D’intenses négociations précédèrent la formation du ministère Baldwin-La Fontaine, en septembre 1842, qui permettrait une tentative d’application du principe de gouvernement responsable au Canada-Uni, comme l’évoque la biographie de Robert Baldwin :
En juillet [1842], Harrison et le procureur général William Henry Draper* avisèrent Bagot que le cabinet ne pourrait pas survivre : il fallait y faire entrer les leaders des Canadiens français, ce qui signifiait aussi Baldwin […] En septembre, quand l’Assemblée se réunit et qu’il parut évident que les réformistes détenaient la majorité, Bagot dut passer outre aux instructions de Londres – qui lui indiquaient de tenir Baldwin et les Canadiens français à l’écart – et faire appel à La Fontaine. Les pourparlers faillirent prendre fin lorsque le gouverneur refusa Baldwin, mais il finit par plier. Le 16 septembre, La Fontaine accepta d’entrer au cabinet avec Baldwin. Même si, tout comme Baldwin, Bagot allait célébrer le triomphe du gouvernement responsable par ce qu’il appelait son « importante mesure », le résultat était loin d’être aussi remarquable. Cinq réformistes vinrent se joindre à six anciens ministres, mais il n’y avait eu au préalable ni entente sur les lignes à suivre, ni engagement de solidarité ministérielle.
Cet extrait de la biographie de son collègue Louis-Hippolyte La Fontaine offre, quant à lui, un aperçu des initiatives de leur ministère :
La Fontaine était maintenant en mesure de prouver que l’Union pouvait servir les intérêts des Canadiens français. Il se mit résolument à l’œuvre. En moins d’un an, il avait fait rappeler ou amender les mesures du régime Sydenham qui avaient le plus mécontenté les Canadiens français. Entre autres, il fit modifier la loi électorale pour établir un bureau de votation dans chaque paroisse et ainsi diminuer la violence durant les élections. Pour augmenter l’influence de ses compatriotes, il fit adopter une refonte de la carte électorale du Bas-Canada, particulièrement dans les faubourgs de Montréal et de Québec. Il fit transférer la capitale de Kingston à Montréal, commença ses nombreuses démarches pour amnistier les condamnés de 1837–1838 et faire rétablir l’usage officiel de la langue française dans les actes de la législature et des tribunaux. La Fontaine s’occupa surtout de « patronage ». Il savait que c’était ainsi qu’il pourrait probablement le mieux démontrer aux siens que l’Union pouvait servir leurs intérêts.
Les divergences de vues entre, d’une part, Baldwin et La Fontaine, et, d’autre part, le gouverneur sir Charles Theophilus Metcalfe, successeur de sir Charles Bagot, au sujet de l’application du principe du gouvernement responsable [V. Le ministère des Colonies et l’Amérique du Nord britannique, 1801–1850] conduisirent à la dissolution du ministère en novembre 1843, comme le rappelle la biographie de Metcalfe :
Finalement, la rupture survint quand les deux parties jugèrent leurs relations intolérables [… L]e 24 novembre 1843, après que Metcalfe eut nommé le tory Francis Powell greffier de la paix du district de Dalhousie, La Fontaine et Baldwin exigèrent officiellement qu’il ne procède plus à aucune nomination sans les avoir d’abord consultés et qu’il agisse ensuite d’une manière « non préjudiciable » à leur « influence ». Deux jours de discussions infructueuses suivirent, au cours desquelles les conseillers exécutifs firent valoir que ce principe était essentiel à l’exercice d’un gouvernement responsable, tandis que le gouverneur y voyait la source d’un abandon virtuel de la prérogative de la couronne. Le 26 novembre, tous les conseillers démissionnèrent, sauf Daly. Cinq jours plus tard, après un débat, l’Assemblée législative apporta un appui massif (46 voix contre 23) aux ex-ministres. Elle fut prorogée le 9 décembre.
Les biographies regroupées dans les listes suivantes permettent d’en savoir davantage sur le ministère : le contexte de sa formation et de sa dissolution, ses initiatives et les débats qui marquèrent son existence.