approfondies ». Dans sa jeunesse, le progrès de sa province, du pays et de l’Empire avait été son souci premier, et pourtant, ses recherches scientifiques, fondées sur l’étude historique des cultures primitives, visaient finalement à préserver un système de valeurs et de croyances chrétiennes solidement ancré et à décourager l’adhésion aux idées nouvelles. Aussi personnifie-t-il les complexités et les paradoxes de l’époque victorienne.

Bonnie Huskins

Robert Grant Haliburton est l’auteur de nombreuses brochures, allocutions et communications, dont certaines sont restées inédites. Plusieurs de ses communications inédites sont mentionnées dans Bibliotheca canadensis, de Henry James Morgan*, et dans la bibliographie qui accompagne la notice nécrologique d’Alexander Francis Chamberlain dans le Journal of American Folk-Lore (Boston et New York), 14 (1901) : 62–64. Un manuscrit sans date, « Influence of the voyages of the Corte Reals on the early cartography of North America », est conservé dans les papiers Haliburton aux PANS, MG 1, 1693, no 3.

Des listes des publications de Haliburton figurent dans le Répertoire de l’ICMH, le National union catalog, et Canadiana, 1867–1900.

Haliburton a préparé le Catalogue of the Nova Scotian department for the International Exhibition (Halifax, 1862) à titre de secrétaire de la commission de l’exposition, ainsi que le Report of the International Show Committee of Nova-Scotia (Halifax, 1863) et le Report of Nova Scotia commissioners for International Exhibition, 1862 (Halifax, 1864). Les deux rapports ont été réimprimés dans Nova Scotia in 1862 : papers relating to the two great exhibitions in London in that year (Halifax, 1864), avec divers autres documents, dont une des allocutions de Haliburton, The past and future of Nova Scotia [...] (Halifax, 1862). Un volume de poésie intitulé Voices from the street ; &c a été publié à compte d’auteur à Halifax vers 1866 ; un exemplaire se trouve à la Univ. of Toronto, Thomas Fisher Rare Book Library. Sa biographie de Thomas Chandler Haliburton a paru sous le titre de « A sketch of the life and times of Judge Haliburton » dans Haliburton : a centenary chaplet [...] (Toronto, 1897), 13–40.

PANS, Churches, Christ Church Anglican (Windsor, N.-É.), RBMS, 1832 (mfm) ; MG 1, 1693, Haliburton à Robert Harris, 25 sept. 1876 (photocopie) ; MG 20, 226, no 1 ; 227, no 6 ; 228 ; MG 100, 172, no 20 ; 175, no 20 ; RG 1, 384A ; RG 2, 4, nos 488, 492–493 ; 6, no 1174 ; RG 5, P, 49, no 166 ; 50, no 88 ; 77, no 170 ; RG 39, HX, M, 1, bar applications, no 35.— Univ. of King’s College Library (Halifax), Haliburton Soc., minutes, 1er, 9 mars 1901 ; Matriculation records, 1845 (mfm aux PANS).— British Colonist (Halifax), 5, 7 mai 1868.— Halifax Citizen, 15 févr. 1872.— Halifax Herald, 8 mars 1901.

Almanach, Belcher’s, 1853–1901.— Annuaire, Halifax, 1858–1859, 1863, 1869–1879.— Florence Anslow, The Haliburton Memorial Museum (Windsor, [1960]).— Carl Berger, The sense of power ; studies in the ideas of Canadian imperialism, 1867–1914 (Toronto et Buffalo, N.Y., 1970) ; « The true north strong and free », Nationalism in Canada, Peter Russell, édit. (Toronto, 1966), 3–26.— J. W. Burrow, « Evolution and anthropology in the 1860’s : the Anthropological Society of London, 1863–71 », Victorian Studies (Bloomington, Ind.), 7 (19631964) : 137–154.— Canadian annual rev.Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— F. G. J. Comeau, « The origin and history of the apple industry in Nova Scotia », N.S. Hist. Soc., Coll., 23 (1936) : 15–40.— Eaton, Hist. of Kings County.— D. P. Gagan, « The relevance of Canada First », REC, 5 (1970), no 4 : 36–44.— D. A. Muise, « The federal election of 1867 in Nova Scotia : an economic interpretation », N.S. Hist. Soc., Coll., 36 (19671968) : 327–351 ; « The General Mining Association and Nova Scotia’s coal », Bull. of Canadian Studies (Londres), 6, no 2/7, no 1 (1983) : 71–87.— Official opening of « Clifton » as the Haliburton Memorial Museum at Windsor, Nova Scotia, July 4, 1940 ([Windsor ?, 1940 ?] ; copie aux PANS, Library, Vert. file, 105, no 33).— W. S. Wallace, The growth of Canadian national feeling (Toronto, 1927).— P. P. Wiener, Evolution and the founders of pragmatism (Philadelphie, 1972).

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Bonnie Huskins, « HALIBURTON, ROBERT GRANT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/haliburton_robert_grant_13F.html.

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Auteur de l'article:    Bonnie Huskins
Titre de l'article:    HALIBURTON, ROBERT GRANT
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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