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CROOKS, JAMES, homme d’affaires, officier de milice, fonctionnaire, juge de paix et homme politique, né le 15 avril 1778 dans la paroisse de Kilmarnock, Écosse, fils de William Crooks, cordonnier, et de Margaret Ramsay ; le 8 décembre 1808, il épousa Jane Cummings, et ils eurent huit fils et cinq filles ; décédé le 2 mars 1860 dans le canton de West Flamborough, Haut-Canada.
En 1791, James Crooks quitta l’Écosse pour rejoindre son demi-frère Francis qui, vers 1788, avait ouvert un commerce au fort Niagara (près de Youngstown, New York), à l’embouchure de la rivière Niagara. En 1792, à peu près au moment où Francis se dissocia probablement de Robert Hamilton* pour fonder la Crooks and Company, William, frère de James, vint se joindre à eux. Cependant, par suite des plans établis par les Britanniques en 1795 pour renforcer les ouvrages de défense du fort Niagara, il semble que les locaux de la compagnie furent expropriés, ce qui força les Crooks à s’installer de l’autre côté de la rivière, à Newark (Niagara-on-the-Lake, Ontario), où ils reprirent leurs activités. Francis ayant trouvé la mort aux Antilles en 1797, les deux frères fondèrent la W. and J. Crooks, qui en vint à concurrencer d’autres compagnies dans plusieurs domaines, surtout l’approvisionnement militaire, l’expédition de céréales et de farine dans le Bas-Canada, le brassage de la bière, la distillation d’alcool et la production de potasse. Pour faciliter ces opérations, les frères affrétaient des navires et, en 1811, ils firent construire à Niagara (Niagara-on-the-Lake) le schooner Lord Nelson, principal bâtiment de leur flotte commerciale.
James Crooks se tailla rapidement une place au sein de l’élite de l’endroit, qui regroupait nombre de marchands et de fonctionnaires écossais. De 1794 à 1807, il passa du grade d’enseigne à celui de capitaine dans le 1er bataillon de milice de Lincoln. En 1797, il devint maître de poste à Newark. Trois ans plus tard, avec d’autres marchands de Niagara, Robert Hamilton et John Warren* surtout, il fit campagne en faveur de Samuel Street* et de William Dickson*, candidats des marchands dans Lincoln, et de l’influent arpenteur général David William Smith*, candidat dans la circonscription de Norfolk, Oxford and Middlesex. En 1808, la position de Crooks dans la communauté se trouva raffermie par son mariage avec la fille d’un loyaliste et ancien membre des Butler’s Rangers, Thomas Cummings, de la localité avoisinante de Chippawa.
Après 1800, dans le district de Niagara, les activités commerciales et industrielles reliées aux besoins agricoles de la région et au commerce d’exportation avec le Bas-Canada prirent de plus en plus d’importance. En 1809, espérant mettre un terme à la suprématie de Thomas Clark* sur le moulage du grain dans le district, Crooks réclama des terres pour construire des moulins dans les îles voisines de Chippawa. Ayant échoué, il regarda ailleurs : en 1810, il acheta des terres le long de la rivière Trent, dans le district de Newcastle, et, l’année suivante, il acheta d’Elizabeth Russell*, sœur et héritière de Peter Russell*, ancien client de la W. and J. Crooks, 400 acres à la tête du lac Ontario, dans le canton de West Flamborough.
La guerre de 1812, dans laquelle Crooks combattit, entraîna l’effondrement de ses entreprises à Niagara et eut des effets indélébiles sur ses opinions politiques. Le 5 juin, 13 jours avant la déclaration de la guerre, le Lord Nelson avait été saisi sur le lac Ontario par la marine américaine, qui le rebaptisa plus tard Scourge et l’arma pour le combat. Pendant l’occupation du district de Niagara, de mai à décembre 1813, les troupes américaines saisirent ou détruisirent la ferme de Crooks, Crookston, de même que ses bâtiments et marchandises de Niagara. En compensation de ces pertes et de celles qu’il subit lorsque le Lord Nelson coula au cours d’une tempête, la même année, Crooks réclama plus tard un dédommagement de plus de £9 700. Même si on lui accorda £4 450 pour les pertes subies à Niagara seulement, il ne se releva jamais tout à fait de ces durs revers financiers.
En tant que capitaine du 1er bataillon de milice de Lincoln, Crooks commanda une compagnie de flancs-gardes à la bataille de Queenston Heights, le 13 octobre 1812, ce qui lui valut plus tard les éloges du major général Roger Hale Sheaffe. Par la suite, Crooks fit valoir que, pendant l’hiver de 1812–1813, il avait été autorisé à recruter des hommes qu’il dirigerait à titre de major dans la milice incorporée que l’on se proposait de créer, mais sa promotion ne reçut jamais de sanction officielle. Après la capture d’York (Toronto) par les Américains, en avril 1813, Crooks et d’autres personnalités de la presqu’île du Niagara demandèrent au général de brigade John Vincent* de prendre des mesures strictes pour contrer la désaffection des civils. Crooks siégea plus tard au jury d’accusation qui trouva fondées les accusations d’activité séditieuse portées contre Jacob Overholser* et d’autres. Le 26 mai 1813, la famille Crooks, menée probablement par James, avait fui loin de la frontière. Elle vécut un temps à Thorold, où le deuxième fils de Crooks naquit en juillet. Pendant cette période, il demeura en service actif dans la milice.
Quand, en novembre 1814, Crooks réclama de nouveau, en vain, des emplacements de moulins sur la rivière Niagara, il espérait encore reconstituer son centre d’opérations dans la région. Toutefois, il s’était déjà installé dans le canton de West Flamborough, conscient sans doute du potentiel commercial de l’endroit et de la relative sécurité qu’il offrirait advenant d’autres hostilités. En quatre ans, faisant preuve d’une énergie et d’un ressort remarquables, il avait construit, le long du ruisseau Spencer, un moulin à farine, une scierie, un moulin à carder, un magasin général, une tonnellerie et une forge qui formaient un complexe et une petite communauté connus plus tard sous le nom de Crooks’ Hollow (près de la localité actuelle de Greensville). En 1818, il obtint un lot pour construire un quai à Coote’s Paradise (Dundas), dans la baie de Burlington (port de Hamilton), à quelques milles de son complexe florissant. Bientôt, il commença à s’occuper des affaires du district et de la province. Il reçut sa première commission de juge de paix en 1814 et il fut plus tard nommé président de la Cour des sessions trimestrielles du district de Gore, poste où il se distingua rapidement par sa détermination à faire transférer le siège du district de Hamilton à Dundas. En 1818, Crooks, Thomas Clark, Joseph Papineau* et George Garden* formèrent dans le Haut et le Bas-Canada un comité mixte pour améliorer la navigation sur le Saint-Laurent. Ils recommandèrent le creusage de canaux de dimensions comparables à ceux de l’état de New York. En 1820, Crooks fut élu avec William Chisholm député de la circonscription de Halton à la chambre d’Assemblée et, deux ans plus tard, il devint colonel du 1er régiment de milice du district de Gore.
En tant qu’industriel, Crooks était tout à fait conscient de la pénurie de capital d’exploitation qui sévissait dans le Haut-Canada et s’opposait à toutes les contraintes imposées à l’entreprise privée. Pour assurer le progrès, croyait-il, il fallait concilier l’intérêt public et les intérêts privés. Probablement à cause de ses solides antécédents commerciaux et de ses fortes tendances conservatrices, il fut nommé en 1822 membre du premier conseil d’administration de la Bank of Upper Canada [V. William Allan]. À l’Assemblée, il préconisait énergiquement le développement de l’industrie manufacturière du Haut-Canada et la multiplication des réseaux de transport, indispensables à la santé économique de la province. En 1823, il parraina le projet de loi autorisant la construction du canal de la baie de Burlington, dont il fut chargé à titre de commissaire [V. James Gordon Strobridge*]. La même année, pour encourager la production de biens d’exportation, il présenta un projet de loi qui autorisait l’importation en franchise de moulins à chanvre et d’autres machines des États-Unis. En outre, il présida un comité parlementaire qui examina les projets de loi propres à financer l’amélioration de la navigation intérieure.
Apparemment, Crooks ne se présenta pas aux élections générales de 1824 et de 1828, peut-être parce qu’il était préoccupé d’étendre ses opérations commerciales et industrielles. En 1822, Robert Gourlay* avait émis l’hypothèse suivante : « Les noms de la moitié des fermiers de Halton apparaissent probablement dans les livres de James Crooks [...] pour des marchandises qui leur ont été fournies à l’époque où les prix étaient élevés. » Pendant les années 1820, tout comme avant la guerre, Crooks avait un certain nombre de navires qui faisaient du commerce entre Montréal, Niagara et la tête du lac Ontario et qui exportaient surtout de la farine et de la potasse. En 1825–1826, encouragé par l’expansion du marché intérieur, l’imposition par le gouvernement britannique d’un tarif élevé sur le papier importé des États-Unis au Canada et la récompense de £125 offerte par l’Assemblée de la province, il ouvrit la première papeterie du Haut-Canada, son entreprise la plus ambitieuse et la plus novatrice. Cette initiative reçut un appui sans équivoque de William Lyon Mackenzie*, éditeur d’un journal dont Crooks avait été un des représentants. De plus, en 1825, il possédait plus de 1 000 acres de terres le long de la rivière Trent et, aux environs de 1828, il construisit un moulin à farine à l’endroit qui fut connu plus tard sous le nom de Crooks’ Rapids (Hastings). En 1834, il avait construit des moulins sur la rivière Speed, à l’ouest de Dundas, et son complexe du ruisseau Spencer comprenait alors, entre autres manufactures, une tannerie, une distillerie, une fabrique de potasse, une fabrique d’instruments aratoires, une fabrique de laine et une huilerie.
Pour rendre cette expansion possible, Crooks prit, de 1827 à 1835, sur ses propriétés du canton de West Flamborough des hypothèques qui totalisaient £23 500 et dont la plus grande partie venait de la Bank of Upper Canada et des fiduciaires de la Maitland, Garden and Auldjo, de Montréal. Peut-être à cause du fardeau financier que cela représentait, il passa beaucoup de temps à faire des pressions et des réclamations en vue d’obtenir une demi-solde pour le grade de major qu’il prétendait avoir gagné durant la guerre et en vue d’être dédommagé pour le solde des pertes subies pendant le conflit, notamment celle du Lord Nelson. (Ce n’est qu’en 1930 que les héritiers de Crooks furent dédommagés pour la perte de ce navire.) Il se rendit en Angleterre au moins une fois, en 1831, et à Washington deux fois pour faire valoir ses droits. Afin de dégager des capitaux importants, Crooks, dont la réputation de grand propriétaire terrien était connue même des capitalistes d’Angleterre, annonça en 1832 la mise en vente d’au moins 45 000 acres de terre réparties dans toute la province.
À la fin des années 1820 et pendant les années 1830, Crooks continua de défendre avec vigueur plusieurs projets qui visaient à mettre en valeur la région située à la tête du lac Ontario et à établir un système commercial favorable à ce développement. En 1826, il préconisa la liaison de la baie de Burlington et de la rivière Grand par canal. Quatre ans plus tard, il devint le premier président de la nouvelle société d’agriculture du district de Gore et entra au conseil d’administration de la Desjardins Canal Company [V. Peter Desjardins*]. En 1833, il fut l’un des instigateurs du grand projet qui visait à relier par chemin de fer Dundas à d’autres centres commerciaux de l’ouest du Haut-Canada. En janvier 1830, à Hamilton, lors d’une assemblée publique convoquée et présidée par lui, il avait défendu avec force contre tout empiétement des Américains le monopole accordé au Haut et au Bas-Canada par la loi britannique sur le commerce avec les Antilles anglaises et sur la navigation commerciale dans les eaux du Saint-Laurent. Quatre ans plus tard, dans le Gore Balance, il affirma avec vigueur que le Haut-Canada devait demeurer lié à la Grande-Bretagne, car les tarifs protecteurs de l’Empire donnaient aux produits de la province un « avantage décisif » sur les marchés britanniques.
Quand il fut réélu au Parlement comme député de Halton, en 1830, Crooks se trouvait vraiment aux plus hauts rangs de la hiérarchie sociale et industrielle de la province. Un an plus tard, il fut nommé au Conseil législatif, où il demeura jusqu’à sa mort. Sur la scène politique, il continua de consacrer une grande part de ses énergies à défendre des mesures commerciales propices au développement économique. Par exemple, en 1831, il appuya le projet de loi constituant juridiquement la Commercial Bank of the Midland District ; six ans plus tard, avec Absalom Shade*, il réussit à faire voter des crédits substantiels pour l’amélioration de la route reliant Dundas à Waterloo, le long de laquelle tous deux avaient des terres.
Quant aux questions partisanes qui soulevaient tant de passions sur la scène politique du Haut-Canada, Crooks rejetait non seulement le radicalisme, mais aussi le torysme extrême de l’élite dominante, largement anglicane, menée par le révérend John Strachan*. Au début des années 1820, devant une situation qu’ils attribuaient à un mauvais gouvernement tory, Crooks et William Lyon Mackenzie s’étaient associés étroitement, mais pour peu de temps. Par ailleurs, on peut largement définir la position de Crooks par son association durable avec William Morris, autre tory modéré et principal porte-parole des intérêts écossais sur la scène politique du Haut-Canada. En 1821, Crooks avait appuyé le mouvement qui, sous la direction de Morris et de John Beverley Robinson*, s’était opposé à ce que Barnabas Bidwell*, réformiste d’origine américaine, siège à l’Assemblée. Deux ans plus tard, Crooks se joignit à Morris pour présenter un projet de loi très contesté qui prévoyait que l’Église d’Écosse serait reconnue comme Église d’État, dans le Haut-Canada, avec l’Église d’Angleterre, et qu’elle aurait droit à une part égale des réserves du clergé. Ce projet de loi cristallisa l’opposition de Crooks et de Morris aux partisans de Strachan. Cependant, Crooks refusa toujours de pousser les demandes de l’Église d’Écosse au point qu’elles nuisent à celles des autres confessions. En 1822–1823, par exemple, il vota pour l’extension du droit de célébrer des mariages dans le Haut-Canada à d’autres Églises que la sienne et à l’Église d’Angleterre. Sa position sur les relations entre l’Église et l’État se trouva d’ailleurs d’autant moins confortable que, en 1827, sa fille Jane Eliza épousa le révérend Alexander Neil Bethune*, partisan de Strachan.
Une fois nommé au Conseil législatif, Crooks déclara souvent et avec éloquence que, dans le Haut-Canada, cet organisme garantissait le maintien de l’équilibre, caractéristique de la constitution britannique, entre l’exécutif, les fonctionnaires nommés et les députés. Les Canadiens, proclama-t-il en 1834 dans le Western Mercury, devaient « s’accrocher à [leurs] liens avec la mère patrie, comme à l’arche qui les protég[eait] » contre l’expansionnisme des États-Unis, qu’il soit ouvertement militaire ou politique. Il n’était favorable ni à la démocratie majoritaire, que semblaient préconiser bien des réformistes, ni à la tyrannie oligarchique, que, craignait-il, l’élite menée par Strachan tentait d’imposer, surtout pendant la vague réactionnaire qui suivit les désordres civils de 1837–1838. En janvier 1837, Crooks s’était opposé à Strachan à propos du projet de loi qui amendait la charte du King’s College parce que, à son avis, l’octroi d’une quantité disproportionnée de terres à cette institution et les crédits prévus pour le soutien des écoles de district nuiraient à l’établissement d’un réseau de « grammar schools gratuites ». Celles-ci, selon lui, seraient mieux à même de favoriser une concurrence ouverte et de donner des chances à tous dans la société. Mais le fait qu’entre 1839 et 1845 il inscrivit quatre de ses fils, dont Adam*, à l’Upper Canada College indique davantage qu’il demeurait un grand propriétaire terrien plutôt qu’il révèle ses opinions politiques.
À la fin des années 1830, l’importance de Crooks sur la scène politique atteignait son point culminant. Ce que l’on appelait le « parti écossais » du Conseil législatif, dirigé par Crooks et Morris (ce dernier était entré au conseil en 1836), s’opposa de nouveau à Strachan en 1839, lors de la présentation du Clergy Reserves Bill, projet de loi contesté qui prévoyait la répartition des réserves entre les diverses confessions religieuses, principe soutenu par Crooks. Adopté à l’Assemblée par une faible majorité, le projet de loi ne se heurta au conseil qu’à l’opposition de John Simcoe Macaulay et de Strachan, au début de mai, et leur défaite fit grand plaisir à Crooks. Pendant la même session toutefois, l’aile modérée du conseil ne réussit pas à le faire nommer à un comité mixte sur l’éducation à la place de Strachan ; la motion fut amendée, et c’est Macaulay qui fut choisi.
Même si Crooks, comme tant d’autres, condamnait publiquement l’esprit partisan qui régnait chez les tories comme chez les réformistes, il fut à maintes reprises poussé à s’aligner sur les positions de son groupe au Conseil législatif. En 1839, il soutint l’opinion exprimée par lord Durham [Lambton*] dans son rapport, à savoir que l’instabilité politique du Haut-Canada provenait de la suprématie exercée sur le gouvernement par le family compact, mais il n’était pas d’accord avec le remède proposé, c’est-à-dire le gouvernement responsable. Il était plutôt d’avis de raffiner le système constitutionnel des contrepoids, ce pour quoi il proposait la formation d’un Conseil exécutif qui compterait autant de membres que l’Assemblée et représenterait toutes les parties de la province, la création d’un tribunal de mise en accusation des responsables du gouvernement et la présentation conjointe de discours par l’Assemblée et le Conseil législatif. En instituant le gouvernement responsable, estimait-il, on ne ferait que remplacer un déséquilibre constitutionnel par un autre, où cette fois l’Assemblée en viendrait à dominer l’exécutif. En avril 1839, le conseil forma un comité composé de Crooks, John Simcoe Macaulay et Adam Fergusson*, un autre compatriote, pour étudier le rapport de Durham. Le 11 mai, dernier jour de la session, Macaulay déposa un rapport de façon détournée, sans avoir consulté Crooks ni Fergusson. Les modérés présentèrent une motion au conseil en vue de faire examiner cette procédure ; elle fut défaite, mais Crooks, Morris, Fergusson, Peter Adamson, John McDonald et Alexander Fraser enregistrèrent leur dissidence sur cette décision le 9 décembre.
Même s’il se disait favorable à l’union politique du Haut et du Bas-Canada, Crooks nourrissait à l’endroit des Canadiens français un profond mépris. Ce sentiment transparaît dans les propositions qu’il présenta plus tard en décembre sur cette union : situer le siège du gouvernement dans le Haut-Canada, n’employer que l’anglais dans les débats et travaux parlementaires et diviser les circonscriptions électorales du Bas-Canada de manière à assurer « aux habitants britanniques [de cette province] la représentation qui leur [était] due au sein de l’Assemblée de l’Union ». Il fut quand même nommé au Conseil législatif des provinces unies en 1841, mais les belles heures de sa vie politique étaient révolues. Quand, en 1843, lors du débat sur le transfert du Parlement de Kingston à Montréal, une majorité réformiste fut nommée au conseil, il vit là une érosion du pouvoir exécutif et, par conséquent, un relâchement des liens avec l’Empire. En novembre 1843, pour protester contre le rappel, par la majorité réformiste, des résolutions qui bloquaient le changement de capitale, Crooks, Adam Fergusson, William Henry Draper*, Levius Peters Sherwood*, Thomas McKay, Peter Boyle De Blaquière et sept autres conseillers quittèrent la salle du conseil, ce qui ne s’était jamais vu auparavant. Six ans plus tard, évoquant la part qu’il avait prise à la guerre de 1812 pour conserver à la province son statut de colonie britannique, Crooks se plaignit que le projet de loi pour l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion [V. James Bruce*] était un moyen de récompenser les activités séditieuses et prouvait que le gouvernement responsable était nécessairement un facteur de déséquilibre.
C’est à Queenston Heights que le fervent attachement de Crooks à sa mère patrie avait été soumis à son épreuve la plus importante. Pendant les années 1850, Crooks appuya avec enthousiasme la milice du Haut-Canada et se fit le champion d’une loyauté sans équivoque, surtout en tentant de conserver aux souvenirs de la guerre leur vivacité dans la conscience populaire. En 1851, au conseil, il se prononça en faveur de la remise de médailles aux anciens combattants de Queenston Heights, d’Ogdensburg et de Lundy’s Lane. Deux ans plus tard, il rédigea ses souvenirs de combattant et les remit à Thomas Maclear* pour une publication éventuelle dans l’Anglo-American Magazine, en guise de supplément aux articles de Gilbert Auchinleck sur la guerre. En 1857, Crooks préconisait encore le versement d’indemnités aux officiers de milice qui avaient servi pendant les hostilités.
Convaincu que l’attachement à la Grande-Bretagne était essentiel à la stabilité sociale et politique, Crooks soutenait avec autant de constance, à la manière d’un homme d’État, tout effort visant à instaurer l’harmonie sociale, religieuse et politique, conservant ainsi la vision pragmatique qu’il avait adoptée à maintes reprises depuis les années 1830. À l’instar d’Egerton Ryerson*, surintendant de l’Éducation et homme politique modéré, il s’opposait aux écoles confessionnelles. Ainsi, en 1855, il maintint devant le conseil que « la politique la plus sûre de tout gouvernement consiste à veiller à ce que tous ses sujets vivent en bonne intelligence [...] et, quelles que soient les différences qui existent entre eux quant aux formes de religion ou à toute autre matière, il est considéré comme bon que les jeunes [...] soient placés tôt et élevés ensemble dans des écoles publiques ». Pour une jeune colonie qui avait déjà connu une invasion étrangère, d’amères luttes politiques et religieuses, et une insurrection armée, il était urgent, se plaisait-il à répéter, de viser l’unité et la solidarité.
James Crooks demeura un homme d’affaires actif jusqu’au début des années 1850 ; à ce moment-là, l’approvisionnement de Crooks’ Hollow en eau avait diminué et la concurrence industrielle dans la région s’était intensifiée de beaucoup, en grande partie à cause du développement des chemins de fer. En 1851, le complexe de Crooks comprenait encore quatre moulins, une fabrique de vêtements, une distillerie, une tannerie, une tonnellerie et un atelier de construction mécanique. Plus tard dans l’année cependant, à l’âge de 73 ans, il vendit son usine de papier et ses moulins de Crooks’ Rapids. En 1860, il mourut dans sa maison de Crooks’ Hollow. Aujourd’hui, au ruisseau Spencer, il ne reste de son domaine commercial autrefois important que les ruines squelettiques d’un seul moulin à farine.
James Crooks est l’auteur de : Statement of the seizure of the British schooner Lord Nelson, by an American vessel of war, on the 5th June, 1812, 13 days before the late war with the United States, publié anonymement à Hamilton, Ontario, en 1841. Son compte rendu de la bataille de Queenston Heights, accompagné d’une lettre explicative adressée à Thomas Maclear, datée du 17 mars 1853, se trouve aux APC, MG 24, G39, et des photocopies sont disponibles aux AO, Miscellaneous coll., MU 2144, 1853, nº 14. Le compte rendu fut publié par la suite sous le titre de « Recollections of the War of 1812, from manuscript of the lace Hon. James Crooks », Niagara Hist. Soc., [Pub.] (Niagara-on-the-Lake, Ontario), nº 28 (s.d.) : 28–41.
AO, MS 75 ; MS 148, nº 3 (corr. concernant la réclamation du Lord Nelson) ; nº 4 (mise.), Crooks family genealogy ; MS 392, 20–108 (Hands family papers) ; MS 393, A-6-a, box 14, lettre de James Crooks, 3 juill. 1841 ; MS 503 ; MS 516 ; RG 21, Gore District, Flamborough West Township, census, 1842 ; RG 22, sér. 155, testament de Francis Crooks.— APC, RG 1, L3, 89 : C1/87, 89 ; 90 : C2/42 ; 97 : C9/38 ; 100 : C11/153 ; 104 : C13/77 ; 109 : C16/10 ; RG 5, A1 : 3784–3786, 3848–3849, 11290–11293, 11376–11379, 12207–12208, 12747–12752, 14333–14335, 18432–18434, 18677–18679, 19487–19489, 20353–20355, 25583–25585, 26313–26314, 26983–26991, 28159–28161, 28438–28441, 28466–28467, 28520–28521, 29004, 30268–30269, 31245–31247, 31439–31441, 31949–31952, 32077–32093, 32381–32382, 33478–33479, 34476–34478, 34716–34718, 35012–35020, 35804–35821, 36076–36078, 36218–36248, 38305–38308, 38312–38313, 38980–38986, 39570–39572, 40059–40090, 40717–40718, 41833–41834, 41918–41920, 42216–42217, 43116–43118, 43653–43660, 45441–45451, 46517–46520, 46524–46525, 46533–46536, 46706–46708, 46976–46978, 46988–46991, 49028–49031, 49413–49416, 50132–50133, 51944–51946, 54631–54632, 58460–58462, 60028–60030, 61825–61838, 62732–62740, 62857–62861, 63539–63543, 70710–70712, 72591–72595, 73804–73806, 74011–74014, 76003–76004, 77373–77377, 77465–77467, 83120–83125, 96573–96578, 96771–96774, 98428–98435, 120949–120950, 122401–122406, 128653–128656, 134076–134078, 139726–139729, 141645–141646 ; RG 8, I (C sér.), 108 :102–103 ;112 :72 ; 115B : 202 ; 115E :101, 189, 212 ; 115F : 94, 98, 103, 179, 254, 257 ; 272 : 85–87 ; 274 : 21, 23–24 ; 372 : 163 ; 1701 : 11 ; 1702 : 2, 288–291 ; RG 9, I, B5, 5 : 48 ; RG 19, 3740, claims 7, 8, 12 ; RG 31, A1, 1851, Flamborough (West) : 26 ; RG 68, General index, 1651–1841 : 425, 510.— GRO (Édimbourg), Kilmarnock, reg. of births and baptisms, 16 avril 1778.— HPL, Clipping file, Dundas biog., Crooks family papers, the Lord Nelson matter.— Ontario, Ministry of Citizenship and Culture, Heritage Administration Branch (Toronto), Hist. sect. research files, Hamilton-Wentworth RF.18 (« Upper Canada’s first paper mill, 1826 ») ; Northumberland RF.3 (« Founding of Hastings »).— PRO, CO 42/378 : 257–262 ; 42/393 : 248–249 ; 42/395 : 168–213 ; 42/473 : 113–116 ; 42/474 : 92–95.— QUA, William Morris papers.— Wentworth Land Registry Office (Hamilton), Abstract index to deeds, West Flamborough Township, concession 2, lot 5 (mfm aux AO, GS 1472).— Canada, prov. du, Conseil législatif, Journals, 1844–1845 : 52, 167 ; 1851 : 92 ; 1855 : 499 ; 1857 : 241.— Canadian Christian Examiner, and Presbyterian Magazine (Toronto), 3 (1839) : 157–158.— The correspondence of Lieut. 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David Ouellette, « CROOKS, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/crooks_james_8F.html.
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Auteur de l'article: | David Ouellette |
Titre de l'article: | CROOKS, JAMES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |