Ayant tiré des leçons des fréquentes interventions des autorités religieuses catholiques dans les affaires politiques (au moment de sa défaite à une élection partielle dans Drummond-Arthabaska, en 1877, ou dans le dossier de la crise scolaire manitobaine), sir Wilfrid Laurier souhaite l’établissement d’un intermédiaire entre l’épiscopat et son gouvernement. De leur côté, en 1897, les évêques catholiques, soucieux de maintenir leur influence sur la scène politique, dépêchent à Rome le dominicain Dominique-Ceslas Gonthier :
[L]e 29 mai 1897, Gonthier s’embarque à New York à destination de Rome, où, à la demande de Mgr Bégin, il doit veiller aux intérêts de l’épiscopat canadien-français, indisposé par l’attitude en apparence favorable aux libéraux du délégué apostolique Rafael Merry del Val, qui enquête alors sur la situation religieuse au Canada. Son mandat est lourd : il lui faut bloquer la nomination de Mgr Joseph-Médard Emard*, évêque de Valleyfield perçu comme un libéral, au siège de Montréal laissé vacant par la mort de Mgr Édouard-Charles Fabre* ; faire accepter la position de l’épiscopat canadien dans l’encyclique que l’on prépare à Rome sur les écoles du Manitoba [V. Thomas Greenway*] ; enfin, s’opposer aux démarches du gouvernement canadien, qui souhaite l’établissement d’une délégation apostolique permanente qui serait, à Ottawa, les antennes de Rome au Canada. Gonthier exerce ses pressions dans un contexte difficile : il n’a pas d’amis dans la curie, les dominicains de la province de France dénoncent auprès du maître général de l’ordre sa présence à Rome, le premier ministre sir Wilfrid Laurier recourt à l’influence du cardinal Herbert Alfred Vaughan, archevêque de Westminster, pour défendre ses positions dans la question des écoles du Manitoba et la commission des affaires ecclésiastiques extraordinaires, à qui est confié le dossier canadien, semble favoriser une décentralisation de l’administration romaine. Gonthier revient de Rome au printemps de 1898 les mains presque vides : Mgr Paul Bruchési* a été nommé archevêque de Montréal le 25 juin 1897, mais l’encyclique Affari vos, promulguée le 8 décembre, tout en déclarant « insatisfaisant » le règlement Laurier-Greenway n’en a pas moins demandé aux évêques de travailler de concert avec les hommes politiques à un meilleur arrangement scolaire et, le même mois, la commission des affaires ecclésiastiques extraordinaires a approuvé le principe d’une délégation apostolique permanente qui, toutefois, ne sera mise sur pied qu’en 1899.
En somme, comme l’atteste l’extrait suivant de la biographie de Mgr Adélard Langevin, archevêque de Saint-Boniface, au Manitoba :
Laurier avait réussi à convaincre Rome que la question [des écoles au Manitoba] touchait non seulement aux relations entre la minorité catholique et la majorité protestante, mais aussi aux relations entre le dominion et l’Empire britannique. Les fonctionnaires du Saint-Siège acceptèrent que des considérations diplomatiques priment sur les considérations strictement morales. L’archevêque ne fut donc pas consulté au cours des négociations intensives entre Laurier et Merry del Val. Les deux premiers délégués apostoliques résidants, Diomede Falconio et Donato Sbarretti y Tazza, qui se laisseraient convaincre que les « voies ensoleillées » de Laurier conduiraient effectivement à la restauration des droits des catholiques, ne tiendraient guère compte de son avis non plus.
Pour de plus amples informations sur les relations entre Laurier et les autorités religieuses catholiques, nous vous invitons à lire les biographies suivantes.