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STEWART, CHARLES JAMES, ministre de l’Église d’Angleterre, évêque et homme politique, né le 13 ou le 16 avril 1775 à Londres, troisième fils survivant de John Stewart, 7e comte de Galloway, et de sa deuxième femme, Anne Dashwood ; décédé célibataire le 13 juillet 1837 à Londres.

Charles James Stewart passa ses premières années en Écosse, à Galloway House, domaine vaste et isolé qui appartenait à son père. On dit que son précepteur, le révérend Eliezer Williams, le savait « promis au plus brillant avenir ». En 1792, il s’inscrivit au Corpus Christi College d’Oxford, où il obtint une licence ès arts en 1795 ; quatre ans plus tard, l’All Souls College lui décernait une maîtrise ès arts.

On ordonna Stewart diacre de l’Église d’Angleterre en décembre 1798, à la cathédrale d’Oxford, et prêtre le 19 mai 1799, au même endroit. Le choix de sa vocation, comme son orientation subséquente, fut sans doute influencé par Williams, dont le père avait été converti par le méthodiste évangélique George Whitefield, et par sa sœur Catherine, lady Graham, une amie de William Wilberforce et une disciple d’Isaac Milner, deux autres évangéliques fort connus. En juin 1799, on affecta Stewart au rectory d’Orton Longueville (Orton), dont il allait demeurer titulaire jusqu’en 1826.

Stewart avait envisagé depuis longtemps de faire du missionnariat outre-mer, et son évêque, George Pretyman Tomline, le recommanda à l’évêque anglican de Québec, Jacob Mountain*, lorsque celui-ci séjourna en Angleterre à l’occasion d’un congé en 1806. Mountain l’affecta sans tarder à la seigneurie Saint-Armand, dans le Bas-Canada, et laissa même entendre qu’il pourrait lui succéder à l’épiscopat si lui-même obtenait la translation qu’il désirait tant. Toutefois, Mountain n’eut pas de nouveau poste, et c’est en qualité de simple missionnaire que Stewart débarqua à Québec le 27 septembre 1807. « De l’avis général, écrivait une sœur de l’évêque, un homme bien né et indépendant de fortune ne pouvait choisir une voie aussi exceptionnelle que s’il était un enthousiaste et un méthodiste. » Mais Stewart sut apaiser ces craintes au cours de rencontres avec plusieurs membres de l’élite québécoise, dont l’administrateur de la province Thomas Dunn*, John Hale, Herman Witsius Ryland et Jonathan Sewell. Après un arrêt à Montréal, où d’importants hommes d’affaires tels que William* et Duncan* McGillivray, Joseph Frobisher*, John Richardson*, James McGill* et Isaac Todd* le reçurent, il se rendit dans sa mission.

La seigneurie Saint-Armand, sur la frontière du Vermont, appartenait à Dunn. Un missionnaire de la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts, John Doty, l’avait visitée dès 1798 et, à compter de 1800, trois de ses collègues, James Marmaduke Tunstall, Robert Quirk Short* et Charles Caleb Cotton, installés dans la partie ouest, à Philipsburg, l’avaient desservie. Stewart, lui, s’établit dans l’est, à Frelighsburg. Il prit aussi en charge l’ouest de la seigneurie quand, en 1808, Cotton ouvrit une mission dans le canton adjacent, celui de Dunham.

Dès 1809, Stewart avait acheté un presbytère en rondins à Frelighsburg et fait bâtir un temple, dont il paya la moitié de la construction. On lui donna le nom d’église Trinity, et ce fut le premier endroit permanent où les anglicans des Cantons-de-l’Est purent assister au culte. La cérémonie d’inauguration attira un millier de personnes venues d’un peu partout. Deux ans plus tard, Stewart édifia près de Philipsburg une autre église qui devint elle aussi le lieu de rassemblement régulier de nombreux fidèles. Le succès exceptionnel de Stewart avait été bien vite connu à Québec. En juin 1809, la femme de Mountain écrivait à une amie : « Il a tout à fait modifié le caractère des gens [...] Il apporte son assistance pastorale à tous, d’une manière des plus judicieuses et exemplaires. J’aimerais bien que nous ayons 100 ministres comme lui. On dit qu’il est calviniste, mais c’est sûrement une accusation injuste. »

Stewart passait son temps à voyager, et pas uniquement dans la seigneurie. Chaque année il se rendait à Montréal, parfois en plus d’une occasion, et s’arrêtait en chemin pour donner le baptême, surtout à Caldwell’s Manor et à Christie Manor, connus aussi sous les noms de seigneuries Foucault et de Noyan, où il n’y eut pas de missionnaire résidant avant 1815. De 1808 à 1810, il alla aussi dans un canton voisin, Shefford ; en 1810 et 1813, il visita des cantons situés à l’est de Saint-Armand. En outre, il se rendait fréquemment au Vermont, et plus précisément à Sheldon, où il s’occupait d’une assemblée de fidèles.

Le travail pastoral de Stewart prenait de multiples formes. De 1810 à 1814, pour aider ses ouailles à méditer en son absence, il fit imprimer un certain nombre de ses sermons, qu’on distribua gracieusement à des centaines d’exemplaires. Vivement intéressé par l’éducation, il apporta son soutien financier ou moral à la construction de plusieurs écoles, que de nombreux élèves purent ensuite fréquenter à ses frais. En 1812, même s’il doutait quelque peu du jugement du ministre congrégationaliste Thaddeus Osgood*, il l’aida, en lui remettant des lettres d’introduction auprès d’amis influents, à recueillir de l’argent en Angleterre pour fonder des écoles, une société philanthropique et un hospice au Canada, ce qui lui valut la désapprobation de Mountain. Pendant la guerre de 1812, quand les troupes américaines pénétrèrent à deux reprises dans la baie Missisquoi et firent des ravages jusqu’à Frelighsburg, Stewart demeura auprès de ses fidèles pour apporter son aide aux victimes ; de plus, il organisa, par voie d’échange, la libération de miliciens des environs que l’ennemi avait capturés en octobre 1813. Observateur attentif de la région où il travaillait intensivement depuis sept ans, il publia en 1815 A short view of the present state of the Eastern Townships [...], qui décrivait succinctement, à l’intention des immigrants éventuels, le climat, la topographie, l’économie et la population de ce coin de pays. Il y encourageait l’accueil des immigrants américains, « sous bien des rapports [...] les meilleurs colons [que puisse avoir] un jeune pays », et affirmait que le plus sûr moyen de gagner leur loyauté était de leur garantir prospérité et bien-être.

En août 1815, libéré de ses obligations par l’ordination de James Reid, instituteur de Saint-Armand, nommé vicaire de l’endroit, Stewart partit faire une visite en Grande-Bretagne. Il consacra alors une bonne partie de son temps et de ses énergies à lever, avec l’autorisation de Mountain, un fonds de £2 500 pour la construction d’églises au Canada. En 1816, l’University of Oxford lui décerna, à titre honorifique, une licence et un doctorat en théologie. Puis, revenu dans le Bas-Canada en novembre 1817, Stewart constata que Reid se débrouillait fort bien dans Saint-Armand et décida de se consacrer à la population de Hatley, village situé à une cinquantaine de milles à l’est. En 1819, il ouvrait une église, et le presbytère était en voie d’achèvement. Comme auparavant, il parcourait les cantons voisins en encourageant sans relâche la construction d’églises, ce qui était alors devenu plus facile grâce au fonds qu’il administrait.

En 1819, Mountain et la Society for the Propagation of the Gospel chargèrent Stewart, à titre de missionnaire itinérant, de consolider la position de l’Église dans tout le diocèse. Or le Haut-Canada accueillait justement ses premières vagues d’immigrants, situation qui commandait un travail sur le terrain, comme il avait l’habitude d’en faire. Ses épuisants voyages se multiplièrent. Parti de Hatley en janvier 1820, il fit une grande tournée du Haut-Canada, de Hawkesbury à Sandwich (Windsor), en passant par Glengarry, Cornwall, Kingston, York (Toronto) et Niagara (Niagara-on-the-Lake). Lorsqu’il revint à son point de départ, en juin, il avait parcouru près de 2 000 milles. Toujours en 1820, il retourna en Angleterre puis, en 1821–1822, passa plus d’un an à voyager à travers le diocèse. En mars 1823, on l’envoya en Angleterre pour défendre les prétentions anglicanes au bénéfice exclusif des réserves du clergé, ces terres mises de côté pour subvenir aux besoins des ecclésiastiques protestants. En outre, il recueillit une nouvelle somme de £2 500 pour la construction d’églises et demanda au gouvernement de soutenir l’Institution royale pour l’avancement des sciences [V. Joseph Langley Mills*], dont il était depuis peu l’un des administrateurs. Après son retour dans le Bas-Canada, en novembre 1824, il fit une autre tournée des Cantons-de-l’Est ; il voyageait dans le Haut-Canada lorsque Mountain mourut, en juin 1825. Comme l’évêque avait toujours voulu qu’il lui succède, Stewart retourna en Angleterre en juillet et on le nomma évêque en novembre. Sa consécration eut lieu à la chapelle du Lambeth Palace le 1er janvier 1826.

Dès lors, Stewart voyagea plus que jamais. Son vaste diocèse, qui embrassait la région peuplée du Bas et du Haut-Canada, comptait 50 paroisses ou missions, autant de ministres et 63 églises. Entre le moment de son retour à Québec, en juin 1826, et son départ suivant pour l’Angleterre, en 1831, il alla dans le Haut-Canada chaque année, fit trois visites pastorales complètes de cette province, visita deux fois les missions de la rivière des Outaouais et des Cantons-de-l’Est et, ce que son prédécesseur n’avait jamais fait, parcourut la Gaspésie et la baie des Chaleurs. Pendant cette première moitié de son épiscopat, il conféra 30 ordinations, inaugura 17 missions et confirma 3 800 fidèles. À compter de 1830–1831, il passa ses hivers à York afin de suivre de plus près les affaires de l’Église dans le Haut-Canada, où les immigrants s’établissaient par milliers. En 1832, malgré l’épidémie de choléra, les ecclésiastiques se réunirent en grand nombre à Montréal et à York pour assister à sa visite pastorale. L’année suivante, il voyagea beaucoup à l’est d’York et, en 1834, il sillonna les Cantons-de-l’Est et le Haut-Canada.

Deux grands problèmes – la question des réserves du clergé et la réduction des subventions que versait le gouvernement à la Society for the Propagation of the Gospel au titre de la rémunération des missionnaires – compliquèrent singulièrement la tâche de Stewart même s’ils eurent pour effet positif de pousser l’Église coloniale sur la voie de la maturité. L’Église anglicane devait combattre sur deux fronts pour défendre ses vues quant aux réserves du clergé. L’Église d’Écosse affirmait avoir droit tout autant qu’elle au produit de la vente ou de la location des réserves, tandis que les membres des autres confessions, et même quelques laïques anglicans, rejetaient les privilèges des Églises établies et exigeaient qu’on sécularise les réserves au profit de l’instruction publique. Stewart soutenait consciencieusement la position anglicane, mais il n’avait pas l’esprit combatif et n’était pas un fin politique. Quoique membre des Conseils législatif et exécutif des deux colonies, il n’assista apparemment jamais aux réunions des conseils du Haut-Canada et ne parut qu’irrégulièrement aux réunions de ceux du Bas-Canada. Comme les pressions en faveur de la sécularisation des réserves étaient plus fortes dans le Haut-Canada, où celles-ci étaient plus étendues, c’est le combatif archidiacre d’York, John Strachan*, qui assumait la défense des anglicans, avec une agressivité qui ne plaisait d’ailleurs pas toujours à Stewart. Partisan de la coexistence pacifique avec les autres confessions, Stewart ne ménageait en fait aucun effort pour dédramatiser le débat, parce qu’il craignait que l’Église ne s’attire la vindicte publique et peut-être aussi parce qu’il comprenait que la société coloniale trouvait inacceptable qu’on privilégie une Église quelconque. Parer aux attaques lui semblait néanmoins essentiel, et il favorisa en 1827 le lancement à Montréal d’une revue diocésaine, le Christian Sentinel and Anglo-Canadian Churchman’s Magazine, dirigée pendant une partie de sa brève existence par Brooke Bridges Stevens*.

Les conséquences d’une éventuelle sécularisation des réserves du clergé semblaient d’autant plus graves qu’en même temps le gouvernement britannique songeait à ne plus verser de subventions à la Society for the Propagation of the Gospel pour le traitement des missionnaires. Depuis 1815, ces sommes constituaient la principale source de financement du travail de l’Église et permettaient de verser aux missionnaires un salaire annuel moyen de £200. Le gouvernement envisagea d’abord d’éliminer les subventions à compter de 1835 mais finalement, par suite des protestations de Stewart et de la société missionnaire, la rémunération des ecclésiastiques ne subit qu’une réduction d’environ 15 %. Dans le Haut-Canada, le produit de la vente des réserves du clergé remplaça les subventions de la société. Stewart eut aussi des motifs de s’inquiéter de son propre salaire, £2 600 par an auxquelles s’ajoutait une allocation de logement de £400. Ces sommes, comme le traitement d’autres membres du clergé, provenaient des fonds extraordinaires de l’armée, pratique combattue par le mouvement de plus en plus puissant qui, en Grande-Bretagne, réclamait une réforme parlementaire. En définitive, on garantit le versement des salaires, mais seulement jusqu’à la mort des bénéficiaires de l’époque.

Menacée ainsi de perdre ses revenus extérieurs, l’Église dut commencer à compter sur ses propres moyens. En janvier 1834, Stewart lança un premier appel aux anglicans du Canada afin qu’ils soutiennent financièrement leur clergé. En outre, pendant son épiscopat, l’Église coloniale vit naître un mouvement autonomiste : l’Established Clergy Association of Lower Canada fut formée à Montréal en 1831, puis on fonda d’autres organismes semblables ailleurs. Les pressions en faveur de la tenue de synodes diocésains auxquels participeraient des laïques commencèrent à se faire sentir dès 1836, même si le premier synode de ce genre n’eut lieu qu’en 1853. Stewart n’eut pas une part importante dans ces événements, mais il joua un rôle de catalyseur dans l’augmentation de la participation laïque au sein de l’Église. Ainsi la hausse de l’immigration et la baisse des fonds destinés aux salaires du clergé l’amenèrent à adjoindre aux ecclésiastiques des catéchistes auxquels il conféra le rang d’officiants laïques. D’abord sceptique, la Society for the Propagation of the Gospel subventionna quand même le programme, qui s’avéra l’une des plus fructueuses initiatives de Stewart ; en fait, par la suite, on ordonna prêtres dix officiants laïques.

Tout en s’occupant de ces nouveaux problèmes, Stewart ne délaissait pas ses premiers centres d’intérêt, l’éducation et les missions. Au moment de son sacre, les écoles du dimanche étaient sur leur lancée ; il y avait à Montréal, à Québec et à York des écoles nationales où l’on enseignait le catéchisme anglican et où les jeunes élèves étaient confiés à des moniteurs [V. Joseph Spragg] ; dans plusieurs écoles de l’Institution royale, l’Église d’Angleterre exerçait beaucoup d’influence. Stewart apporta un soutien personnel à une société d’écoles du dimanche formée en 1830 par son successeur au poste de missionnaire itinérant, George Archbold. Même s’il reçut le titre d’inspecteur officiel du King’s College quand cet établissement obtint sa charte en 1827, il laissa largement au fondateur, Strachan, le soin de s’en occuper. Par contre, nommé d’office directeur de l’Institution royale à compter de 1826, il lutta ferme pour mettre sur pied, à Montréal, le McGill College, dont l’assise financière (un legs de James McGill à l’Institution royale) était menacée par les principaux héritiers du donateur, François* et James McGill Desrivières, qui contestaient ce don en cour. Même si le litige était loin d’être réglé, l’inauguration du collège eut lieu le 24 juin 1829, et Stewart y prononça une allocution ; membre du conseil d’administration, il assista aux réunions tenues à Québec jusqu’en 1835. Cependant, ce fut en réalisant son désir de favoriser les vocations chez les coloniaux de naissance qu’il apporta sa principale contribution à l’éducation. En 1828, il ouvrit à Chambly, sur le Richelieu, un séminaire à la tête duquel il plaça un récent diplômé d’Oxford, Joseph Braithwaite ; on ordonna 12 étudiants pendant les dix années d’existence de l’établissement.

Pendant son épiscopat, le missionnariat fut l’autre grand souci de Stewart. Certes, il avait toujours été favorable à l’évangélisation des Indiens, mais ce furent les méthodistes du Haut-Canada, notamment John et Peter* Jones, et des catholiques comme Joseph Marcoux*, dans le Bas-Canada, qui le poussèrent à agir. Loin de leur envier leurs succès, il exhortait les anglicans à s’inspirer de la ferveur des méthodistes et demanda en 1827 à l’archevêque catholique Bernard-Claude Panet* un exemplaire de la grammaire et du dictionnaire agniers de Marcoux. En octobre 1830, à York, il présida l’assemblée de fondation d’une société de missionnariat auprès des Indiens qui, plus tard dans l’année, décida de s’occuper aussi des colons sans ressources ; elle dura huit ans. Une société semblable vit le jour à Québec en 1835 et une autre, par la suite, à Montréal.

L’aide aux œuvres missionnaires provenait surtout de la Society for the Propagation of the Gospel, mais Stewart devait faire campagne sans cesse, en Angleterre et au Canada, pour obtenir du personnel et des fonds. En 1834, il diffusa largement Address from the Bishop of Quebec to the British public, in behalf of the Church of England in Canada, ouvrage dans lequel il exposait les besoins de son diocèse. Inspiré par ce document, le révérend William James Darley Waddilove constitua l’Upper Canadian Travelling Missionary Fund, appelé aussi Stewart Missions, qui, au fil de ses 13 années d’existence, assura la subsistance d’au moins 11 missionnaires. Toujours à la suite de cet ouvrage, on fonda en Angleterre en 1835–1836 l’Upper Canada Clergy Society ; son but était de recruter des missionnaires en Grande-Bretagne et de subvenir à leurs besoins. Cette initiative laïque ne souleva pas au début l’enthousiasme de Stewart, qui avait des doutes sur son affiliation à l’Église d’Angleterre et sur ses relations avec la Society for the Propagation of the Gospel, et qui n’aimait pas non plus que des laïques fassent le choix des missionnaires. Aussi cette organisation ne commença-t-elle ses activités qu’en 1837 et n’envoya-t-elle ou ne payat-elle que six missionnaires avant de se dissoudre. Le recrutement du clergé fut tout de même un autre domaine où Stewart réussit assez bien : en 1837, le Haut-Canada comptait 50 ecclésiastiques anglicans et le Bas-Canada, 35. Leur nombre ne croissait pas aussi vite que la population, mais il était respectable étant donné les restrictions financières et les problèmes politiques que l’évêque affrontait.

Épuisé par ses longues années de labeur incessant, Stewart tomba malade à Toronto en avril 1835. Mountain avait déjà réclamé plusieurs fois une subdivision du diocèse pour alléger son fardeau, et Stewart avait fait de même en 1829 et 1831. Son état de santé le décida à faire une autre tentative, et il envoya en 1835 l’archidiacre George Jehoshaphat Mountain* en Angleterre. Celui-ci parvint à obtenir la création d’un poste d’évêque suffragant assorti du titre d’évêque de Montréal, mais aucune rémunération n’y était attachée ; après beaucoup d’hésitation, Mountain consentit à assumer cette charge et fut consacré en février 1836. Quand il revint à Québec, Stewart le chargea d’administrer le diocèse à compter du 17 septembre et, neuf jours plus tard, il s’embarquait pour l’Angleterre. Ses forces déclinèrent lentement, et il mourut à Londres en juillet 1837.

Sacré évêque au terme d’une vingtaine d’années d’expérience de la société coloniale, Charles James Stewart avait assumé ses fonctions dans une perspective différente de celle de son prédécesseur. Certes, il ne dédaignait ni les honneurs ni l’argent attachés à son poste et voulait bien défendre les privilèges de l’Église établie, mais le plus important pour lui était d’assurer le maintien et l’expansion d’une Église autonome qui vivrait en paix avec les autres confessions au sein d’une société pluraliste. Célibataire, bénéficiaire d’un modeste revenu personnel et d’un traitement intéressant, il était à l’abri des problèmes financiers et domestiques qui avaient assailli Jacob Mountain. Aussi pouvait-il voyager beaucoup et dépenser avec libéralité pour l’Église. Il subvenait entièrement aux besoins de certains missionnaires, avançait de l’argent aux ministres et aux catéchistes dans le besoin, payait ses voyages, les salaires et les dépenses de ses aumôniers, subventionnait le Christian Sentinel and Anglo-Canadian Churchman’s Magazine, contribuait généreusement à des sociétés philanthropiques et à des fonds de construction d’églises – et pourtant il laissa une belle succession à ses neveux et nièces et à leurs familles. Issu de la noblesse, Stewart jouissait d’une position avantageuse en Grande-Bretagne lorsqu’il s’agissait d’exposer les besoins de son diocèse au gouvernement ou à des particuliers. Contrairement à Jacob Mountain, personnage contesté mais au physique avantageux, Stewart était plutôt gauche d’allure et manquait d’éloquence en chaire, mais grâce à la simplicité et à la régularité de son existence, à son humilité, à sa bienveillance et à sa grande piété il était quasi universellement aimé et respecté. Le poète Adam Kidd*, dans quelques strophes simples, a dit qu’il était « le plus aimable et le meilleur des hommes ». Même Strachan, peu porté aux éloges, rendit un chaleureux hommage à son évêque défunt en septembre 1837. Infatigable et fervent, Stewart était un homme sage, doté de sens pratique, qui a accompli une œuvre digne d’inspirer la gratitude.

Thomas R. Millman

Une liste des publications de Charles James Stewart se trouve en appendice de l’ouvrage de T. R. Millman, The life of the Right Reverend, the Honourable Charles James Stewart, D.D., Oxon., second Anglican bishop of Quebec (London, Ontario, 1953). On y trouve également un portrait de l’évêque. Une publication de Stewart a cependant été omise dans cette liste ; il s’agit de A selection of psalms and hymns [...], parue à Montréal en 1808.

APC, MG 23, GIII, 3 ; RG 4, A1 ; RG 7, G1.— Bishop’s Univ. Library (Lennoxville, Québec), C. J. Stewart à Lucius Doolittle, 1828–1835.— EEC, Diocese of Montreal Arch., G. J. Mountain papers.— EEC-Q, 29 ; 32 ; 40 ; 44 ; 46–71 ; 81 ; 91–96 ; 103–105 ; 107 ; 109–116 ; 118 ; 123 ; 129 ; 330–331.— Holy Trinity (Anglican) Church (Frelighsburg, Québec), Doc. relatifs à l’établissement de la mission de Saint-Armand.— PRO, CO 42.— RHL, USPG Arch., C/CAN/Que., 4 : 370 ; C/CAN/Toronto, 4 : 501 ; journal of SPG, 29–43.— Ernest Hawkins, Annals of the diocese of Quebec (Londres, 1849) ; Annals of the diocese of Toronto (Londres, 1848).— SPG, [Annual report] (Londres), 1808–1812 ; 1814–1815 ; 1818–1819.— The Stewart missions ; a series of letters and journals calculated to exhibit to British Christians the spiritual destitution of the emigrants settled in the remote parts of Upper Canada, to which is prefixed a brief memoir of [...] Chas. James Stewart, lord bishop of Quebec [...], W. J. D. Waddilove, édit. (Londres, 1838).— Eliezer Williams, The English works of the late Eliezer Williams, M.A., vicar of Lampeter [...] with a memoir of his life, S. G. A. Williams, édit. (s.l., 1840).— Christian Sentinel and Anglo-Canadian Churchman’s Magazine (Montréal), 1er, 15 oct., 12 nov. 1830.— Church, 30 mars, 12 oct., 9 nov. 1839.— La Gazette de Québec, 1er oct.. 1807, 24 août, 21, 23 sept. 1836.— Missiskoui Standard (Frelighsburg), 12 sept. 1837.— Montreal Gazette, 27 août 1833.— Montreal Herald, 19 août 1815.— Quebec Mercury, 6 juin 1826, 11 juin, 17, 20, 22, 27 sept., 11 oct. 1836.— W. B. Heeney, I walk with a bishop (Charles James Stewart) (Toronto, 1939).— Lives of missionaries, North America : John Eliot, Bishop Chase, Bishop Seabury, Bishop Stewart, Rev. J. G. Mountain (Londres, [1862]).— T. R. Millman, A brief account of the life of the Honourable and Right Reverend Charles James Stewart, D.D., second lord bishop of Quebec (Édimbourg, 1948) ; Jacob Mountain, first lord bishop of Quebec ; a study in church and state, 1793–1825 (Toronto, 1947).— G. H. Montgomery, Missisquoi Bay (Philipsburg, Que.) (Granby, Québec, 1950).— A. W. Mountain, A memoir of George Jehoshaphat Mountain, D.D., D.C.L., late bishop of Quebec [...] (Londres et Montréal, 1866).— J. N. Norton, Life of Bishop Stewart of Quebec (New York, 1859).— C. F. Pascoe, Two hundred years of the S.P.G. [...] (2 vol., Londres, 1901).— Cyrus Thomas, Contributions to the history of the Eastern Townships [...] (Montréal, 1866).— T. R. Millman, « The Christian Sentinel and its editors », Montreal Churchman (Granby), 27 (1939), no 12 : 9–10 ; « The earliest collections of prayers printed in the Canadas for the use of members of the Church of England », 31 (1943), no 10 : 10–11 ; « Home missions in the old Diocese of Québec », 28 (1940), no 9 : 10–11 ; « Joseph Braithwaite and the Bishop Stewart Theological Seminary », 27 (1939), no 8 : 20–22 ; « Royal silver in the Church of England in Canada », 34 (1946), no 2 : 3–4 ; « Training of theological students in the old diocese of Québec », 27 (1939), no 4 : 16–19.— « Philipsburg, St. Armand West », Church Chronicle for the Diocese of Montreal (Montréal), 2 (1861–1862) : 167–173.— [James Reid], « Frelighsburgh », Church Chronicle for the Diocese of Montreal, 2 : 153–157.

Bibliographie générale

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Thomas R. Millman, « STEWART, CHARLES JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/stewart_charles_james_7F.html.

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Auteur de l'article:    Thomas R. Millman
Titre de l'article:    STEWART, CHARLES JAMES
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
Date de consultation:    18 mars 2024