ALLCOCK, HENRY, juge et homme politique, baptisé le 26 janvier 1759 à Birmingham, Angleterre, fils de Henry Allcock et de Mary Askin ; il épousa une prénommée Hannah, et ils eurent une fille ; décédé le 22 février 1808 à Québec.

La famille Allcock était originaire d’Edgbaston, près de Birmingham ; elle s’installa dans cette ville au cours de la décennie précédant la naissance de Henry. Ce dernier entreprit ses études de droit à la Lincoln’s Inn, de Londres, en janvier 1785, et fut admis au barreau six ans plus tard, exactement. Il exerça ensuite sa profession à Londres, se spécialisant dans le droit en equity, qui traite des questions ne relevant pas de la common law. En novembre 1798, Allcock fut nommé juge puîné de la Cour du banc du roi dans le Haut-Canada, sur la recommandation de son ami, le juge en chef John Elmsley. Au début de janvier 1799, il était à York (Toronto), où il prononça le serment d’office et devint l’un des trois juges de la plus haute cour de la province dans un territoire presque désert. Il devait être présent tant aux sessions de la cour tenues dans la capitale qu’aux assises qui avaient lieu dans les petites villes à caractère administratif telles que Cornwall, Kingston, Niagara (Niagara-on-the-Lake) et Sandwich (maintenant partie de Windsor). Il fut question de créer une cour d’equity, dont Allcock aurait été le juge, mais le projet en resta là.

À l’instar de beaucoup de laissés-pour-compte maussades qui vinrent dans la province, à cette époque particulièrement, Allcock était un homme difficile à vivre. Il fut vite en mauvais termes avec ses deux collègues de la Cour du banc du roi, son ancien ami Elmsley et William Dummer Powell*. Le conseiller législatif Richard Cartwright fit observer qu’il suffisait qu’Elmsley fût d’un avis quelconque pour qu’automatiquement Allcock prît une position contraire. Le désaccord entre Allcock et Powell venait en partie de l’insistance du premier pour qu’on mît en œuvre, dans le Haut-Canada, toute la pompe et la procédure des tribunaux anglais. Le révérend John Stuart, de Kingston, crut d’abord qu’Allcock n’était « pas si rude dans ses manières que le monde se plai[sait] à le supposer ». Mais il changea d’avis quand son fils, le révérend George Okill Stuart*, d’York, subit les foudres d’Allcock au cours d’un office religieux pour avoir prétendument violé le droit ecclésiastique. Allcock entreprit alors, à l’endroit du jeune ministre, une sorte de persécution que Stuart père considérait comme « passionnément mesquine et vengeresse ».

À peine Allcock était-il installé dans la province qu’il décidait de se présenter aux élections de la chambre d’Assemblée, en 1800, malgré le fait qu’il était juge. Il fut élu député de la circonscription de Durham, Simcoe, and the East Riding of York. Toutefois, quelques habitants, dont Samuel Heron, ne tardèrent pas à présenter une pétition au lieutenant-gouverneur Peter Hunter, affirmant que le représentant d’Allcock, William Weekes, avait eu recours à des moyens injustifiables pour le faire élire. Quand la chambre d’Assemblée se réunit pour examiner la légalité de cette élection, Allcock utilisa un document rédigé par le procureur général Thomas Scott* afin de soutenir que l’Assemblée n’avait pas la compétence pour juger de cette question. Il refusa de se retirer pendant le débat et déclara qu’il faudrait le jeter dehors en se saisissant de lui par « les épaules et les pieds ». La chambre invalida son élection, le 11 juin, en raison d’irrégularités ; il avait, selon Alexander Grant, « remué ciel et terre pour conserver son siège, mais en vain ».

Naturellement, comme juge, Allcock faisait montre d’esprit de décision. Lors d’une audience portant sur des réclamations foncières, en 1799, John Askin le décrivait comme « un homme bon et très impartial, mais extrêmement pointilleux et collé à la lettre de la loi, un homme incapable de s’élever jusqu’à l’esprit de la loi ». Il ajoutait encore qu’Allcock « en faisait à sa tête, sans presque jamais demander l’avis des autres commissaires ». Le procès le plus fameux que présida Allcock fut celui de John Small*, pour le meurtre, en duel, du procureur général John White*. Affirmant avoir eu des rapports amicaux avec White, Allcock se plaignit que le solliciteur général, Robert Isaac Dey Gray, « avait été tout à fait incapable d’apporter une preuve positive » de la culpabilité de Small, et que le « jury n’aurait aucune présomption ». Aussi l’accusé fut-il remis en liberté, comme il était courant dans les procès intentés pour duel. En 1803, aux assises de Sandwich, Allcock condamna deux meurtriers à être pendus et ordonna que leurs cadavres fussent exposés dans les « chaînes », prouvant ainsi qu’il n’était point un juge clément.

Après l’arrivée du lieutenant-gouverneur Hunter en 1799, Allcock s’imposa peu à peu comme un de ses principaux conseillers, supplantant Elmsley, et l’aida à remettre en ordre et à réglementer le système de concession des terres. En 1803, Hunter recommandait pour lui une augmentation de salaire, en récompense de son efficacité. Il lui apporta également son appui en vue de l’obtention de nouveaux postes. Lors de la nomination d’Elmsley comme juge en chef du Bas-Canada, en mai 1802, c’est Allcock, plutôt que le juge le plus ancien, Powell, qui obtint ce poste dans le Haut-Canada. Allcock devint conseiller exécutif, et, en janvier 1803, sur la recommandation de Hunter, il fut nommé au Conseil législatif et en assuma la présidence.

Quel que fût son poste, Allcock fit de constantes pressions pour la création d’une cour de la chancellerie. En 1801, il prépara un avant-projet de loi et proposa en outre qu’on le nommât à la nouvelle cour, tout en le maintenant dans ses fonctions à la Cour du banc du roi, formule qui lui aurait permis de toucher double salaire. Le gouvernement britannique remit sa décision à plus tard, ce qui n’empêcha point Allcock de le bombarder de lettres au cours de l’année 1802. À la fin de 1803, ayant décidé de se rendre dans la métropole pour obtenir qu’on passât à l’action, il demanda, avec la bénédiction de Hunter, un congé de six mois, qui lui fut accordé en mars 1804. Mais le gouvernement refusa et d’augmenter son salaire et de donner suite à la demande de création d’une nouvelle cour. À l’automne de 1804, muni d’une lettre de présentation de Hunter, qui demandait aussi avec insistance une augmentation de salaire pour lui, Allcock partit pour l’Angleterre.

Pendant son séjour outre-mer, une occasion se présenta. Allcock lorgnait depuis longtemps le poste mieux rémunéré de juge en chef du Bas-Canada. Dès 1800, il avait commencé à étudier les lois de cette province, et lorsque William Osgoode* résigna ses fonctions en 1801, il avait vainement tenté de lui succéder. Comme l’année 1804 allait se terminer et que les espoirs d’être nommé juge d’une cour de la chancellerie s’évanouissaient, voilà qu’une nouvelle occasion s’offrait à lui. Elmsley était mourant à Québec : Allcock vit là une possibilité de promotion. Le principal obstacle à sa nomination était l’oligarchie administrative du Bas-Canada, qui refusait unanimement l’idée d’un juge en chef venant du Haut-Canada et qui avait son propre candidat en la personne du procureur général Jonathan Sewell*. Au contraire d’Allcock, Sewell était un expert en droit civil français et parlait couramment la langue française. Sa cause fut fortement soutenue par le lieutenant-gouverneur, sir Robert Shore Milnes*, lequel nota qu’Allcock n’avait pas la dignité nécessaire pour ce poste. Sewell eut aussi l’appui de l’évêque anglican Jacob Mountain* et d’autres personnalités du Bas-Canada. Néanmoins, à la mort d’Elmsley en avril 1805, c’est Allcock qui fut nommé, grâce à l’influence d’un protecteur britannique, le grand chancelier lord Eldon. Comme on le fit entendre à Sewell, « on ne résistait pas à si forte partie ».

Malgré le mécontentement suscité par sa nomination, Allcock retarda son arrivée à Québec jusqu’au mois d’août 1806. Il prêta alors serment comme juge en chef et membre du Conseil exécutif. Il devint président du Conseil législatif au mois de janvier suivant. Vu les circonstances, il aurait dû se chercher des alliés, d’autant que son protecteur Hunter était mort. La tâche eût été relativement facile, car il existait des divisions parmi les chefs de file de la province. Bien au contraire, Allcock commença de s’en prendre à peu près à tous ceux qui détenaient quelque autorité. Tout comme le juge Robert Thorpe* dans le Haut-Canada, il écrivit au sous-secrétaire d’État aux Colonies, sir George Shee, à la fin de 1806, exposant longuement les maux qu’il avait trouvés. Sa condamnation de la société du Bas-Canada était vraiment complète : aucun membre du gouvernement, qu’il fût canadien ou anglais, n’échappa à sa réprobation. Parmi ses doléances nombreuses, il y avait l’attitude peu satisfaisante que Milnes adoptait envers lui ; il y avait l’administrateur Thomas Dunn, qui s’y prenait mal pour renouveler le bail des forges du Saint-Maurice ; les juges puînés, Dunn et Jenkin Williams, qui étaient trop âgés et trop infirmes pour exercer correctement leurs fonctions ; sans parler du grand désordre qui régnait dans les cours de justice. Il recommanda que les conseillers exécutifs canadiens, à leur mort, fussent remplacés par des Anglais et il formula le vœu que le nouveau gouverneur ne fit point de nominations sans consultation préalable. Allcock avertit Dunn qu’il « s’attendait à ce qu’on ne procédât à aucune nomination sans le consulter d’abord ». Bientôt aussi, il écrivit au secrétaire d’État aux Colonies, le vicomte Castlereagh, et déclara que Dunn avait perdu la mémoire, accusation que ne confirme pas la lecture de la correspondance de Dunn. Castlereagh se pencha sur les plaintes les plus importantes. Même s’il était « sénile », Dunn s’acquittait bien de ses tâches. Malgré les efforts d’Allcock, le nouveau gouverneur Craig, arrivé en octobre 1807, tomba vite sous l’influence de Sewell et de Herman Witsius Ryland*, secrétaire civil, avec lequel Allcock se querellait aussi. C’est ainsi qu’Allcock perdit l’influence qu’il aimait tant exercer, malgré qu’il demeurât en poste. Au début de 1808, il mourut des suites d’une « fièvre bilieuse ».

On possède peu de renseignements sur la vie privée d’Allcock. Sa femme était morte en 1802 et, sur la fin de sa vie, il projetait apparemment de se remarier. Il possédait une ferme près d’York, et il avait sollicité, en novembre 1798, l’octroi de 1 200 acres. Ce fut seulement après avoir quitté le Haut-Canada qu’il demanda tout ce à quoi il avait droit en qualité de conseiller exécutif. Membre de l’Église d’Angleterre, il présida en 1803 une réunion de souscripteurs pour la construction de la première église St James, à York.

Porter un jugement sur Henry Allcock, c’est se condamner à des constatations peu agréables. Ses lettres révèlent les égards qu’il avait pour sa famille et qu’il refusait à la plupart de ses connaissances ; il réussit néanmoins à s’insinuer dans les bonnes grâces de quelques protecteurs triés sur le volet. Son caractère, progressivement peut-être, suscita des difficultés où qu’il fût. À l’exemple de beaucoup d’autres fonctionnaires, il fut incroyablement tenace dans la poursuite de ses intérêts personnels. Par ailleurs, il avait indubitablement, dans le Haut-Canada, aidé Hunter à assouplir l’administration. Dans le Bas-Canada, il réalisa peu de chose, à part semer la discorde. Son avarice, ses demandes à n’en plus finir et son esprit querelleur étaient restés légendaires lorsque Henry James Morgan* fit des recherches pour sa première série de biographies, quelque 50 ans après la mort d’Allcock. Il est un des sujets les moins attirants parmi les nombreux excentriques qui, au tournant du xixe siècle, furent une plaie pour les deux Canadas.

Frederick H. Armstrong

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Frederick H. Armstrong, « ALLCOCK, HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/allcock_henry_5F.html.

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Auteur de l'article:    Frederick H. Armstrong
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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