JOHNSTON, JAMES, homme d’affaires, journaliste et homme politique, né en Irlande ; décédé le 16 juin 1849 à Bytown (Ottawa).

James Johnston immigra au Canada en 1815 et loua une propriété à Bytown en mai 1827. Au cours des deux décennies suivantes, il fut au centre d’une série de conflits locaux, révélateurs des tensions ethniques et religieuses qui sévissaient dans la nouvelle ville. Forgeron de son état, Johnston travailla à Bytown comme marchand général et encanteur. Il acquit également des biens-fonds considérables tant dans la ville que dans les cantons environnants.

Dès ses premières années à Bytown, Johnston montra une vivacité et une pugnacité qui, jointes à son ironie mordante, allaient lui gagner une foule de partisans enthousiastes aussi bien que d’ennemis féroces. En mai 1831, au cours d’un épisode où se faisait jour l’animosité entre les civils et les militaires, Johnston et Alexander James Christie « bousculèrent et menacèrent » Joseph N. Hagerman, avocat des autorités militaires exploitant le canal Rideau, qui défendait en cour un groupe de soldats. Si cette action indiquait un accord entre Johnston et Christie, ce fut de courte durée car, au début de 1834, le petit encanteur irlandais se plaignit au lieutenant-gouverneur sir John Colborne* que « tous [ses] ennemis écossais » s’étaient joints au « très connu docteur Christie », dans l’intention de l’attaquer. Il allégua que les magistrats écossais faisaient montre d’un préjugé ethnique, plainte reprise quelques années plus tard par le seul magistrat irlandais de la région, Daniel O’Connor. Cependant, Johnston n’avait pas épargné O’Connor non plus. Orangiste, il prétendait que celui-ci, un catholique, n’usait de ses pouvoirs que pour punir ses ennemis. O’Connor répliqua en juillet 1835 que « ni ami ni ennemi ne [pouvaient] échapper » aux accusations de Johnston et que ce dernier était mû par la jalousie. Peu de temps après, dans les derniers jours d’octobre, des inconnus incendièrent la maison de Johnston.

À peine quelques mois plus tard, Johnston entreprit une carrière journalistique qui allait être brève. Lancé le 24 février 1836, son journal, le Bytown Independent, and Farmer’s Advocate, ne connut que deux parutions, mais elles suffisent à mettre en pleine lumière la personnalité et les préoccupations du rédacteur en chef. Johnston promettait de promouvoir les intérêts de « tout véritable Britannique – les Irlandais et leurs descendants venant en tête de liste » et refusait de « s’engager à plaire aux whigs ou aux tories ». Néanmoins, reconnu alors comme un réformiste, il se montrait critique envers Colborne, attaquait avec virulence le solliciteur général Christopher Alexander Hagerman et citait abondamment Marshall Spring Bidwell*. Certains de ses articles frôlaient la diffamation. Après deux numéros, il vendit ses presses à Christie, qui publia par la suite la Bytown Gazette, and Ottawa and Rideau Advertiser.

Comme il était prévisible, Johnston en irrita plusieurs par son agressivité et, au début de 1831, il fut la cible d’une série d’attaques brutales. Le 2 janvier, au cours d’une assemblée tenue pour l’élection du conseil du canton de Nepean, il fut, avec plusieurs autres, roué de coups. C’est Peter Aylen* qui avait provoqué la bagarre, alimentée par l’antagonisme religieux ; elle marqua une rupture entre celui-ci et Johnston, qui avait fait de l’action politique avec lui et était alors l’un de ses garants. La maison de Johnston fut prise d’assaut le 9 mars par un groupe de partisans d’Aylen (des Shiners) qui le croyaient mêlé à une tentative en vue de faire arrêter leur chef. Quelques semaines plus tard, le 25 mars, trois bûcherons, qui agissaient présumément pour le compte d’Aylen, tentèrent d’assassiner Johnston pendant qu’il traversait le pont Sappers. La victime fut grièvement blessée et on condamna par la suite ses assaillants à trois ans de pénitencier.

La carrière politique de Johnston fut tout aussi orageuse. En 1834 et 1836, il se présenta comme candidat réformiste dans la circonscription de Carleton. Défait par John Bower Lewis puis par Edward Malloch, il prétendit les deux fois qu’il y avait eu fraude électorale, mais on écarta ses protestations. L’animosité entre Johnston et Malloch demeura telle qu’à une audience de la Cour du banc de la reine, en avril 1840, ils se mirent à se quereller puis « se sautèrent dessus comme des enragés, versant le sang et déchirant leurs manteaux sans pitié ».

Johnston finit par se faire élire dans Carleton en mars 1841, après s’être retiré de la course dans Bytown en faveur de Stewart Derbishire*. Il avait centré sa campagne sur les abus de l’Assemblée précédente et sur la nécessité d’élire des hommes indépendants. Il avait promis de ne jamais devenir « le sycophante servile du gouvernement ni du peuple » et souligné les diverses injustices gouvernementales qui avaient nui à l’industrie du bois. Bien qu’il ait été protestant, c’est le catholique O’Connor qui avait proposé sa candidature, et l’élection dans Carleton se déroula dans un calme surprenant vu l’ampleur des préjugés nationaux et religieux à l’époque.

Durant ses années au Parlement, Johnston travailla à promouvoir les intérêts de la vallée de l’Outaouais et à mousser la candidature de Bytown au titre de futur siège du gouvernement. Même s’il intervenait peut-être trop souvent, il avait du talent pour les débats et, selon Derbishire, « connai[ssait] mieux les affaires et sa[vait] mieux frapper fort et viser juste que les trois quarts de la chambre ». Toutefois, son obédience orangiste déteignait de plus en plus sur son attitude politique. À la fin de 1843, il s’opposa à un projet de loi pour bannir les sociétés secrètes, ce qui provoqua une nouvelle rupture entre O’Connor et lui. Cela ne l’empêcha cependant pas d’être réélu aisément en 1844.

Même si Johnston avait entrepris sa carrière politique sous l’étiquette réformiste, il votait, dès les années 1840, comme un conservateur modéré indépendant. En outre, ami intime et compagnon de bouteille du député William Dunlop, il s’opposait avec constance au gouvernement responsable, qui selon lui menaçait l’intégrité des législateurs indépendants. Le 14 mai 1846, moins de trois mois après que Dunlop eut remis sa démission à titre de député pour devenir surintendant du canal de Lachine, Johnston quitta lui aussi son siège en disant que « l’ingratitude et la coercition constante des ministres lui étaient insupportables ». Le correspondant de l’Examiner de Toronto, cependant, voyait les choses d’un autre œil : « Ce pauvre Johnston se sent très dépaysé en chambre ; il ne se montre pas souvent, son compagnon l’ivrogne Dunlop étant absent. » Néanmoins, il se présenta le mois suivant à l’élection partielle qui suivit sa démission, mais perdit au profit de George Lyon*. Il fit campagne, encore une fois sans succès, en décembre 1847, et fut de nouveau assailli, cette fois par deux voyous sur la colline des Casernes.

Les dernières années de James Johnston furent difficiles, probablement parce qu’il buvait. À sa mort, il ne laissa dans le deuil que sa femme, Jane ; la valeur totale de sa succession s’élevait à un peu moins de £700. Malgré les controverses et les conflits associés à son nom, malgré la dissipation qui marqua la fin de son existence, il demeurait une figure populaire à Bytown. Même si ses funérailles n’eurent lieu qu’à quelques heures d’avis, « la plus grosse [foule] que l’on [eut] jamais vue à Bytown », rapporta le Packet, qui l’avait combattu, « accompagna les restes de M. Johnston au cimetière – preuve suffisante, s’il en fallait, de la grande renommée dont il jouissait ».

Richard M. Reid

AO, MU 1858, nº 2366 1/2, ; MU 1860, nº 2526 ; RG 22, sér. 155.— APC, MG 24,19, 4 : 1100–1101, 1212–1213, 1281 ; MG 29, B15, 48, William Bell notebooks, book 8, avril 1840 ; MG 30, E78, 1, Daniel O’Connor à sir John Colborne, 13 juill. 1835 ; O’Connor à ——, 4 déc. 1844 ; RG 5, A1 : 75052–75054, 95252, 96076–96079.— Bathurst Courier and Ottawa General Advertiser (Perth, Ontario), 17 oct. 1834, 2 oct. 1835, 8 juill., 9 sept. 1836, 17 août 1838, 13 mars 1840, 26 mars 1841.— British Whig, 17 juin, 8 juill. 1834, 2 avril, 2 oct. 1835, 22 mars 1837.— Bytown Gazette, and Ottawa and Rideau Advertiser, 30 juin 1836, 27 sept. 1837.— Bytown Independent, and Farmer’s Advocate (Bytown [Ottawa]), 24 févr., 10 mars 1836.— Chronicle & Gazette, 18 janv. 1845.— Kingston Chronicle, 28 avril 1832.— Packet (Bytown), 27 nov., 11 déc. 1847, 24 juin 1849.— Illustrated historical atlas of the county of Carleton (including city of Ottawa), Ont. (Toronto, 1879 ; réimpr., Port Elgin, Ontario, 1971).— M. S. Cross, « The dark druidical groves : the lumber community and the commercial frontier in British North America, to 1854 » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1968), 376, 423, 452–453, 458–459.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Richard M. Reid, « JOHNSTON, JAMES (mort en 1849) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/johnston_james_1849_7F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique


Permalien: https://www.biographi.ca/fr/bio/johnston_james_1849_7F.html
Auteur de l'article:    Richard M. Reid
Titre de l'article:    JOHNSTON, JAMES (mort en 1849)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
Date de consultation:    2 déc. 2024