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SCOTT, THOMAS WALTER, journaliste et homme politique, né le 27 octobre 1867 près d’Ilderton, Ontario, fils de George Scott et d’Isabella Telfer ; le 14 mai 1890, il épousa à Regina Jessie Florence Read (décédée le 22 avril 1932), dont ils adoptèrent la nièce ; décédé le 23 mars 1938 à Guelph, Ontario.
Thomas Walter Scott, le premier premier ministre de la Saskatchewan, était un visionnaire qui avait de grandes idées dans une vaste contrée, mais il était d’origine modeste. Né hors mariage – réalité qu’il cacha toute sa vie à la population et même à ses amis –, il fut élevé par sa mère et par sa grand-mère, Mary Telfer, sur une petite terre aux abords d’Ilderton. En 1871, sa mère épousa un fermier de cet endroit, et le garçon vécut avec eux. En 1885, il partit vers l’ouest pour travailler à la ferme de son oncle, près de Portage-la-Prairie, au Manitoba. Comme son oncle était alors à Batoche (Saskatchewan), où il participait à la répression de la résistance métisse [V. Louis Riel*], le jeune homme s’installa à Portage-la-Prairie, où Christopher J. Atkinson lui offrit un emploi au Weekly Manitoba Liberal. Scott accomplit d’abord des tâches manuelles, mais s’initia vite à l’art du journalisme. Il suivit son patron à Regina en 1886, et devint finalement copropriétaire du Regina Standard. En 1894, il acheta le Moose Jaw Times et, l’année suivante, le Regina Leader de Nicholas Flood Davin*. Son travail journalistique l’amena à côtoyer des personnages de la scène politique locale et à s’intéresser aux affaires publiques, dont la controverse sur la question des écoles des Territoires du Nord-Ouest [V. Adélard Langevin*].
En 1900, Scott remporta la victoire contre Davin en briguant les suffrages sous la bannière libérale dans la circonscription fédérale d’Assiniboia-Ouest. Il ne tarda pas à se faire remarquer. Aux Communes, il attaqua avec une extrême partialité la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique et Edmund Boyd Osler*, capitaliste torontois et député fédéral, au sujet de ses transactions ferroviaires dans l’Ouest. Réélu en 1904, Scott, qui ne mâchait pas ses mots, prit part aux débats de 1904–1905 sur la subdivision des Territoires du Nord-Ouest en nouvelles provinces. Le premier ministre des territoires, Frederick William Gordon Haultain*, préconisait la création d’une seule province qui s’étendrait de la frontière du Manitoba à celle de la Colombie-Britannique. Par contre, le premier ministre libéral du Canada, sir Wilfrid Laurier*, voulait deux provinces, car il estimait qu’une seule serait trop grande. Les terres de la couronne et les richesses naturelles, normalement de compétence provinciale, étaient une autre source de désaccord. Laurier souhaitait que ces biens demeurent sous l’autorité du gouvernement fédéral afin qu’Ottawa puisse diriger la multitude d’immigrants attirés dans l’Ouest par les programmes du ministre de l’Intérieur, Clifford Sifton*. Un troisième problème concernait les groupes religieux minoritaires, dont les catholiques, et leur droit d’avoir leurs propres écoles.
La création d’une seule province qui aurait la maîtrise de ses terres publiques et de ses ressources naturelles, et qui ne comporterait pas d’écoles séparées, bénéficiait d’un certain appui dans l’Ouest. Mais Scott se rangea du côté de Laurier et appuya la formation de l’Alberta et de la Saskatchewan, le maintien de la compétence fédérale et la protection législative des écoles séparées. Haultain, au contraire, s’éleva contre le plan de Laurier. Lui qui n’avait guère manifesté d’esprit partisan en tant que leader territorial fit campagne pour les conservateurs, en prévision de deux élections complémentaires tenues en Ontario en juin 1905, au milieu d’une vive réaction des protestants contre les dispositions en faveur des écoles séparées proposées dans les projets de loi d’autonomie créant les nouvelles provinces. Laurier conclut que Haultain ne possédait pas les qualités nécessaires pour devenir premier ministre de l’une de ces provinces.
Le 16 août 1905, au cours d’un congrès tenu à Regina, Scott, âgé de 37 ans, fut choisi à l’unanimité chef du Parti libéral provincial. Dans son discours d’accession, il promit un gouvernement ouvert et intègre. La Saskatchewan naquit officiellement le 1er septembre. Le lieutenant-gouverneur des Territoires du Nord-Ouest, Amédée-Emmanuel Forget*, devint le représentant vice-royal de la nouvelle province. Sa première tâche fut de choisir un premier ministre. Il désigna Scott, ce qui suscita la controverse : bon nombre de gens s’attendaient à ce que Haultain assure la continuité. Laurier se contenta de dire que la décision revenait à Forget et que lui-même n’avait rien eu à y voir, mais dans l’Ouest les sceptiques étaient persuadés du contraire.
Scott se mit tout de suite au travail. Son cabinet, assermenté le 12 septembre, se composait de lui-même, de William Richard Motherwell* (secrétaire de la province et ministre de l’Agriculture), de James Alexander Calder* (trésorier et ministre de l’Éducation) et de John Henderson Lamont (procureur général). Le gouvernement fédéral délimita 25 circonscriptions électorales, et Scott convoqua les premières élections pour le 13 décembre. Il fit campagne sans relâche à l’automne avec un slogan optimiste, Peace, Progress, and Prosperity (Paix, Progrès et Prospérité) : paix avec Ottawa, progrès dans le développement de la province, prospérité pour la population. Seize candidats libéraux furent élus, dont Scott dans Lumsden. Le Parti des droits provinciaux, dirigé par Haultain, qui avait mené une croisade contre l’administration fédérale des terres publiques et des richesses naturelles, remporta neuf sièges.
Comme les colons arrivaient en Saskatchewan par milliers, le gouvernement Scott devait relever de nombreux défis, notamment le processus essentiel de mettre en place une infrastructure. La province avait besoin de routes, de chemins de fer, de ponts, d’écoles, de prisons, d’asiles, d’un palais de justice, de réseaux téléphoniques, et d’un cadre législatif pour l’administration municipale. Pendant ses 11 années au pouvoir, Scott fit adopter de nombreuses lois d’habilitation, dont une bonne partie résultait de sa propre initiative. Outre la fonction de premier ministre, il détint le portefeuille des Travaux publics de 1905 à 1912, des Chemins de fer de 1906 à 1908, des Affaires municipales de 1908 à 1910 et de l’Éducation de 1912 à 1916.
Deux projets majeurs en particulier – deux exemples de la vision ambitieuse que Scott avait pour la Saskatchewan – enthousiasmèrent son gouvernement. Le premier était la fondation d’une université d’envergure nationale et internationale, et non pas d’un simple collège local. L’Assemblée législative sanctionna la loi créant la University of Saskatchewan en 1907. Le choix de l’emplacement suscita une chaude lutte ; à la fin, Saskatoon l’emporta. (Scott tenait beaucoup à ce que les grands établissements soient répartis dans toute la province.) Walter Charles Murray*, de la Dalhousie University de Halifax, fut engagé comme recteur. « C’est un grand pays », lui dit Scott à leur première rencontre. « Il a besoin de grands hommes avec de grandes idées. » Murray correspondait à cette description. Il mettrait l’accent sur l’agronomie et les cours de perfectionnement pour les étudiants de milieu rural. Un collège d’agriculture, que tous les deux considéraient comme partie intégrante de l’université, ouvrirait officiellement ses portes en 1912 [V. William John Rutherford*].
L’autre projet important de Scott consistait à construire un édifice grandiose pour loger le gouvernement et l’Assemblée. Le site sélectionné se trouvait au sud de Regina, de l’autre côté du lac créé dans les années 1880 par l’endiguement du ruisseau Wascana. Les plans furent dessinés par les architectes Edward* et William Sutherland Maxwell de Montréal. Les travaux démarrèrent en 1909 et s’achevèrent en 1912. Scott, responsable du dossier en tant que ministre des Travaux publics, avait voulu que l’édifice réponde aux besoins de la province pour longtemps. De plus, il devait pouvoir résister à la chaleur et au froid extrêmes des Prairies. À la demande de Scott, il fut coiffé d’un gigantesque dôme : ainsi, le monument élevé par la Saskatchewan à la démocratie parlementaire britannique se verrait de loin. Le budget initial se situait entre 750 000 $ et un million de dollars, mais, compte tenu des modifications et ajouts, la facture dépassa 1,8 million de dollars. Scott soutenait que la dépense en valait la peine. Cet édifice du Parlement est aujourd’hui encore le plus gros au pays.
Scott avait de telles aspirations pour sa province qu’il croyait que, si des immigrants s’établissaient sur tous les lots d’un quart de mille carré, la population atteindrait environ 20 millions en l’espace de 20 ans. Effectivement, le nombre d’habitants augmenta : de 257 763 en 1906, il passa à 647 835 en 1916. Dès 1925, la Saskatchewan se classait au troisième rang des provinces canadiennes sur le plan démographique. Toutefois, Scott ne pouvait pas prévoir que la croissance serait limitée par le tracteur à essence, l’émergence de fermes plus vastes, la sécheresse, ainsi que la crise économique des années 1930.
Le gouvernement Scott définissait ses priorités économiques d’abord et avant tout en fonction de l’agriculture. Les fermiers se sentaient vulnérables face aux grandes sociétés ferroviaires et aux compagnies d’élévateurs à grain qui transportaient leurs produits jusqu’aux consommateurs. Depuis longtemps opposé au monopole de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, Scott privilégiait la multiplication des lignes locales dans sa province et le recours aux services offerts par d’autres entreprises, soit la Grand Trunk Pacific Railway Company et la Canadian Northern Railway Company [V. Charles Melville Hays* ; sir William Mackenzie*]. En 1909, son gouvernement fit adopter d’importants projets de loi en faveur des lignes secondaires de ces deux compagnies. Au Manitoba, pour assurer des services d’entreposage, le gouvernement acheta des élévateurs [V. Frederick William Green*]. Mais Scott estimait que nationaliser les élévateurs n’était pas la bonne solution. Selon lui, la Saskatchewan pouvait difficilement se payer le luxe de bâtir ces hauts symboles des Prairies, et les agriculteurs ne sentiraient pas qu’ils détenaient des intérêts dans les élévateurs gouvernementaux. Sur les recommandations d’une commission présidée par Robert Magill*, le gouvernement mit sur pied, en 1911, la Saskatchewan Co-operative Elevator Company, que les fermiers possédaient et exploitaient. La formule coopérative, modestement soutenue par l’État, permettrait d’accomplir de grandes choses, pensait Scott. Le réseau téléphonique rural, implanté à compter de 1908, constitue un autre exemple de cette façon de voir. Le gouvernement ne pouvait assumer les frais de construction de tout le système, mais il pouvait fournir les poteaux téléphoniques, laissant aux agriculteurs le soin de former des coopératives et de procéder à une bonne partie de l’installation. Ces travaux furent accomplis avec beaucoup de succès sous la direction de James Alexander Calder.
Le fait que l’agriculture était la principale industrie de la province ne suffit pas à expliquer pourquoi la Saskatchewan rurale comptait autant pour Scott. Son gouvernement ne pouvait se passer du soutien des électeurs de la campagne. Pour conserver cet appui, il intégra des leaders du secteur agricole à son cabinet. Comme lui, William Richard Motherwell, la première personne à qui il avait confié le portefeuille de l’Agriculture, avait œuvré au sein de la Territorial Grain Growers’ Association. George Langley, autre leader influent, fut nommé ministre des Affaires municipales en 1912. La stratégie de Scott fut avantageuse : les libéraux remportèrent des majorités confortables aux scrutins de 1908 et de 1912, lui-même étant élu les deux fois dans la circonscription de Swift Current.
Les tâches auxquelles le gouvernement Scott devait s’attaquer ne se limitaient pas à la construction et à l’agriculture. Bien des changements et des bouleversements marquèrent les premières décennies du siècle, et Scott, malgré sa lenteur apparente, était sensible aux revendications sociales. La Première Guerre mondiale augmenta la pression pour instaurer des changements sociaux tels que la prohibition et le suffrage féminin. Scott avait tergiversé au sujet de ces deux questions. Songeant aux prochaines élections générales, il était déterminé à ne pas devancer l’opinion publique. La prohibition fut instituée dans le nord de la Saskatchewan en novembre 1914. Cependant, la guerre imposa de faire davantage. Les prohibitionnistes soutenaient avec une ferveur patriotique que les céréales devaient servir à nourrir les soldats, non à fabriquer de l’alcool. Au printemps de 1915, le gouvernement Scott résolut de fermer les derniers débits d’alcool de la province et de contrôler les ventes au moyen de magasins d’État. La prohibition totale, instaurée dans l’ensemble de la province en 1917 par le gouvernement suivant, ne dura pas longtemps une fois la guerre terminée. Comme Scott l’avait estimé, la population n’appuyait pas l’interdiction complète.
Bien souvent, les mêmes personnes militaient pour la prohibition et pour le suffrage féminin : si les femmes pouvaient se faire élire et influer sur la conception des lois, peut-être arriveraient-elles à refréner la consommation d’alcool. Le gouvernement subissait des pressions des deux groupes. Scott avait encouragé les femmes à commencer par faire campagne dans la province afin de bâtir un consensus et de s’initier au travail d’élection. En 1912, John Ernest Bradshaw*, qui critiquait avec persistance de prétendues malversations dans le parti de Scott, souleva la question du suffrage à l’Assemblée. En 1913, les pressions continuèrent pendant la campagne de pétition dirigée par Violet Clara McNaughton [Jackson*] et parrainée par la Saskatchewan Grain Growers’ Association. Pendant la guerre, les femmes firent valoir le soutien qu’elles apportaient à leur famille et les sacrifices qu’elles faisaient, et demandèrent pourquoi des immigrants de sexe masculin pouvaient voter alors qu’elles n’en avaient pas le droit. En 1915, le gouvernement du Manitoba les admit au suffrage [V. Winona Margaret Flett*], ce qui incita enfin Scott à passer à l’action. Le 14 février 1916, il annonça une initiative semblable. La loi, sanctionnée un mois plus tard, fit de la Saskatchewan la deuxième province à accorder le droit de vote aux femmes.
La Grande Guerre déclencha une vague de patriotisme proanglais en Saskatchewan, ce qui exacerba la réaction xénophobe envers les immigrants d’autres groupes ethniques. Cette réaction se manifesta avec vigueur dans le débat sur l’éducation, portefeuille détenu par Scott de 1912 à 1916, et éclipsa rapidement les progrès réalisés dans ce domaine. Des districts scolaires avaient été organisés très vite, un surintendant provincial de l’Éducation fut nommé en 1912, et une école normale ouvrit ses portes à Regina en 1913. Par ailleurs, les problèmes relatifs au financement des écoles, qui avaient été abordés, s’étaient envenimés. En novembre 1912, afin de corriger les erreurs d’une décision judiciaire sur les cotisations et le financement, Scott présenta des modifications à la loi scolaire qui imposaient aux contribuables des minorités religieuses de payer pour l’école séparée de leur district. Adoptées en janvier, ces modifications provoquèrent une réaction brutale énorme envers les écoles séparées, l’Église catholique, l’instruction dans d’autres langues que l’anglais, et les immigrants européens, sentiment qui serait encore aggravé par le climat de guerre. Scott, tolérant, continua d’œuvrer au progrès du système d’éducation. Parmi les modifications apportées à la loi scolaire en 1915, il y avait une clause qui confirmait les pratiques d’enseignement bilingue déjà en place. Elle ne fit que raviver le débat. Le premier ministre la retira en faisant valoir que ce type d’enseignement persisterait. Cependant, les attaques contre lui et son gouvernement ne cessèrent pas, ce qui accéléra le déclin préoccupant de sa santé et de son autorité politique.
Bien qu’un grand nombre des initiatives des libéraux connurent la réussite, la vie privée de Scott était bien sombre. De 1906 à 1916, quand il quitta sa fonction de premier ministre, il dut s’absenter de la province chaque année, parfois pendant six mois. Des décisions et des programmes importants avaient dû être retardés jusqu’à son retour, mais la population ne s’inquiéta jamais tellement de ses absences. Le parti arrivait à les dissimuler, et le vice-premier ministre James Alexander Calder, satisfait de rester à l’arrière-plan, s’occupait avec compétence des affaires courantes.
Scott était atteint de dépression et sentait le besoin d’échapper aux longues nuits noires des hivers en Saskatchewan. À l’époque, il n’y avait pas de médicaments pour soulager les dépressifs. On croyait plutôt que le traitement approprié se composait d’une alimentation particulière, de massages, de bains de vapeur et de vacances au bord de la mer, sous des climats chauds. Scott allait donc dans les Caraïbes et en Méditerranée et consultait des médecins du monde entier, mais sa maladie restait incurable. Il se mit aussi à pratiquer l’équitation et le golf, activités de plein air visant à favoriser la détente. Grand amateur de baseball depuis les années 1880, où il avait joué à Regina, il lisait des journaux de toute l’Amérique du Nord pour leurs pages sportives, et pour leur contenu politique. Les photographies de Scott prises pendant ses croisières ou en public en Saskatchewan montrent un homme moustachu, de taille moyenne et bien habillé. Sa femme, qui l’accompagnait rarement à l’étranger, restait discrète, mais le soutenait patiemment dans sa carrière et dans les affres de la maladie et de ses longues absences.
Manifestement, le repos et les voyages faisaient du bien à Scott. Chaque printemps, il rentrait en Saskatchewan plein d’optimisme et de nouvelles idées sur ce que son gouvernement pourrait faire pour améliorer la province. En 1912, par exemple, son étude du système bancaire allemand mena à un examen du crédit à faible taux d’intérêt pour les fermiers et, l’année suivante, à la constitution en société de la Saskatchewan Co-operative Mortgage Association. Homme affable qui savait faire sentir à ses interlocuteurs qu’il se souciait d’eux, il était également un épistolier prolifique dans les périodes où il allait bien, et gagna en popularité au fil des ans. Calder et lui formaient une bonne équipe. Cependant, comme le fit observer en privé le journaliste de Winnipeg John Wesley Dafoe* en 1916, « Walter n’[était] ni physiquement ni mentalement apte à exercer la fonction de premier ministre », au moins depuis 1912.
Les défis auxquels Scott faisait face atteignirent leur point culminant pendant les années de guerre. Au cours de l’hiver de 1915–1916, il avait été piqué au vif par son ministre presbytérien de Regina, Murdoch Archibald MacKinnon, dont les sermons contenaient des attaques virulentes sur les écoles séparées. Scott tint à parler de cette vilaine affaire à l’Assemblée le 24 février. Il y écorcha MacKinnon, ce qui ne correspondait pas à ses habitudes, après quoi il partit en toute hâte pour les Bahamas. Au même moment, son gouvernement faisait face à des accusations, dont bon nombre provenaient du tenace Bradshaw, et qui laissaient croire à un scandale aux ramifications multiples : corruption et permis d’alcool, contrats frauduleux de voirie, mauvaise administration de certains édifices publics et du service téléphonique. En mars, trois commissions d’enquête furent formées. Cependant, il n’y avait aucun porte-parole solide et présent en permanence pour défendre le bilan du gouvernement. Calder fit de son mieux, mais Scott était souvent absent ou, quand il était dans la province, instable. Il était devenu un poids mort pour les libéraux. Le 20 octobre 1916, il démissionna de la direction du parti et du poste de premier ministre. William Melville Martin* lui succéda. En fin de compte, les commissions d’enquête disculpèrent Scott et son cabinet, mais plusieurs fonctionnaires et députés furent punis.
Scott vécut encore 21 ans après avoir pris sa retraite, mais jamais il ne fut capable de retourner en politique ni d’occuper un emploi utile. Stimulé par une décision judiciaire rendue en 1918 en faveur de ses modifications de 1913, il relança sa dispute avec MacKinnon, à l’encontre des conseils d’ex-collaborateurs, dont George Langley. Il tenta de recommencer à écrire pour son journal, le Moose Jaw Evening Times. Ainsi, dans une lettre parue le 25 novembre 1918, il exprima son opposition au gouvernement de coalition formé à Ottawa par sir Robert Laird Borden. Mais le journalisme n’était plus sa vocation. L’année suivante, tonifié par un voyage, il fit campagne pour son vieux collègue William Richard Motherwell, candidat à une élection complémentaire fédérale. Ses critiques contre la participation de la Saskatchewan Grain Growers’ Association – qui s’était opposée à lui dans le débat scolaire – montrèrent qu’un fossé le séparait désormais des dirigeants du monde agricole. Sa dépression parut s’aggraver ; la vie devint morne. Retiré à Victoria avec sa femme, il disparut presque complètement de la scène politique provinciale. En 1925, la University of Saskatchewan lui décerna un doctorat en droit in absentia. Le 4 février 1936, il fut admis dans un hôpital psychiatrique pour patients aisés, le Homewood Sanitarium, en Ontario. Deux ans plus tard, il succomba à une embolie, seul dans cet hôpital.
Les journaux de la Saskatchewan annoncèrent le décès de Scott, mais ne mentionnèrent pas l’hôpital. Le Parti libéral, qui avait en grande partie dissimulé son véritable état psychologique quand il était au pouvoir, tenait tout autant à éviter que sa triste situation des dernières années ne soit connue en Saskatchewan. Scott ne fut inhumé ni dans sa province natale ni dans celle qu’il avait contribué à créer, mais à Victoria, aux côtés de sa femme.
Aujourd’hui, la Saskatchewan continue de récolter les fruits du travail accompli par Thomas Walter Scott en matière d’éducation, d’agriculture et de politique publique, mais rares sont ceux qui se souviennent de celui qui sema les graines.
AO, RG 80-0-1861, no 36176.— G. L. Barnhart, « Peace, progress and prosperity » : a biography of Saskatchewan’s first premier, T. Walter Scott (Regina, 2000).— Canadian annual rev.— CPG.— [W. A.] Waiser, Saskatchewan : a new history (Calgary, 2005).
Gordon Barnhart, « SCOTT, THOMAS WALTER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/scott_thomas_walter_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/scott_thomas_walter_16F.html |
Auteur de l'article: | Gordon Barnhart |
Titre de l'article: | SCOTT, THOMAS WALTER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2013 |
Année de la révision: | 2013 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |