WILLIAMS, JENKIN, avocat, fonctionnaire, seigneur, juge et homme politique, né vers 1734 au pays de Galles ; il épousa Anne Jones, et ils eurent au moins trois enfants ; décédé le 30 octobre 1819 à Québec.

Jenkin Williams quitta le pays de Galles en 1767 afin d’échapper à une poursuite pour faux intentée contre lui. Il immigra à New York afin de continuer, sans être inquiété, l’exercice de sa profession d’avocat. Y ayant rencontré William Smith* qui lui recommanda d’aller plutôt s’établir à Québec, Williams arriva dans cette ville en septembre 1767 et se fit délivrer une commission d’avocat dès le 16 octobre suivant. Il sut rapidement créer autour de lui une impression favorable. Quelques mois seulement après son arrivée, le procureur général, Francis Maseres*, le trouvait « fort estimable et de bonne conduite, très sérieux et diligent et possédant toutes les capacités requises pour devenir un bon avocat » ; il entrevoyait déjà pour lui une carrière fructueuse dans la colonie.

Dès 1768, Williams fut nommé greffier de la Cour de la chancellerie. À l’automne de 1773, avec Adam Mabane* et Thomas Dunn, il fut nommé commissaire pour remplacer le juge en chef de la province, William Hey*, durant son séjour en Angleterre. Au mois de mai 1776, le gouverneur Guy Carleton le choisit pour agir, de concert avec François Baby et Gabriel-Elzéar Taschereau, à titre de commissaire chargé de visiter les paroisses situées entre Trois-Rivières et Kamouraska afin d’enquêter sur les personnes qui avaient pu aider les rebelles pendant l’invasion américaine [V. Benedict Arnold ; Richard Montgomery*]. Moins de dix ans après son arrivée dans la colonie, Williams était considéré par Maseres comme l’un des deux principaux avocats britanniques de la province, avec Henry Kneller*. Les Canadiens le tenaient en estime et recouraient souvent à ses services au dire du procureur général ; même François-Joseph Cugnet*, qui selon Maseres était un censeur sévère, aurait exprimé l’avis que Williams était digne d’accéder à la magistrature.

Très rapidement, Williams réussit également à s’assurer, sinon la prospérité, du moins une confortable aisance, ce qui lui permit de faire éduquer ses enfants en Angleterre et d’acquérir, dès les années 1770, plusieurs propriétés. En novembre 1770, il acheta pour 10 000#, soit l’équivalent de £450 à £500, une importante propriété rue Saint-Jean où il s’installa. Deux ans plus tard, il obtint par adjudication un autre lot adjacent à sa résidence, avec maison et dépendances. De plus, entre 1772 et 1776, il acquit plusieurs terrains sur les bords de la rivière Saint-Charles où il établit sa maison de campagne. En juillet 1777, Williams vendit sa résidence au juge en chef Peter Livius* pour la somme de £1 250, mais continua d’habiter la haute ville avec sa famille qui comptait au moins un fils. Le 4 septembre, lui et sa femme firent l’acquisition du fief de Montplaisant, détaché du fief de Villeray et situé en dehors de la porte Saint-Louis, pour lequel Williams prêta foi et hommage en mai 1781.

Poursuivant sa carrière, Williams devenait, en 1777, juge de paix ainsi que greffier du Conseil législatif et de la Cour d’appel ; il conserva le premier poste de greffier jusqu’en 1791, mais dut abandonner le second pour devenir solliciteur général, charge qu’il occupera jusqu’à ce que Jonathan Sewell* le remplace en octobre 1793. En le nommant le 14 décembre 1782 à cette fonction, à laquelle se rattachait celle d’inspecteur du Domaine du roi, le gouverneur Haldimand pourvoyait à un poste resté longtemps sans titulaire. Cette décision était en réalité dirigée contre le procureur général James Monk* qui, par sa conduite, s’était aliéné la confiance du gouverneur et qui se voyait ainsi privé d’une partie des fonctions lucratives qu’il avait exercées jusque-là. Monk en conçut de l’inimitié pour son collègue ; et lorsque, en 1783, Haldimand décida de retenir les services de Williams dans sa poursuite contre John Cochrane [V. James Dunlop], considérant que Monk était déjà trop compromis avec les marchands, cela n’eut pas l’heur de raccommoder les deux hommes.

Williams retourna en Angleterre en 1784, où il retrouva Smith et Carleton. Au cours de ses rencontres avec lord Sydney, secrétaire d’État à l’Intérieur, il semble avoir sollicité le poste vacant de juge en chef de la province de Québec. En fait, depuis la destitution de Livius en 1778, Williams avait de nouveau été nommé l’un des trois commissaires chargés de remplacer le juge en chef. Lord Sydney lui fit toutefois comprendre que l’ancienne accusation de faux toujours pendante contre lui constituait un obstacle à son accession à un poste aussi élevé que celui qu’il convoitait, d’autant plus que cette malheureuse affaire n’était pas inconnue dans la province. Compatissant envers Williams, le secrétaire d’État lui enjoignit d’entreprendre des démarches pour faire lever la poursuite criminelle, ce à quoi Williams réussit finalement. Par ailleurs, ses services donnaient entière satisfaction à ses supérieurs et sa présence dans la colonie était jugée indispensable. Prié bientôt de regagner son poste, il prit instructions de Carleton et s’embarqua le 2 novembre 1785 pour rentrer à Québec.

Après la destitution de Monk, au printemps de 1789, Williams escompta que le choix d’un procureur général se porterait sur lui ; puis, à la suite de la démission d’Edward Southouse, il espéra lui succéder comme juge des plaids communs. Mais en vain. Cette double déception lui laissa l’impression que ses longs états de service étaient plutôt mal récompensés. Finalement, après avoir été choisi greffier du nouveau Conseil exécutif créé par l’Acte constitutionnel de 1791, il accédait à la magistrature. Nommé à la Cour des plaids communs du district de Québec le 12 janvier 1792, il succédait à Mabane qui était décédé quelques jours plus tôt ; il passa ensuite à la Cour du banc du roi lors de la réorganisation judiciaire de décembre 1794.

Pendant les 25 années où il exerça sa profession d’avocat, Williams ne démentit pas l’attente qu’on avait placée en lui. Ses opinions juridiques révèlent un juriste compétent, nuancé et doué d’une objectivité certaine, même dans les questions qui suscitaient alors des divisions politiques. Esprit modéré, plutôt conservateur, il resta en général à l’écart des luttes partisanes. S’il est vrai qu’il joua un rôle actif au sein du comité formé, à l’automne de 1773, pour réclamer la création d’une chambre d’assemblée, en revanche il évita, un an plus tard, de se joindre à ceux de ses compatriotes qui demandèrent le rappel de l’Acte de Québec. Sur la question du droit en vigueur dans la province, sans faire preuve de parti pris, ses opinions étaient tout de même de nature à plaire aux Canadiens. Ainsi, il déplorait l’attitude des Britanniques qui revendiquaient le rétablissement du droit anglais, particulièrement en matière commerciale, considérant que leur position reposait sur de l’ignorance entretenue « par quelques praticiens anglais mal informés ». Par ailleurs, il estimait fort justement qu’en vertu de l’Acte de Québec le droit anglais devait régir à tous égards les terres en franc et commun socage, notamment en matière de succession et de douaire. De même, sur la commutation du régime seigneurial, il soumit au Conseil législatif, au cours de l’enquête de 1790 [V. Thomas-Laurent Bédard*], un rapport qui, loin de faire écho aux préjugés britanniques, s’en tenait à une analyse descriptive des conséquences de l’instauration de la tenure en franc et commun socage. Il en ressortait que, à son avis, la grande majorité des censitaires, peu fortunés, auraient à souffrir sérieusement du changement de tenure et que cela l’emportait finalement sur les avantages que la couronne et les seigneurs pourraient en retirer. Ses positions étaient susceptibles de plaire à Carleton comme à Haldimand. L’un et l’autre n’avaient pas manqué d’ailleurs de lui témoigner leur estime en l’appelant à exercer, au long des années, des fonctions de plus en plus importantes.

Sexagénaire, Williams n’en continua pas moins d’être très actif. À partir des années 1790, il exerça aussi les fonctions de commissaire chargé de faire prêter le serment aux membres de la chambre d’Assemblée et du Conseil législatif ainsi que le serment aux fonctionnaires ; en outre, il fit partie de la commission responsable de l’administration des biens des jésuites. À titre de procureur du légataire universel de Haldimand, Williams vendit le fief de Grand-Pabos à Felix O’Hara en 1796 ; il fut également nommé procureur des exécuteurs testamentaires de l’ancien gouverneur Murray* en 1801 pour réaliser la vente des seigneuries de Rivière-du-Loup et de Madawaska à Henry Caldwell. À titre personnel, Williams continua d’effectuer des transactions foncières. Ayant racheté ses deux anciennes propriétés de la rue Saint-Jean en 1801, il habita l’une d’elle, puis la revendit £1 500 en février 1806. Deux mois plus tard, il acquérait rue Saint-Louis la maison de John Elmsley décédé l’année précédente ; il s’en départit en mars 1811 pour la somme de £1 200, après avoir acheté le mois précédent de John Richardson*, pour £1 800 dont £450 comptant, deux terrains dont l’un, situé rue des Pauvres (côte du Palais), comportait une grosse maison en pierre et des dépendances. Williams avait aussi reçu 400 acres de terre dans le canton de Milton, en 1803, et 26 810 acres dans le canton de Stanfold, en 1807.

Après avoir siégé pendant 20 ans, le juge Jenkin Williams se retira le 22 mai 1812, en raison de son âge avancé. Il reçut dès lors une allocation annuelle de £500 en « récompense de ses longs et dignes services ». Il conserva jusqu’à sa mort son poste de membre honoraire du Conseil exécutif auquel il avait été nommé le 7 janvier 1801, ainsi que celui de membre du Conseil législatif auquel il avait accédé deux ans plus tard. Le 13 juillet 1819, il légua la presque totalité de ses biens à sa femme et laissa des terres à ses petits-enfants Anne Margaret et John Jenkin McLean. Williams mourut à Québec le 30 octobre suivant, après une longue carrière au cours de laquelle, par sa loyauté et sa compétence, il avait imposé le respect et gagné des honneurs bien mérités. Son service fut célébré dans la cathédrale Holy Trinity le 3 novembre 1819.

André Morel

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André Morel, « WILLIAMS, JENKIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/williams_jenkin_5F.html.

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Auteur de l'article:    André Morel
Titre de l'article:    WILLIAMS, JENKIN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    16 nov. 2024