McCROSSON, THOMAS, homme d’affaires, rédacteur en chef et surintendant d’une école de réforme, né le 27 janvier 1827 à Strabane (Irlande du Nord), fils de Hugh McCrosson et de Catherine McCallum ; en novembre 1856, il épousa Déborah Elizabeth Parker (décédée en 1876), et ils n’eurent pas d’enfants, puis le 25 novembre 1879, à Penetanguishene, Ontario, Marie Lemoine, et de ce second mariage naquirent trois fils ; décédé au même endroit le 2 avril 1905.

Thomas McCrosson se dévoua pour l’Église catholique pendant la plus grande partie de sa vie. Bon nombre des renseignements personnels que l’on possède à son sujet proviennent d’une longue nécrologie rédigée par l’un de ses amis, le journaliste William Halley, et parue dans le Catholic Register. Selon ce document, McCrosson avait immigré au Bas-Canada en 1846, à l’âge de 19 ans, et s’était établi à Montréal, où il s’était fait chapelier. Une fois initié au commerce des fourrures, il s’était rendu en Europe pour ses employeurs. Au début des années 1850, il s’était installé à Toronto et avait ouvert sa propre maison de chapeaux et fourrures en face de la cathédrale St James.

Halley rapporte que McCrosson « s’empressait d’adhérer à tout mouvement voué au bien de ses compatriotes et coreligionnaires ». Fervent admirateur de Thomas D’Arcy McGee*, il fut associé, politiquement, à plusieurs chefs de file catholiques, dont Frank Smith. De 1877 à 1879, il fut rédacteur en chef et éditeur du Tribune, de Toronto, hebdomadaire qui « défendait les principes de [l’Ontario] Catholic League ». On peut présumer que, en lui confiant la surintendance de la Reformatory Prison de Penetanguishene, le 1er juillet 1879, le gouvernement libéral de l’Ontario, alors dirigé par Oliver Mowat, obéissait à des motifs politiques – le désir, peut-être, de nommer des catholiques à de hauts postes de fonctionnaire.

McCrosson doit sa place dans l’histoire au fait qu’il dirigea l’école de réforme jusqu’à la fermeture de celle-ci en 1904. À la nomination de ce nouveau surintendant, l’inspecteur des prisons de l’Ontario, John Woodburn Langmuir*, prit l’engagement de « révolution[ner] le régime en vigueur » afin que l’établissement de Penetanguishene ne soit plus une prison pour enfants mais « une véritable école de réforme ». En vue d’en éliminer « les défauts les plus criants » et d’y appliquer « les meilleures méthodes [...] celles qu’a[vaient] adoptées des spécialistes qualifiés de maisons bien administrées », McCrosson alla, à la demande de Langmuir, en mission d’observation aux États-Unis. Les instructions de ce dernier étaient précises. On appellerait « garçons » les détenus ou prisonniers et « surveillants » les gardiens ; au terme warden (directeur), trop sévère, on substituerait celui de superintendent (surintendant). L’établissement prit le nom d’Ontario Reformatory for Boys. McCrosson devait « tout faire » pour gagner la confiance des jeunes ; tout employé trop dur serait suspendu. On n’épargna rien pour que l’établissement ait moins l’air d’une prison. En signe de confiance, on accorda aux garçons un degré appréciable de liberté ; par exemple, ils pouvaient aller à l’église de la localité sous une surveillance minimale. Et, pour finir, le gouvernement adopta en 1880 une loi qui leur donnait la possibilité d’obtenir, grâce à un bon comportement, une rémission de peine et autorisait le surintendant à placer certains d’entre eux en apprentissage hors de l’établissement.

Presque tout de suite, Langmuir et McCrosson comprirent qu’ils avaient sous-estimé les difficultés. Bien des garçons profitaient de la latitude qu’on leur laissait pour s’évader. D’autres semblaient plus hostiles qu’auparavant. Puis, bientôt, peut-être à cause d’un retour à la discipline traditionnelle, la situation s’améliora. À compter de 1880, McCrosson dirigea l’établissement à peu près comme l’avait fait son prédécesseur, William Moore Kelly. En fait, ses problèmes étaient semblables, et ce fut un témoignage tout plein de désillusion qu’il présenta en 1890 devant la commission d’enquête sur les prisons et maisons de correction en Ontario, que présidait Langmuir. Quand les commissaires lui demandèrent si, sous le régime en vigueur, Penetanguishene pourrait un jour devenir une bonne école de réforme, il répondit : « non, jamais ». Appliquer un système de rémission fondé sur la bonne conduite était impossible, fit-il valoir, parce que le gouvernement fédéral usait avec restriction du droit de grâce et que les juges provinciaux avaient tendance à imposer aux garçons des sentences pour des périodes définies plutôt qu’indéfinies. La loi de 1880 qui autorisait des sentences indéterminées était, selon lui, « tout à fait inopérante ». Il admit qu’il était absolument impossible de classer les garçons et reconnut que lui-même ne notait pas régulièrement leur conduite. La formation industrielle visait avant tout à « maintenir l’ordre » dans l’établissement ; à leur départ, les garçons avaient « une connaissance très imparfaite d’un métier ». La région de Penetanguishene comptait tellement peu de bonnes terres cultivables qu’ils ne pouvaient guère apprendre le métier de cultivateurs. L’endroit où se trouvait l’école, admit-il, était un handicap : « nous restons ici douze mois par an sans voir personne qui s’intéresse aux pensionnaires ». Quant à l’article de la loi qui permettait de libérer les garçons en les plaçant en apprentissage, il était « pour ainsi dire lettre morte » parce que McCrosson n’avait « nul moyen de savoir qui [était] disposé à prendre des apprentis » ni de savoir ce qu’il advenait des garçons après leur libération.

Dans son rapport de 1891, la commission recommanda de faire de nombreux changements à l’administration de l’établissement de Penetanguishene, et notamment de le réinstaller dans une localité qui conviendrait mieux à ses besoins. Seulement un petit nombre de ces réformes furent réalisées et, chose surprenante peut-être, McCrosson demeura surintendant. Vers 1895, en raison de l’ouverture de quatre écoles industrielles dans la région torontoise et du prestige grandissant de la Children’s Aid Society de John Joseph Kelso*, qui offrait une solution de rechange originale à l’incarcération, l’établissement de Penetanguishene était sur son déclin. Pourtant, McCrosson ne connut pas que des échecs. De 1893 à 1902, il libéra 64 garçons en les plaçant comme apprentis, et 272 autres furent graciés. Selon l’historien Andrew Jones, près de 60 % des jeunes condamnés pendant cette période furent graciés ou mis en apprentissage avant d’avoir purgé toute leur sentence. Malgré ces efforts, l’école de réforme s’avéra incapable de concurrencer les nouvelles formes d’aide aux délinquants. En plus, on lui reprochait d’être de plus en plus coûteuse. Elle ferma donc ses portes en 1904.

Le surintendant Thomas McCrosson n’avait pas travaillé dans des conditions faciles. Même s’il affirmait croire en l’utilité de son établissement, il n’avait pu convaincre le gouvernement provincial d’en ouvrir un dans une localité qui aurait mieux convenu et d’y apporter des correctifs. Dépourvu de la formation que l’on exigerait bientôt de ceux qui faisaient un travail comparable, il avait néanmoins des opinions progressistes sur les causes de la délinquance. En 1890, il déclara à la commission qu’il doutait que l’hérédité ait été un facteur déterminant de criminalité, car au moins les deux tiers des délinquants qu’il connaissait avaient des parents « honnêtes, attentionnés, et réfléchis » – opinion que Langmuir qualifia de « remarquable ». Même John Joseph Kelso, pourtant hostile à l’école de réforme, gardait beaucoup de considération pour lui. De temps à autre, on lui avait reproché d’avoir été nommé pour des raisons politiques. En 1899, des membres de l’opposition conservatrice affirmèrent à l’Assemblée qu’il n’était qu’un personnage décoratif et qu’il faisait des campagnes électorales pendant que son assistant faisait tout à l’école de réforme. Il y avait là de l’exagération, mais Kelso lui-même disait que les nominations de personnel étaient « entièrement politiques ». Malgré plusieurs visites, il n’avait jamais vu un employé, « à part le directeur, qui ait semblé être le moindrement qualifié » pour son travail. Thomas McCrosson, concluait-il dans le bilan le plus révélateur que l’on ait de sa carrière de surintendant, était un « homme d’un bon naturel qui avait toujours un mot gentil à dire aux jeunes garçons [...] mais la situation lui échappait tout à fait. Il n’avait nommé aucun de ceux [qui travaillaient] sous sa direction, il ne pouvait pas les congédier, et l’expérience lui avait appris que [les] blâmer ou critiquer leur travail non seulement ne servait à rien, mais alourdissait son fardeau et ses anxiétés ; alors il faisait contre mauvaise fortune bon cœur et se taisait. »

Peter Oliver

AN, MG 30, C97 ; RG 31, C1, 1891, Penetanguishene.— AO, RG 22, Ser. 315, no 5196 ; RG 80-5, no 1879-010097.— Catholic Register, 6 avril 1905.— Irish Canadian (Toronto), 3 déc. 1879.— Northern Advance (Barrie, Ontario), 13 avril 1905.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Andrew Jones, « Closing Penetanguishene reformatory » : an attempt to deinstitutionalize treatment of juvenile offenders in early twentieth century Ontario », OH, 70 (1978) : 227–244.— Ontario, Commission appointed to enquire into the prison and reformatory system of Ontario, Report (Toronto, 1891 ; aussi publié dans Ontario, Legislature, Sessional papers, 1891, no 18) ; Legislature, Sessional papers, Annual reports of the Penetanguishene reformatory in the reports of the inspector of prisons and public charities, 1867–1881, et Annual reports of the inspector of prisons and reformatories, 1881–1904 ; Statutes, 1880, c.34.— R. B. Splane, Social welfare in Ontario, 1791–1893 ; a study of public welfare administration (Toronto, 1965).

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Peter Oliver, « McCROSSON, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 23 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mccrosson_thomas_13F.html.

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Auteur de l'article:    Peter Oliver
Titre de l'article:    McCROSSON, THOMAS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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