KIDD, ADAM, poète, né vers 1802 à Tullynagee (Irlande du Nord), fils d’Alexander Kidd, fermier ; décédé le 6 juillet 1831 à Québec.

Selon son propre témoignage, Adam Kidd grandit dans une « chaumière » qui faisait partie d’une ferme de Tullynagee. Dans le village voisin de Moneymore, à l’« école du bon vieux Lawrence McGuckian », il étudie le latin et le grec, s’éprend des poètes Byron et Thomas Moore et décide de devenir ministre de l’Église d’Irlande ou instituteur. Cependant, il comprend bientôt que sa famille n’a pas assez d’influence pour lui obtenir un emploi. On ignore s’il part pour l’« Amérique » en 1818–1819 ou s’il travaille pendant six ans à la ferme de ses parents « jusqu’à ce que la situation de plus en plus désespérée de l’Irlande, alors opprimée, [le] force à chercher une maigre pitance en terre étrangère ».

En juillet 1824, Kidd se trouve à Québec ; il y gagne sa vie, peut-être comme instituteur, et le révérend George Jehoshaphat Mountain*, fils de Jacob Mountain, évêque de Québec, examine sa candidature de ministre au sein de l’Église d’Angleterre. Cependant, les Mountain appuient l’Église d’Angleterre dans son refus d’inhumer Byron, mort cette année-là, dans l’abbaye de Westminster, et s’attirent de ce fait la haine que Kidd voue à la « tartufferie plaignarde ». Au même moment, peut-être en raison de l’« inclination folle et fantasque » de Kidd pour une jeune Indienne à laquelle un de ses contemporains fait allusion, l’un des deux Mountain conclut qu’il n’est pas un candidat admissible à l’ordination.

Vers la fin de 1824, Kidd amorce sa carrière de poète. Sous le pseudonyme de Slievegallin, emprunté à une montagne proche de Tullynagee, il envoie des vers à plusieurs journaux bas-canadiens, en particulier à ceux qui sont liés au milieu irlandais. To Miss M-G- paraît dans le Quebec Mercury du 30 novembre 1824 ; pendant les trois années suivantes, Slievegallin collabore à ce journal ainsi qu’au Canadian Courant, and Montreal Advertiser et au Canadian Spectator de Montréal.

Peut-être par suite de son aventure présumée avec la jeune Indienne, Kidd ne se voit bientôt plus comme un barde irlandais célébrant sa terre natale et pleurant sur les injustices que subit son peuple, mais plutôt comme un ménestrel qui chante les beautés naturelles du Canada et soupire devant le malheur des Indiens d’Amérique du Nord, particulièrement ceux des États-Unis. Il prend des notes sur les récits de voyage de sir Alexander Mackenzie* et d’Alexander Henry aussi bien que sur les œuvres de Cadwallader Colden, John Gottlieb Ernestus Hackenwelder (Heckewelder) et William Tudor. Il remonte la rivière des Outaouais jusqu’à Bytown (Ottawa), où il admire les chutes Rideau. En 1828, il parcourt les rives du Saint-Laurent et du lac Ontario, visite les Mille-Îles en canot et observe les rainettes sur les bords de la rivière Moira, à Belleville. Il semble que cette année-là il voyage aussi dans l’état de New York, et il se rend peut-être à Philadelphie. Vers la fin de 1828, les renseignements qu’il a amassés sont assez complets et son inspiration est suffisamment nourrie pour qu’il compose un long poème intitulé The Huron chief, qui se déroule sur les rives des lacs Érié et Huron, qu’il n’a jamais vues. Au début de 1829, il essaie de vendre son poème à Montréal pour « une demi-couronne [...] lors de la souscription et [pour] une somme égale lors de la livraison ». Il l’annonce aussi dans l’Irish Shield, journal de Philadelphie auquel il collabore régulièrement ; nombre de ses poèmes et d’autres qui lui sont adressés seront repris dans des journaux du Bas et du Haut-Canada après avoir d’abord paru dans ce journal.

Kidd habite Montréal, probablement à la fin de l’automne et au début de l’hiver de 1829–1830, lorsque sort des presses un volume qui regroupe The Huron chief et 40 « poèmes divers », dont la plupart de ceux qui ont déjà paru dans des périodiques. Un morceau intitulé To the Rev. Polyphemus, qui tourne les Mountain en ridicule, a été écarté au dernier moment parce qu’il est « trop satirique ». The Huron chief, and other poems est lancé à Montréal le 23 janvier 1830 ; Kidd alléguera plus tard qu’il s’est vendu à 1 500 exemplaires, au Canada surtout. Dans l’ensemble, les critiques et recensions sont favorables ; de plus, des extraits du recueil sont publiés dans certains journaux canadiens ainsi que dans l’Irish Shield. Ainsi, en mars, la Montreal Gazette lui fait bon accueil parce qu’il contribue à combler un vide littéraire déshonorant. Par contre, quelques mois plus tard, un correspondant du même journal se montre moins enthousiaste : le recueil est un plagiat des œuvres de Moore, dit-il, à cette distinction près que son manque d’originalité est compensé par de « pures bêtises ». Dans une note au poème The Huron chief, Kidd critique le proaméricanisme de James Buchanan, consul de Grande-Bretagne à New York. Les fils de Buchanan, dont Alexander Carlisle Buchanan*, agressent Kidd dans une rue de Montréal ; selon un compte rendu, le poète se fait « donner une mornifle » et reçoit « une correction sévère » mais, selon un autre témoignage qui est peut-être de Kidd lui-même, c’est avec héroïsme qu’il résiste à une « violente attaque ».

Kidd, qui prépare un ouvrage en prose sur « les contes et traditions des Indiens », tout en essayant probablement de le vendre par souscription, passe l’été et le début de l’automne de 1830 à parcourir le Haut-Canada, où il voit peut-être enfin la région qu’il a dépeinte dans The Huron chief. À la fin de l’automne, cependant, il est « confiné par la maladie » à Kingston. Le 4 décembre, le Kingston Chronicle publie entre autres un nouveau poème, Farewell lovely Erin et, le 29 mars 1831, un article sur Shakóye:wa:thaˀ intitulé « Red Jacket, the celebrated Indian chief ». Vers la fin de mars 1831, Kidd part pour Québec, où il entend prendre « la mer pour aller se refaire une santé », mais il meurt à l’Hôtel-Dieu le 6 juillet. Ses funérailles ont lieu le lendemain à la cathédrale anglicane Holy Trinity. Le Canadien note qu’il s’est fait « une certaine réputation » comme poète.

Adam Kidd doit surtout sa notoriété à son recueil, The Huron chief, and other poems. Précédé d’un épigramme tiré des légendaires poèmes d’Ossian et dédié à Moore, le poème qui donne son titre au recueil s’inspire du style de Byron et de Moore et décrit, sur un mode mi-dramatique mi-lyrique, la noblesse des Indiens et la barbarie des hommes blancs, notamment des missionnaires chrétiens, qui s’acharnent à les détruire. Il s’achève sur une embuscade tendue par trois Américains à une bande indienne dirigée par le chef Skenandow :

Skenandow tomba ! Et il dort
Près des pins noirs de l’Érié.
Depuis, le pampre fol et fort
Protège ce sanctuaire sacré.
Demain le barde dans ses chants
Évoquera, triste, son nom
Et parlera du lieu poignant
Où gît le noble Chef huron !

Les notes au poème énumèrent des exemples réels de cruauté des Blancs envers les Indiens. Cependant, en racontant ces méfaits, Kidd fait directement allusion à ses propres griefs envers les Mountain et, indirectement, par la langue et la forme, à son « Irlande opprimée ». En ce sens, le poème offre aux psychologues et aux sociologues un exemple intéressant du type de projection qui peut se produire lorsqu’une personnalité perturbée cherche à objectiver ses problèmes en s’attachant aux hostilités et aux injustices que subit à ses yeux un peuple de culture étrangère.

Mary Jane Edwards

Adam Kidd est l’auteur de The Huron chief, and other poems (Montréal, 1830) ainsi que des poèmes et quelques articles en prose parus dans le Quebec Mercury, le Canadian Courant and Montreal Advertiser, le Canadian Spectator (Montréal), l’Irish Vindicator and Canada Advertiser (Montréal), le Canadian Freeman, le Kingston Chronicle, et l’Irish Shield (Philadelphie).

ANQ-Q, CE1-61, 7 juill. 1831 ; P-239/57.— Canadian Courant and Montreal Advertiser, 21 mai, 6, 10 août 1825, 22 août, 14 nov. 1829, 13 mars 1830, 13 juill. 1831.— Canadian Freeman, 9, 16 sept., 7 oct. 1830, 7 avril, 21 juill. 1831.— Canadian Spectator, 2 juill., 27 août, 10 sept. 1825.— Le Canadien, 6 juill. 1831.— La Gazette de Québec, 6 juill. 1831.— Irish Shield, 1829.— Irish Vindicator and Canada Advertiser, 12 déc. 1828, 2 juin, 16 oct. 1829, 23, 26 févr., 1er, 5, 12, 19, 29 mars, 18 juin 1830, 8 juill. 1831.— Kingston Chronicle, 21 août, 4 déc. 1830, 1er janv., 18, 29 mars, 16 juill., 20 août 1831.— Montreal Gazette, 18 janv., 4, 15 mars, 7 juin 1830, 9 juill. 1831.— Quebec Mercury, 30 nov. 1824, 17 mai, 27 sept. 1825, 20 juin, 8 juill. 1826, 27 févr. 1827, 31 juill. 1830, 7 juill. 1831.— Oxford companion to Canadian literature, William Toye, édit. (Toronto, 1983), 406–407.— L.[M.] Lande, Old lamps aglow ; an appreciation of early Canadian poetry (Montréal, 1957), 164–171.— J. M. LeMoine, Picturesque Quebec : a sequel to Quebec past and present (Montréal, 1882), 332–333, 456–457.— Literary history of Canada : Canadian literature in English, C. F. Klinck et al., édit. (2e éd., 3 vol., Toronto et Buffalo, N.Y., 1976), 1 : 144–146.— M. L. MacDonald, « The literary life of English and French Montreal from 1817 to 1830 as seen through the periodicals of the time » (thèse de m.a., Carleton Univ., Ottawa, 1976), 69–71, 96–97 ; « Literature and society in the Canadas, 1830–1850 » (thèse de ph.d., Carleton Univ., 1984), 433.— D. M. R. Bentley, « From the hollow, blasted pine : centrifugal tendencies in Adam Kidd’s The Huron chief », Open Letter (Toronto), nos 2–3 (1985) : 233–256.— C. F. Klinck, « Adam Kidd – an early Canadian poet », Queen’s Quarterly (Kingston, Ontario), 65 (1958) : 495–506.

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Mary Jane Edwards, « KIDD, ADAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/kidd_adam_6F.html.

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Auteur de l'article:    Mary Jane Edwards
Titre de l'article:    KIDD, ADAM
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
Date de consultation:    20 nov. 2024