Au plus fort de la guerre du Pemmican [V. Une implantation ardue marquée par une guerre privée (1812–1821)], Thomas Douglas, 5e comte de Selkirk, a cru que l’établissement d’une mission permettrait de stabiliser la jeune colonie et contribuerait à rétablir l’ordre. C’est dans ce contexte que les premiers prêtres catholiques se sont installés à la Rivière-Rouge, tel que le rappelle la biographie de l’un d’entre eux, Joseph-Norbert Provencher, futur évêque de la région :
En 1816, Selkirk et Miles Macdonell*, gouverneur d’Assiniboia, avaient demandé à Plessis d’envoyer un missionnaire à la Rivière-Rouge, dans l’espoir que la présence d’une mission solidifierait les assises précaires de la colonie. Catholique lui-même, Macdonell était sensible au fait que la majorité des nouveaux colons était des catholiques irlandais et écossais, et que la population métisse et canadienne de la région, formée d’anciens employés de la North West Company et de leurs familles, se composait elle aussi en grande partie de catholiques […]
Partis de Montréal le 19 mai [1818], Provencher, Dumoulin et Edge arrivèrent le 16 juillet au fort Douglas (Winnipeg), résidence du gouverneur d’Assiniboia, Alexander McDonell*, et furent accueillis chaleureusement par les catholiques de la colonie […] D’après les instructions de Plessis, les deux premiers objectifs de la mission étaient la conversion des « nations sauvages répandues dans cette vaste contrée » et le soin des « mauvais chretiens qui y [avaient] adopté les mœurs des sauvages ». Les missionnaires reçurent l’ordre spécifique d’apprendre les langues indiennes, d’instruire et de baptiser les femmes indiennes mariées à la façon du pays avec des Canadiens et de bénir ensuite ces unions. Ils devaient rester neutres dans le conflit entre les deux compagnies et enseigner « de parole et d’exemple le respect et la fidélité [...] au Souverain ».
Convertir et instruire les Amérindiens, évangéliser les habitants – notamment les Métis – et pourvoir à leurs besoins spirituels, s’assurer du soutien des autorités dans un contexte de concurrence entre confessions religieuses, voilà quelques-unes des responsabilités qui ont incombé aux missionnaires, tel William Cockran, de confession protestante, après la fin de la guerre du Pemmican en 1821 :
[Cockran] arriva dans la colonie alors que la situation de la mission de l’Église d’Angleterre et le développement de la Rivière-Rouge atteignaient un point critique. Le révérend John West*, qui avait fondé la mission en 1820, et le révérend David Thomas Jones* qui lui succéda en 1823, avaient établi la nature des relations de la mission avec la Hudson’s Bay Company et les missionnaires catholiques de Saint-Boniface (Manitoba). Il restait cependant beaucoup à faire. La principale tâche à laquelle Jones et Cockran durent s’attaquer fut l’évangélisation des nombreux Métis qui quittaient les postes de traite de l’arrière-pays pour venir s’installer à la Rivière-Rouge, surtout après la fusion, en 1821, de la Hudson’s Bay Company et de la North West Company.
Les rivalités entre catholiques et protestants ont marqué l’action missionnaire auprès des Amérindiens, comme le relate la biographie du missionnaire catholique Jean-Baptiste Thibault :
[En 1835], en l’absence de l’évêque, Thibault se montra sage et habile administrateur des missions de l’Ouest. La construction de la cathédrale de Saint-Boniface progressa et le rendement de la ferme appartenant à la mission augmenta. Il se révéla bon prédicateur, sans avoir le verbe trop dru. Surtout il expliquait bien ; Mgr Provencher appréciait cette qualité, lui qui estimait nécessaire qu’on christianise les Indiens par la persuasion et non « à la manière protestante », par des cadeaux. Les ministres des différentes confessions s’accusaient ainsi de faire la traite des âmes.
Pour en apprendre davantage sur le déploiement des missions et les relations entre les sphères religieuse et politique entre 1812 et 1870, nous vous invitons à consulter les listes de biographies qui suivent.