WILLARD, ABIJAH, officier et fonctionnaire, né le 27 juillet 1724 à Lancaster, Massachusetts, second fils de Samuel Willard ; il épousa, le 2 décembre 1747, Elizabeth Prescott, de Groton, puis en secondes noces, en 1752, Anna Prentice, de Lancaster, et en troisièmes noces, en 1772, Mary, veuve de John McKown, de Boston ; décédé le 28 mai 1789 à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick.

La famille Willard, du comté de Worcester, Massachusetts, combina la possession de terres avec de longs états de service dans les troupes provinciales. Par suite de ses activités militaires, Abijah Willard fut mêlé deux fois à l’histoire canadienne. La première fois, ce fut entre 1745 et 1760, alors que le Massachusetts appuyait les efforts des Britanniques pour chasser les Français de l’Amérique du Nord. En 1745, Willard servit au siège de Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), à titre de capitaine dans le 4e régiment du Massachusetts, commandé par son père. Dix ans plus tard, il était capitaine dans le régiment provincial de William Shirley au siège du fort Beauséjour (près de Sackville, Nouveau-Brunswick). Pendant cette campagne, il tint un journal qui contient un compte rendu vivant de la déportation des Acadiens après la défaite française. Willard reçut du lieutenant-colonel Monckton l’ordre de rassembler les habitants français et de « brûler toutes les maisons qu’[il] trouve[rait] ». Il exécuta les ordres scrupuleusement, mais considérait les dommages causés par ses raids comme « quelque chose d’affreux ». Promu colonel après cette campagne, il commanda, en 1759 et 1760, un régiment sous les ordres du général Timothy Ruggles au fort Edward (aussi appelé fort Lydius ; aujourd’hui Fort Edward, New York) et au lac George (lac Saint-Sacrement, New York). La dernière année, son régiment faisait partie de la troupe de William Haviland qui contribua à la prise de Montréal.

Au retour de la paix, Willard se retira du service et, pendant 14 années, mena une existence tranquille en sa qualité d’un des propriétaires terriens les plus prospères de Lancaster. Toutefois, le débat de plus en plus acrimonieux, au Massachusetts, sur la politique coloniale britannique le ramena à la vie publique. Étiqueté comme tory à cause de ses longs états de service dans l’armée britannique, Willard devint naturellement la cible des injures publiques des opposants aux directives britanniques. En 1774, sa position devint plus difficile encore quand le gouverneur Thomas Hutchinson le nomma conseiller par bref de mandamus. Il fut arrêté par une bande d’émeutiers dans le Connecticut et emprisonné pendant cinq jours jusqu’à ce qu’il consentît à démissionner de son siège de conseiller. Mais la violence populaire ne put affaiblir l’engagement de Willard envers le gouvernement monarchiste en Amérique. Après la bataille de Lexington, Massachusetts, en avril 1775, il offrit ses services à l’armée britannique et reçut une commission de capitaine dans la Ire compagnie des Loyal American Associates. Quand les Britanniques évacuèrent Boston en mars 1776, Willard accompagna les troupes à Halifax, puis à New York. Le Massachusetts coupa officiellement ses liens avec ce fils loyaliste en incluant son nom dans le Banishment Act de 1778 et en confisquant ses biens en 1779.

Pour le reste de la guerre de la Révolution américaine, Willard agit comme assistant commissaire sur l’île Long, New York, mais ce n’est qu’en 1781, après un voyage en Angleterre, qu’il toucha un salaire régulier. Une fois l’indépendance américaine acquise en 1783, Willard se trouva mêlé à l’histoire canadienne pour une seconde fois ; il se prépara à émigrer en Amérique du Nord britannique et envoya son neveu Abel Willard en Angleterre pour défendre ses intérêts auprès des commissaires aux revendications des Loyalistes. Alors qu’il était encore à New York cet été-là, Abijah Willard, en compagnie d’autres personnes, tels Colin Campbell*, Ward Chipman*, Charles Inglis* et William Wanton, signa la requête controversée des Fifty-Five Associated Loyalists. Cette requête, dans laquelle les signataires exigeaient pour eux-mêmes des octrois spéciaux de 5 000 acres de terre en Nouvelle-Écosse, fut très mal vue par d’autres Loyalistes, et le fait que la signature de Willard apparaissait en tête de liste le rendit particulièrement vulnérable à la critique. Le gouvernement britannique ne fut pas d’accord avec cette critique ; les commissaires aux revendications louèrent explicitement la manière scrupuleuse avec laquelle Willard avait tenu ses comptes en temps de guerre et lui accordèrent une compensation de £2 912, de même qu’une pension annuelle de £150. De plus, nommé au Conseil exécutif de la nouvelle province du Nouveau-Brunswick, il détint ce poste jusqu’à sa mort.

Willard arriva à Parrtown (Saint-Jean) à l’automne de 1784. En plus d’assister à des assemblées occasionnelles du conseil, il ne prit pas une part bien remarquable à la vie publique du Nouveau-Brunswick. Il acquit un bon nombre de propriétés sur le côté ouest du port de Saint-Jean – la paroisse de Lancaster fut apparemment nommée d’après le lieu de sa naissance. Si les quelques documents personnels existant encore ne révèlent pas les raisons particulières pour lesquelles Willard devint loyaliste, sa position fut cependant assez typique des personnes au passé militaire et économique semblable au sien. Sa décision de devenir loyaliste lui causa de réelles difficultés financières, et il tint particulièrement rigueur à ses anciens voisins américains de ne pas avoir honoré leurs dettes d’avant la révolution. En conséquence de ces difficultés, il mourut insolvable. Sa troisième femme et trois enfants lui survécurent ; ils retournèrent tous au Massachusetts. On ne connait pas de portrait de Willard, mais on l’a décrit comme un homme « gros et ventru », d’un « maintien majestueux et [aux] manières pleines de dignité ».

Ann Gorman Condon

Le journal d’Abijah Willard a été publié : « Journal of Abijah Willard of Lancaster, Mass., an officer in the expedition which captured Fort Beauséjour in 1755 », J. C. Webster, édit., N.B. Hist. Soc., Coll., no 13 (1930) : 3–75.

Huntington Library, HM 497, Abijah Willard, journal and orderly book, 1755–1756.— Worcester County Registry of Probate (Worcester, Mass.), Ser. A, no 65 822, estate papers of Abijah Willard, 1816.— G. O. Dent, The loyalist Willards, Acadiensis (Saint-Jean, N.-B.), V (1905) : 157–165.

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Ann Gorman Condon, « WILLARD, ABIJAH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/willard_abijah_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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