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MORGAN, HENRY JAMES, fonctionnaire, auteur et éditeur, né le 14 novembre 1842 à Québec, fils de Robert Morgan, policier, et de Mary Ann Proctor ; en novembre 1873, il épousa Emily Richards (décédée en 1901), et ils eurent une fille et trois fils ; décédé le 27 décembre 1913 à Brockville, Ontario.
Les parents de Henry James Morgan étaient écossais. Son père, vétéran des guerres napoléoniennes, immigra à Québec en 1838 et mourut en 1846. Sa mère s’éteindrait en 1864. Le 19 novembre 1853, Morgan entra à l’Assemblée législative en tant que page. À la fin des années 1850, il fut correspondant parlementaire pour plusieurs journaux tout en restant fonctionnaire. De 1860 à 1864, il fut greffier de la session à titre temporaire ; en 1862, il délaissa cet emploi pour fréquenter le Morrin College à Québec. Il agit à titre de secrétaire particulier d’Isaac Buchanan* pendant les mois où celui-ci fut président du Conseil exécutif, soit de mars à juin 1864, puis remplit la même fonction auprès du secrétaire de la province William McDougall* de novembre 1864 à la Confédération. Passé au Secrétariat d’État fédéral à titre de commis, il fut promu commis de première classe et chargé des documents publics du Canada en octobre 1873. Vers cette époque, il étudia le droit au McGill College de Montréal. Il fut reçu au barreau de l’Ontario et de la province de Québec en 1873, mais, par choix, il poursuivit sa carrière dans la fonction publique. Il s’y distingua notamment en rassemblant et en cataloguant des documents d’État, travail qui aida à ouvrir la voie à la fondation des Archives nationales [V. Douglas Brymner*].
Promu commis en chef le 22 décembre 1875, Morgan conserva le poste d’archiviste jusqu’en 1883. Il fut rétrogradé au rang de commis de première classe le 31 janvier 1888 parce qu’on l’accusait d’avoir utilisé des fonds publics à des fins personnelles. Des rivalités politiques étaient, semble-t-il, à l’origine de cette accusation ; soutenu par ses amis, Morgan mit plusieurs années à prouver son innocence. Un réseau de gens influents l’avaient aidé à gravir les échelons de la fonction publique. Au fil des ans, il les remercia en leur donnant une place dans ses ouvrages biographiques. Il prit sa retraite en 1895 et passa le reste de sa vie à écrire.
Morgan s’était lancé dans le métier d’auteur et d’éditeur parce que son travail de commis lui laissait des loisirs, parce qu’il avait accès à des documents officiels et parce qu’il connaissait des gens bien placés. Pour composer Sketches of celebrated Canadians, paru en 1862 et partiellement subventionné par Isaac Buchanan, il correspondit avec tout un éventail de personnes au Canada, dans les Maritimes et ailleurs. The Canadian parliamentary companion, qu’il édita de 1862 à 1876, était un guide sur les assemblées législatives de tout le Canada ; il contenait en plus des renseignements biographiques et politiques obtenus d’élus et de fonctionnaires nommés. L’ouvrage intitulé The Dominion annual register, édité par Morgan et divers assistants de 1878 à 1886, était un « relevé [annuel] de toutes les questions pertinentes et importantes dans l’histoire d’une jeune nation ». Les associés de Morgan, dont Robert Bell et John George Hodgins, y rédigeaient des chapitres sur leurs domaines de compétence, par exemple les événements politiques, l’évolution des institutions canadiennes et les grandes affaires judiciaires.
Ces publications, tout comme sa contribution à la fondation du mouvement Canada First en 1868 [V. William Alexander Foster*], montrent que Morgan était un promoteur enthousiaste du Canada. Parue en 1867, sa Bibliotheca canadensis, bibliographie d’écrits littéraires, historiques et politiques publiés entre 1763 et 1867, demeure une bonne source de référence sur la littérature canadienne, au sens large du terme, car elle inclut des textes populaires, des textes officiels et des textes peu connus. Morgan édita également l’ouvrage de Thomas D’Arcy McGee* et publia des hommages à des personnages tels Benjamin Sulte*, lord Elgin [Bruce*] et sa famille, et sir Charles Tupper.
En tant qu’homme de lettres, Morgan semble avoir toujours poursuivi un double objectif : promouvoir la vie politique et culturelle du Canada et renseigner le public sur les individus qui l’animaient. C’est là son apport le plus important et le plus durable. Celebrated Canadians présente à la fois des données factuelles tirées d’autres publications et des comptes rendus autobiographiques qui, dans certains cas, ont été composés à partir de réponses à des questions posées de façon vague et peu méthodique par Morgan. Le fait que l’ouvrage imprimé contienne à l’occasion des versions contradictoires de certains événements révèle que Morgan se contentait de compiler les données au lieu de faire un véritable travail d’éditeur. Ce livre, tout comme le patriotisme professé par Morgan à cette époque, porte la marque d’une inquiétude anglocentrique et conservatrice : selon lui, les pressions régionales et ethniques menaçaient l’union du Haut et du Bas-Canada. Dans plusieurs biographies, il ne ménageait pas ses reproches ; Louis-Joseph Papineau*, par exemple, apparaissait sous les traits d’un agitateur nationaliste et d’un ennemi de l’union.
À compter de 1862, Morgan adopta une méthode plus systématique et un style plus objectif dans ce genre d’ouvrage. Parliamentary companion, The Canadian legal directory [...], paru à Toronto en 1878, et Canadian men and women of the time (1898 et 1912) ont été composés en partie à l’aide des réponses de ses sujets à des questionnaires imprimés. Cette approche permettait d’obtenir des portraits uniformisés dans lesquels les renseignements se succédaient toujours dans le même ordre. Pour Morgan, un « homme naît, va au collège, obtient un diplôme, entre dans une profession ou dans les affaires, est élu au Parlement, obtient un poste, poursuit certaines activités administratives, est nommé juge, se marie et ainsi de suite ». Les biographies de cette nature constituaient une série d’œuvres personnelles tout en contribuant au développement de la société canadienne. Morgan ne les a pas produites tout seul. Pour rassembler le plus grand nombre possible d’articles, il faisait appel à un réseau d’amis et de connaissances qui lui recommandaient des noms et rédigeaient des biographies.
Contrairement à ce qu’il avait fait antérieurement, Morgan se prononçait rarement sur les événements vécus par ses personnages ou sur leurs actes ; tout au plus ajoutait-il aux biographies des jugements provenant d’autres sources. Conscient de la précarité de son poste de fonctionnaire, il quitta le mouvement Canada First lorsque celui-ci se lança dans l’action politique et il s’efforça dès lors d’éliminer de ses ouvrages toute opinion partisane. Quels qu’aient été les motifs de sa démotion en 1888, le pamphlet qu’il composa à peu près à ce moment, sous le pseudonyme de Mufti, au sujet de la question des biens des jésuites et de la « corruption parlementaire », n’a, semble-t-il, certainement pas aidé sa cause.
Les différences entre les premiers travaux biographiques de Morgan et ses travaux subséquents reflétaient aussi le développement interne du Canada et sa position dans le monde. Contrairement à Celebrated Canadians, les deux éditions de Canadian men and women présentent presque uniquement des citoyens vivants et actifs. En plus, alors que le premier ouvrage dépeint surtout des immigrants, les deux éditions du second contiennent une proportion importante de Canadiens instruits et qualifiés qui se signalaient dans d’autres coins de l’Empire britannique et aux États-Unis.
Morgan s’efforçait aussi de faire connaître l’apport des femmes. Bien qu’il ait exprimé une certaine sympathie pour le mouvement féministe, Types of Canadian women, paru à Toronto en 1903, visait surtout à flatter la vanité des personnages qui y figuraient. La plupart des femmes présentées dans le volume étaient mariées à des hommes politiques connus ou à de grands hommes d’affaires. Une photographie ou un portrait accompagnait chaque article. En général, les notices biographiques en disaient plus sur le père et le mari de ces femmes que sur elles-mêmes. Par contre, la plupart des personnages féminins de Canadian men and women étaient des artistes, des comédiennes, des écrivaines, ou des membres d’autres professions. Comme dans le cas de ses portraits d’hommes, Morgan visait à faire l’éloge des femmes qui participaient au progrès de la nation par leurs compétences et leurs talents.
Henry James Morgan continua d’écrire presque jusqu’au moment de sa mort et, tout au long de sa carrière littéraire, ses ouvrages furent largement reconnus et utilisés, surtout par la presse. Le collège d’Ottawa lui décerna un doctorat en droit en 1903 et le King’s College de Windsor, en Nouvelle-Écosse, un doctorat en droit civil deux ans plus tard. Morgan devint membre de la Société royale du Canada en 1904. Il mourut en 1913 chez sa fille à Brockville et fut inhumé au cimetière Beechwood à Ottawa.
L’ouvrage de Henry James Morgan intitulé Sketches of celebrated Canadians, and persons connected with Canada [...] (Québec et Londres, 1862) a été réimprimé à Montréal en 1865, tout comme l’a été Bibliotheca canadensis : or a manual of Canadian literature (Ottawa, 1867) à Detroit en 1968.
Morgan a édité Speeches and addresses chiefly on the subject of British-American union (Londres, 1865), de Thomas D’Arcy McGee, et rédigé des textes en hommage à diverses personnes, dont The Elgin period : the late Honorable Mrs Robert Bruce, interesting reminiscences ([Ottawa, 1890]) ; Recollections of Father Dawson [...] (Ottawa, 1895 ; The writings of Benjamin Sulte (Milwaukee, Wis., 1898) ; et Ad multos annos : a tribute to Sir Charles Tupper on his political birthday, 1900 (Toronto, 1900). Ses papiers sont conservés aux AN, MG 29, D61.
ANQ-Q, CE1-61, 6 janv. 1843, 4 févr. 1846 ; CE1-63, 26 nov. 1864.— Brockville Times (Brockville, Ontario), 29 déc. 1913.— Canada, Parl., Doc. de la session, 1884, no 13, app. D ; no 33 ; 1889, no 6b ; 1895, no 16a.— CPG, 1880 : 27s.— J. C. Dent, The Canadian portrait gallery (4 vol., Toronto, 1880–1881), 4.— SRC, Mémoires, 3e sér., 8 (1914), proc. vii–ix.— M. B. Taylor, Promoters, patriots, and partisans historiography in nineteenth-century English Canada (Toronto, 1989).
Robert Lanning, « MORGAN, HENRY JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/morgan_henry_james_14F.html.
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Auteur de l'article: | Robert Lanning |
Titre de l'article: | MORGAN, HENRY JAMES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |