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LESSARD, PROSPER-EDMOND (baptisé James-Alexander-Prosper-Edward), homme d’affaires, officier de milice, fonctionnaire et homme politique, né le 3 février 1873 à Cranbourne, Québec, fils de Jean-Prosper Lessard et d’Annie Campbell Davidson ; le 24 novembre 1900, il épousa à Edmonton Hélène Gariépy, et ils eurent trois filles et deux fils ; décédé le 11 avril 1931 à Saint-Paul-des-Métis (Saint-Paul, Alberta) et inhumé au cimetière de l’église Saint-Joachim, Edmonton.
Prosper-Edmond Lessard étudia le commerce et les sciences au collège du Mont-Saint-Louis de Montréal au milieu des années 1890. Après avoir obtenu son diplôme, il fut engagé comme teneur de livres dans une maison de commerce à Montréal. Il quitta cet emploi, cependant, pour se joindre au flot de prospecteurs pleins d’espoir en route pour le Klondike. Lessard arriva à Edmonton en 1898, au moment où la ruée vers l’or touchait à sa fin et décida de s’établir dans la ville florissante. Deux facteurs importants influencèrent sa décision. D’abord, il trouva un emploi de teneur de livres dans une compagnie marchande dirigée par deux compatriotes de sa province d’origine, Joseph Chénier et Joseph-Hormidas Gariépy. Ensuite, il commença à courtiser la fille de ce dernier, Hélène, qu’il épousa en 1900. En novembre 1899, Edmond-Hector Brosseau avait acheté les parts de Chénier dans l’entreprise, parts que Lessard acheta à son tour en novembre 1901, devenant ainsi l’associé de son beau-père. L’entreprise Gariépy et Lessard prospéra jusqu’à ce que les associés la vendent, en avril 1909.
Durant sa carrière, Lessard fit preuve d’une remarquable polyvalence et eut des intérêts très variés. Il établit de solides relations d’affaires et, en 1902, devint membre du Bureau de commerce d’Edmonton ; il siégea à son conseil d’administration entre 1907 et 1909. En 1909, avec Adéodat Boileau et Léo Savard, il fonda l’entreprise Imperial Agencies, qui s’occupait de prêts, d’assurance et d’immobilier. Lessard investit beaucoup dans l’extraction et l’industrie des ressources naturelles ; il fut le vice-président de la Elk Park Oil Company, ainsi qu’un des administrateurs de la Western Timber and Mines Company et de l’Edmonton Iron Works. Il fut également membre du conseil d’administration de sociétés aussi diverses que la North-West Grain Company, la North West Brewing Company, la Great Western Garment Company, la St Paul Mercantile Company, la Picardville Mercantile Company, la Elk Point Trading Company, la W. A. MacKenzie and Company et la Commercial Life Assurance Company of Canada.
Parallèlement à ses multiples entreprises commerciales, Lessard joua un rôle de plus en plus actif dans les affaires publiques. En 1900 et 1901, il fut le secrétaire-trésorier du Young Men’s Liberal Club d’Edmonton. En octobre 1905, il lança avec Philippe Roy et Joseph-Henri Picard, entre autres, le Courrier de l’Ouest, l’organe de langue française du Parti libéral en Alberta. Lessard devint le secrétaire-trésorier de l’Edmonton Liberal Association en 1906 ; il en fut élu président en 1907 et 1908. En mars 1910, il fut nommé vice-président honoraire du Club Laurier, fondé par les libéraux francophones d’Edmonton pour appuyer le chef fédéral du parti, sir Wilfrid Laurier*. La milice l’occupait également ; il servit comme capitaine du E Squadron du Canadian Mounted Rifles en 1907, puis du D Squadron lorsque le 19th (Alberta) Mounted Rifles fut créé l’année suivante. Il trouva aussi le temps d’être commissaire pour les écoles séparées de 1907 à 1910. Lessard s’acquitta de ces fonctions importantes avec bonne humeur et charme, et avec une énergie apparemment inépuisable. Il jouit par conséquent d’une popularité considérable dans le monde des affaires et de la politique, ainsi que dans les milieux sportifs locaux, dans lesquels il s’investit tout au long de sa vie.
Au moment des élections provinciales qui se tinrent en mars 1909, Lessard fut candidat dans la circonscription de Pakan. Élu sans opposition, il devint le premier Canadien français membre de l’Assemblée législative de l’Alberta. En novembre, il prêta serment en qualité de ministre sans portefeuille dans le cabinet d’Alexander Cameron Rutherford*. Il ne garda pas ce poste très longtemps, cependant, car le scandale de l’Alberta and Great Waterways Railway divisa fortement les libéraux [V. Charles Wilson Cross*] et Rutherford fut contraint de démissionner en mai 1910. Lessard, fidèle partisan de Rutherford, ne fit pas partie du cabinet du nouveau premier ministre, Arthur Lewis Watkins Sifton*. Il conserva néanmoins son siège et la confiance de ses électeurs, et fut dûment réélu aux élections d’avril 1913 et de juin 1917 comme membre de l’Assemblée législative pour la circonscription de Saint-Paul, la partie est de son ancienne circonscription. On l’évinça en juillet 1921, lorsque les Fermiers unis de l’Alberta défirent les libéraux de Charles Stewart*. Herbert Greenfield* devint premier ministre.
En tant que membre de l’Assemblée législative, Lessard s’engagea tout particulièrement à défendre et à étendre les droits des Franco-Albertains. Il contesta ouvertement la loi territoriale, résultant d’une motion proposée en 1892 par Frederick William Gordon Haultain*, en vertu de laquelle on avait commencé à éliminer le français de l’Assemblée législative et à restreindre son usage dans les écoles. À plusieurs reprises, alors qu’il s’adressait à l’assemblée, Lessard attira l’attention sur la présence historique des voyageurs, missionnaires et colons francophones dans les Prairies [V. Albert Lacombe*], et insista sur l’inviolabilité des droits concernant la langue française. Le Courrier de l’Ouest, qui publia certaines lois provinciales en français, le cita dans son édition du 7 avril 1915 : « Nos ancêtres ont été les premiers [… qui] colonisèrent les Territoires du Nord-Ouest. Nous n’avons besoin d’aucun privilège dans ce pays, qui est notre seule patrie ; nous y avons des droits naturels et légaux que nous maintiendrons sans relâche. »
Hors de l’Assemblée législative, Lessard joua un rôle de premier plan dans le mouvement visant à accroître la population francophone de l’Alberta. Depuis les années 1890, le diocèse catholique de Saint-Albert avait tenté de fonder des paroisses francophones au nord d’Edmonton en attirant des immigrants canadiens-français et franco-américains [V. Vital-Justin Grandin*]. Afin de dynamiser cette campagne, Lessard collabora avec Picard, Léonidas-Alcidas Giroux et R.-A. Blais, aussi des laïques, pour constituer la Société de la Colonisation de l’Alberta le 20 septembre 1912. L’organisme entreprit de faire la promotion du potentiel agricole de la province ; pas plus tard que février de l’année suivante, il avait créé un bureau d’information et une campagne publicitaire énergique avait été lancée.
La carrière politique de Lessard atteignit son point culminant quand il fut nommé au Sénat, en septembre 1925, selon le conseil du premier ministre William Lyon Mackenzie King*. Il remplit ses fonctions avec verve et dévouement, tout en continuant de prendre une part active dans les organisations francophones d’Edmonton, et notamment dans le Conseil La Vérendrye des Chevaliers de Colomb et l’Association Canadienne-Française de l’Alberta.
Le 11 avril 1931, Prosper-Edmond Lessard mourut subitement dans son sommeil à l’âge de 58 ans. La foule dense qui assista à ses funérailles à l’église Saint-Joachim d’Edmonton témoigna de sa grande popularité. Un échantillon diversifié de la société de la province de l’époque – hommes d’affaires, hommes politiques, ecclésiastiques, soldats et colons – fut uni dans le deuil. Les Franco-Albertains pleurèrent tout particulièrement la perte de Lessard : un puissant et zélé défenseur de leur langue et de leur culture en Alberta venait de les quitter.
FD, Frampton, Québec, 12 févr. 1873. — Le Courrier de l’Ouest (Edmonton), 18 janv., 6 déc. 1906 ; 3 janv. 1907 ; 26 mars, 18 juin 1908 ; 18, 25 févr., 11, 18 mars, 21, 28 oct. 1909 ; 3 mars, 2 juin 1910 ; 9 janv., 17 avril 1913 ; 29 janv., 11 juin 1914 ; 8, 15 avril 1915.— Le Devoir, 13 avril 1931.— Edmonton Bull., 11, 14 avril 1931.— La Survivance (Edmonton), 16, 23 avril 1931.— E. A. Aunger, « Legislating language use in Alberta : a century of incidental provisions for a fundamental matter », Alberta Law Rev. (Edmonton), 42 (2004–2005) : 463–497.— Éloi DeGrâce, « le Courrier de l’Ouest (1905–1916) », dans Aspects du passé franco-albertain : témoignages et études, Alice Trottier et al., édit. (Edmonton, 1981), 101–111.— Dictionnaire de l’Amérique française : francophonie nord-américaine hors Québec, Charles Dufresne et al., édit. (Ottawa, 1988), 221–222.— E. J. Hart, Ambitions et réalités : la communauté francophone d’Edmonton, 1795–1935 (Edmonton, 1981).— R. J. A. Huel, « Gestae Dei per Francos : the French Canadian experience in western Canada », dans Visions of the New Jerusalem : religious settlement on the prairies, B. G. Smillie, édit. (Edmonton, 1983), 39–53.— Claude Lamarche et Jacques Lamarche, Dictionnaire biographique Guérin : Québec-Canada/2000 (Montréal, 1999), 221.— France Levasseur-Ouimet, 1899–1999, Saint-Joachim, la première paroisse catholique d’Edmonton (Edmonton, 1999).— M. R. Lupul, The Roman Catholic Church and the North-West school question : a study in church-state relations in western Canada, 1875–1905 (Toronto, 1974).— Robert Painchaud, Un rêve français dans le peuplement de la prairie (Saint-Boniface [Winnipeg], 1986).— Jean Pariseau, les Oblats de Marie-Immaculée dans les paroisses canadiennes-françaises de la région de Rivière-de-la-Paix, 1912–1967 (Ottawa, 2002).— D. B. Smith, « A history of French-speaking Albertans », dans Peoples of Alberta : portraits of cultural diversity, Howard Palmer et Tamara Palmer, édit. (Saskatoon, 1985), 84–108.— L. G. Thomas, The Liberal party in Alberta : a history of politics in the province of Alberta, 1905–1921 (Toronto, 1959).— Alice Trottier, « les Oblats et la colonisation en Alberta », dans Études oblates de l’Ouest 1 : actes du premier colloque sur l’histoire des oblats dans l’Ouest et le Nord canadiens [...], R.[-J.-A.] Huel et al., édit. (Edmonton, 1990), 107–116.— Who’s who in Canada, 1927.
Timothy Foran, « LESSARD, PROSPER-EDMOND (baptisé James-Alexander-Prosper-Edward) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lessard_prosper_edmond_16F.html.
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Auteur de l'article: | Timothy Foran |
Titre de l'article: | LESSARD, PROSPER-EDMOND (baptisé James-Alexander-Prosper-Edward) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2015 |
Année de la révision: | 2015 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |