MERRITT, WILLIAM HAMILTON, soldat, marchand, promoteur d’entreprises et homme politique, né le 3 juillet 1793 à Bedford, dans le comté de Westchester, état de New York, fils de Thomas Merritt et de Mary Hamilton, décédé le 5 juillet 1862 à Cornwall, Haut-Canada.

Thomas Merritt, père de William Hamilton, avait combattu sous les ordres de John Graves Simcoe* dans le régiment des Queen’s Rangers durant la guerre d’Indépendance américaine ; après avoir vécu à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, de 1783 à 1785, puis en Caroline du Sud, il s’était installé dans l’état de New York. En 1796, il s’adressa à Simcoe pour obtenir une concession dans le Haut-Canada et, la même année, il s’établit au ruisseau Twelve Mile (St Catharines) où, en 1803, il fut nommé shérif du comté de Lincoln. En 1806, William Hamilton fréquenta une école dirigée par Richard Cockrel* à Ancaster et, plus tard, à Niagara. Cockrel, éducateur influent dans le Haut-Canada et arpenteur-géomètre, lui enseigna les mathématiques et l’arpentage. En outre, Merritt étudia quelque peu les humanités sous la direction du révérend John Burns, un ministre presbytérien de Niagara. En 1808, il augmenta ses connaissances en faisant un voyage aux Bermudes avec son oncle Nehemiah Merritt et en allant visiter des parents à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, où il fréquenta quelque temps une école dirigée par Alexander McLeod. De retour dans le Haut-Canada en décembre 1809, il se mit à cultiver ta terre de son père ainsi qu’un lot adjacent de 200 acres dans le canton de Grantham. Il ouvrit aussi un « magasin général » où il vendait des articles d’importation, ce qui lui permettait de se procurer des produits agricoles, du bois de construction, de la potasse et des peaux qu’il expédiait à Montréal.

Nommé lieutenant dans la milice de Lincoln peu avant le début de la guerre de 1812, Merritt fut mobilisé le 28 juin 1812 dans le 1er peloton des Niagara Light Dragoons. Il arriva à Sandwich (Windsor) le lendemain de la chute de Detroit, mais il prit part à la bataille de Queenston Heights. Quand le peloton fut licencié le 25 février 1813, Merritt s’occupa pendant quelque temps et avec succès de faire le commerce du bois. Le 11 mars, cependant, il fut nommé capitaine et reçut du brigadier général John Vincent* l’ordre de lever une troupe de 50 Provincial Dragoons. Bien que Merritt se plaignit à cette époque que ses hommes jouaient le rôle de « messagers et de plantons », la troupe fut envoyée en patrouille et participa à un grand nombre de batailles et d’escarmouches. La maladie empêcha Merritt de participer à la prise de Niagara et à la destruction par le feu de Buffalo, puis il combattit à Lundy’s Lane en juillet 1814 et tomba aux mains de l’ennemi. Il fut gardé prisonnier à Cheshire, dans le Massachusetts, jusqu’à la fin de la guerre. Durant son voyage de retour au Haut-Canada, Merritt s’arrêta à Mayville, comté de Chautauqua, dans l’état de New York, où il épousa en 1815 Catharine Prendergast, dont la famille avait vécu près de St Catharines avant la guerre ; quatre fils et deux filles allaient naître de ce mariage.

Merritt se lança alors dans toutes sortes d’entreprises. Il fut d’abord marchand à St Catharines, trouvant des débouchés à Niagara, à Queenston et à la station navale de la rivière Grand ; il vendait des « marchandises sèches », des articles d’épicerie, de quincaillerie, de poterie et des livres contre de l’argent comptant et des produits de la ferme. Il ouvrit également une agence immobilière, mais il ne fut pas, semble-t-il, un gros spéculateur foncier. En mars 1816, Merritt acheta une petite scierie et un terrain pour y construire un moulin au ruisseau Twelve Mile où il établit un moulin à blé peu de temps après. La même année, il exploita une source saline sur sa propriété et il construisit une fabrique de potasse ainsi qu’une petite distillerie. Après la fermeture de la station navale de la rivière Grand et à cause du marasme général qui suivit la guerre, Merritt concentra ses activités commerciales à St Catharines où il s’associa avec son beau-frère, Charles Ingersoll. La stagnation du commerce, la trop grande extension de leurs affaires et de mauvaises dettes les acculèrent à la faillite en 1819, mais ils finirent par régler tous leurs comptes en souffrance chez les grossistes de Montréal. Merritt put garder ses moulins et d’autres entreprises ; il conserva des intérêts dans ces établissements jusqu’en 1839.

Merritt se fit connaître davantage en tant que promoteur de la construction du canal de Welland qui allait relier les lacs Ontario et Érié. Il conçut vraisemblablement ce projet parce qu’il avait besoin d’eau pour faire tourner ses moulins du ruisseau Twelve Mile ; il envisageait de creuser un canal pour amener l’eau de la rivière Welland, laquelle prenait sa source dans le ruisseau Chippawa dont le point de partage se trouvait à deux milles de l’emplacement de ses moulins. Ce projet de relier la rivière Welland et le ruisseau Twelve Mile se transforma bientôt en celui, plus important, de construire un canal entre les deux Grands Lacs. Ce canal allait améliorer le transport sur le Saint-Laurent : il allait être un moyen économique et pratique d’éviter le portage des chutes du Niagara dans l’acheminement des produits agricoles de l’ouest du Haut-Canada vers Montréal et la Grande-Bretagne. En septembre 1818, Merritt fit un levé de terrain en compagnie de quelques personnes ; on constata par la suite qu’ils avaient sous-estimé de beaucoup la différence de niveau entre le ruisseau Twelve Mile et la rivière Welland. Peu après, Merritt et 74 personnes signèrent une pétition adressée à la législature du Haut-Canada afin d’obtenir que des travaux d’arpentage fussent effectués par « des hommes de science ». La pétition montrait également qu’on était conscient de la menace que constituait le projet américain de relier le lac Érié à la ville de New York au moyen du canal Érié et des rivières Mohawk et Hudson : « Le principal objectif des Américains semble être d’ouvrir une voie navigable jusqu’au lac Érié, objectif que notre canal, s’il est construit bientôt, peut contrecarrer en drainant la totalité des produits des régions de l’Ouest. » Le projet de Merritt était très avantageux sur le plan économique : la construction d’un canal reliant les lacs Érié et Ontario et l’aménagement de canaux sur le haut Saint-Laurent étaient les seuls moyens de redonner à Montréal son rôle prépondérant dans le commerce avec l’Ouest.

Les difficultés surgirent rapidement. L’opposition vint des gens qui avaient des intérêts à Niagara et à Queenston et qui allaient être acculés à la ruine par la perte du portage des chutes du Niagara. Des problèmes financiers et politiques se posèrent également. Le projet fut retardé par la crise économique, les propres difficultés de Merritt en 1818 et 1819 et l’immobilisme gouvernemental causé par le fait que le Haut et le Bas-Canada ne s’entendaient pas sur la façon de se partager le revenu douanier. Cependant, l’Assemblée du Haut-Canada fit avancer le projet en nommant un comité spécial qui, en février 1823, recommanda la construction d’un canal entre la baie de Burlington et la rivière Grand. Le choix de cet itinéraire était motivé par des considérations stratégiques plutôt qu’industrielles ou commerciales. Moins soucieux de la défense du pays que de l’aspect commercial du projet, Merritt comprit qu’il était nécessaire de former une compagnie privée même s’il avait d’abord prévu que le canal serait construit par le gouvernement. En 1823, il organisa des réunions locales afin de promouvoir son projet et il chercha à obtenir la création d’une société ; malgré l’opposition des gens qui avaient des intérêts à Niagara, la Welland Canal Company fut enfin instituée en vertu d’une charte octroyée par l’Assemblée du Haut-Canada le 19 janvier 1824.

Merritt eut alors pour tâche de mettre sur pied la compagnie, de recueillir des fonds et de recruter du personnel. C’est d’abord à York (Toronto) qu’il tenta d’obtenir des capitaux, se rendant compte qu’il lui fallait l’appui de l’establishment. John Henry Dunn*, le receveur général, souscrivit une somme d’argent et consentit à devenir président de la compagnie (consentement qu’il retira peu après). Le procureur général, John Beverley Robinson, promit son concours et John Strachan joua un rôle important parmi les partisans du projet. Après avoir gagné des appuis à York, Merritt prit la route de Montréal, s’arrêtant à tous les endroits où il pensait trouver des collaborateurs, notamment à Kingston, Gananoque, Prescott et Cornwall. Il reçut un grand nombre de promesses, mais il dut se rendre jusqu’à Québec avant de recueillir des souscriptions. Le montant des sommes réunies dans le Haut et le Bas-Canada était loin d’atteindre le capital social de £40 000. Forcé de s’adresser ailleurs, Merritt se tourna vers le gouvernement du Haut-Canada et les États-Unis. En août 1824, les administrateurs de la compagnie demandèrent à l’Assemblée de leur céder des terres incultes dans le canton de Wainfleet. Le lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland*, que préoccupait la question de la défense, transmit la demande à Londres en exprimant l’avis qu’il serait préférable de ne pas l’agréer. Il restait à Merritt le recours à des capitaux américains de source privée, et, en décembre 1824, il se rendit à New York où il rencontra John Barentse Yates qui lui avança une grande partie des fonds nécessaires. Jusqu’à son décès en 1836, Yates collabora étroitement avec Merritt à la construction du canal. Les actionnaires américains ne tardèrent pas à proposer de construire un canal de plus grandes dimensions afin de permettre le passage des sloops aussi bien que des autres bateaux.

La question des dimensions n’était pas réglée, mais les fonds étaient disponibles, et les travaux débutèrent le 30 novembre 1824. Des difficultés d’ordre pratique, cependant, créèrent le besoin de capitaux supplémentaires. En 1825, une loi dota la compagnie d’une nouvelle charte permettant de hausser la mise de fonds à £200 000 et d’agrandir le canal de manière à laisser passer les schooners ; il y était précisé que la section nord serait constituée par un bras du ruisseau Twelve Mile qui coulait sur les terres de Merritt. La loi de 1825 prévoyait un seul canal du lac Ontario au ruisseau Twelve Mile et, de là, deux branches : l’une formée par une tranchée profonde jusqu’à la rivière Welland et l’autre par une tranchée menant à la rivière Grand. Les travaux de construction progressèrent normalement jusqu’au 9 novembre 1828, alors que s’écroulèrent les parois de la tranchée profonde. L’entrepreneur avait atteint une couche de sable qui n’avait pas résisté au poids des hautes berges, et l’argent utilisé pour le creusage de la tranchée avait été dépensé en pure perte. Il fallut alors élever le niveau de l’eau dans cette tranchée et, pour ce faire, on aménagea un canal qui fut alimenté par un bassin obtenu en érigeant un barrage sur la rivière Grand. En dépit de ces difficultés, le 30 novembre 1829, deux schooners en provenance du lac Ontario empruntèrent la nouvelle voie maritime pour se rendre à Buffalo. Le canal était ouvert, de façon symbolique tout au moins. On termina la section de la rivière Grand vers la fin de l’année suivante. Entre 1830 et le mois de mars 1833, un canal fut creusé droit vers le sud depuis le canal d’amenée de la rivière Grand jusqu’au lac Érié, à Gravelly Bay (Port Colborne). Le projet de Merritt était devenu réalité.

Les difficultés d’ordre pratique et technique avaient accru les besoins financiers de la Welland Canal Company. Lorsque la chambre avait permis, en 1825, d’augmenter la mise de fonds, elle avait également résolu de prêter £25 000 à la compagnie, devenant ainsi l’un des plus importants participants au projet. En 1827, quand la compagnie s’était trouvée en situation précaire parce qu’on n’avait pas réussi à vendre les actions supplémentaires en Angleterre et aux États-Unis, l’Assemblée avait voté l’achat d’actions au montant de £50 000 et, au Bas-Canada, la législature avait acheté pour £25 000 d’actions. Au début de 1828, Merritt s’était rendu compte que la compagnie ne pourrait effectuer les travaux prévus pour le reste de la saison sans avoir reçu un montant additionnel de £50 000. Il fut alors proposé d’envoyer un agent en Angleterre pour obtenir une somme d’argent promise à certaines conditions par le gouvernement impérial en 1826 et devant correspondre au neuvième du coût de production présumé. Après avoir tenté en vain de recueillir des fonds à New York et à Philadelphie, Merritt prit le bateau à New York en direction de l’Angleterre le 16 mars 1828. La chambre des Communes avait affecté £50 000, cours d’Angleterre, à la construction du canal, et Merritt avait vendu le reste des actions à des spéculateurs anglais. Au cours de la même année, toutefois, l’effondrement de la tranchée profonde avait encore provoqué une crise financière. Divers expédients, tels que l’émission de titres provisoires et des emprunts, avaient permis de poursuivre les travaux. Néanmoins, lorsque le canal fut ouvert, dans l’état où il se trouvait au tout début, la compagnie était sérieusement endettée. Une fois de plus, l’Assemblée du Haut-Canada vota des crédits d’assistance financière. Comme le montant des fonds avancés par la province était de plus en plus élevé, on souleva bientôt la question de l’étatisation de la compagnie. Merritt se rendait compte que cette solution était inévitable, mais Yates estimait toujours que le capital privé allait permettre le remboursement complet des subventions et des prêts du gouvernement. En 1835, William Lyon Mackenzie accusa les administrateurs d’agir comme si le canal était l’affaire des tories et de nuire ainsi à Yates dans ses efforts pour recueillir des capitaux de source privée. La crise économique et les rébellions de 1837 retardèrent l’étatisation, mais la compagnie cessa d’être une entreprise privée en 1843 lorsque la chambre adopta une loi accordant des garanties de longue durée aux actionnaires.

Merritt pouvait se flatter d’avoir conçu le projet d’un canal, obtenu l’aide du gouvernement, levé des fonds et assumé la direction générale des travaux. Cependant, il voyait plus loin que la réalisation du canal de Welland : dès 1824, en effet, il rêvait d’établir un réseau de canaux sur le Saint-Laurent en commençant par les rapides situés entre Prescott et Lachine. Se qualifiant de « concepteur de projets », il avait fait paraître en 1832 une brochure proposant de normaliser les dimensions des canaux et de les placer sous l’autorité unique de la législature du Haut-Canada. Une fois que la construction de ce réseau de canaux serait achevée, on pourrait rendre les affluents du fleuve navigables, disait-il, en faisant appel à des compagnies privées comme la Grand River Navigation Company. De 1834 à 1857, Merritt fut membre du conseil d’administration et conseiller de cette compagnie qui, à l’aide des fonds recueillis parmi la bande des Six-Nations, améliora le transport sur la rivière Grand et donna aux habitants de la région un accès peu coûteux aux marchés. Là où il n’y avait pas de cours d’eau, il suggéra de construire des voies ferrées. En 1836, il faisait partie de la Niagara and Detroit Rivers Railway Company qui envisageait de construire une ligne entre Buffalo et Detroit. Ainsi, l’intérêt que Merritt portait à la construction des canaux ne l’empêcha pas de comprendre rapidement que les chemins de fer devaient occuper une place importante parmi les systèmes de transport au Canada. Comme il était plus économique, par exemple, que le transport du grain sur les lacs Supérieur, Huron et Michigan soit effectué par des navires de fort tonnage – qui pour cette raison ne pouvaient emprunter le canal de Welland – Merritt se chargea avec enthousiasme de promouvoir le chemin de fer de Welland (terminé en juin 1859) entre Port Dalhousie et Port Colborne. Le chemin de fer utilisa les installations des deux ports et, loin de faire concurrence aux canaux, il venait compléter ce service. En matière de transport, Merritt avait une largeur de vues indiscutable : il fut le promoteur du premier pont suspendu international sur la gorge de la rivière Niagara, qui fut ouvert à la circulation des voitures en 1849 et des trains en 1855, et il appuya, en 1850, le projet d’un chemin de fer entre Detroit et Halifax. Il ne se désintéressait pas, cependant, de la question des canaux et, en 1852, à St Catharines, il alla jusqu’à affirmer que des bateaux de 2 000 tonneaux (les bateaux de 1 000 tonneaux étaient rares à l’époque) allaient naviguer depuis le lac Supérieur jusqu’à l’Atlantique.

Les succès obtenus par Merritt en tant que promoteur de diverses entreprises dans le domaine des transports s’expliquent en bonne partie par sa participation à la politique, bien qu’il soit difficile d’établir à quel parti il appartenait. Il sympathisa avec Robert Fleming Gourlay après la guerre de 1812, mais il déclara s’être rallié au parti tory ; il fut magistrat du district de Niagara à compter de 1817 et il conserva son poste après l’Union. La politique permettait simplement à Merritt de faire avancer ses propres affaires et ses intérêts commerciaux. Lorsque les membres du « Family Compact » eurent le pouvoir, il les appuya, puis il quitta les rangs des tories et devint un réformiste modéré pour se conformer à la tendance qui dominait sous le régime de l’Union. Merritt entra à l’Assemblée du Haut-Canada comme député de Haldimand en 1832 et il fut réélu en 1834 et 1836 ; après l’Union, il représenta la circonscription de Lincoln (North Riding de 1841 à 1847 et Lincoln de 1848 à 1860). En 1860, il abandonna son siège à l’Assemblée et fut élu au Conseil législatif comme représentant de la division de Niagara. En 1844, il avait décliné l’invitation que William Henry Draper* lui avait faite à plusieurs reprises de se joindre à son ministère parce qu’il se considérait depuis longtemps comme un partisan de Robert Baldwin*. Merritt remplit les fonctions de président du Conseil exécutif, du 15 septembre 1848 au 7 avril 1850, sous le gouvernement dirigé par Baldwin et Louis-Hippolyte La Fontaine, et il s’occupa principalement des travaux publics et du commerce. Quand lord Elgin [Bruce] arriva au Canada en 1847, Merritt insista vivement auprès de lui sur la nécessité d’établir la réciprocité du commerce avec les États-Unis afin d’augmenter la vente des produits canadiens – qui n’étaient plus protégés depuis l’abolition, en 1846, des Corn Laws – et de tirer le meilleur parti possible du réseau de canaux. Les premières lettres d’Elgin au ministre des Colonies, lord Grey, montrent nettement l’influence de Merritt ; ce dernier, avec l’encouragement du gouverneur, se rendit à Washington en mai 1848 et en juin 1849 dans le but de hâter la signature d’un traité de réciprocité. Au mois de juin, Elgin était persuadé qu’en raison du fléchissement des affaires, il fallait choisir entre la réciprocité ou l’annexion. Merritt et La Fontaine, au début de septembre 1849, allèrent débattre cette question à Halifax avec les dirigeants de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, mais la réunion, de l’avis de Merritt, donna peu de résultats. Le 7 avril 1850, Merritt accepta le poste ministériel de commissaire en chef des Travaux publics ; cette fonction lui convenait fort bien et il s’efforça aussitôt d’accélérer la réalisation du réseau de canaux qui allait relier les eaux intérieures à l’océan. Le rapport qu’il présenta en 1850 était une savante étude du transport par voie d’eau.

Comme bien des gens de cette époque, Elgin tenait Merritt pour un visionnaire, mais il affirma à plusieurs reprises qu’il avait confiance en ses « idées larges ». Il déclara pourtant que Merritt, quoiqu’il fût « honnête », était « inconséquent » et « sans aucun scrupule dans sa façon de grouper les faits et les chiffres quand il avait quelque chose à prouver ». Par exemple, il était difficile de concilier l’engagement pris par Merritt de réduire les dépenses gouvernementales avec son désir pressant de compléter au plus tôt les travaux de canalisation de Cornwall et du Saint-Laurent. Elgin trouvait fallacieuse sa proposition d’imputer aux municipalités une grande partie des frais judiciaires qui étaient réglés à même le revenu général puisque cette mesure déplaçait les coûts au lieu de les supprimer. Afin de diminuer les dépenses, Merritt suggérait également d’abolir tous les ports d’entrée et de compter sur l’opinion publique pour neutraliser la contrebande, de réformer le système de la vente des terres, de réduire la liste civile et certaines pensions, et d’accorder à chaque ministère des indemnités fixes.

Le 11 février 1851, Merritt démissionna du Conseil exécutif ; plus tard, il expliqua son geste en disant qu’il avait toujours été frustré dans ses efforts pour réduire les dépenses de l’État et pour mettre en valeur et vendre les terres de la couronne en vue d’obtenir les fonds nécessaires à la construction des canaux et des chemins de fer. Il ajouta cette raison : « l’intérêt général s’est porté sur les chemins de fer et d’autres nouvelles entreprises, auxquelles on consacre librement les fonds publics, tandis que cette grande et importante voie de communication [le réseau de canaux du Saint-Laurent], dont les perspectives d’avenir du Canada dépendent dans une large mesure, a été presque abandonnée ». Il affirma, en outre, qu’il n’était lié à aucun parti politique. Il était donc disposé à soutenir les mesures qu’il jugerait propres à provoquer les changements nécessaires à la prospérité du pays. En 1854, il appuya l’abolition du régime seigneurial au Bas-Canada et des « réserves » du clergé dans le Haut-Canada. Même s’il ne siégeait plus au Conseil exécutif, il continua de promouvoir la réciprocité et, en 1852, il rédigea sur le sujet une requête adressée au gouvernement impérial. Le traité de réciprocité fut signé en 1854. Merritt s’occupa en outre, en 1852, d’obtenir le relevé des recettes et des dépenses de chacun des gouvernements de l’Amérique du Nord britannique afin d’évaluer les perspectives financières qu’offrait l’union des colonies.

Merritt connut des embarras pécuniaires dans les années 40 et 50, ce qui montre bien qu’il n’avait pas toujours du succès en affaires. Il siégeait au conseil d’administration de la Niagara Suspension Bridge Company, constituée juridiquement en 1846, de plusieurs petites sociétés ferroviaires dans la péninsule de Niagara, et de la St Lawrence Navigation Company. Étroitement associé à la Welland Railway Company à compter de 1852, il subit de lourdes pertes financières en 1859 ; il eut plus de succès avec la Niagara District Bank qu’il se chargea de mettre sur pied et de constituer juridiquement en société en 1841.

Intéressé aux affaires publiques, Merritt ne limitait aucunement ses activités aux domaines du transport et du commerce. En 1843, il visita les États-Unis afin de recueillir, à l’intention du gouvernement, les renseignements nécessaires à l’établissement d’un asile provincial d’aliénés. Il accorda son aide aux anciens combattants de la guerre de 1812 en obtenant des médailles à ceux qui avaient participé aux batailles de Detroit, de Crysler’s Farm et de Châteauguay, et il joua un rôle important dans l’érection du second monument de Brock à Queenston. Il participa activement aux affaires de l’Église d’Angleterre ; il contribua à la fondation de la Grantham Academy à St Catharines en 1829, et, en qualité de membre de la Refugee Slaves Friends Society, il aida les esclaves qui fuyaient les États-Unis dans les années 40 et 50. Vers la fin de sa vie, il appuya un mouvement visant à recueillir, en Angleterre et ailleurs, les documents relatifs à l’histoire du Canada et, plus particulièrement, aux Loyalistes. Grâce à son intervention, le comité de la bibliothèque du parlement, en 1860, employa son fils, Jedediah Prendergast Merritt, et George Coventry dans le but de réunir des pièces historiques. Cette première tentative en vue de constituer des archives nationales fut abandonnée en 1863, peu après la mort de Merritt ; cependant, elle donna naissance, en octobre 1861, à l’Upper Canada Historical Society qui compta Merritt parmi ses membres.

Infatigable, il travaillait durant de longues journées, même quand son état de santé le lui interdisait. Bien qu’il fût heureux en ménage, il passait beaucoup de temps loin de sa famille – sa femme, quant à elle, vivait très souvent chez ses parents à Mayville, dans l’état de New York. On peut constater à la lecture de leur correspondance et de leurs journaux qu’ils étaient tous deux des gens sérieux et n’avaient guère le sens de l’humour. Sans être en faveur de l’abstinence totale, Merritt était adepte de la tempérance. Il était considéré par ses contemporains comme un orateur « puissant et énergique », mais on affirma aussi que ses « attitudes [étaient] trop libérales – ses idées trop vastes – ses vues trop larges pour être comprises de tous ». Le sort voulut qu’il meure à bord d’un bateau dans le canal de Cornwall.

Merritt apparaît aujourd’hui comme l’une des grandes figures de l’histoire du transport au Canada. Toutefois, son vaste plan de canaux reliant les Grands Lacs au Saint-Laurent et à l’océan, enfin parachevé en 1849, fut bientôt concurrencé par la nouvelle technologie ferroviaire. En 1853, la législature de l’état de New York joignit divers tronçons de façon à assurer une liaison ferroviaire entre New York et Buffalo, et, au début de 1854, la ligne du Great Western reliait le pont suspendu de la rivière Niagara à Windsor. De même que le canal de Welland avait été défavorisé par la construction du canal d’Érié effectuée précédemment, le réseau des canaux des Grands Lacs et du Saint-Laurent souffrit de la concurrence des chemins de fer. En imaginant un réseau de transport par voie d’eau et par voie ferrée dans l’est du Canada, Merritt avait conçu un projet logique et pratique et y resta fidèle jusqu’à la fin. Son réseau de canaux n’apporta pas au Canada les avantages économiques qu’il en attendait, mais ce qu’il entrevoyait n’en était pas moins une préfiguration de la Voie maritime du Saint-Laurent qui fut ouverte en 1958.

J. J. Talman

William Hamilton Merritt est l’auteur des ouvrages suivants dont certains ne sont pas signés : A concise view of the inland navigation of the Canadian provinces [...] (St Catharines, Ont., 1832) ; A brief review of the revenue, resources, and expenditures of Canada, compared with those of the neighboring state of New-York [...] (St Catharines, 1845) ; Letters, addressed to the inhabitants of the Niagara District, on free trade, &c. (Niagara, 1847) ; Brief review of the origin, progress, present state, and future prospects of the Welland Canal (St Catharines, 1852) ; A lecture delivered before the Mechanics’ Institute of St Catharines, on the 21st day of January, 1857 (St Catharines, 1857) ; Journal of events principally on the Detroit and Niagara frontiers, during the War of 1812 (St Catharines, 1863). Cette dernière brochure a été aussi publiée dans Select British documents of the Canadian War of 1812 (Wood), III, 2e partie : 543–648.

APC, MG 24, E1.— PAO, Merritt (William Hamilton) papers (mfm aux APC).— Campaigns of 1812–14 : contemporary narratives by Captain W. H. Merritt, Colonel William Claus, Lieut.-Colonel Matthew Elliott and Captain John Norton, E. [A.] Cruikshank, édit., Niagara Hist. Soc., [Pubs.], no 9 ([Niagara-on-the-Lake, Ont.], 1902) : 3–20.— Canada, prov. du, Legislative Assembly, Journals, 1851, 1, app.T.— Coll. Elgin-Grey (Doughty).— Farmers’ Journal and Welland Canal Intelligencer (St Catharines, Ont.), 182(–1835.— St. Catharines Journal (St Catharines, Ont.), 1835–1862.— Chadwick, Ontarian families, I : 191–197.— H. G. J. Aitken, The Welland Canal Company : a study in Canadian enterprise (Cambridge, Mass., 1954).— J. P. Merritt, Biography of the Hon. W. H. Merritt [...] (St Catharines, Ont., 1875).— A. R. M. Lower, A half-forgotten builder of Canada (William Hamilton Merritt), Queen’s Quarterly (Kingston, Ont.), XLVI (1939) : 191–197.— D. C. Masters, W. H. Merritt and the expansion of Canadian railways, CHR, XII (1931) : 168–173.

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J. J. Talman, « MERRITT, WILLIAM HAMILTON (1793-1862) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 23 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/merritt_william_hamilton_1793_1862_9F.html.

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Auteur de l'article:    J. J. Talman
Titre de l'article:    MERRITT, WILLIAM HAMILTON (1793-1862)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
Date de consultation:    23 nov. 2024