Wilfrid Laurier est l’artisan principal de ce qui deviendra l’un de ses plus grands projets à titre de premier ministre : le peuplement de l’Ouest canadien. Pour y parvenir, comme l’affirme sa biographie, il fait notamment appel au ministre Clifford Sifton :
Clifford Sifton*, le talentueux et agissant ministre de l’Intérieur, misa sur le développement poussé de l’Ouest agricole qui donnerait enfin tout son sens au grand programme économique de la Confédération fondé sur le marché Est-Ouest.
Pilier de cet important défi, Sifton met en place une stratégie, comme l’indique l’extrait suivant de sa biographie :
Une fois installé à Ottawa [probablement en 1896], Sifton parut abandonner son radicalisme libéral d’homme de l’Ouest au profit des principes sur lesquels John Alexander Macdonald avait fondé sa politique de développement national : tarif protecteur, expansion des chemins de fer, établissement d’une population agricole dans les Prairies. Ces orientations accroîtraient l’indépendance et la diversité de l’économie canadienne, ouvriraient de nouveaux espaces au peuplement, permettraient d’avoir accès à des richesses encore inexploitées et intégreraient l’Ouest dans le dominion à la fois en tant que consommateur de produits manufacturés au pays et en tant que producteur de comestibles et d’autres biens naturels destinés au marché international.
S’ils partagent une vision commune et ambitieuse du développement de l’Ouest canadien, Laurier et Sifton, dont voici un autre extrait de la biographie, ont cependant de sérieuses divergences d’opinions :
Étant donné l’importance [que Sifton] accordait au développement matériel et à un gouvernement central fort, étant donné aussi sa foi dans le caractère fondamentalement britannique et protestant du Canada – exception faite de la province de Québec –, il n’était guère bienveillant envers les minorités, le Canada français surtout. En fin de compte, Laurier et lui-même avaient, sur le pays, des points de vue assez différents qui se révéleraient difficiles à concilier.
À l’instar de ce qui s’est produit au Manitoba une décennie auparavant, la question scolaire revient hanter le premier ministre en 1905, soit au moment de la création des provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan :
Sifton avait joué un rôle prépondérant dans la victoire des libéraux aux élections de 1900 et de 1904. Sa politique de promotion du développement de l’Ouest était fructueuse. De toute évidence, il avait beaucoup de poids dans le cabinet Laurier. Sa démission soudaine à la fin de février 1905 étonna donc les Canadiens. En prenant connaissance des dispositions sur l’éducation contenues dans les projets de loi visant à créer les provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan, il avait acquis la conviction qu’elles donnaient à la minorité catholique plus de droits que celle-ci n’en possédait alors sous le gouvernement territorial du premier ministre Frederick William Gordon Haultain*. Selon lui, l’idéal pour les nouvelles provinces était un réseau unique d’écoles qui éliminerait les différences confessionnelles. Comme une telle solution était politiquement impossible, il souhaitait que soit maintenue dans ces provinces la situation qui existait déjà dans les Territoires, à savoir celle définie par les ordonnances territoriales de 1901, qui restreignaient le pouvoir des confessions religieuses en matière d’instruction. Laurier n’était pas d’accord avec lui et refusa tout compromis. Cependant, la démission de Sifton et le risque de voir d’autres membres du cabinet se rebeller finirent par obliger le premier ministre à modifier les projets de loi et à revenir au statu quo.
Pour en savoir davantage sur la place qu’occupe l’Ouest canadien dans la carrière politique de Laurier, nous vous invitons à explorer les listes de biographies suivantes.