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BUTLER, sir WILLIAM FRANCIS, officier et auteur, né le 31 octobre 1838 à Suirville (près de Bansha, république d’Irlande), septième enfant de Richard Butler et d’une prénommée Ellen ; le 11 juin 1877, il épousa à Londres Elizabeth Southerden Thompson, et ils eurent trois filles et deux fils ; décédé le 7 juin 1910 à Bansha Castle (république d’Irlande).
Représentants appauvris de la petite noblesse du Tipperary, les Butler étaient par tradition au service de la couronne britannique. Enfant, William Francis vit autour de lui les ravages que fit la grande famine, expérience qui, semble-t-il, le porta à garder toujours de la sympathie pour les opprimés. Obligé d’interrompre ses études parce que son père avait consacré tout son argent aux victimes de la famine, il conçut tout de même, pour l’histoire et la biographie, une passion à laquelle il allait consacrer ses loisirs jusqu’à sa mort.
Butler entra au 69th Foot à titre d’enseigne le 17 septembre 1858 et servit dans diverses parties de l’Empire britannique. Son régiment fut envoyé en Birmanie en 1860 puis à Madras, en Inde. En Orient, Butler prit l’habitude de voyager et d’écrire pour dissiper l’ennui de la vie de garnison en temps de paix. Il retourna en Angleterre en 1863, peu après avoir été promu lieutenant. Trois ans plus tard, le 69th Foot fut posté dans les îles Anglo-Normandes, où Butler se lia avec Victor Hugo. Le régiment fut ensuite appelé au Canada à cause des raids féniens de 1867.
C’est là que se mirent en place les véritables assises de la carrière militaire et littéraire de Butler. À l’été de 1869, rien n’allait plus pour lui. Une commission de capitaine était vacante et c’était son tour d’être promu, mais il n’avait pas les moyens de l’acheter. Pour la seule fois de sa vie, il envisagea sérieusement de quitter l’armée, puis il décida plutôt de rentrer en Angleterre pour tenter une dernière fois de convaincre les autorités de ses mérites. Ses efforts furent vains, mais à ce moment précis, on apprit que le colonel Garnet Joseph Wolseley* organisait une expédition à la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba) à la suite de la résistance de Louis Riel* et de ses compagnons. Butler avait déjà rencontré Wolseley. Il lui demanda, par câble, l’autorisation de rejoindre son état-major et, sans attendre la réponse, sauta dans le premier bateau en partance pour l’Amérique du Nord. Il rejoignit Wolseley avant que la troupe ne quitte Toronto mais trop tard pour obtenir un poste d’état-major. Tenace, il proposa de passer par les États-Unis pour vérifier si, comme on le signalait, des féniens se rassemblaient en vue d’attaquer l’expédition, puis de se rendre à la colonie de la Rivière-Rouge. Wolseley, le meilleur soldat britannique de l’époque, reconnut tout de suite la valeur de ce plan. Dès la fin de juin 1870, Butler était en route pour Saint Paul, au Minnesota. N’ayant trouvé aucun indice de préparatifs de guerre, il continua vers la Rivière-Rouge, dans l’intention de recueillir des renseignements avant de retourner vers l’est à la rencontre de l’expédition.
Passer inaperçu dans une collectivité aussi petite que la colonie de la Rivière-Rouge aurait tenu du miracle. Les partisans de Riel découvrirent Butler et organisèrent un entretien. Riel l’assura de ses intentions pacifiques puis le laissa partir. Butler se rendit au fort Frances (Fort Frances, Ontario) et revint avec l’expédition qu’il aida à faire le reste du chemin. Dès que l’autorité du Canada fut fermement établie, la troupe britannique se prépara à quitter les lieux. Butler, qui avait eu le coup de foudre pour le Nord-Ouest, resta jusqu’en octobre 1870. Il se résignait à partir lorsque le lieutenant-gouverneur Adams George Archibald* lui demanda de parcourir le territoire nouvellement acquis à l’ouest et de faire rapport sur les conditions qui y régnaient. Le 24 octobre, Butler se mit en route pour Edmonton.
À partir de ce périple hivernal, Butler allait non seulement rédiger un rapport qui influencerait le gouvernement du Canada, mais qui deviendrait aussi la base de son meilleur livre, The great lone land. Empruntant la route des pelleteries, que jalonnaient les forts Ellice (Fort Ellice, Manitoba), Carlton (Fort Carleton, Saskatchewan), Pitt (Fort Pitt, Saskatchewan) et Victoria (Victoria Seulement, Alberta), il parvint à Edmonton le 26 novembre. Après quelques jours de repos, il partit pour Rocky Mountain House, où il arriva le 5 décembre. Là, il tenta de trouver un guide qui le conduirait vers le sud, dans le territoire des Pieds-Noirs. Il retourna donc à Edmonton et se prépara à regagner la Rivière-Rouge, au plus fort de l’hiver, par traîneau à chiens. Le 20 février 1871, il se trouvait à Upper Fort Garry (Winnipeg), et deux semaines plus tard, son rapport était entre les mains d’Archibald.
Le document portait surtout sur la situation de la population autochtone et recommandait au gouvernement du Canada des moyens d’asseoir son autorité en provoquant le moins de bouleversements possible. Butler proposait par exemple de nommer des magistrats rémunérés itinérants et de former une police dont les membres seraient recrutés expressément pour ce territoire, ce qui fut fait par la suite. Cependant, c’était surtout l’esprit du rapport qui comptait. Il y avait en effet concordance parfaite entre, d’une part, l’horreur exprimée par Butler devant la « guerre d’extermination » menée alors par le gouvernement des États-Unis contre les peuples des Prairies et sa conviction que les Canadiens pouvaient agir beaucoup mieux, et, d’autre part, les mobiles les plus élevés de l’expansion du Canada vers l’ouest. Il n’est donc pas étonnant que, lorsque Butler arriva à Ottawa, en avril, le premier ministre sir John Alexander Macdonald* et le cabinet accueillirent avec enthousiasme l’auteur et son rapport.
Au printemps de 1872, en Angleterre où il était retourné pour mettre la dernière main à The great lone land, Butler apprit que l’on venait de découvrir du pétrole dans une terre où il avait investi, près de Petrolia en Ontario. Le bénéfice de la vente de cette terre lui permit de revenir au Canada. Pendant l’hiver de 1872–1873, il refit le trajet jusqu’au fort Carlton puis, bifurquant vers le nord, alla au lac Athabasca et à la rivière de la Paix. Quand la débâcle survint, il reprit sa route vers l’ouest : il gagna alors le centre de la Colombie-Britannique en suivant le canyon de la rivière de la Paix, puis descendit la route du Cariboo jusqu’au littoral du Pacifique. Dès l’été de 1873, il était de retour à Ottawa avec un manuscrit presque prêt, The wild north land.
Apparemment, Butler songeait sérieusement à s’établir au Canada lorsqu’il apprit que Wolseley allait commander une expédition contre les Achantis d’Afrique occidentale. Cette fois, son télégramme arriva à temps pour qu’il obtienne un poste, et il s’acquitta de sa mission avec la vigueur et l’inventivité qui le caractérisaient. Cette campagne consolida sa position parmi les protégés de Wolseley, lui valut une promotion au grade de major en 1875 et assura sa participation à la plupart des grandes guerres coloniales que la Grande-Bretagne livra à la fin du xixe siècle. Au cours d’une période de service dans la métropole, il fit la connaissance d’Elizabeth Southerden Thompson, peintre dont les scènes de bataille connaissaient une popularité immense dans l’Angleterre victorienne, et l’épousa. Promu colonel en 1882, il vint pour la dernière fois au Canada pendant l’été de 1883 à la demande d’un groupe d’investisseurs londoniens, pour évaluer un territoire situé dans ce qui est maintenant le nord de la Saskatchewan.
Butler joua un rôle dans deux des crises qui marquèrent la fin de l’époque victorienne. En 1884, il convainquit Wolseley que le moyen le plus sûr de faire parvenir une colonne de secours au major-général Charles George Gordon, assiégé à Khartoum, était de recruter des voyageurs canadiens et de former un convoi qui remonterait le Nil [V. Frederick Charles Denison*]. Ayant quitté l’Égypte pour rentrer en Angleterre en 1886, c’est là qu’il eut la confirmation de sa promotion au grade de général de brigade et fut fait chevalier commandeur de l’ordre du Bain. Devenu major-général en 1892, il reçut en 1898 le commandement des forces britanniques d’Afrique australe. La tension régnait là-bas, car le gouverneur de la colonie du Cap, sir Alfred Milner, entendait bien affirmer la suprématie de la Grande-Bretagne sur le Transvaal et l’État libre d’Orange, deux républiques boers indépendantes. Il voulait un commandant militaire qui, sous le prétexte de planifier la défense, préparerait une guerre offensive. De tous les officiers britanniques de l’époque, Butler était bien celui à qui cette mission convenait le moins. Irlando-catholique et partisan de l’autonomie politique de l’Irlande, il jugeait la politique de Milner révoltante et dangereuse. Il refusa donc de prêter son concours à tout ce qui risquait de déclencher des hostilités. Quand il vit que le ministère de la Guerre ne le soutiendrait pas, il démissionna. Une fois le différend connu, on qualifia Butler de « général radical » et la presse le cloua au pilori. Cependant, les désastres des premiers temps de la guerre lui rendirent la faveur de l’opinion publique et lui donnèrent presque la stature d’un prophète. Il fut promu lieutenant-général en 1900 et quitta l’armée le 31 octobre 1905.
« Quiconque a goûté une fois l’ineffable liberté des étendues sauvages de l’Ouest se sentira toujours à l’étroit dans les frontières de la vie civilisée », écrivait William Francis Butler en 1871. Son style paraît un peu trop fleuri aujourd’hui, mais il plaisait beaucoup en son temps. Des personnages aussi divers que Winston Churchill, John Ruskin et Theodore Roosevelt ont admiré l’auteur. The great lone land, qui avait dépassé la dix-septième édition au moment de sa mort, est certainement la description la plus évocatrice que l’on ait de l’Ouest canadien tel qu’il était dans les années 1870, avant que n’y triomphent, du vivant même de l’auteur, « fil barbelé, « élévateur » à grain, botte fabriquée à la machine et journal à deux sous ».
Les deux principaux comptes rendus de sir William Francis Butler sur le Nord-Ouest canadien, The great lone land ; a narrative of travel and adventure in the north-west of America et The wild north land : being the story of a winter journey, with dogs, across northern North America ont été publiés à Londres en 1872 et en 1873 respectivement, et ont connu de nombreuses rééditions, particulièrement au xixe siècle et au début du xxe, comme le montrent les entrées de Canadiana, 1867–1900 et de National union catalog. Les éditions originales des deux ouvrages ont été réimprimées à Edmonton en 1968.
Le rapport de 1871 de Butler à Adams George Archibald a paru sous le titre de Report by Lieut. Butler, (69th Regt.) of his journey from Fort Garry to Rocky Mountain House and back, during the winter of 1870–71 ([Winnipeg, 1871]) et une édition outaouaise parue la même année, ainsi qu’en guise d’annexe à The great lone land. Ses aventures nord-américaines constituent le fond d’un roman, Red Cloud, the solitary Sioux ; a story of the great prairie (Londres, 1882, et éditions suivantes, notamment une à Boston dans les années 1880 intitulée The hero of Pine Ridge [...]), et une partie d’un volume de souvenirs, Far out : rovings re-told (Londres, 1880).
Parmi les publications de Butler qui reflètent d’autres phases de sa carrière, on trouve : A narrative of the historical events connected with the Sixty-Ninth Regiment (Londres, 1870) ; Akim-foo : the history of a failure (Londres, 1875) ; The campaign of the cataracts ; being a personal narrative of the Great Nile Expedition of 1884–5 (Londres, 1887) ; Charles George Gordon (Londres et New York, 1889) ; The life of Sir George Pomeroy-Colley [...] (Londres, 1899) ; From Naboth’s vineyard, being impressions formed during a fourth visit ta South Africa undertaken at the request of the « Tribune » newspaper (Londres, 1907) ; et The light of the west, with some other wayside thoughts, 1865–1908 (Dublin, 1909).
Sir William Butler, an autobiography (Londres, 1911) a été édité et publié à titre posthume par sa fille la plus jeune, Eileen Butler (par la suite Preston, vicomtesse Gormanston ; Atkins), dont les mémoires ont paru sous le titre de A little kept (Londres et New York, 1953). Sa femme Elizabeth [S. Thompson] Butler a publié deux comptes rendus autobiographiques : From sketch-book and diary (Londres, 1909) et An autobiography, with illustrations from sketches by the author (Londres, 1922).
La longue biographie écrite par Edward Alexander McCourt, Remember Butler : the story of Sir William Butler (Toronto, 1967), constitue une évaluation équilibrée et exacte de sa carrière. Une ébauche figure aussi dans DNB. L’ouvrage de Leigh Maxwell, The Ashanti ring : Sir Garnet Wolseley’s campaigns, 1870–1882 (Londres, 1985), fournit un éclairage utile sur le contexte militaire de la carrière de Butler. [r. c. m.]
Roderick Charles Macleod, « BUTLER, sir WILLIAM FRANCIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/butler_william_francis_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/butler_william_francis_13F.html |
Auteur de l'article: | Roderick Charles Macleod |
Titre de l'article: | BUTLER, sir WILLIAM FRANCIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 2 déc. 2024 |