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PACAUD, ERNEST (baptisé Philippe-Olivier), avocat, rédacteur en chef, éditeur de journaux et fonctionnaire, né le 25 août 1850 à Trois-Rivières, Bas-Canada, fils de Philippe-Napoléon Pacaud*, notaire, et de Clarice Duval ; le 23 août 1876, il épousa à Trois-Rivières Marie-Louise Turcotte, fille mineure de feu Joseph-Édouard Turcotte*, et ils eurent six enfants ; décédé le 19 avril 1904 à Québec et inhumé dans le cimetière Notre-Dame de Belmont.
Ernest Pacaud appartient à une famille de patriotes, dont trois membres ont participé au soulèvement de 1837. Son père, alors notaire à Saint-Hyacinthe, a combattu à Saint-Denis et à Saint-Charles-sur-Richelieu, puis a été écroué à la prison de Montréal. Il s’est par la suite établi à Saint-Norbert d’Arthabaska (Norbertville). En raison de circonstances qu’on ignore, Ernest naît à Trois-Rivières, où il aurait fait ses études primaires dans une école anglaise – sans doute l’académie française et anglaise tenue par G. W. Lawler. Le 4 septembre 1861, il entreprend ses études classiques au séminaire de Nicolet et les termine le 16 mai 1868. Il fait son stage de clerc dans le bureau de son oncle Édouard-Louis* à Arthabaskaville (Arthabaska), bourg de quelque 800 habitants et chef-lieu du district d’Arthabaska, où les Pacaud, avec le notaire Philippe-Napoléon, ses frères Édouard-Louis, Charles-Adrien, marchand, et Georges-Jérémie, homme d’affaires, exercent une influence politique considérable. Leurs maisons sont des foyers du « rougisme ». Chez son oncle, un boute-en-train dont la demeure est le rendez-vous des élites de la ville, Ernest rencontre Wilfrid Laurier*, de huit ans son aîné, à qui il voue une admiration sans borne qui s’épanouira avec les ans en une solide amitié. C’est lui qui convainc Laurier de se porter candidat dans Drummond et Arthabaska aux élections provinciales de 1871. Laurier écrira plus tard « [Ernest] a changé ma vie, l’a fixée dans l’inaltérable objet de toutes mes pensées et aspirations. » Au dire de Charles Langelier*, au moment de l’invasion fénienne de 1870 [V. John O’Neill*], Pacaud laisse la toge pour l’épée et entre dans la milice comme aide de camp du lieutenant-colonel Louis-Charles-Auguste Lefebvre de Bellefeuille, major de brigade pour le district de Saint-Hyacinthe. Ce service lui vaudra la médaille décernée par la reine Victoria en 1899 aux vétérans des raids féniens de 1866 et 1870.
Admis au barreau le 8 juillet 1872, Pacaud décide tout naturellement de s’établir à Arthabaskaville. Il exerce seul et plaide devant toutes les cours. Il connaît un succès certain – vers 1877, il évalue ses revenus à quelque 4 000 $ par année. Mais la politique est sa véritable passion. Il joue un rôle important dans l’ascension de Laurier. À l’occasion du scandale du Pacifique [V. sir Hugh Allan*], il l’encourage à faire le saut sur la scène fédérale sous le leadership d’Alexander Mackenzie*. Les élections fédérales de février 1874 coïncident dans Drummond et Arthabaska avec une élection partielle provinciale. Laurier brigue les suffrages aux Communes et Pacaud, à l’Assemblée législative. Les deux amis mènent côte à côte une éprouvante campagne. Laurier est élu, mais Pacaud est défait par William John Watts. Pacaud est encore aux côtés de Laurier quand celui-ci, à l’automne de 1877, brigue les suffrages dans Drummond et Arthabaska où il est défait, puis dans Québec-Est où il remporte une éclatante victoire.
Ces années ont été décisives. À Arthabaskaville, Pacaud s’est initié à la politique et a établi des contacts, parfois noué des amitiés, avec de futures sommités de la société québécoise qui fréquentent Laurier et l’oncle Édouard-Louis : Joseph Lavergne, Louis Fréchette, Laurent-Olivier David*, Joseph-Xavier Perrault, Charles Langelier, Lawrence John Cannon*, Hector Fabre, François-Xavier Lemieux*. Il a aussi découvert sa vraie nature : journaliste. Le 5 octobre 1877, à l’instigation de Laurier et Pacaud, des amis ont lancé le Journal d’Arthabaska. À l’origine une feuille électorale favorable à Laurier, le Journal d’Arthabaska est devenu grâce à l’enthousiasme de Pacaud et aux contrats du gouvernement fédéral un journal régional combatif. Le journalisme est « un métier ingrat il est vrai », écrit Pacaud, mais il le trouve exaltant. Au cours de ces années, ce dernier a dilué son rougisme dans le libéralisme pragmatique de Laurier et, sous l’influence de la petite société anglophile d’Arthabaskaville, il a commencé à copier les manières de faire et de vivre du gentleman britannique.
Au pouvoir à Québec et à Ottawa, les libéraux s’empressent de placer leurs hommes aux endroits clés du système administratif. Le 14 juin 1878, le gouvernement d’Henri-Gustave Joly offre à Pacaud les postes de protonotaire de la Cour supérieure, greffier de la Cour de circuit et greffer de la couronne pour le district de Trois-Rivières. C’est un tribut payé à sa compétence, aux services qu’il a rendus, et un moyen d’assurer l’avenir du parti. Pourquoi aurait-il refusé une offre qui, à ses yeux, « était honorable, constituait une espèce de promotion dans [sa] Profession et rapportait de fort jolis revenus » ? Il fait montre dans l’exercice de ses fonctions d’une efficacité certaine et d’une stricte neutralité politique : point de réunions ou de discussions politiques dans son bureau ni dans le greffe. Il ne demeure pas pour autant en retrait de la vie politique. Sa nomination répond à une volonté arrêtée des chefs de diffuser les idées libérales et d’organiser le parti dans la région de Trois-Rivières. La nomination d’un adjoint à Pacaud coïncide en mai 1879 avec la parution de la Concorde. Ce journal a une édition hebdomadaire et une autre trihebdomadaire. Il affiche un libéralisme modéré et, comme son nom et sa devise l’indiquent, Les intérêts du pays avant ceux des partis, il veut regrouper les modérés de toutes tendances autour d’un gouvernement honnête et prudent, soit celui de Joly. Il porte un intérêt particulier au développement de Trois-Rivières et aux intérêts politiques d’Arthur Turcotte, beau-frère de Pacaud et président de l’Assemblée. Pacaud assume la direction politique du journal et semble travailler à l’organisation du parti. En octobre 1879, la chute du gouvernement Joly occasionne sa perte : les conservateurs trifluviens exigent sa destitution. Le gouvernement de Joseph-Adolphe Chapleau* le démet de ses fonctions de protonotaire et greffier le 20 février 1880. Dès le 25, Pacaud retourne à la pratique du droit en association avec son frère Auguste, sous la raison sociale de Pacaud et Pacaud, au 15, rue des Forges, à Trois-Rivières. Le 19 avril, il devient rédacteur en chef de la Concorde et se révèle un polémiste ardent, bien servi par une connaissance approfondie des arcanes de la politique.
Au printemps de 1880, la presse libérale, tenue à l’écart des plantureux contrats gouvernementaux tant à Québec qu’à Ottawa, est en difficulté : le National (Montréal) est disparu en 1879, puis l’Éclaireur (Québec), en mars 1880 ; la Concorde se débat avec des problèmes financiers. Seuls, la Patrie et l’Union de Montréal résistent à la débâcle, mais leur radicalisme dessert le Parti libéral. Joly et Laurier sollicitent l’aide financière de leurs amis pour fonder à Québec un journal qui fera contrepoids au Canadien de Joseph-Israël Tarte. Le premier numéro de l’Électeur paraît le 15 juillet 1880. Laurier, Charles-Antoine-Ernest Gagnon, les frères Charles et François* Langelier collaborent à la rédaction. Mais il manque un rédacteur capable de tenir tête à Tarte. Laurier, qui désire conserver la haute main sur le contenu du journal, désigne son ami Pacaud. Le 18 décembre, celui-ci assume la rédaction de l’Électeur et devient à Québec l’un des principaux organisateurs du Parti libéral. Sa stratégie consiste à miner la crédibilité des « sénécaleux » et des ultramontains du Cercle catholique de Québec pour favoriser l’émergence d’une coalition des modérés des partis libéral et conservateur. Au printemps de 1882, sa candidature dans Bellechasse contre Guillaume Amyot*, qui lui fait mordre la poussière, semble plus un geste dicté par les circonstances que par le désir de faire une carrière parlementaire. Son talent est la polémique, son génie est l’organisation. L’Électeur suit à la trace les ultramontains : il s’oppose aux jésuites qui veulent une université, appuie la division du diocèse de Trois-Rivières, que combat son évêque Mgr Louis-François Laflèche*, et la mise sur pied d’une régie d’État pour les asiles d’aliénés.
En dépit d’une activité intense, Pacaud ne néglige pas son intérêt personnel. Graduellement, il resserre son emprise sur Plamondon et Compagnie, la société en nom collectif éditrice de l’Électeur depuis le 1er juillet 1882. Il en est le principal associé avec Joseph Plamondon, tanneur, Joseph Archer fils, marchand de bois, et Amédée-Joseph Auger, comptable. Pacaud a souscrit le tiers du capital de 1 500 $. Il possède le tiers de l’équipement évalué à 1 000 $ et retire un salaire mensuel de 100 $. À l’échéance de l’entente, le 1er juillet 1883, Pacaud et son ami Charles Langelier deviennent les seuls associés de Plamondon et Compagnie. L’Électeur est encore à cette date une toute petite entreprise avec Pacaud à la direction, Pacaud et Ulric Barthe à la rédaction, Eugène Leclerc* comme factotum, Arthur Marcotte, comme imprimeur et comptable. En marge des contrats gouvernementaux, l’entreprise vivote et Pacaud recourt de temps à autre aux largesses de l’ami Laurier, qui semble prendre des dispositions pour la stabiliser. Le 1er mai 1885, Langelier se retire de la société et c’est Ulric Barthe qui le remplace. Mais ce n’est là qu’une convention : « le nom de Monsieur Ulric Barthe n’apparaît dans l’acte de société pour la propriété dudit Journal que par acte de courtoisie et de considération devant le public », déclareront les deux associés dans un acte notarié du 10 juillet 1889. Où Pacaud a-t-il déniché les fonds pour devenir le seul propriétaire de l’Électeur ? Chez Louis-Adélard Senécal*, accusent les ultramontains, chez Laurier, dit la rumeur libérale. Quoi qu’il en soit, Pacaud est désormais le propriétaire de l’Électeur et n’a de comptes à rendre qu’à Laurier.
En 1885, Pacaud est un homme respecté, un adversaire redoutable, une éminence importante dans le Parti libéral. Ses quartiers sur la rue de la Montagne (côte de la Montagne) tiennent dans une seule salle poussiéreuse : un paravent décoloré isole les deux rédacteurs dans un recoin et l’autre section est abandonnée au factotum. Petit de taille, toujours habillé correctement mais sans prétention, toujours poli et courtois, il a l’amitié exubérante, la bonne humeur communicative et l’activité fiévreuse. Généreux et dévoué jusqu’à l’excès, lui qui depuis 1867 ne se souvient pas d’avoir raté une campagne électorale, il a appris avec le temps à séparer morale privée et morale politique. L’échafaud de Regina [V. Louis Riel*] est le tremplin à partir duquel il va propulser Honoré Mercier* au pouvoir. Le 17 novembre 1885, le lendemain de la pendaison de Riel, l’Électeur paraît encadré de noir. Pacaud est membre du comité national de Québec et du nombre de ceux qui veulent transformer le mouvement national en un parti politique. Il est l’organisateur-trésorier de la coalition qui regroupe des libéraux, des conservateurs et des ultramontains. Par ses éditoriaux qui sont autant des cris de guerre que de ralliement, par ses discours bourrés de chiffres et rigoureusement construits, par sa verve caustique et impétueuse, par sa promptitude à juger une situation et à passer à l’action, il désarme plus d’un adversaire et concourt puissamment au succès du Parti national à l’occasion des élections d’octobre 1886.
À la fin de janvier 1887, la formation du gouvernement Mercier place Pacaud au centre du pouvoir politique. En tant que directeur de l’Électeur et organisateur-trésorier du Parti national, il devient une éminence grise écoutée, un courtier politique efficace et le principal distributeur de faveurs. Son premier geste est de consolider la presse ministérielle. Le 26 mars, il fonde la Belleau et Compagnie pour qu’elle prenne en charge la publication de l’Électeur et de la Justice que des conservateurs nationaux (Guillaume Amyot, Louis-Philippe Pelletier*, Jacques-François Belleau) ont mis sur pied en janvier 1886. La compagnie a deux associés : Jacques-François Belleau et l’imprimeur Arthur Marcotte qui, de fait, n’est qu’un prête-nom pour Pacaud. Plamondon et Compagnie demeure propriétaire de l’Électeur et en assume la direction politique. La Compagnie d’imprimerie provinciale fait de même pour la Justice. La nouvelle société permet des économies d’échelle : elle loge dans un même immeuble des bureaux de rédaction séparés pour les deux journaux, mais met à leur disposition une salle et des services communs, plus un bureau d’avocat pour Louis-Philippe Pelletier, président de la Compagnie d’imprimerie provinciale. Elle favorise aussi tine répartition équitable des contrats gouvernementaux. Bien nourri à la crèche ministérielle, l’Électeur diversifie et améliore son contenu : Louis Fréchette, Napoléon Legendre, Arthur Buies, James MacPherson Le Moine* signent des articles. Mais il demeure un journal d’opinion centré sur la politique et rédigé pour les élites, dont le tirage est en deçà de 5 000 exemplaires.
C’est dans un nouveau bureau, dont les murs sont, au dire de Rodolphe Lemieux*, « littéralement tapissés de portraits, d’emblèmes, d’esquisses politiques rappelant les grandes phases de la lutte libérale au Canada » que Pacaud, qui écrit de moins en moins, trace avec Ulric Barthe les grandes lignes du « prémier-Québec ». Il n’a que deux ambitions : le triomphe de son parti et le succès de son journal. Il met à leur service son énergie infatigable. Il flaire vite les tendances de l’opinion publique, devine les désirs de Mercier, sait échafauder les combinaisons qui rapportent. Avec Charles Langelier à Québec, Cléophas Beausoleil et Raymond Préfontaine à Montréal, il est le maître queux des cuisines de Mercier. Il reprend pour le compte du Parti national le système de courtage politique de ses devanciers conservateurs. Il place des fonctionnaires, sélectionne les candidatures dans les circonscriptions, distribue des contrats et accélère le paiement des créances du gouvernement, encaisse les ristournes, paie les comptes du premier ministre et peut, pour plaire aux ultramontains, user de sa plume comme d’un goupillon. Le niveau de vie de Pacaud et de ses amis devient fastueux. Tant de puissance et de compromissions soulèvent les passions. Ses adversaires le considèrent comme un agitateur sans scrupule, le brocanteur du « patronage » officiel. En mai 1889, Calixte Lebeuf et la Patrie dénoncent « Pacaud et sa bande ». À l’approche des élections de 1890, les rumeurs de scandales se multiplient. L’affaire impliquant John Patrick Whelan, cet entrepreneur qui aurait versé des pots-de-vin ou des ristournes pour obtenir des contrats, ne serait que la face visible d’un iceberg. En avril 1890, Calixte Lebeuf sert à Pacaud une verte semonce : « On dit tout haut que cette administration est la plus corrompue qui ait souillé les lambris du Palais législatif ; que tout s’y vend ; qu’il n’y a pas de principes, pas d’honnêteté, pas de parole, pas d’honneur. » Mercier remporte quand même les élections de 1890 avec une majorité accrue. Mais des fissures se font jour : la presse ultramontaine, inquiète de la corruption qui sévit, et la Justice de Pelletier, en désaccord avec une régie d’État pour les asiles, prennent sur certaines questions une position indépendante, tout particulièrement sur l’emprunt que Mercier s’en va négocier à Paris.
En son absence, Pacaud règle quelques dossiers chauds. Il sèvre la presse ultramontaine des contrats gouvernementaux et fait évincer Pelletier de la présidence de la compagnie éditrice de la Justice. Il manœuvre pour que le gouvernement verse un dédommagement de 175 000 $ à l’entrepreneur Charles Newhouse Armstrong qu’on a écarté de la Compagnie du chemin de fer de la baie des Chaleurs. La transaction donne lieu à des rumeurs que confirme une enquête du comité des chemins de fer du Sénat amorcée en août 1890. Pacaud aurait encaissé quelque 100 000 $ qu’il aurait redistribués à des amis. C’est un gros scandale. Mercier désavoue Pacaud. Le lieutenant-gouverneur Auguste-Réal Angers* nomme une commission royale d’enquête qui tient ses audiences en octobre 1891. Pacaud déclare avoir affecté cette somme au paiement des dépenses électorales, au fonctionnement de certains journaux, notamment le Waterloo Advertiser et le Quebec Daily Telegraph, et peut-être, par mégarde, au remboursement de quelques dettes personnelles. Le 16 décembre, la commission royale d’enquête conclut : « Le marché fait entre Armstrong et Pacaud [...] était frauduleux, contraire à l’ordre public. » Le lieutenant-gouverneur Angers révoque le premier ministre Mercier et, aux élections qui s’ensuivent, les conservateurs balaient les libéraux. Pacaud fait face à deux accusations : l’une en Cour supérieure pour avoir ourdi la fraude reliée à la Compagnie du chemin de fer de la baie des Chaleurs ; l’autre à la Cour des sessions de la paix pour avoir, de connivence avec Mercier, accordé un contrat de fourniture de papeterie au libraire Joseph-Alfred Langlais moyennant une commission de 20 % sur les achats gouvernementaux. L’une et l’autre cour l’acquittent, mais les libéraux le confinent désormais au journalisme.
Laurier, devenu chef du Parti libéral, déplore les erreurs de Pacaud, mais ne lui ménage ni son aide, ni son amitié ni ses conseils. Il lui dicte une ligne éditoriale qu’on peut résumer en trois points : maintenir un front uni au sein du Parti libéral, ménager l’épiscopat catholique, mettre une sourdine aux attaques personnelles. « Il est temps, lui écrit-il le 27 novembre 1894, que tu fasses peau neuve, et que désormais ton journal ait une allure à lui, une allure supérieure, en dehors et au dessus des vulgarités de la presse de notre pays. Plus de personnalités, plus de diatribes, plus de violence. » Le bouillant rédacteur ne peut, cependant, toujours refréner ses sautes d’humeur. Son éditorial du 28 janvier 1896, dans lequel il reproche vertement à Mgr Michel-Thomas Labrecque d’exiger que les catholiques ne votent qu’en faveur des candidats qui appuieront la loi réparatrice sur le régime scolaire au Manitoba [V. Thomas Greenway], met Laurier dans tous ses états. D’autres articles sur les droits de l’Église en matière scolaire et la publication par tranches de la brochure de Laurent-Olivier David intitulée le Clergé canadien : sa mission, son œuvre et condamnée par la congrégation de l’Index lui attirent les foudres de l’épiscopat. Le 27 décembre 1896, les curés lisent en chaire une lettre collective des évêques de la province ecclésiastique de Québec qui interdit la lecture de son journal. Les chefs libéraux décident de résister. Pacaud change le titre de son journal et publie le lendemain, sur les mêmes presses et avec la même équipe, le Soleil. Il en appelle à la Propagande et, pour donner le change, on met sur pied la Compagnie d’imprimerie de Québec, dont Pacaud est l’actionnaire principal. Mgr Labrecque récidive en interdisant le Soleil. Le délégué apostolique Rafael Merry del Val lève cette interdiction à l’occasion de son séjour au Canada en 1897. Dès lors, Pacaud navigue par temps calme dans le sillage de Laurier. Il appuie le règlement Laurier-Greenway, disserte sur les multiples nuances de l’impérialisme, dénonce les pièges d’une trop grande autonomie provinciale, s’en prend au nationalisme d’Henri Bourassa* et de Joseph-Israël Tarte, plaide en faveur du Grand Trunk Pacific Railway et de la Compagnie du pont de Québec.
Pacaud est, cependant, un homme prématurément usé. Il tombe gravement malade en juillet 1903. Cloué au lit, il dicte des articles et esquisse des plans d’éditoriaux. Un séjour en Floride n’arrange pas les choses. De retour, il compte sur Laurier pour réorganiser le Soleil dans l’intérêt du parti et de sa famille. La zizanie entre les factions au sein du Parti libéral rend difficile le règlement de cette question. Le juge Philippe-Auguste Choquette* aimerait acquérir le journal pour en faire un organe dévoué à Laurier, mais Simon-Napoléon Parent*, alors premier ministre de Québec, est hostile à cette idée. Laurier voudrait que le Soleil « soit l’organe de personne en particulier, mais que son unique mission soit de défendre le parti ». Il impose ses préférences. Début décembre 1903, la Compagnie de publication « Le Soleil », composée de libéraux de toutes tendances, y compris Choquette et Parent, acquiert le Soleil pour la somme d’environ 112 000 $.
Ernest Pacaud qui, au dire de Laurier, n’était « pas seulement l’âme de cette entreprise », mais l’avait « incorporée à sa personne », meurt rassuré sur le devenir de son œuvre, laissant dans le cœur de ses amis le souvenir d’un ami dévoué et sincère, d’un partisan loyal et d’un lutteur courageux.
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Michèle Brassard et Jean Hamelin, « PACAUD, ERNEST (baptisé Philippe-Olivier) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/pacaud_ernest_13F.html.
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Auteur de l'article: | Michèle Brassard et Jean Hamelin |
Titre de l'article: | PACAUD, ERNEST (baptisé Philippe-Olivier) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |