L’officier John Parr (1725–1791) ne put jouir tranquillement de sa retraite, car on le nomma gouverneur de la Nouvelle-Écosse en 1783. Son arrivée coïncida avec la fin de la guerre d’Indépendance américaine et l’arrivée massive de loyalistes. Responsable de leur bien-être, il dut assigner des terres, arbitrer des disputes, composer avec l’exode des colons noirs et, finalement, céder quelques pouvoirs après la création du Nouveau-Brunswick ainsi que d’un évêché de l’Église d’Angleterre. Mêlé à des querelles incongrues, Parr déclara : « Je suis entouré d’une quantité de scélérats fanatiques, diaboliques, sans principes, exigeants, désappointés, trompeurs et menteurs. »

PARR, JOHN, officier et administrateur colonial, né le 20 décembre 1725 à Dublin (République d’Irlande), fils de John Parr et d’ Eleanor Cléments ; il épousa en 1761 Sara Walmesley, et ils eurent trois fils et deux filles ; décédé le 25 novembre 1791 à Halifax.

On ne connaît rien des premières années de John Parr. En avril 1745, il entra dans l’armée britannique comme enseigne du 20e d’infanterie. Après son baptême du feu à Fontenoy (Belgique), la même année, Parr accompagna son régiment en Écosse pour aider à réprimer le soulèvement jacobite et fut blessé à Culloden. Quand James Wolfe* fut nommé lieutenant-colonel intérimaire du 20e en 1749, Parr devint peut-être son adjudant-major ; de toute façon, il existait des liens entre les deux hommes, qui, plus tard, valurent à Parr des faveurs ministérielles. Promu capitaine en 1756, Parr prit part à plusieurs engagements au cours de la guerre de Sept Ans, notamment à la sanglante bataille de Minden (République fédérale d’Allemagne), en 1759, où il fut gravement blessé. Après sa promotion au rang de major en 1763 et six années de garnison à Gibraltar, Parr obtint de l’avancement en achetant le grade de lieutenant-colonel du 20e en 1770. Six ans plus tard, il démissionna de l’armée juste avant l’embarquement pour Québec de son régiment qui faisait partie de l’expédition malheureuse de Burgoyne. En 1778, il mit à profit ses relations au sein du gouvernement pour obtenir la sinécure rémunératrice de major de la Tour de Londres.

Une retraite mouvementée 

En juillet 1782, grâce à l’influence de son protecteur, le comte de Shelburne, ministre de l’Intérieur (responsable aussi des colonies), Parr fut nommé gouverneur de la Nouvelle-Écosse, succédant à Francis Legge. Cependant, loin de trouver en ce poste une tranquille retraite, il dut immédiatement affronter la tâche immense et urgente de secourir et d’établir quelque 35 000 Loyalistes qui affluèrent en Nouvelle-Ecosse à la fin de la Révolution américaine. La population ayant plus que doublé du jour au lendemain, d’intolérables tensions se créèrent dans la machine administrative rudimentaire de la Nouvelle-Écosse, de même que dans l’approvisionnement en marchandises et en vivres. Au cours de l’hiver de 1782–1783, 10 000 réfugiés arrivèrent à Halifax, impuissants et dépourvus de tout. On dut réquisitionner des entrepôts, des hangars et des églises, retenir les navires dans le port et construire des baraquements improvisés sur les emplacements vacants.

Une fois la première urgence passée, Parr eut à placer les bruyants Loyalistes et les soldats licenciés sur des terres partout dans la province. Avec l’aide de l’arpenteur général Charles Morris*, fils, et d’une équipe d’arpenteurs et d’ingénieurs militaires surchargés de travail, Parr encouragea les nouveaux venus à s’établir dans les régions inhabitées, comme celle de Port Roseway, que Parr rebaptisa Shelburne en l’honneur de son protecteur, la vallée de l’Annapolis, l’embouchure de la rivière Saint-Jean et les rives de la baie de Passamaquoddy. Le mécontentement et les querelles éclatèrent bientôt. Le mode de concession des terres était mal ordonné et inefficace avec, en plus, les problèmes soulevés par les procédures compliquées, les retards dans l’arpentage, la masse de titres antérieurs et l’abondance de terres improductives. Plusieurs requérants loyalistes ambitieux, comme les Fifty-Five Associated Loyalists [V. Abijah Willard], cherchèrent à améliorer leur pénible sort en demandant de vastes portions de terre, mais Parr résista à ces sortes de pressions intéressées. Le règlement de quelque 6 200 demandes de concessions pour des terres pouvant atteindre une superficie de 1000 acres allait occuper les autorités de la Nouvelle-Écosse pendant plusieurs années.

Bien que l’immigration loyaliste apportât à Parr des responsabilités non recherchées, l’étendue de sa juridiction fut bientôt réduite de façon substantielle. Afin de satisfaire les aspirations des colons de la rivière Saint-Jean, la province du Nouveau-Brunswick fut détachée de la Nouvelle-Écosse, en 1784, et placée sous le gouvernement de Thomas Carleton*. La même année, l’île du Cap-Breton se vit accorder un gouvernement distinct sous la direction de Joseph Frederick Wallet DesBarres*, bien qu’il demeurât sous la direction générale de Parr. Deux ans plus tard, Parr n’eut plus que le rang de lieutenant-gouverneur à la suite de la nomination de lord Dorchester [Guy Carleton*] comme gouverneur général de l’Amérique du Nord britannique. Ces changements l’irritèrent beaucoup, même si les liens noués avec les frères Carleton, alors qu’il était dans l’armée, adoucirent quelque peu son ressentiment. De la même façon, la décision des autorités impériales de créer un évêché en Nouvelle-Écosse, en 1787, força Parr à se départir de quelques pouvoirs qu’il avait exercés jusque-là sur l’Église d’Angleterre, comme représentant de la couronne. Il conserva néanmoins suffisamment d’autorité sur les nominations aux bénéfices ecclésiastiques, l’affectation des postes missionnaires et les dispenses de bans pour causer, à l’occasion, des heurts avec l’évêque Charles Inglis*. Même si la longue controverse opposant Parr aux conseils de fabrique rivaux de Shelburne au sujet de l’érection de paroisses et du choix des ministres prit fin en 1787, Parr se querella avec Inglis l’année suivante à propos de la présentation d’un rector pour l’église St Paul de Halifax. Cette affaire ne se régla pas avant 1791.

Entre temps, la population de plusieurs des nouveaux établissements avait commencé à décliner en raison du départ des Loyalistes pour des territoires plus prometteurs de l’Amérique du Nord. Le changement le plus dramatique, à cet égard, survint à Shelburne : un canton passa de 8 000 âmes en 1784 à tout au plus une poignée d’habitants en quelques années. En 1792, 1 190 des 3 000 Loyalistes noirs quittèrent la province. Relégués au second rang dans le règlement de leurs demandes de terres, les Noirs entreprenants réagirent avec une sorte d’avidité à la mission de John Clarkson, envoyé par la Sierra Leone Company en 1791 pour faire du recrutement pour sa colonie d’Afrique occidentale. Parr n’apporta pas sa collaboration à cette mission, de crainte qu’à Londres on interprétât cet exode comme un signe de mécontentement à l’égard de son gouvernement. Ses craintes étaient justifiées car au cours des dernières années on avait blâmé ses attitudes et sa ligne de conduite face à l’établissement des Noirs en Nouvelle-Écosse. Thomas Peters, l’un des chefs noirs, avait critiqué Parr et ses fonctionnaires à cause de leurs pratiques discriminatoires et de leurs longs retards à établir les Loyalistes noirs dans la province ; à son arrivée, Clarkson formula de semblables plaintes. Le gouvernement britannique ordonna une enquête sur ces faits, mais Parr était déjà mort au moment où les enquêteurs soumirent leur rapport qui l’exonérait de tout blâme.

Parr était particulièrement sensible à l’opinion de ses supérieurs depuis qu’il avait encouru leur censure, en 1786, pour avoir tenté d’établir une industrie de pêche à la baleine à Dartmouth. Par suite de l’exclusion de l’huile de baleine américaine du marché britannique après la guerre d’Indépendance, Parr avait accueilli comme colons des quakers de Nantucket, menacés par cette mesure ; les perspectives d’une pêche florissante lui avaient alors semblé excellentes. Cependant, le gouvernement britannique décida que l’initiative de Parr détournerait, en faveur des citoyens américains, une aide financière destinée aux Loyalistes, augmenterait la concurrence coloniale à l’endroit des producteurs britanniques et faciliterait l’entrée illégale d’huile américaine en Grande-Bretagne sous les couleurs d’un produit colonial. Bien que déçu de ce refus, Parr appuya la décision impériale, d’une plus grande portée, de maintenir les navigation acts, avec le vain espoir de voir les habitants de la Nouvelle-Écosse supplanter ceux de la Nouvelle-Angleterre dans le transport et l’approvisionnement des Antilles.

Vers la fin de son gouvernement, Parr fut désagréablement compromis dans les querelles incongrues entre Loyalistes et colons qui perturbèrent à tous égards la vie de la Nouvelle-Écosse. Après leur victoire électorale de 1785, les Loyalistes s’appuyèrent sur leur nouvelle majorité à la chambre d’Assemblée pour attaquer dans leurs retranchements les fonctionnaires et les conseillers ; les intrigues partisanes visant à acquérir des postes et de l’influence revêtaient souvent un caractère constitutionnel, comme dans ce qu’on a appelé l’ « affaire des juges ». En 1787, deux aspirants avocats, Jonathan Sterns et William Taylor, accusèrent les juges puînés James Brenton* et Isaac Deschamps* d’incompétence et de partialité dans l’administration de la justice. L’Assemblée demanda une enquête, mais le conseil rejeta les plaintes comme étant « sans fondement et scandaleuses », et Parr repoussa les accusations sans hésitation. Personnage solitaire et isolé plutôt que partisan malléable, Parr, à cause de son expérience, de ses conceptions et de sa susceptibilité en ce qui regardait son autorité et sa dignité, était porté à prendre la défense du conseil et des fonctionnaires. Selon lui, les deux avocats cherchaient leur propre intérêt et étaient « fortement teintés d’un esprit républicain », et ils avaient pour seul objectif de remplacer les juges par leurs propres compères loyalistes. Dans une sortie typique, Parr déclara à Evan Nepean, sous-secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur : « Je suis entouré d’une quantité de scélérats fanatiques, diaboliques, sans principes, exigeants, désappointés, trompeurs et menteurs qui vivent à même un parti de leur propre création et qui sont éternellement à la recherche de fautes et se plaignent sans arrêt de leurs supérieurs au gouvernement. » Pendant que les membres loyalistes de l’Assemblée tournaient leur colère contre le conseil pour avoir refusé l’enquête, les deux avocats, rayés sans plus de cérémonie de la liste des avocats à cause de leur conduite, partirent pour Londres afin d’y plaider leur cause. Mais, en dépit d’un long séjour en Angleterre, ils n’obtinrent pas satisfaction ; en fait, ils durent plutôt faire d’humiliantes excuses avant d’être réadmis au sein du barreau de la province. Après leur retour, l’affaire connut une nouvelle flambée en 1790, alors que l’Assemblée, revigorée sous la nouvelle direction de Thomas Barclay*, discuta de l’opportunité de mettre les juges en accusation devant une haute cour de justice. Le débat traîna sans résultat jusqu’à la mort de Parr, alors que la nomination du loyaliste John Wentworth* au poste de lieutenant-gouverneur vint modifier cette scène agitée.

Le gouvernement de Parr coïncida avec une période de graves bouleversements et déchirures qui auraient pesé lourd sur les talents et l’énergie de n’importe quel administrateur. Un homme plus faible eût montré plus d’hésitation et d’incompétence ; un homme plus fort aurait peut-être fait preuve de plus d’adresse et de ressources. Austère, brusque et habitué aux privations lors de son service militaire, Parr ne déploya pas toute la sollicitude et la sympathie auxquelles les Loyalistes croyaient avoir droit, bien que nombre de leurs critiques à son endroit aient manifesté leur accablement, leurs frustrations et leur colère devant des circonstances pénibles. Petit homme aux traits accentués, à la démarche alerte et fière, il était à cheval sur l’étiquette et montrait l’entêtement irritable d’un esprit indépendant mais étroit, habitué depuis longtemps à la discipline militaire. Il n’avait pas non plus les manières engageantes ni les finesses de la bonne société qui l’auraient rendu plus populaire comme gouverneur de la colonie où lui-même se trouvait quelque peu désagréablement exilé.

Peter Burroughs

PRO, CO 217/56–63 ; 218/9 ; 218/20 ; 218/25–27.— APC Report, 1921, app.C, 37–40 ; app.E, 1–12.— N.-É., House of Assembly, Journal, 1782–1791.— Le Jeune, Dictionnaire, II : 410s.— Judith Fingard, The Anglican design in loyalist Nova Scotia, 1783–1816 (Londres, 1792), 173–180.— V. T. Harlow, The_founding of the second British empire, 1763–1793 (2 vol., Londres et New York, 1964), II : 295–297.— MacNutt, Atlantic provinces.— R. W. Winks, The blacks in Canada : a history (Londres et New Haven, Conn., 1971), 67–73.— Margaret Ells, Settling the loyalists in Nova Scotia, CHA Report, 1934, 105–109.— J. S. Macdonald, Memoir of Governor John Parr, N. S. Hist. Soc., Coll., XIV (1909) : 41–78.

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Peter Burroughs, « PARR, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/parr_john_4F.html.

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Auteur de l'article:    Peter Burroughs
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
Date de consultation:    21 déc. 2024