O’BRIEN, CORNELIUS, prêtre catholique, archevêque et auteur, né le 4 mai 1843 près de New Glasgow, Île-du-Prince-Édouard, fils de Terence O’Brien et de Catherine O’Driscoll ; décédé le 9 mars 1906 à Halifax.

Après avoir été environ deux ans commis à Summerside, dans l’Île-du-Prince-Édouard, Cornelius O’Brien étudia au St Dunstan’s College de Charlottetown et au Collège pontifical de la propagation de la foi à Rome. Au cours des deux années qu’il passa à St Dunstan, soit de 1862 à 1864, il devint le protégé de Peter McIntyre*, l’évêque de Charlottetown, qui intervint probablement pour qu’il aille étudier à Rome. Inscrit au collège de la Propagande de 1864 à 1871, O’Brien obtint un doctorat en théologie et un autre en philosophie ainsi qu’une médaille d’or pour excellence. Sa période d’études là-bas coïncida avec les dernières années de la souveraineté du pape sur Rome et avec le Premier Concile du Vatican, qui définit le dogme de l’infaillibilité pontificale. Il assista donc des premières loges à des événements qui allaient avoir une influence déterminante sur la constitution du catholicisme moderne. Quelques-uns des souvenirs qu’il avait gardés de ces années mouvementées se trouvent dans un roman autobiographique fortement teinté de parti pris qu’il publia en 1885 à Baltimore et à New York, After weary years.

O’Brien fut ordonné prêtre en 1871 et affecté au St Dunstan’s College, où il n’enseigna qu’un moment. On le nomma ensuite curé de la cathédrale St Dunstan de Charlottetown, après quoi, apparemment parce que sa santé était fragile, on lui confia un poste relativement effacé, soit la cure d’Indian River, toujours à l’Île-du-Prince-Édouard. Néanmoins, il continua d’impressionner ses supérieurs. En 1879, le conseil d’administration de St Dunstan l’élut directeur du collège, poste qu’il refusa. Trois ans plus tard, il succéda à Michael Hannan* à l’archiépiscopat de Halifax. Sacré le 21 janvier 1883, il était le premier Canadien de naissance à occuper ce siège.

En tant qu’archevêque de Halifax, O’Brien poursuivit l’expansion institutionnelle à laquelle ses trois prédécesseurs immédiats, William Walsh*, Thomas Louis Connolly* et Hannan, avaient œuvré avec plus ou moins de succès. Son programme, comme celui de la plupart des prélats catholiques de l’époque, consistait à créer un vaste réseau autonome d’établissements à vocation sociale ou éducative qui répondrait aux besoins de la population catholique et lui permettrait de demeurer dans un relatif isolement par rapport aux protestants. Au cours de son épiscopat, O’Brien se signala notamment par la fondation, ou la réouverture, d’un séminaire diocésain, d’une maison de correction pour garçons, d’un refuge pour jeunes délinquantes, d’un hôpital de chirurgie et d’un collège pour étudiants catholiques de sexe masculin.

Parmi toutes ces réalisations, la réouverture du St Mary’s College fut peut-être celle à laquelle O’Brien tint le plus, et en même temps celle qui lui donna le plus de mal. Dès 1802, Edmund Burke* avait eu l’idée de fonder un collège catholique à Halifax, mais le St Mary’s College n’avait été institué officiellement que près d’une quarantaine d’années plus tard, en 1840–1841. Il avait ensuite connu une existence précaire durant une autre quarantaine d’années, soit jusqu’à ce que l’élimination de la subvention annuelle du gouvernement provincial l’oblige finalement à fermer ses portes. Toutefois, en 1881, l’année même où l’on supprima la subvention, un riche marchand et homme politique catholique de Halifax, Patrick Power*, légua à l’Église une forte somme dont une partie devait servir à faire venir des jésuites dans la ville. O’Brien entreprit des négociations avec ceux-ci en vue de leur confier la direction du St Mary’s College, mais par suite d’un désaccord entre lui et le supérieur de l’ordre au Canada, le projet tomba à l’eau. O’Brien s’adressa alors à d’autres communautés religieuses, espérant toujours financer le collège au moyen du legs de Patrick Power. L’affaire se compliqua lorsque Lawrence Geoffrey Power, fils du bienfaiteur et coadministrateur de la succession, refusa que le legs serve au collège si les jésuites n’en assumaient pas la direction. O’Brien contesta cette décision devant les tribunaux néo-écossais, qui lui donnèrent raison, mais la Cour suprême du Canada révoqua leurs jugements en 1903. Finalement, le collège rouvrit ses portes cette année-là, avec un personnel constitué surtout de laïques et sans bénéficier de la succession de Power.

L’épiscopat d’O’Brien coïncida avec la renaissance acadienne, période au cours de laquelle les francophones des Maritimes s’employèrent à garantir la survie de leur langue et de leur culture en assumant la direction de leurs institutions, y compris de celles de l’Église. O’Brien, qui était bilingue, augmenta nettement le nombre de prêtres francophones dans son diocèse et joua un rôle de premier plan dans l’établissement d’un collège francophone, dirigé par les Eudistes [V. Gustave Blanche*], le collège Sainte-Anne de Church Point, en Nouvelle-Écosse. Ces mesures lui valurent de chaleureux éloges de la part de l’homme politique Ambroise-Hilaire Comeau et de l’historien Placide Gaudet*, tous deux Acadiens. Gaudet le félicita aussi de s’intéresser vivement à l’histoire des Acadiens et de la connaître dans le détail. Cependant, il ne suscitait pas la même admiration chez tous les Acadiens et il se montrait parfois sourd à leurs aspirations. En 1901, les dirigeants de la Société nationale de l’Assomption, J.-Lucien Belliveau, Pierre-Amand Landry* et Pascal Poirier*, lui demandèrent d’appuyer leurs représentations en faveur de la création d’un diocèse francophone à Moncton, au Nouveau-Brunswick. O’Brien refusa de recommander leur projet parce que sa réalisation nécessiterait le démembrement des diocèses de Saint-Jean et de Chatham (tous deux sous la juridiction d’évêques irlandais). Le premier évêque acadien, Édouard-Alfred Le Blanc*, de Saint-Jean, ne serait nommé qu’en 1912, et il faudrait attendre jusqu’en 1936 pour que soit créé le diocèse de Moncton.

Homme d’intelligence supérieure, O’Brien s’intéressait, en érudit, à un éventail exceptionnellement large de questions. Il rédigea un grand nombre de livres, conférences et poèmes sur des sujets aussi divers que la vie de sainte Agnès et les voyages de Jean Cabot*. Ses meilleurs ouvrages, surtout Philosophy of the Bible vindicated, paru à Charlottetown en 1876, montrent qu’il suivait les débats intellectuels de son époque et s’inquiétait de la menace que le rationalisme et le matérialisme représentaient alors pour la foi. Des porte-parole d’autres confessions, dont l’érudit baptiste Edward Manning Saunders*, jugeaient qu’il défendait fort bien la Bible contre l’influence apparemment destructrice de la critique moderne. En outre, ses travaux de littérature et d’érudition lui apportèrent une renommée suffisante sur le plan national pour qu’on l’élise président de la Société royale du Canada en 1896–1897. Rétrospectivement toutefois, on ne peut dire que ses écrits contiennent quoi que ce soit de vraiment original, même pour l’époque.

L’archevêque O’Brien se passionnait pour la politique, et ses positions s’inspiraient largement de son fervent patriotisme et de son attachement au lien impérial. Il fut membre du conseil de l’Imperial Fédération League et présida la section néo-écossaise de la British Empire League. Soutien déclaré du Parti conservateur et de sa Politique nationale, il s’opposa fermement aux propositions libérales visant à instaurer une réciprocité totale avec les États-Unis, mesure qu’il considérait comme un premier pas vers l’annexion. Il réitéra son appui à sir John Alexander Macdonald* et aux conservateurs lorsque se posa la question des écoles du Manitoba, car il espérait les voir intervenir de quelque façon en faveur de la minorité catholique de la province. Pendant la campagne fédérale de 1891, il pressa les catholiques de voter contre les libéraux en raison de leur politique libre-échangiste. Un groupe de laïques catholiques dirigé par Lawrence Geoffrey Power (celui-là même qui s’était opposé à lui dans l’affaire du St Mary’s College et du legs de Patrick Power) critiqua sa position et le fait qu’à titre d’homme d’Église, il n’avait pas à se mêler de politique, ce à quoi il répondit en affirmant bien haut qu’un évêque avait tout à fait le droit d’« exhorter ses ouailles à ne pas s’engager dans des plans séditieux ».

À quelques reprises, O’Brien fut aussi mêlé à des controverses politiques au niveau provincial en défiant le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, William Stevens Fielding*, à propos de mesures sociales ou éducationnelles qu’il jugeait préjudiciables aux catholiques. La plus importante querelle de ce genre éclata à la suite d’une décision prise par le Bureau des commissaires d’écoles de Halifax au sujet d’une nouvelle école sise rue Russell, dans le nord de la ville. En 1865–1866, après que le prédécesseur d’O’Brien, Connolly, eut tenté en vain, plusieurs fois, de faire garantir par une loi le droit des catholiques néo-écossais à des écoles distinctes, l’Église et le gouvernement en étaient venus à une « entente à l’amiable » à propos de l’enseignement à Halifax, où près de la moitié de la population était catholique. En vertu de cette entente, les écoles construites par l’évêché catholique seraient louées au Bureau des commissaires d’écoles qui, de son côté, engagerait des instituteurs catholiques qualifiés. Les choses fonctionnèrent ainsi sans heurt jusqu’en 1892, année où l’on proposa que la nouvelle école de la rue Russell soit propriété du conseil des commissaires.

Jugeant que cette proposition mettait en danger le principe de la séparation de l’enseignement, O’Brien déclara que les catholiques boycotteraient cette école. Des parents catholiques du nord de la ville lui donnèrent publiquement leur appui, et une délégation d’influents hommes d’affaires et hommes politiques catholiques, dont Lawrence Geoffrey Power, pria le gouvernement de s’en tenir à l’accord déjà conclu sur les écoles dirigées par l’Église. Néanmoins le premier ministre Fielding déclara en 1893 qu’une bonne partie de l’opinion catholique ne partageait pas l’avis d’O’Brien sur cette question. Les indices sont trop peu nombreux pour que l’on puisse déterminer dans quelle mesure il disait vrai, mais selon des sources sûres, au moins un ecclésiastique catholique avait contesté ouvertement le jugement de l’archevêque. Une chose est claire : O’Brien jouissait de l’appui total de son collègue l’évêque d’Antigonish, John Cameron, qui, avec une partie de son clergé, menaça de faire campagne contre le gouvernement aux élections suivantes si le changement avait lieu en dépit des protestations d’O’Brien. Entre-temps, le chef des libéraux fédéraux, Wilfrid Laurier*, qui était très au fait des problèmes que posait la question scolaire au Manitoba, conseilla à Fielding d’éviter un affrontement en cette matière. Le Bureau des commissaires d’écoles finit par reculer, et l’école de la rue Russell devint propriété de l’évêché, comme les autres écoles pour catholiques.

Dans l’ensemble, sans se caractériser par des innovations marquées, l’archiépiscopat de Cornelius O’Brien porta fruit. O’Brien consolida et diversifia les institutions ecclésiastiques de son diocèse et accrut le prestige de la communauté catholique en Nouvelle-Écosse par ses modestes travaux d’érudition. Son appui partial aux conservateurs et son inflexibilité en matière d’éducation suscitèrent quelque désapprobation, tant parmi ses fidèles qu’ailleurs. Cependant il défendit efficacement les droits des catholiques tels qu’il les entendait, et inspira le respect dans les cercles intellectuels et ecclésiastiques.

Terrence Murphy

Outre les ouvrages mentionnés dans le texte, Cornelius O’Brien a publié : The early stages of Christianity in England (Charlottetown, 1880) ; Mater admirabilis [...] (Montréal, 1882) ; St. Agnes, virgin and martyr (Halifax, 1887) ; Aminta, a modern life drama (New York, 1890) ; Memoirs of Rt. Rev. Edmund Burke, bishop of Zion, first vicar apostolic of Nova Scotia (Ottawa, 1894). On trouve aussi trois articles dans SRC Mémoires : « The supernatural in nature considered in the light of metaphysical science », 1re sér., 12 (1894), sect. ii : 135–149 ; « Presidential address on Cabot’s landfall », 2e sér., 3 (1897), sect. ii : cv-cxxxix ; et « Cabot’s landfall and chart : some criticisms answered », 2e sér., 5 (1899), sectii : 427–455. Le sermon qu’il a prononcé en janvier 1895 aux funérailles de sir John Sparrow David Thompson* a été publié après sa mort sous le titre de Funeral sermon on Sir John Thompson (Halifax, 1906).

Arch. of the Archdiocese of Halifax, Edmund Burke papers, wardens’ minute-book ; Cornelius O’Brien papers, particulièrement I, nos 9–9a, 43–49 ; II, nos 17, 19, 32, 38–42, 50 ; III, n° 135.— Archivio Segreto Vaticano (Rome), Delegazione apostolica del Canada, 13–14.— PANS, RG 1, 303.— L’Évangéline, 13 févr. 1896.— Halifax Herald, 4, 7, 31 juill. 1893.— Morning Herald (Halifax), 3 févr. 1891.— Beck, Politics of N. S..— J. B. Hanington, Every popish person : the story of Roman Catholicism in Nova Scotia and the church of Halifax, 1604–1984 (Halifax, 1984).— Katherine Hughes, Archbishop O’Brien : man and churchman (Ottawa, 1906).— L. K. Shook, Catholic post-secondary education in English-speaking Canada : a history (Toronto et Buffalo, N.Y., 1971).

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Terrence Murphy, « O’BRIEN, CORNELIUS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/o_brien_cornelius_13F.html.

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Auteur de l'article:    Terrence Murphy
Titre de l'article:    O’BRIEN, CORNELIUS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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