Aux élections générales du 21 septembre 1911, les libéraux de sir Wilfrid Laurier sont défaits. Horrible journée pour le chef libéral qui, anéanti mais digne, reprend le chemin de l’opposition officielle après 15 années passées à gouverner le Canada.
La campagne électorale de 1911
C’est en partie en raison de son exaspération face à la résistance offerte à son projet de réciprocité commerciale avec les États-Unis que Laurier tranche en déclenchant une campagne électorale. Sûr de pouvoir l’emporter, le vétéran de la politique commet une erreur stratégique :
Quel désastre pour lui que ces élections du 21 septembre 1911 au centre desquelles figurèrent deux enjeux de taille, la réciprocité et la marine, sous-tendant deux conceptions de la nation, l’une davantage continentaliste, l’autre davantage liée à l’Empire britannique. D’entrée de jeu, Laurier, fier de ses réalisations depuis 15 ans, sous-estima l’épuisement de son régime […] À cause des enjeux, Laurier devint la cible d’adversaires déchaînés dont les accusations, brodées autour de l’idéologie nationaliste, commençaient et se terminaient toutes par un mot : traître. Soit à son pays, comme le proclamèrent les nationalistes de Bourassa alliés scabreusement aux impérialistes de Borden, soit au Canada et à l’Empire, comme l’affirmèrent les impérialistes et les ennemis de la réciprocité.
Au cœur de cette campagne électorale, la réciprocité commerciale avec les États-Unis donne lieu à un débat où s’affrontent, d’une part, les partisans du protectionnisme économique et du lien avec le commerce impérial et, d’autre part, les adeptes d’une philosophie commerciale continentale, comme le souligne cet extrait de la biographie de l’avocat libéral Zebulon Aiton Lash :
[Lash] fut l’un des rédacteurs du manifeste contre l’entente de réciprocité acceptée par le gouvernement de sir Wilfrid Laurier [...] Essentiellement, les adversaires de cette entente faisaient valoir que la Politique nationale avait apporté au Canada une « prospérité inégalée », qu’il ne fallait pas la mettre en danger en concluant une entente douteuse avec les Américains et qu’il était essentiel de maintenir le commerce impérial. Le manifeste était résolument antiaméricain, probritannique et procanadien.
Bien que secondaire par rapport à la réciprocité commerciale, la création d’une marine de guerre canadienne constitue l’autre enjeu de la campagne. Les nationalistes impérialistes et les nationalistes canadiens s’affrontent et débattent à son sujet avec acrimonie depuis 1909 [V. Le premier ministre : les relations extérieures]. Dans la province de Québec, le ministre libéral Rodolphe Lemieux, dont voici un extrait de la biographie, fait face au journaliste Henri Bourassa, mentor du mouvement nationaliste canadien :
Pendant la campagne électorale de 1911, Lemieux est surtout sans cesse obligé d’affronter un Bourassa très agressif – lié aux conservateurs québécois dirigés par Frederick Debartzch Monk* – qui lui impose le sujet de la marine, dont le Parlement fédéral a accepté la création par une loi sanctionnée en 1910. C’est ainsi que, à titre de nouveau ministre de la Marine et des Pêcheries, il doit faire accepter cette marine de guerre canadienne à la province de Québec. La lutte entre les deux hommes, jadis alliés et amis, qui se poursuit dans les journaux et dans les assemblées publiques, atteint son apogée le 13 août à Saint-Hyacinthe devant une foule évaluée à 30 000 personnes.
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