CROSS, CHARLES WILSON, avocat et homme politique, né le 30 novembre 1872 à Madoc, Ontario, fils de Thomas Cross, marchand, et de Marie Mouncey ; le 1er janvier 1900, il épousa à Edmonton Annie Louisa Lynde, et ils eurent un fils et deux filles ; décédé le 2 juin 1928 à Calgary.

Charles Wilson Cross fit ses études à Toronto à l’Upper Canada College, à la University of Toronto et à l’Osgoode Hall. Attiré par l’essor que commençait à connaître l’économie de l’Ouest, il s’installa à Edmonton en 1897 et ouvrit un cabinet d’avocat. En militant chez les libéraux, il acquit dès 1905 la réputation d’être le membre le plus influent de ce parti à Edmonton après Frank Oliver*. En février de cette année-là, le conseil municipal le nomma membre d’un groupe de trois délégués chargé de se rendre à Ottawa afin de « veiller aux intérêts d’Edmonton » dans la négociation des modalités en vertu desquelles les Territoires du Nord-Ouest seraient transformés en une ou plusieurs provinces.

Le 6 septembre 1905, le premier ministre de l’Alberta, Alexander Cameron Rutherford*, annonça la composition du premier cabinet de la province. Cross y occupait le poste de procureur général. À 32 ans seulement, il devenait donc le chef en second du gouvernement. Il n’avait jamais affronté les électeurs, mais il remporta aisément le siège d’Edmonton au scrutin provincial du 9 novembre. Il serait réélu quatre fois à l’Assemblée législative et se trouverait sur la sellette lors des deux principales controverses qui marqueraient les 16 années de pouvoir des libéraux.

Au cours de son premier mandat, Cross eut le plaisir de voir l’Assemblée désigner Edmonton comme capitale provinciale. Même si, dans l’ensemble, les mesures qu’il présenta à titre de procureur général étaient conservatrices, il eut le mérite de répondre à certaines préoccupations ouvrières en parrainant en 1908 le premier projet de loi sur l’indemnisation des accidentés du travail.

Cependant, le gouvernement se montra beaucoup plus généreux envers les sociétés ferroviaires qu’envers les travailleurs. Parmi toutes ces sociétés, celle qui bénéficia des conditions les plus avantageuses fut l’Alberta and Great Waterways Railway Company, pour son projet de ligne entre Edmonton et le fort McMurray (Fort McMurray, Alberta). Selon les promoteurs, la mise en valeur des sables bitumineux et autres richesses naturelles exigeait la construction de ce chemin de fer. Aux élections de 1909, les libéraux remportèrent une majorité confortable et Cross connut une victoire facile, mais, bientôt, l’ampleur de la garantie consentie à l’Alberta and Great Waterways Railway et la solvabilité de cette entreprise en vinrent à dominer les débats à l’Assemblée. Cette question divisait les libéraux. Tant parmi les membres dissidents du parti que dans l’opposition, on laissait entendre que certains ministres avaient des intérêts financiers dans la compagnie. Le premier ministre Rutherford tenta de détourner les attaques en nommant une commission royale d’enquête. Formée de David Lynch Scott, de Horace Harvey* et de Nicholas Du Bois Dominic Beck, de la Cour suprême de l’Alberta, la commission avait le mandat de vérifier ces allégations. Toutefois, le mécontentement populaire et la scission chez les libéraux étaient si graves que Rutherford démissionna avant la remise du rapport de la commission. Les dirigeants du parti à Ottawa et le lieutenant-gouverneur George Hedley Vicars Bulyea choisirent le successeur de Rutherford. Ils voulaient un homme capable de rassembler les factions libérales. Le 1er juin 1910, le nouveau premier ministre, Arthur Lewis Watkins Sifton, forma un cabinet qui comprenait un seul ministre de l’ancien gouvernement. Cross, qui peu de temps auparavant semblait le dauphin de Rutherford, se retrouva simple député.

Signé par Harvey et Scott, le rapport majoritaire de la commission, déposé plus tard en 1910, reprochait à Rutherford et à Cross d’avoir risqué des millions de dollars de fonds publics. Des promoteurs de l’Alberta and Great Waterways Railway Company leur avaient donné des renseignements « trompeurs, douteux et sous bien des aspects absolument faux », et ils avaient négligé de les vérifier. Cependant, le rapport concluait : « rien ne prouve que M. Rutherford ou M. Cross détenait ou détient un quelconque intérêt personnel [dans l’entreprise] ».

Certain d’avoir bien agi, Cross continua d’affirmer que l’aide apportée par l’ancien gouvernement aux chemins de fer, y compris la garantie consentie à l’Alberta and Great Waterways Railway Company, était nécessaire à l’exploitation des richesses minières du nord de l’Alberta. En cela, le Bureau de commerce d’Edmonton l’appuyait, mais non Frank Oliver, qui se retourna contre lui. Cross dirigeait une faction importante au sein du caucus législatif des libéraux. Le premier ministre Sifton tentait de mettre au point une politique ferroviaire satisfaisante à la fois pour ce groupe et pour les adversaires des largesses gouvernementales aux chemins de fer privés. Le 4 mai 1912, Cross redevint procureur général. Il expliqua ainsi sa décision de réintégrer le cabinet : « [à cause de] l’adoption par le premier ministre Sifton du grand programme ferroviaire de 1912, qui nécessite la construction de quelque 1 450 milles de nouvelles lignes dans les trois prochaines années, il m’a paru bon de soutenir son gouvernement et de m’y joindre ».

Cross demeura un ministre puissant jusqu’en 1917, soit jusqu’au moment où le débat sur la conscription divisa les libéraux albertains, comme ceux de tout le Canada anglais. Sifton accepta un poste dans un cabinet conscriptionniste à Ottawa et Charles Stewart* lui succéda au poste de premier ministre, mais Cross resta loyal envers sir Wilfrid Laurier* et s’associa à son ancien ennemi Frank Oliver pour combattre le gouvernement de coalition. Après lui avoir laissé son portefeuille, Stewart tenta de le forcer à démissionner en lui offrant la fonction d’agent général de la province à Londres. Comme il refusait, le premier ministre le congédia le 23 août 1918.

L’expulsion de Cross laissa les libéraux albertains plus divisés que jamais, et cela au moment même où les Fermiers unis de l’Alberta [V. Henry Wise Wood*] commençaient à envisager de présenter leurs propres candidats au lieu de tenter simplement d’influencer ceux des vieux partis. À cause d’eux, le nombre de sièges détenus par les libéraux passa à 15 sur 61 aux élections du 18 juillet 1921. Cross faisait partie des survivants, mais ses beaux jours étaient terminés. Il n’avait pris presque aucune part aux débats depuis son congédiement du cabinet et, pendant le règne des Fermiers unis, il s’occupa plus de sa pratique d’avocat que des travaux de l’Assemblée. Candidat aux élections fédérales de 1925, il remporta la victoire dans la circonscription d’Athabaska. Il perdit ce siège au profit d’un candidat des Fermiers unis aux élections de 1926 et succomba à une crise cardiaque deux ans plus tard.

Charles Wilson Cross s’était signalé comme joueur de crosse dans sa jeunesse ; par la suite, il appartint à la direction de la Canadian Amateur Athletic Union. D’ascendance écossaise, il fréquentait l’église First Presbyterian d’Edmonton. Cependant, la grande affaire de sa vie semble avoir été la politique, et surtout l’organisation de l’assistance gouvernementale aux chemins de fer. Son héritage ne fit pas l’unanimité : si le mérite d’avoir fait construire des milles et des milles de voie ferrée en Alberta lui revenait en bonne partie, ses détracteurs pouvaient faire valoir que ces travaux avaient été excessifs et que la collectivisation du risque qui aurait dû être assumé par l’entreprise privée avait laissé d’énormes dettes aux contribuables.

Alvin Finkel

Calgary Herald, 4 juin 1928.— Edmonton Bulletin, 6 mai 1912, 24 août 1918.— John Blue, Alberta, past and present, historical and biographical (3 vol., Chicago, 1924).— Edmonton : the life of a city, Bob Hesketh et Frances Swyripa, édit. (Edmonton, 1995).— The formation of Alberta : a documentary history, D. R. Owram, édit. (Calgary, 1979).— Howard Palmer et Tamara [Jeppson] Palmer, Alberta : a new history (Edmonton, 1990).— L. G. Thomas, The Liberal party in Alberta : a history of politics in the province of Alberta, 1905-1921 (Toronto, 1959)

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Alvin Finkel, « CROSS, CHARLES WILSON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cross_charles_wilson_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
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Année de la publication:    2005
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