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ASSIGINACK (Assikinock, Assekinack), JEAN-BAPTISTE (connu également sous le nom de Blackbird), chef outaouais et fonctionnaire, né probablement en 1768, peut-être à Arbre Croche (Harbor Springs, Michigan), décédé le 3 novembre 1866 à Manitowaning dans l’île Manitoulin, Haut-Canada. Sa deuxième femme s’appelait Theresa Catherine Kebeshkamokwe, et Francis Assikinack était un de leurs fils.
Jean-Baptiste Assiginack fut apparemment un élève de l’école sulpicienne au Lac-des-Deux-Montagnes (Oka), Bas-Canada, où il se convertit au catholicisme. Il se fit remarquer pour la première fois pendant la guerre de 1812. Il se peut qu’il ait participé à la prise par les Britanniques de Michillimakinac en 1812 et de Prairie du Chien (Wisconsin) en 1814. En juillet 1813, Assiginack, en tant que chef d’une bande d’Outaouais, et le capitaine Matthew Elliott* amenèrent de nombreux Outaouais à la péninsule du Niagara où ils renforcèrent les forces britanniques après la bataille de Beaver Dams et participèrent à plusieurs échauffourées. Il se peut qu’Assiginack ait reçu des décorations et un drapeau de soie portant le blason de la Grande-Bretagne en récompense de ses services pendant la guerre.
Après la guerre, Assiginack fut nommé en 1815 interprète du département des Affaires indiennes à l’île de Drummond, où il se lia d’une longue amitié avec le capitaine Thomas Gummersall Anderson*. Assiginack, qui, d’après Anderson, était un homme « sérieux, inoffensif et actif », s’avéra indispensable pour les opérations menées par le département des Affaires indiennes dans la région du Nord des Grands Lacs. Il parlait couramment plusieurs dialectes indiens, et bien qu’il ne fût apparemment à l’aise ni en anglais ni en français, il était l’interprète principal du département pour la région de l’île Manitoulin et était très écouté aux réunions des conseils des siens.
En 1827, Assiginack apprit qu’une mission catholique devait être fondée à Arbre Croche. Il résigna ses fonctions d’interprète à l’île de Drummond et partit pour la mission d’Arbre Croche dans l’intention d’offrir ses services. Il fut déçu de constater qu’il n’y avait pas de prêtre mais c’est lui-même qui enseigna le catéchisme et prêcha. En 1830 il conduisit un groupe d’Outaouais à Penetanguishene, où la garnison britannique s’était établie après le transfert de l’île de Drummond aux États-Unis en 1828, et il reprit ses fonctions d’interprète au département des Affaires indiennes. En 1832, il déménagea à Coldwater dont il comptait faire son lieu de résidence permanent. Il avait continué de prêcher à Penetanguishene et, au cours des ans, il avait réussi à amener à la religion catholique plusieurs bandes de la région du Nord des Grands Lacs. À Coldwater il joua un rôle déterminant dans la conversion de la religion méthodiste au catholicisme du grand chef sauteux, John Aisance*. Assiginack impressionna le missionnaire méthodiste Kahkewaquonaby* (Peter Jones) qui vit en lui « un homme très intelligent, aux manières franches et agréables ». En janvier 1833, plusieurs chefs de Coldwater demandèrent à l’évêque Alexander Macdonell* qu’Assiginack « soit nommé pour célébrer le service et pour [les] instruire en raison de ses qualités humaines ».
L’établissement indien de Coldwater fut le résultat de la détermination des autorités britanniques après 1830 à « civiliser » les Indiens en les installant dans des établissements destinés à l’agriculture. L’expérience de Coldwater s’avéra un échec, et en 1836 le lieutenant-gouverneur sir Francis Bond Head* amorça un programme visant à encourager la séparation des Indiens de la population blanche. Pendant la même année, l’île Manitoulin fut cédée aux Indiens par un traité dont Assiginack fut un des signataires, avec l’espoir que le village de Manitowaning (fondé l’année précédente) deviendrait le centre des Indiens de l’île qui devaient adopter les manières des Blancs et un mode de vie basé sur l’agriculture. Anderson fut nommé surintendant pour le Nord du département des Affaires indiennes, disposant d’un quartier général à Manitowaning en 1837, et ce fut probablement au cours des années suivantes, jusqu’à la retraite d’Anderson en 1845, que l’influence exercée par Assiginack atteignit son summum. Même après qu’il eut lui-même résigné ses fonctions d’interprète au département des Affaires indiennes en 1849, Assiginack continua de jouer un rôle important comme intermédiaire entre son peuple et le gouvernement de la province du Canada. Il participa activement aux négociations entre les Indiens de la région des lacs Supérieur, Michigan et Huron, et William Benjamin Robinson*, qui aboutirent à deux traités en 1850, et son aide fut également très appréciée du surintendant George Ironside qui succéda à Anderson.
À l’île Manitoulin, Assiginack dirigea tous ses efforts vers une coopération entre Blancs et Indiens et vers le soutien des projets voulant faire de l’île un modèle de communauté indienne. Mais au fur et à mesure des années 1850, il devenait clair que ces espoirs fondés sur l’île ne pouvaient être réalisés. L’île n’avait pas attiré autant d’Indiens que prévu du centre et du nord du Haut-Canada, et les Sauteux qui formaient le gros de la population de Manitowaning continuaient de suivre le mode de vie traditionnel basé sur la chasse et la pêche. Diverses tribus étaient représentées dans la population indienne de l’île et les différentes habitudes tribales ancestrales nuisirent considérablement aux efforts de la communauté. Le christianisme aussi fut un facteur de division ; le village à prédominance outaouaise et catholique de Wikwemikong, fondé avant Manitowaning à 18 milles à l’est de ce dernier, continua d’être florissant pendant les années 1850 alors que Manitowaning, qui avait été fondé par le gouvernement et bénéficiait de l’aide de l’Église d’Angleterre, perdait peu à peu sa population indienne.
Devant l’échec de Manitowaning et de l’expérience de l’île Manitoulin, le gouvernement prit la décision en 1861 d’ouvrir l’île aux colons blancs. Il rencontra cependant à Wikwemikong une forte opposition à l’abandon de l’île. Lors d’une réunion du conseil tenue à Manitowaning en octobre 1861, Assiginack fit tout ce qu’il put, mais sans succès, pour faire accepter un traité proposé par le gouvernement. Les négociations furent interrompues pendant un an, jusqu’à ce que le commissaire des Terres de la couronne, William McDougall*, se rende sur l’île, prêt à offrir de meilleures indemnisations que celles proposées précédemment à la population indienne en retour de leur abandon de l’île. Assiginack encore une fois appuya la position du gouvernement, et, à une réunion du conseil, quelques-uns de ses fils durent le protéger contre ceux qui s’y opposaient. Un traité fut signé en 1862, mais il reflétait les divisions existant entre les Indiens de l’île : parmi les signataires, il n’y eut que deux chefs de Wikwemikong. Les clauses du traité étaient conformes à celles des traités de Robinson conclus pour les lacs Supérieur, Michigan et Huron ; l’île Manitoulin et les îles adjacentes furent cédées à la couronne en retour d’une concession de terrains (100 acres par famille) et de versements annuels pris sur les intérêts du capital accumulé grâce aux ventes de terrains aux colons blancs. Les droits de pêche des Indiens furent garantis et le département des Terres de la couronne promit de faire l’arpentage des terres aussi rapidement que possible. Cependant, à cause de l’opposition des chefs de Wikwemikong, la pointe est de l’île Manitoulin fut exclue des clauses du traité jusqu’à ce qu’une majorité de chefs et d’hommes importants de la région acceptent de signer. Moins d’un an après la signature du traité, la violence éclata entre les Indiens de Wikwemikong et les autorités canadiennes à propos des droits des Blancs sur l’île Manitoulin et des droits de pêche conservés par les Indiens qui n’avaient pas signé le traité de 1862.
Assiginack signa le traité de 1862, mais l’opposition de ses coreligionnaires à sa prise de position et les divisions partageant les deux communautés indiennes de l’île Manitoulin durent lui causer bien des tourments. Bon nombre des siens doutaient de la sagesse de coopérer, comme il l’avait fait, avec une société qui semblait déterminée à faire disparaître les valeurs culturelles des Indiens. Un des fils d’Assiginack, Edowishcosh, fut un des porte-parole de ceux qui s’opposaient au traité de 1862. Assiginack mourut en 1866 à Manitowaning, mais il fut enterré parmi ses coreligionnaires à Wikwemikong.
APC, RG 10, vol. 116–117, 124–128, 130–139, 273–276, 502–509, 612–615, 621, 691, 792.— Archives of the Archdiocese of Toronto, Macdonell papers, AC07/02–04, AC 14/05.— Canada, Indian treaties and surrenders [...] [1680–1906] (3 vol., Ottawa, 1891–1912 ; réimpr., Toronto, 1971).— Canada, prov. du, Sessional papers, 1863, 5, nos 41, 63.— Loyalist narratives from Upper Canada, J. J. Talman, édit. (Toronto, 1946).— Canadian Freeman (Toronto), 20 nov. 1862.— J. G. Shea, History of the Catholic missions among the Indian tribes of the United States, 1529–1854 (New York, 1855).— D. B. Smith, The Mississauga, Peter Jones, and the white man : the Algonkians’ adjustment to the Europeans on the north shore of Lake Ontario to 1860 (thèse de
Douglas Leighton, « ASSIGINACK (Assikinock, Assekinack), JEAN-BAPTISTE (Blackbird) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/assiginack_jean_baptiste_9F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/assiginack_jean_baptiste_9F.html |
Auteur de l'article: | Douglas Leighton |
Titre de l'article: | ASSIGINACK (Assikinock, Assekinack), JEAN-BAPTISTE (Blackbird) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |