McDOUGALL, WILLIAM, avocat, propriétaire de journaux, journaliste, homme politique et fonctionnaire, né le 25 janvier 1822 à York (Toronto), fils de Daniel McDougall, fermier, et de Hannah Matthews ; le 3 mai 1845, il épousa à Hogg’s Hollow (Toronto) Amelia Caroline Easton (décédée en 1869), et ils eurent au moins sept fils et deux filles, puis le 18 novembre 1872, à Cobourg, Ontario, Mary Adelaide (Minnie) Beatty, et de ce mariage naquirent trois fils ; décédé le 29 mai 1905 à Ottawa.

La vie publique de William McDougall fut pleine de méandres, mais trois balises, posées sur sa route au cours de ses années d’apprentissage, l’aidèrent à tenir le cap. Premièrement, sa famille, d’ascendance loyaliste et écossaise, croyait beaucoup en l’instruction. Élevé dans une ferme de la rue Yonge au nord d’York, McDougall fréquenta l’école à Toronto avant d’entrer à l’Upper Canada Academy de Cobourg le 3 novembre 1840. Il reçut dans ce remarquable établissement méthodiste, qui devint le Victoria College en 1841, une éducation libérale avancée. Depuis 1838, l’Upper Canada Academy offrait une formation pratique et moderne à l’américaine, et faisait appel à quelques diplômés de la Wesleyan University du Connecticut, du Girard College de Pennsylvanie et de l’école méthodiste de Cazenovia, dans l’État de New York, pour qu’ils préparent les élèves au monde des affaires et de la communication de l’époque victorienne. En particulier, l’apprentissage de la rhétorique et du commentaire écrit, de même que le fait d’être sensibilisé aux récents progrès de la science, modèleraient la carrière de McDougall.

Deuxièmement, McDougall connut une expérience saisissante. Témoin de l’incendie de la taverne Montgomery, au nord de Toronto, pendant la rébellion de 1837 [V. William Lyon Mackenzie*], il établirait souvent, par la suite, un parallèle entre la fuite des insurgés et la liberté progressant vers le nord pour jeter bas les oligarchies en place. (La direction de cette progression deviendrait un élément central de sa doctrine expansionniste.) Cet épisode de la rébellion, qui avait eu pour lui valeur de conversion politique, nourrissait ses vues libérales et sa foi aveugle en leur triomphe.

Troisièmement, McDougall eut pour mentor, dans le domaine de l’action politique, l’avocat torontois James Hervey Price*, chez qui il entreprit son stage de droit au sortir du Victoria College, probablement en 1841. Attaché aux intérêts de ses clients propriétaires terriens, Price prônait des changements qui figureraient plus tard au programme des réformistes clear grits : scrutin secret, libéralisation des lois sur la propriété foncière, sécularisation des réserves du clergé, institutions démocratiques électives. Pendant la période où Price fut commissaire des Terres de la couronne dans le deuxième ministère de Robert Baldwin* et de Louis-Hippolyte La Fontaine*, c’est-à-dire de 1848 à 1851, McDougall l’aida à préciser ces aspects du programme. De plus, tout comme Price au début, il était ambivalent à l’égard de la politique de parti, car il tenait à son indépendance. En fin de compte, ces deux marginaux dont on ne reconnaissait pas à leur juste valeur les efforts seraient rejetés, ce qui les rendrait amers.

Admis en 1847 à exercer en tant qu’attorney et solicitor, McDougall s’associa à Toronto à un condisciple, Ambrose Gorham. Cependant, ses revenus d’avocat servaient principalement à financer la diffusion de ses idées. En 1847, il lança avec Charles Lindsey le Canada Fariner, hebdomadaire consacré au progrès agricole, à la science et à la littérature. L’année suivante, il fusionna le Canada Farmer avec le British American Cultivator de William Graham Edmundson*, ce qui donna l’Agriculturist & Canadian Journal. En 1849, McDougall et George Buckland* transformèrent ce périodique en une publication plus expressément vouée à la promotion de l’agriculture et de la colonisation, le Canadian Agriculturist. La science y servait à transcender la politique de parti et à préparer la réalisation d’un objectif plus élevé, « la maîtrise du globe ». McDougall et Buckland avaient inscrit le mot « canadien » dans le titre pour marquer leur désir que « le périodique ait un caractère distinct et national ». En 1850, dans le cadre de l’Agricultural Association of Upper Canada, ils collaborèrent à la fondation de la Chambre d’agriculture du Haut-Canada. Rédigée par McDougall, la loi définissait cette chambre comme un conseil populaire et responsable dont le mandat était d’évaluer et de mettre en valeur, par l’éducation et l’organisation, les richesses agricoles du pays.

Les événements survenus après 1848 avaient inexorablement conduit McDougall à la politique. Fasciné, il suivait les diverses tentatives de réforme dont l’Europe entière était le théâtre. Au pays, l’instauration du gouvernement responsable, l’adoption du projet de loi pour l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion [V. James Bruce*], l’assaut lancé contre la maison de Price à Montréal au cours des émeutes qui suivirent l’adoption de ce projet de loi, et le Manifeste annexionniste sont autant de facteurs qui exacerbaient les antagonismes et brouillaient les solidarités politiques traditionnelles. En 1849, le cabinet de McDougall à Toronto devint un lieu de rendez-vous pour les réformistes mécontents, qui formèrent l’aile clear grit. Un an plus tard, malgré des problèmes évidents de santé, McDougall fonda le North American, bihebdomadaire qui ancrait l’idéologie clear grit naissante dans la conviction qu’il importait de progresser vers la création d’une « civilisation plus saine et plus élevée ».

Le mouvement clear grit regroupait à la fois de jeunes et de vieux réformistes désireux de pousser la démocratisation de la politique canadienne au delà des prémisses whigs qui définissaient le gouvernement responsable selon Baldwin et La Fontaine. Les principes de ce mouvement provenaient du chartisme britannique, du benthamisme et du démocratisme américain, et avaient pour porte-parole, entre autres, Charles Clarke, Charles Lindsey, David Christie*, Peter Perry* et Malcolm Cameron*. Clarke et McDougall, en particulier, s’efforcèrent d’adapter ces traditions au milieu politique haut-canadien. Instruit par l’expérience américaine, le mouvement tint des congrès locaux en 1850 afin, disait McDougall, de « faire descendre la contrée au niveau d’une démocratie basée sur le sens commun » et de permettre ainsi au « peuple » de mettre un « frein direct » à la « fumisterie » des leaders réformistes de l’époque.

En février 1851, le North American publia le programme clear grit : institutions électives, extension du droit de vote, scrutin secret, représentation proportionnelle à la population, compression des dépenses, responsabilité parlementaire en matière de dépenses publiques et de commerce. Outre ces objectifs à long terme, les clear grits en proposaient d’autres, d’inspiration américaine, qui devaient selon eux immédiatement être inscrits dans des lois : simplification des procédures judiciaires, vente des terres publiques, monnaie décimale uniforme, sécularisation des réserves du clergé, abolition des privilèges consentis par des lois aux organismes religieux, subventions publiques à l’agriculture, mise en chantier d’ouvrages publics plus rentables. Pour McDougall, ces objectifs comptaient davantage que le principe de la solidarité politique.

Journaliste clear grit très éloquent, McDougall défiait la position réformiste majoritaire, exposée dans le journal torontois de George Brown*, le Globe. Mais en même temps, comme il n’était pas un fanatique des lignes de parti, la perspective d’une coalition – avec ses avantages et ses risques – ne lui répugnait pas. En juillet 1851, il prêta la voix du North American au ministère de Francis Hincks* et d’Augustin-Norbert Morin* en échange de la nomination de deux représentants clear grits au cabinet (John Rolph* et Malcolm Cameron). D’abord, le prix à payer – différer l’application du programme clear grit – n’entama pas ses espoirs. En le voyant changer d’orientation, d’aucuns crurent qu’il abandonnait les principes clear grits. Pourtant, il postulait que ces principes triompheraient « peut-être dans un délai de 6 ou 8 ans », à tout le moins dans le Haut-Canada, grâce à l’union de toutes les provinces. Selon lui, le plus grand danger était l’ingérence des ultramontains du Bas-Canada dans les affaires civiles de la province du Canada – danger dont la crainte allait déformer de plus en plus sa perception de la situation politique. Or, en 1853, de retour de New York où il avait été délégué à l’exposition internationale, il découvrit plutôt que son parti s’égarait. Furieux contre Hincks à cause des scandales ferroviaires dans lesquels celui-ci était impliqué, il retira l’appui du North American au gouvernement. « Il faut, prévint-il Clarke, exorciser les esprits impurs avant de pouvoir installer les purs à la chambre du conseil. »

Vers 1855, McDougall, de journaliste qu’il était, acheva de se muer en homme politique. En 1854, il tenta sans succès de remporter un siège réformiste dans la circonscription de Wentworth North ou de Waterloo. En février 1855, il vendit le North American à Brown à cause du nombre croissant d’autres bihebdomadaires concurrents, puis il se joignit à l’équipe du Globe en tant que rédacteur politique. Notamment à cause du projet de loi sur les écoles séparées du Haut-Canada, adopté grâce à des votes bas-canadiens [V. sir John Alexander Macdonald*], la faction de Brown, ainsi que celles de Hincks et des clear grits se rassemblèrent sous la bannière de la représentation proportionnelle. En janvier 1857, à Toronto, McDougall fut secrétaire du congrès au cours duquel les réformistes se fixèrent un autre grand objectif, promu par lui dès les premiers numéros du North American : « l’intégration du territoire de la Hudson’s Bay [Company] au sol canadien ». Au scrutin qui commença à la fin de 1857, il se présenta dans Perth dans l’espoir d’entrer à l’Assemblée législative, mais, encore une fois, ce fut l’échec. L’année suivante, après avoir fermé le Canadian Agriculturist, il accéda enfin à l’Assemblée en remportant le siège d’Oxford North, que Brown avait quitté peu de temps auparavant. Au congrès réformiste de 1859, non seulement devint-il secrétaire de la Constitutional Reform Association, mais il manifesta des qualités d’homme d’État en formulant un compromis qui permit l’adoption de la solution proposée par Brown en vue de faire sortir la province de l’impasse constitutionnelle : une union fédérale du Haut et du Bas-Canada. Néanmoins, l’année suivante, il quitta le Globe à cause d’un différend sur les étapes à suivre pour réaliser la réforme constitutionnelle.

En fait, ce désaccord ne tenait pas uniquement à une divergence d’opinions. McDougall était un homme politique profondément excentrique. Animé d’une vision romantique, il était en même temps cynique et distant. Ambitieux, il n’aimait pourtant ni commander, ni obéir. À force de le voir laisser ses contradictions étouffer sa grande logique et ses remarquables talents d’orateur, ses collègues éprouvaient de la frustration. On se mit à juger que, sur le plan professionnel, il était indigne de confiance (on le surnommait « Wandering Willie » ; de plus, sa personne suscitait beaucoup d’animosité. Il avait le don de s’attirer des problèmes politiques. Par exemple, en avril 1861, il s’emporta au cours d’un débat où il exposait son intention de protéger les droits de la population des deux parties de la province. Il menaça de « se tourner vers Washington » pour sauver le Haut-Canada de « la domination d’une race étrangère et d’une religion qui n’[était] pas la religion de l’Empire », menace doublement offensante qu’il dut retirer pour pouvoir se faire réélire quelques mois plus tard.

En 1862, McDougall fut admis au barreau du Haut-Canada, mais il ne se mit pas tout de suite à exercer, car la réforme constitutionnelle l’occupait trop. Renonçant à exiger la représentation proportionnelle au moment même où le dernier recensement révélait un déséquilibre croissant en faveur du Haut-Canada, il surprit ses collègues clear grits en entrant le 24 mai dans le ministère réformiste de John Sandfield Macdonald* et de Louis-Victor Sicotte* à titre de commissaire des Terres de la couronne. « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », se disait-il.

Une fois installé dans ses fonctions, McDougall continua de préparer l’expansion du Canada vers le nord-ouest, non sans révéler son arrogance envers les peuples autochtones. Son département, formé d’expansionnistes comme lui, ouvrit des terres dans la partie nord-ouest de la province, construisit un chemin de colonisation vers le bras Parry et vendit des terres de la couronne en s’attendant que des fermes y seraient aménagées. En outre, McDougall présida à la reprise des réserves indiennes dans l’île Manitoulin en prétextant que ces terres faisaient obstruction à la poursuite du peuplement parce qu’elles n’avaient pas été utilisées à des fins agricoles [V. Jean-Baptiste Assiginack* ; George Ironside*]. En rejetant la règle qui consistait à garder les réserves à distance des colons afin de protéger la culture des autochtones, il plongea ceux-ci dans la méfiance et le ressentiment. Au milieu de l’époque victorienne, bien des gens, à force de vouloir ouvrir la voie au « progrès », agissaient avec pharisaïsme et paternalisme envers les autochtones. McDougall était l’un d’eux.

Élu dans la circonscription d’Ontario North en 1863, McDougall fut commissaire des Terres de la couronne dans le ministère de John Sandfield Macdonald et d’Antoine-Aimé Dorion* jusqu’au 29 mars 1864. Le 22 juin, avec Oliver Mowat, il suivit George Brown de l’autre côté de la Chambre pour former la « grande coalition », qui proposait de sortir de l’impasse politique en confédérant les colonies de l’Amérique du Nord britannique. McDougall entra au gouvernement le 30 juin en tant que secrétaire de la province du Haut-Canada, mais fut battu dès le 30 juillet par Matthew Crooks Cameron* à une élection complémentaire, au moins en partie parce qu’il avait renoncé à prôner la représentation proportionnelle, qu’il ne jugeait plus réalisable. Élu dans Lanark North le 4 novembre [V. Robert Bell*], il reprit son poste de secrétaire de la province. Il participa à la formulation des modalités de la Confédération aux conférences de Charlottetown, de Québec et de Londres, sans pourtant réussir à faire adopter son idée de chambre haute élective. Pendant les débats sur la Confédération en 1865, il trouva que, décidément, on coupait les cheveux en quatre : pour lui, la solution envisagée pour sortir de l’union législative de 1841 était à la fois évidente et inévitable. Brown quitta la coalition en 1865 à cause d’un désaccord sur la question du renouvellement du traité de réciprocité de 1854, mais McDougall et William Pearce Howland y restèrent. En 1866, McDougall présida une commission visant à établir officiellement les relations commerciales de la province du Canada avec les Antilles, le Mexique et l’Europe. À compter de juillet 1866, il fut également « ministre intérimaire de la Marine » ; les canonnières relevèrent donc de sa compétence pendant les désordres féniens.

McDougall fut récompensé de sa contribution à la Confédération par un titre de compagnon de l’ordre du Bain le 1er juillet 1867 et par le portefeuille de ministre des Travaux publics dans le cabinet de sir John Alexander Macdonald. Aux premières élections générales du nouveau dominion, il remporta la victoire dans la circonscription de Lanark North. Au congrès réformiste de juin, il avait bravement affronté Brown, qui le qualifiait de traître parce qu’il avait refusé de quitter la coalition en 1865. Pourtant, sa nomination dans un cabinet conservateur en 1867 ne fut pas sans créer des difficultés. Manifestement, il était le seul à considérer le régime politique du nouveau dominion comme une « table rase » où ne traînait aucune vieille querelle, à envisager la constitution simplement comme une « machine » qui avait besoin de rodage et à se voir lui-même, dans cette structure, comme un agent libre voué uniquement à la concrétisation de ses propres objectifs politiques.

Le plus immédiat de ces objectifs était d’étendre le Canada d’un océan à l’autre. C’est ce à quoi McDougall se consacra. En décembre 1867, il fit adopter par la Chambre des communes une série de résolutions en faveur de l’intégration de Rupert’s Land au dominion et de l’extension de la compétence du gouvernement en direction du Pacifique. Pour ce faire, il invoqua le passé, notamment la réussite de l’expansion territoriale des États-Unis et les négociations pacifiques du Canada avec les autochtones, et cita des études scientifiques sur l’Ouest, dont les rapports des expéditions de John Palliser* et de Henry Youle Hind sur la fertilité du sol. McDougall attribuait au plan d’expansion la force d’une loi naturelle : « Ou bien nous nous étendons, prévenait-il, ou bien nous nous contractons. » En 1868, il alla à Londres avec sir George-Étienne Cartier* afin de négocier le transfert du territoire de la Hudson’s Bay Company. On convint que ce transfert se ferait officiellement le 1er décembre 1869. À titre de ministre des Travaux publics, il prit aussi des mesures pour réaliser le programme d’expansion, par exemple la construction d’une route allant du lac des Bois à Upper Fort Garry (Winnipeg) [V. John Allan Snow*].

Le dévouement de McDougall à la cause expansionniste explique en partie pourquoi il fut nommé, le 28 septembre 1869, lieutenant-gouverneur désigné des Territoires du Nord-Ouest. En plus, même si McDougall admettait « préférer faire les gouverneurs et leur donner des ordres plutôt que d’en être un », le cabinet de Macdonald devait avoir hâte de l’envoyer au loin. Cependant, cette nomination tombait mal : McDougall venait de perdre sa femme, il avait quatre enfants à la maison et il éprouvait de nouveau des problèmes de santé. (Pendant qu’il négociait à Londres en 1868, la maladie l’avait empêché de vaquer à ses occupations.) McDougall envisageait sa mission d’une façon simple : il allait « mettre en marche la nouvelle machine » qui libérerait d’immenses terres et leurs habitants du sombre « servage » qu’avait été le règne de la Hudson’s Bay Company. Pour lui, il n’était pas question d’accorder un pouvoir politique quelconque aux nouveaux territoires avant qu’il y ait là « une population canadienne à demeure sur laquelle s’appuyer ».

À la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba), on sut, avant son arrivée, que McDougall était un nationaliste et qu’il avait des liens avec Charles Mair* et le mouvement radical Canada First [V. William Alexander Foster*]. Or, John Christian Schultz* et d’autres Canadiens de l’Est qui avaient des vues semblables à celles de McDougall avaient déjà formé, à la Rivière-Rouge, le noyau d’un « parti canadien ». Il n’est donc pas étonnant que, en 1869, les Métis et d’autres habitants des territoires aient résisté à l’équipe d’arpenteurs qui, sous la direction de John Stoughton Dennis*, ancien condisciple de McDougall, redivisa les lots selon un plan quadrillé, au mépris des divisions traditionnelles [V. Louis Riel*].

McDougall, son conseil et une suite comprenant ses enfants arrivèrent à Pembina (Dakota du Nord) le 30 octobre presque sans armes. Le 2 novembre, les Métis empêchèrent le lieutenant-gouverneur de pénétrer dans la colonie de la Rivière-Rouge et de la proclamer territoire canadien. Furieux que McDougall n’ait pas tenté de se concilier les Métis, Macdonald remit l’affaire entre les mains de la Hudson’s Bay Company en retardant le transfert jusqu’au moment où l’on pourrait ramener l’ordre. La proclamation par laquelle McDougall annexait Rupert’s Land au Canada devenait donc illégale. Choqué d’être subitement privé de son autorité, McDougall rentra à Ottawa. Il se sentait trahi par l’« impardonnable folie » du gouvernement. De plus, en bon clear grit, il se disait, avec amertume, que les forces culturelles réactionnaires qui avaient naguère tenu le Haut-Canada en bride venaient encore une fois de freiner le progrès. Surtout, il en voulait à Joseph Howe*, secrétaire d’État aux Affaires provinciales, à qui il attribuait son humiliation. En ne le prévenant pas du climat qui régnait à la Rivière-Rouge, Howe l’avait placé en position de faiblesse et obligé à affronter les événements dans l’ignorance, sans protection pour ses enfants. L’année suivante, McDougall s’opposa, mais en vain, à ce que le Manitoba devienne une province à part entière.

En 1871–1872, McDougall fit partie de la commission qui délimita la frontière du Manitoba et de l’Ontario. Au scrutin de 1872, il fut battu dans Lanark North. En 1873, il se rendit en Grande-Bretagne et en Europe à titre de commissaire fédéral des Pêches et de l’Immigration. Défait sous la bannière conservatrice dans la circonscription d’York East aux élections provinciales de janvier 1875, il entra à l’Assemblée législative de l’Ontario à titre de libéral indépendant après avoir remporté une élection complémentaire dans Simcoe South en juin. En septembre 1878, il démissionna afin de se présenter dans la circonscription fédérale de Halton en tant que conservateur. Convaincu de mériter un poste au cabinet parce qu’il avait quitté son siège de député provincial pour appuyer la Politique nationale, il ne manqua pas de montrer qu’il était déçu de ne pas en avoir un. En 1880, il s’installa à Ottawa. Il avait repris la pratique du droit vers 1876, année où il avait fondé un cabinet d’avocats du nom de McDougall and Gordon. Une fois dans la capitale, il continua d’exercer occasionnellement à titre de conseiller spécial. En 1881, il reçut le titre de conseiller de la reine. La même année, à la faveur du fameux procès de Mercer c. le procureur général de l’Ontario, il s’aventura dans le débat sur les droits provinciaux et prit position contre la prétention de la province à la souveraineté-implicite. Bien que, selon John Charles Dent*, il ait été « encore pauvre », il refusa, toujours en 1881, un siège de juge et le poste de lieutenant-gouverneur de la Colombie-Britannique. Au scrutin de 1882, il ne se présenta pas dans Halton mais dans Algoma, sous la bannière libérale. Simon James Dawson le battit – celui-là même qui, deux ans auparavant, l’avait blâmé de prendre parti pour l’Ontario dans le différend frontalier qui continuait d’opposer cette province au Manitoba. De nouveau candidat libéral en 1887, cette fois dans Grenville South, McDougall essuya encore une défaite. Par la suite, il conseilla à Wilfrid Laurier* de combattre la Politique nationale de Macdonald en prônant la « réciprocité commerciale ». Au début des années 1890, il sembla tourner casaque encore une fois : en échange de la promesse d’un siège de sénateur, il s’allia avec les conservateurs pour discréditer le journaliste Edward Farrer*, qui avait soulevé une controverse à propos de l’annexion du Canada aux États-Unis.

En 1890, à Cobourg, William McDougall, alors âgé de 69 ans, s’était blessé gravement à la colonne vertébrale en sautant d’un train en marche. Relégué aux coulisses, il regrettait parfois d’avoir quitté « les champs élyséens » du progrès agricole pour patauger dans « la fange de la politique de parti ». Pourtant, cette transition lui avait semblé toute naturelle, car il était convaincu que « jamais tâche plus grande, plus noble, plus haute n’a[vait] été confiée aux hommes publics d’un pays que celle qui a[vait] échu aux membres de la conférence de Québec en 1864 ». Comme il le disait dans ses mémoires restés inédits, « quel peuple ou nation, dans les temps anciens ou modernes, a pu, dès la première décennie de son existence, exhiber des frontières aussi magnifiques ? » Hélas, autant il comprenait et savait exposer avec éloquence les idées dynamiques qui sous-tendaient les grandes réalisations de ce genre, autant il échouait lorsqu’il participait à leur mise en œuvre. Telle fut, dans son cas, la triste ironie du sort. McDougall mourut en 1905 au terme d’une « longue et éprouvante maladie » en ne léguant pour ainsi dire rien à sa famille.

Suzanne Zeller

William McDougall est l’auteur de An open letter to the Hon. H. Mercier on the federalism of the fèderal constitution (Toronto, 1887). Plusieurs des autres opuscules qu’il a rédigés sont mentionnés dans Canadiana, 1867–1900 et dans le Répertoire de l’ICMH.

AN, MG 26, A ; F ; G ; MG 27, 1, C6.— AO, F 21 ; F 23 ; F 26 ; F 36 ; F 70 ; F 117.— EUC-C, Victoria Univ. Arch., 87.143V, no 2.— North American (Toronto), 1850–1855.— Canada, Chambre des communes, Débats, 1867–1882 ; Parl., Doc. de la session, 1870, no 12.— Canada, prov. du, Assemblée législative, App. des journaux, 1858–1859 ; Parl., Doc. de la session, 1860–1866, particulièrement 1863, nos 5, 63.— J. M. S. Careless, Brown ; The union of the Canadas : the growth of Canadian institutions, 1841–1857 (Toronto, 1967).— Charles Clarke, Sixty years in Upper Canada, with autobiographical recollections (Toronto, 1908).— Dent, Canadian portrait gallery.— W. L. Morton, The critical years : the union of British North America, 1857–1873 (Toronto, 1964).— « Parl. debates », 1858–1866.— G. W. Ross, Getting into parliament and after (Toronto, 1913).— Norman Shrive, Charles Mair, literary nationalist (Toronto, 1965).— Stanley, Birth of western Canada.

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Suzanne Zeller, « McDOUGALL, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mcdougall_william_13F.html.

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Auteur de l'article:    Suzanne Zeller
Titre de l'article:    McDOUGALL, WILLIAM
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    21 nov. 2024