BOURG, JOSEPH-MATHURIN, prêtre, spiritain, missionnaire et grand vicaire, né le 9 juin 1744 à Rivière-aux-Canards (près de Canard, Nouvelle-Écosse), fils aîné de Michel Bourg et d’Anne Hébert, et petit-fils d’Alexandre Bourg*, dit Belle-Humeur, décédé à Saint-Laurent, près de Montréal, le 20 août 1797.

Comme bien d’autres Acadiens de la Nouvelle-Écosse, Joseph-Mathurin Bourg et sa famille connurent la déportation en 1755. Il est probable qu’il fût d’abord déporté en Virginie, mais, dès 1756, il se trouvait en Angleterre. Sept ans plus tard, il passa en France, demeura à Saint-Suliac (dép. d’Ille-et-Vilaine) jusqu’en 1766, puis à Saint-Servan. L’année suivante, sous les auspices de l’abbé de l’Isle-Dieu, vicaire général de l’évêque de Québec en France, Bourg alla étudier la philosophie au séminaire du Saint-Esprit à Paris. Il reçut la tonsure le 27 mai 1769 et les ordres mineurs, le 9 juin 1770, en compagnie de son demi-frère et compagnon d’exil, Jean-Baptiste Bro*.

En 1772, sa troisième année de théologie terminée, Bourg partit pour Québec. Le 19 septembre, Mgr Briand l’ordonnait prêtre dans la chapelle de l’Hôtel-Dieu de Montréal. L’année suivante, il fut envoyé en mission auprès des Acadiens dispersés en Nouvelle-Écosse, qui comprenait alors le territoire actuel du Nouveau-Brunswick, et en Gaspésie. L’abbé Bourg s’établit à Tracadièche (Carleton, Québec) et son premier acte, daté du 3 septembre 1773, est inscrit aux registres de Bonaventure. Peu après, il parcourut toute la mission de la baie des Chaleurs et visita en plus Memramcook et Minudie. En juillet 1774, il se rendit à Québec où sa famille résidait depuis son retour de France. Mgr Briand profita probablement du passage de Bourg à l’évêché pour le nommer vicaire général en Acadie. À l’automne, Bourg visita une première fois les Acadiens de la rivière Saint-Jean et du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Quoique la région eût été desservie auparavant par Charles-François Bailly de Messein, quelques-uns de ces établissements acadiens n’avaient pas reçu la visite d’un prêtre depuis de longues années.

En 1778, l’abbé Bourg rendit un grand service aux autorités de la Nouvelle-Écosse en acceptant d’aller calmer les Indiens de la rivière Saint-Jean, car on craignait qu’ils ne se joignent aux troupes américaines. L’absence d’un missionnaire était une des causes du mécontentement des Indiens puisque, l’année précédente, des agents du gouvernement de la Nouvelle-Écosse leur avaient promis d’obtenir les services d’un prêtre. En décembre 1777, le lieutenant-gouverneur Mariot Arbuthnot avait écrit au gouverneur Guy Carleton*, le priant de demander à Mgr Briand d’envoyer l’abbé Bourg à Halifax. L’évêque avait accepté et Bourg se rendit dans cette ville en août 1778 pour y recevoir ses instructions. Le 24 septembre, accompagné de Michæl Francklin, surintendant des Affaires indiennes, et de Gilfred Studholme, commandant du fort Howe (Saint-Jean ; Nouveau-Brunswick), Bourg rencontra les Malécites et les Micmacs à Menagouèche, près du fort Howe. Il leur montra une lettre dans laquelle l’évêque de Québec menaçait d’excommunier tous ceux qui aideraient les rebelles. Un traité fut alors signé par lequel les Indiens promirent de rester neutres [V. Nicholas Ackmobish].

L’abbé Bourg continua de jouer le même rôle auprès des Indiens durant tout le reste de la guerre d’Indépendance américaine. En 1779, il se rendit à la rivière Saint-Jean et, en 1780 et 1781, il participa à différentes assemblées avec les Indiens. La correspondance de John Allan*, surintendant américain des Affaires des Indiens de l’Est, démontre bien que le missionnaire était d’un grand secours pour les Britanniques, désireux de conserver l’appui des Indiens. C’est ainsi que pour les services rendus l’abbé Bourg reçut, en août 1778, en plus d’une somme de £50, une pension de £ 100 – dont on ignore la durée – et les concessions de l’île Héron, sur la côte sud de la baie des Chaleurs, et d’un terrain où se trouve aujourd’hui la localité de Charlo. Comme l’abbé Bourg ne reçut jamais ses titres de propriété, ses héritiers connurent beaucoup d’ennuis, l’arpenteur George Sproule* contestant leur droit de propriété, en 1806, parce que la terre n’avait pas été cultivée.

L’abbé Bourg résida à Tracadièche jusqu’en 1784, visitant annuellement, de 1780 à 1783, le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. En 1784, Mgr Briand lui demanda de se rendre à Halifax pour y exercer son ministère auprès des catholiques dont le nombre avait augmenté et qui réclamaient un pasteur depuis 1782. L’évêque estimait que cette ville deviendrait un des postes les plus importants du diocèse de Québec et, de ce fait, le lieu de résidence approprié pour son vicaire général qui, d’ailleurs, parlait l’anglais. Le missionnaire ne put s’y établir avant le 1er août 1785 et, à son arrivée, il fut bien accueilli par les autorités civiles. Avec la venue, 27 jours plus tard, d’un prêtre irlandais, l’abbé James Jones*, Bourg reconnut que les habitants ne pouvaient assurer la subsistance de deux prêtres. Il décida de confier à Jones la charge de la paroisse qu’il quitta en février 1786 pour retourner à la baie des Chaleurs après avoir visité une dernière fois les Acadiens de la Nouvelle-Écosse. À cause du manque de prêtres de langue française dans le diocèse de Québec, les Acadiens de la Nouvelle-Écosse seraient désormais desservis par des prêtres de langue anglaise jusqu’à l’arrivée de Jean-Mandé Sigogne*, en 1799.

Dès 1784, Mgr Briand avait pensé remplacer l’abbé Bourg à Tracadièche par l’abbé Thomas-François Le Roux, mais ce dernier dut rester à Memramcook à cause de son grand âge. Cependant, lorsque l’abbé Bourg revint à la baie des Chaleurs, il trouva à la tête de sa mission un jeune prêtre, Antoine Girouard*, que Mgr Louis-Philippe Mariauchau d’Esgly y avait envoyé en 1785. L’évêque de Québec confia alors la rive nord de la baie des Chaleurs à l’abbé Bourg et la rive sud, à l’abbé Girouard. Par contre l’abbé Bourg continua de s’occuper des Indiens de toute la mission et, peu après son retour, la New England Company, société protestante, lui offrit le poste d’instituteur auprès des Indiens à la baie des Chaleurs ; on ignore toutefois s’il acquiesça.

Durant l’hiver de 1789–1790, l’abbé Girouard, qui était malade, séjourna chez l’abbé Bourg et put observer la vie qu’il menait. Il adressa alors une lettre en latin au nouvel évêque de Québec, Mgr Hubert, lui décrivant la conduite imprudente de l’abbé Bourg avec Marie Savoye, sa servante âgée d’une quarantaine d’années, dont le vicaire général se prétendait parent. Reconnaissant qu’elle était bonne servante et bonne cuisinière, Girouard affirmait qu’elle régnait sur les affaires du presbytère et de la paroisse, et qu’elle était la cause de certaines querelles entre le missionnaire et ses paroissiens. Mgr Hubert adressa à l’abbé Bourg une remontrance, lui enjoignant d’être plus prudent ; le missionnaire s’y engagea. À la demande de son évêque, l’abbé Bourg reprit la direction de la rive sud de la baie des Chaleurs après le départ de l’abbé Girouard en 1790. Atteint d’une forte fièvre à l’hiver de 1794–1795, il eut des accès de délire durant lesquels il aurait « trop parlé » et tenu des propos antireligieux. Les paroissiens demandèrent alors un autre missionnaire et profitèrent de l’inactivité de Bourg pour éloigner la servante du presbytère. Une fois rétabli, l’abbé Bourg, tout en manifestant son mécontentement et en expliquant sa conduite à l’évêque, demanda son rappel en mars 1795. Il fut alors transféré à la cure de la paroisse Saint-Laurent, près de Montréal, et remplacé, à l’été, par les abbés Jean-Baptiste-Marie Castanet et Louis-Joseph Desjardins*, dit Desplantes. Bourg demeura curé de Saint-Laurent jusqu’à sa mort.

L’abbé Bourg s’était dépensé sans compter au service des Acadiens, particulièrement ceux de la baie des Chaleurs, à une époque où les missionnaires étaient rares. Les registres montrent qu’il était souvent en voyage dans sa mission et qu’il se rendit au moins cinq fois dans la région sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. En plus des secours spirituels qu’il apporta aux Acadiens, sa présence servit sans doute à leur redonner confiance. Acadien de naissance, il avait survécu au grand dérangement et, malgré cela, il avait eu de bonnes relations avec les autorités civiles anglaises. Sans être le premier prêtre né en Acadie, Bourg fut cependant le premier missionnaire acadien à y revenir après la dispersion.

Éloi Degrâce

AAQ, 12 A, C, 125–126, 135 ; D, 106 ; 20 A, II : 6 ; 210 A, I : 131–132, 173–174 ; 22 A, V : 307–308 ; 1 CB, I : 8 ; II : 2, 6, 10, 15–16, 22 ; CD, Diocèse de Québec, I : 72a ; 311 CN, VI : 1.— Archives de l’évêché de Gaspé (Gaspé, Québec), Casier des paroisses, Restigouche, Indiens de Restigouche à l’évêque, 4 janv. 1787.— ASQ, mss, 12, f.40.— N.B. Museum (Saint-Jean), Simonds, Hazen, and White papers, folder 20, item 40, William Franklin aux Indiens, 14 sept. 1778.— PANS, RG 1, 212, 21 août 1778.— Documentary history of Maine (Willis et al.), XVI ; XVIII.— Selections from the papers and correspondence of James White, esquire, A.D. 1762–1783, W. O. Raymond, édit., N.B. Hist. Soc., Coll., I (1894–1897), no 3 : 306–340.— Patrice Gallant, Les registres de la Gaspésie (1752–1850) (6 vol., [Sayabec, Québec, 1968]), [VI] : xxii-xxiv.— Le Jeune, Dictionnaire, I : 228s.— Antoine Bernard, Histoire de la survivance acadienne, 1755–1935 (Montréal, 1935), 37–54.— É. -P. Chouinard, Histoire de la paroisse de Saint-Joseph de Carleton (baie des Chaleurs), 1755–1906 (Rimouski, Québec, 1906).— A. A. Johnston, A history of the Catholic Church in eastern Nova Scotia (2 vol., Antigonish, N.-É., 1960–1971), I.— H. J. Koren, Knaves or knights ? A history of the Spiritan missionaries in Acadia and North America, 1732–1839 (Pittsburgh, Pa., 1962), 108–121.— Arthur Melanson, Vie de l’abbé Bourg, premier prêtre acadien, missionnaire et grand-vicaire pour l’Acadie et la Baie-des-Chaleurs, 1744–1797 (Rimouski, 1921).— Antoine Bernard, Les Acadiens en Gaspésie, L’Évangéline (Moncton, N.-B.), 31 juin–11 juill. 1932.— É.-P. Chouinard, À travers les régistres de Saint-Joseph de Carleton, Le Moniteur acadien (Shédiac, N.-B.), 10, 20, 27 janv., 10, 24 févr., 3, 7, 10, 31 mars 1899 ; L’abbé Joseph Mathurin Bourg, Le Moniteur acadien, 17, 24, 31 août 1899 ; Le premier prêtre acadien – l’abbé Joseph-Mathurin Bourg, La Nouvelle-France (Québec), II (1903) : 310–317, 403–411.— Éva Comeau, L’abbé Joseph-Mathurin Bourg, curé de Carleton en 1773, Revue d’hist. de la Gaspésie (Gaspé), IX (1971) : 239–242.— Placide Gaudet, Les premiers missionnaires de la baie Ste-Marie [...], L’Évangéline (Weymouth Bridge, N.-É.), 9 juill. 1891, [2].— J.-M. Léger, L’abbé Bourg, pacificateur des Indiens, Soc. historique acadienne, Cahier (Moncton), II (1966–1968) : 243–245.

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Éloi Degrâce, « BOURG, JOSEPH-MATHURIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bourg_joseph_mathurin_4F.html.

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Auteur de l'article:    Éloi Degrâce
Titre de l'article:    BOURG, JOSEPH-MATHURIN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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