LEDRU (Le Dru), JEAN-ANTOINE, prêtre, né en 1752 en France, décédé en 1796 ou après.
Il semble que Jean-Antoine Ledru ait prononcé ses vœux dans l’ordre des Frères prêcheurs à Arras, en France. En 1773, il alla dans leur couvent de Paris où il resta jusqu’à l’hiver de 1774. La date de son ordination n’est pas connue. Il est probable qu’il quitta l’ordre et qu’il passa au clergé séculier ; il se peut néanmoins qu’il y soit demeuré et qu’il rejoignît un groupe de missionnaires dominicains dans les Antilles. Pendant son séjour en Amérique du Nord c’est en tant que dominicain qu’il a été connu.
Ledru arriva en Nouvelle-Écosse à l’été de 1786 ; le vicaire général Joseph-Mathurin Bourg l’envoya desservir la baie de Sainte-Marie et le cap de Sable. Cet automne-là, il entreprit une vaste tournée missionnaire sans la permission de ses supérieurs. À Shelburne, on le pria d’aller à l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard), où les catholiques se trouvaient sans prêtre depuis la mort de James MacDonald en 1785. Après avoir visité Arichat et Pictou, Ledru alla sur l’île juste avant le jour de Noël 1786 et passa l’hiver à la baie de Fortune. Au printemps suivant, il se rendit aux îles de la Madeleine et à l’île du Cap-Breton. Sa longue absence de la baie de Sainte-Marie ne semble pas l’avoir inquiété car il rendit visite à Thomas-François Le Roux à Memramcook, Nouveau-Brunswick, avant de regagner sa mission.
Après l’arrivée de Ledru en Nouvelle-Écosse, il y eut un échange de correspondance entre Bourg et l’évêque de Québec sur la validité de ses pouvoirs. Le fait qu’il était arrivé dans la région sans aucune lettre de recommandation de la part des dominicains avait soulevé quelques soupçons et, lorsque les paroissiens commencèrent à se plaindre de son irresponsabilité, la question se posa de savoir si c’était un imposteur. Quoique Bourg pût confirmer l’ordination en bonne et due forme de Ledru, Mgr Louis-Philippe Mariauchau d’Esgly ordonna, en 1787, qu’il fût congédié immédiatement d’Acadie. L’évêque estimait en effet que l’on ne pouvait pas compter sur Ledru étant donné son incapacité de rester au même endroit, ainsi que son manque d’honnêteté puisque, « sous les apparences de la probité & du zèle, [il] a enlevé, en l’absence des missionnaires, de grandes sommes d’argent au peuple trop simple, pour se défier de la supercherie ». Sans doute dut-il paraître encore moins prudent de continuer de donner asile à Ledru, vu les soupçons que le gouvernement britannique entretenait à l’égard des prêtres français venus d’ailleurs.
Ledru resta néanmoins en Nouvelle-Écosse jusqu’à la fin du printemps de 1788 et fut la cause d’un différend qui devait durer plusieurs années. À son retour à la baie de Sainte-Marie en 1787, il avait découvert que ses ouailles ne le considéraient plus comme leur prêtre. Par vengeance peut-être, il présenta une requête au lieutenant-gouverneur John Parr demandant que certains vases sacrés que détenaient des particuliers fussent donnés à l’église du cap de Sable. Les habitants de la baie de Sainte-Marie qui avaient aussi besoin de vases sacrés furent courroucés ; cette controverse au sujet de la possession des vases ne prit fin qu’en 1806 lorsque l’évêque Joseph-Octave Plessis* donna officiellement gain de cause à la communauté de la baie de Sainte-Marie, où les fidèles étaient plus nombreux.
En 1789, Ledru accepta d’être nommé à Kaskaskia, au pays des Illinois. Il y arriva en septembre, et en l’espace de quelques mois il commença à inquiéter son évêque, John Carroll, de Baltimore. En effet, ce dernier n’avait reçu aucune lettre de France témoignant de la bonne vie et des mœurs de Ledru et autorisant son séjour en Amérique du Nord ; par contre, il avait reçu de troublantes nouvelles quant à son activité en Acadie. Pendant ce temps, Ledru, trouvant que la dîme à Kaskaskia n’était pas un moyen d’existence suffisant, avait accepté une offre plus tentante, celle d’aller à St Louis (Missouri), alors en Louisiane espagnole. De là il se vit forcé de partir, sans doute à l’automne de 1793, après s’être querellé avec le commandant, selon lequel Ledru avait « mecontenté Ces Paroissiens par un interest et un Commerce qui lui donnent proces avec tout le monde, de plus les vexant pour un Casuel outré dans toute les Ceremonies de son ministaire ». Vraisemblablement, Ledru passa l’hiver au fort Saint-Joseph (Niles, Michigan), avant de se rendre à Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan) où il exerça son ministère sans autorisation et où son nom apparaît dans les registres de baptême de mai à juillet 1794. Il alla alors à Détroit, avec l’intention de continuer vers le fort Érié (Fort Erie, Ontario) mais le gouverneur général lord Dorchester [Carleton*] avait reçu des rapports peu rassurants sur ses sympathies républicaines et, en juin 1794, il recommanda au lieutenant-gouverneur Simcoe* du Haut-Canada de lui en refuser l’entrée. Ledru dut rester à Détroit où il fut contraint de compter sur les rations du commandant. Pendant la période délicate qui précéda la signature du traité Jay entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, en novembre 1794, les Britanniques s’inquiétaient de l’agitation républicaine aux alentours des postes de l’Ouest, surtout ceux qui se trouvaient près de la frontière du Haut-Canada. Les autorités avaient l’intention de renvoyer Ledru à Michillimakinac mais, comme il n’y avait pas de bateau disponible, il fut envoyé au fort Érié. « S’il est mal intentionné ou si ses principes sont jugés républicains, écrivait le commandant à Détroit, ce n’est absolument pas l’endroit qu’il faut pour souffrir qu’il y reste. » En septembre, Dorchester s’assura le transfert du révérend Edmund Burke* à la rivière Raisin, au sud de Détroit, « expressément pour neutraliser les machinations des émissaires jacobins ». Bien que l’on ne sache pas clairement si Ledru se rendit dans la région de la rivière Raisin, le gouverneur général s’était peut-être ému de la requête des habitants voulant que Ledru soit leur prêtre.
En octobre 1794, Ledru reçut de Simcoe un ordre officiel de bannissement pour s’être comporté « d’une manière si malséante ». Il devait quitter le Haut-Canada en passant par Oswego, New York, et ne jamais revenir dans une province britannique, quelle qu’elle soit. Ses occupations ultérieures ne sont pas connues. Toutefois, dans une lettre à Mgr Hubert, évêque de Québec, en mars 1796, l’évêque Carroll remarquait à propos d’Edmund Burke que « des gens malintentionnés, et surtout un Jacobin apostat nommé le Dru, ont trouvé les moiens d’inspirer à certains officiers des troupes Américaines postées dans le voisinage du Fort de Détroit, des préventions contre ce prêtre ». Ceci laisse entendre que Ledru avait trouvé le moyen de retourner à Détroit. Il n’existe plus d’autres traces de lui. L’image que l’on se fait en général des missionnaires français en Amérique du Nord britannique ne correspond pas à celle qu’il projette car, partout où il était passé, il était entré en conflit avec les autorités.
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Della M. M. Stanley, « LEDRU (Le Dru), JEAN-ANTOINE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 23 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ledru_jean_antoine_4F.html.
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Auteur de l'article: | Della M. M. Stanley |
Titre de l'article: | LEDRU (Le Dru), JEAN-ANTOINE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 23 déc. 2024 |