DUNLOP, JAMES, homme d’affaires et officier de milice, né en novembre 1757 à Glasgow, Écosse, troisième et dernier fils de David Dunlop, marchand et fabricant de textile, et d’une des filles de James McGregor of Clober ; décédé célibataire le 28 août 1815 à Montréal.
James Dunlop reçut une « solide instruction commerciale », dans les domaines de « la comptabilité, des mathématiques et de la navigation », probablement au High School of Glasgow. À l’instar de beaucoup d’autres jeunes gens de la classe marchande de la ville, il fut envoyé en Virginie, centre du commerce du tabac et lieu principal des entreprises écossaises outre-mer. Il y arriva au début de 1773, semble-t-il, et s’établit sur la rivière James, en face de Jamestown, comme employé de William et de John Hay, correspondants de ses frères Robert et Alexander Dunlop, associés à Glasgow. Selon Alexander Dunlop of Clober, neveu de Dunlop, après qu’eut éclaté la Révolution américaine, celui-ci servit dans les rangs des Loyalistes au cours de plusieurs campagnes en Virginie et dans les colonies du Sud.
Au début de 1779, Dunlop se rendit à Québec et, dans la partie haute d’une maison de la rue Saint-Pierre, établit un petit magasin où il vendait des marchandises sèches, de la quincaillerie, de l’épicerie et des « objets de fantaisie », qu’il importait à crédit de Glasgow. Ayant perdu, pendant la révolution, le peu d’argent liquide qu’il possédait, il s’associa avec Andrew Porteous et travailla étroitement avec John Porteous et Daniel Sutherland*, tous trois de Montréal. Les Porteous étaient membres d’un réseau familial dont faisaient partie un certain nombre de Paterson, également actifs dans le commerce de la colonie et déjà bien établis dans la province, qui étaient originaires de l’Ayrshire, comme Dunlop. À l’instar de beaucoup d’autres marchands écossais de la colonie, Dunlop fut mêlé au scandale impliquant John Cochrane, qui, de 1779 à 1782, fut le représentant à Québec d’une firme britannique chargée d’approvisionner le gouverneur Haldimand en numéraire pour les besoins de l’administration coloniale. Sans autorisation, Cochrane avait avancé aux marchands de la colonie de fortes sommes en lettres de change, et les procès intentés par Haldimand contre quelques-uns des débiteurs retardataires, devant le juge Adam Mabane*, provoquèrent une crise financière dans la colonie. Le montant dont avait joui Dunlop était peu élevé par comparaison aux sommes avancées à de nombreux autres marchands ; en 1787, néanmoins, il devait encore £3 000.
Homme d’énergie et de ressources, Dunlop désirait relever de nouveaux défis ; aussi, en 1781, il avait mis un terme à son association avec Porteous, et, l’année suivante, apparemment, il s’était établi à Montréal, ville qui était en voie de devenir rapidement le centre du commerce canadien. Il n’en continua pas moins d’importer et d’exporter des marchandises sur une modeste échelle via Québec, où il maintint un représentant, John Pagan. En 1785, Dunlop était installé dans un entrepôt qui donnait sur la principale voie de communication montréalaise, la rue Saint-Paul, et qui avait son propre débarcadère. C’est là probablement qu’il vendait un grand assortiment de marchandises sèches, de coutellerie, de boissons alcooliques et de sucre, entre autres produits qu’il continuait d’importer. Pressentant l’importance prochaine du commerce de la farine et du bois, il avait commencé, au début des années 1780, à voyager fréquemment à travers la colonie, négociant des achats de grains et de bois. Son activité dans ce domaine et les contacts qu’il s’était faits un peu partout l’avaient mis en position de force quand, en 1788, une loi du Parlement britannique permit aux navires en provenance du Canada de transporter du bois et des vivres aux Antilles et d’en rapporter en franchise du sucre et du rhum pour une valeur pouvant atteindre celle du chargement à l’aller. Dès 1789, il expédiait aussi à Leith, en Écosse, des cargaisons de chêne canadien choisi.
Les vins et les spiritueux étaient une autre des spécialités de Dunlop. Il importait de Greenock des rhums et des whiskies de première qualité, et trouvait un débouché facile auprès des habitants et des trafiquants de fourrures. Son rhum, identifié sur le baril par les initiales J. D. et un chardon, avait grande réputation. Avant que n’éclatât la guerre avec l’Espagne, en 1796, il importait de Cadix des cargaisons de vins d’Espagne, de Madère et du Portugal, et approvisionnait les caves de la plupart des magnats de la traite des fourrures, en particulier de Simon McTavish. De Cadix encore, il importait sur une grande échelle du rhum, du sucre et du tabac. Il maintint un utile réseau de représentants – la plupart étant des firmes écossaises – à Livourne, en Toscagne (Italie), à Cadix et à Barcelone, en Espagne, à Lisbonne et à Madère. Les spiritueux représentèrent aussi une grande partie de son commerce avec York (Toronto), où il fut le fournisseur d’Alexander Wood* et de William Allan* à partir de 1798. Dunlop entretint d’autres liens avec le Haut-Canada grâce à la société qu’il avait formée avec Richard Duncan et son groupe de spéculateurs fonciers « insatiables » (selon le juge en chef William Osgoode*), parmi lesquels on trouvait Coll McGregor et James Caldwell, de l’état de New York. En 1794, on repoussa leur pétition visant des centaines de milliers d’acres dans la région de Beauharnois, au Bas-Canada ; on fit de même en 1796 pour une requête d’hommes moins importants, formant une association dont Dunlop était le chef, lesquels convoitaient les 64 000 acres que renfermait le canton de Derry, sur la rive nord de la rivière des Outaouais.
À Montréal, Dunlop loua une maison, rue Saint-Paul, jusqu’en mars 1788. En 1795, il était installé aux abords de la ville, dans une belle maison qui devint un centre de la vie sociale ; les visiteurs de passage à Montréal témoignèrent de la chaleureuse hospitalité de Dunlop, bien caractéristique des très riches Écossais montréalais. Ses serviteurs en livrée, il les faisait invariablement venir d’Écosse. À l’instar de la plupart des marchands écossais de la ville, il avait été membre de la congrégation protestante, organisme anglican, mais s’était joint à l’église Scotch Presbyterian (la future église St Gabriel Street), quand cette dernière fut ouverte au début des années 1790.
Dunlop prit part également à la vie publique de la ville. En 1792, il se porta candidat à la chambre d’Assemblée pour représenter la circonscription de Montréal-Ouest, mais les électeurs lui préférèrent James McGill et Jean-Baptiste-Amable Durocher. La crainte grandissante, parmi la population britannique, de l’activité d’agents de la Révolution française opérant dans le Bas-Canada à partir des États-Unis [V. John Black ; David McLane*] ena Dunlop à se mettre au service de la British Militia of the Town and Banlieu of Montréal ; il y entra comme enseigne en 1790 et fut promu lieutenant en 1794.
Dunlop sut profiter pleinement des conditions économiques favorables qui prévalurent de 1793 à 1814, période marquée d’abord par la possibilité puis par l’éclatement d’un conflit avec la France et ensuite avec les États-Unis. En 1797, il écrivit que ses entreprises étaient devenues si nombreuses et si diverses qu’il devait demander du personnel supplémentaire d’Écosse. En 1802, son quartier général de la rue Saint-Paul comptait parmi les plus grandes installations commerciales de la colonie. Les exportations totales de Dunlop pour 1803 furent évaluées à £60 000 au moins ; il n’était dépassé, à cet égard, que par la North West Company et la Parker, Gerrard, Ogilvy and Company [V. John Ogilvy]. Sa première entreprise d’importation l’avait alors cédé en importance à de nouveaux secteurs d’activité ; il affirma, en 1800, que ses importations d’Écosse ne lui rapportaient rien, mais qu’il était en train d’accumuler rapidement une grosse fortune comme courtier de change, propriétaire de navires et exportateur de produits en vrac.
Engagé dans les opérations de change depuis l’époque du scandale de Cochrane, Dunlop avait eu le temps d’apprendre à traiter les valeurs gouvernementales les plus variées, les acheminant via New York, où il était possible de réaliser de bons profits sur le numéraire. Mais ce fut la guerre avec la France qui le lança dans le domaine de la haute finance. Au début des années 1800, il achetait des traites tirées sur le trésorier général – il en acheta pour la valeur de £21 000 en juin 1800 seulement – avec un rabais de presque 2 p. cent, et les vendait à New York, contre des espèces, ce qui lui rapportait une prime de presque 2 p. cent. Le courtage de change fut sa principale activité comme financier, et il la mena avec adresse et prévoyance. En 1812, il était le plus important courtier de change en Amérique du Nord britannique et le canal reconnu par lequel la fraternité marchande de Montréal et de Québec disposait de ses traites militaires ; comme le prouvent les documents relatifs à ses transactions avec Frederick William Ermatinger*, entre autres. L’étendue et le montant de ses opérations permettent de considérer Dunlop comme le premier grand courtier de change au Canada.
La guerre avec la France avait aussi poussé Dunlop à se lancer dans la construction navale. En 1793, il loua à long terme un emplacement à Pointe-à-Callière, à Montréal, où il construisit un chantier maritime et employa des artisans habiles qu’il fit venir de la rivière Clyde, en Écosse, et de New York, de même que des hommes et des apprentis recrutés sur les lieux, qui apprenaient l’art de la construction navale. De ce chantier sortirent les navires qu’il utilisa pour son commerce avec l’Europe et les Antilles, de même que pour des opérations de course. Pour augmenter sa flotte plus rapidement, il acheta des navires, comme le schooner Marie, en 1794, acquis du marchand québécois John Munro, le sloop Peggy, trois ans plus tard, et, en 1805, l’Industrie, construit par François et Romain Robitaille, de Québec. En 1806, la flotte de Dunlop comprenait trois grands navires océaniques et sept plus petits pour le commerce fluvial et côtier. À la fin de 1811, il possédait six navires portant des noms de la famille Dunlop, et, au mois de mai de cette année-là, le lancement du dernier d’entre eux, le James Dunlop, construit au coût de £10 000, attira une foule de 5 000 personnes. L’année suivante, Dunlop posa les quilles de trois autres gros navires, dont le George Canning, de 482 tonneaux. En 1814, il acheta l’Earl St Vincent, de plus de 900 tonneaux, qui faisait le service des Indes orientales, et il projetait d’en acheter plusieurs autres. Les coûts de construction des navires au Bas-Canada étaient approximativement de 35 p. cent supérieurs à ceux de la Clyde, mais Dunlop avait confiance dans l’avenir de cette industrie en Amérique du Nord britannique, à la condition que des matériaux de première qualité fussent utilisés par des artisans compétents.
En Grande-Bretagne, la guerre avait fait augmenter considérablement la demande de matières premières comme la potasse, le bois, les grains et la farine ; à l’automne de 1797, Dunlop avait adressé à Glasgow des factures dont le montant total s’élevait à plus de £17 000, pour livraison de grains au cours des huit mois précédents. En 1800, il envisageait l’ambitieux projet d’accaparer le ravitaillement de la farine et de la potasse canadiennes, et, en 1805, il réussit presque à monopoliser le commerce de cette dernière, qu’il exportait sur une grande échelle, et avec un joli profit ; on l’utilisait dans les fabriques de coton, de toile et de laine sur la Clyde. De même, quand, au cours des années 1812 et 1813, l’Écosse fut éprouvée par une crise alimentaire qui conduisit à des « attroupements réclamant de la farine », Dunlop expédia plusieurs tonnes de farine, à même ses réserves, les plus considérables de la province, et il réussit à réaliser d’assez gros profits. Si l’on tient compte du marché écossais, de ses contrats de fourniture avec l’armée britannique dans la péninsule ibérique et de l’approvisionnement des troupes en Amérique du Nord pendant la guerre de 1812, il pouvait entrevoir le jour où il serait la cheville ouvrière dans le domaine des grains au Canada.
L’activité de Dunlop dans la construction navale et les opérations de course était liée à son commerce de denrées, comme le montre la permission spéciale que lui accorda, le 22 juillet 1812, le Conseil législatif du Bas-Canada : on l’autorisait à dépêcher à Lisbonne le James Dunlop, son grand navire fortement armé, avec des fournitures destinées aux troupes, et cela en dépit du blocus imposé par Napoléon Ier, puisque « la puissance [de son armement devait], selon toute vraisemblance, être suffisante pour le protéger ». Il avait à ce point confiance dans la force de ses navires – qui reçurent tous des lettres de marque pour la guerre de course – qu’il refusa de les assurer pendant toute la guerre, considérant apparemment les primes d’assurance comme excessivement élevées ; il joua gagnant, puisque, n’ayant perdu que le James Dunlop, qui fit naufrage en 1812 pendant une tempête au large de l’île d’Anticosti, il fut bien compensé par la capture d’un navire ennemi. En 1814, il affirmait, dans une lettre à sa sœur de Glasgow, avoir fait « plus de bonnes affaires depuis le commencement de la guerre que jamais [... auparavant] dans le même laps de temps », et être devenu l’homme le plus riche du Bas-Canada. Même en faisant la part de son enthousiasme naturel, il n’y a guère de raisons, semble-t-il, de douter de cette affirmation. En novembre 1813, une de ses cargaisons de marchandises importées fut évaluée à £50 000, droits inclus ; six mois plus tard, il envoyait la plus grosse lettre de change – £32 500 – jamais expédiée de la colonie ; en août 1815, il avait en main un stock de marchandises évalué à £100 000. La même année, le Montreal Herald notait que sa fortune était « supposément la plus grande qu’une personne eût jamais acquise dans le pays ».
Sa capacité de tirer profit du climat économique favorable des années 1790 et du début des années 1800, Dunlop la devait en partie au vaste éventail des contacts qu’il s’était créés au Canada et en Grande-Bretagne. Il s’était acquis la confiance des marchands de Montréal dès le temps de son établissement dans cette ville, et, dans les décennies 1780 et 1790, l’on fit souvent appel à lui comme fiduciaire de la succession d’hommes d’affaires. Il ne se lança jamais dans la traite des fourrures, comme le firent beaucoup de marchands montréalais, mais, par solidarité avec eux, il avait signé, en 1782 et 1785, plusieurs pétitions dans lesquelles les magnats de la fourrure demandaient au gouvernement de protéger ce commerce et d’en assurer la liberté. S’il se dissocia d’Andrew Porteous, Dunlop resta en rapport avec le groupe Paterson-Porteous, dont les membres, et en particulier les plus jeunes d’entre eux (les Robertson, John Ogilvy et leurs proches alliés), s’opposaient activement à la North West Company dans les années 1790. Faisant partie de l’empire Parker, Gerrard, and Ogilvy, ce groupe devint l’un des rouages les plus importants du commerce entre la province de Québec et la Grande-Bretagne. À l’exemple de John Porteous, Dunlop était en étroites relations avec James et Andrew McGill, ayant tous vécu à Glasgow, et, en 1806, il fut l’exécuteur testamentaire d’Andrew.
En Grande-Bretagne, Dunlop transigeait surtout avec des correspondants écossais, au contraire des marchands intéressés à la traite des fourrures, qui faisaient affaire avec Londres. Il était en rapport avec James Dunlop of Garnkirk, les Dunlop of Lockerbie, et avec ses frères Alexander, libraire, et Robert, manufacturier de toiles, qui, à Glasgow, agissaient encore comme ses représentants pour l’achat et l’exportation d’une grande variété de marchandises sèches et autres articles. Mais son représentant écossais principal était la firme Allan, Kerr and Company, de Greenock, l’une des plus notables dans le commerce avec les deux Canadas.
Durant les années 1800, Dunlop avait continué de participer avec enthousiasme à la milice de Montréal. Capitaine en 1803, il devint major et commanda quatre compagnies du 1er bataillon, dont l’artillerie. En juin 1811, avec Étienne Nivard Saint-Dizier, il fut désigné pour porter une adresse des citoyens de Montréal au gouverneur Craig, sur le point de s’embarquer pour Londres. En novembre 1812, une partie de la milice, dont les artilleurs de Dunlop, fut placée sur un pied d’alerte. L’année suivante, il exprimait l’espoir que les envahisseurs américains pénètrent dans Montréal, de façon que « [ses] canons les envoient par milliers dormir auprès de leurs pères ». Mais son activité militaire l’amena à une dispute qui le conduisit devant un conseil de guerre en décembre 1813. On l’accusait d’avoir insulté, à Lachine, un officier subalterne du nom de Hart Logan, au moment où l’on s’attendait à une attaque ennemie, et d’avoir été ivre à ce moment-là. Dunlop avait dit à Logan qu’il « l’estimait moins que le conducteur d’une charrette à lait », insulte typique du parler de l’Ayrshire, mais qui venait peut-être aussi de l’utilisation que l’on faisait dans la colonie, à cette époque, de petites voitures traînées par des chiens, pour le transport du lait. Ayant reçu l’ordre, d’un tribunal militaire présidé par son ami James McGill, de présenter des excuses à Logan, Dunlop s’y refusa et perdit sa commission dans la milice. L’incident ne créa aucun préjudice à Dunlop au sein de la communauté, et beaucoup louèrent sa fierté et son sang-froid devant le tribunal. Dunlop vit avec douleur se terminer la guerre avec les États-Unis, en 1814 ; il écrivit à George Canning, ambassadeur extraordinaire au Portugal, et au député de Glasgow au Parlement : « jamais plus nous ne retrouverons si belle occasion d’obliger les États-Unis à capituler ».
En août 1815, peut-être à la suite d’une excursion qu’il fit à la fin de juillet aux chutes de la Chaudière, près de Québec, Dunlop souffrit de plus en plus d’une inflammation intestinale, pour laquelle il semble avoir refusé de se laisser soigner. Il mourut le 28 août à Montréal. Au moment de sa mort, il débordait de nouveaux projets : doter sa flotte d’autres navires, plus gros, se lancer dans un projet d’envergure pour importer des milliers de tonnes de farine irlandaise sur lesquelles il spéculerait, et examiner la possibilité de mettre sur pied un service transatlantique régulier de passagers. Dans une lettre de 1814 à son beau-frère, il avait affirmé « s’être montré plus hardi dans [ses] spéculations que quiconque, individu ou compagnie, dans la province », et la Gazette de Québec reconnut qu’il avait été un des marchands de Montréal « les plus éminents, les plus respectables et les plus entreprenants ». En Dunlop, la colonie perdait un homme d’affaires fort actif, qui eût pu contribuer grandement à la période de croissance commerciale qui suivit, de même qu’à la création des banques. Moins de deux ans après sa mort, la Banque de Montréal était créée, et d’autres caressaient son projet de service transatlantique régulier pour les passagers.
Personnage coloré et imaginatif, Dunlop fut un digne contemporain de Simon McTavish, également connu sous le nom du « Marquis », et d’autres personnages qui formaient le cercle commercial de Montréal. S’il fut à un haut degré un homme d’affaires progressif du type des entrepreneurs du xviiie siècle, il avait été, tout au long de sa vie, fort conscient de son héritage, issu comme il l’était d’une branche cadette de l’ancienne maison des Dunlop de l’Ayrshire, lié de surcroît au héros national écossais William Wallace. La fierté de son lignage le rendait irascible quand on le contredisait, et il prenait vite la mouche ; néanmoins, la plupart de ceux qui le rencontrèrent notèrent la bonhomie de son hospitalité, sa tolérance et son sang-froid. Il se montra extrêmement généreux envers ses parents d’Écosse, mais avec une tendance à « tenir la barre ». Ceux-ci ne le considéraient pas sans quelques tremblements. Au cours de ses visites au vieux pays, ils subirent ses soudaines colères, particulièrement au sujet de l’éducation et de la formation de ses neveux et nièces, questions qui le préoccupaient profondément. Comme le rappelait son neveu Alexander Dunlop of Clober, « le Canadien était bon mais autoritaire ». De son sang-froid caractéristique, Dunlop fit une fois la démonstration, à l’occasion d’un incendie qui rasa son entrepôt de Montréal. Regardant les flammes, assis sur un divan sauvé du sinistre, il demanda : « Pourquoi un homme ne pourrait-il point jouir de son propre foyer ? » Selon Clober, il était « un personnage prompt, actif et fougueux, d’une indomptable intrépidité, qu’il eût la plume ou l’épée à la main. Ce fut en tempête qu’il s’attaqua à la fortune, et il eut toutes les audaces pour la mettre de son côté. »
Les exécuteurs des dernières volontés de Dunlop, datées du 12 juillet 1811, devaient être, au Canada, James McGill, qui mourut deux ans avant Dunlop, John Forsyth*, Isaac Todd, William Lindsay* (mort en 1834), John Harkness et Adam Lymburner Macnider* ; à Glasgow, son beau-frère Andrew McNair ; à Greenock, Allan, Kerr and Company et John Denniston, riches négociants et financiers écossais. À ses neveux et nièces d’Écosse, alla le gros de la fortune de Dunlop, soit de £150 000 à £200 000 ; à sa sœur, il accordait une rente annuelle de £1 000. Il laissa aussi une dotation de £5 000 à un fils illégitime, James, né en 1810, et dont la mère était Mme Elizabeth Whitlaw, apparemment de Glasgow. La Dunlop and Company fut liquidée après la mort de son propriétaire, et il semble que les montants touchés par les héritiers de Dunlop aient été de loin inférieurs à la valeur réelle de la succession.
James Dunlop fut un négociant d’un talent et d’une originalité extraordinaires, qui dépassa de loin ses contemporains, même les grands de la traite des fourrures, tant par ses conceptions que par ses réalisations. On lui doit l’ouverture de plusieurs champs importants d’activité commerciale au Canada, et il fut certainement l’un des pères de la finance canadienne.
James Dunlop semble être le seul marchand britannique de première importance venu au Canada au xviiie siècle dont la correspondance intime concernant ses affaires au sommet de sa carrière existe encore. Elle se trouve dans le SRO, GD1/151, et les APC en possèdent une copie sur microfilm sous la cote MG 24, D42.
ANQ-Q, CN1-145, 26 juill. 1805 ; CN1-256, 12 nov. 1794, 8 nov. 1797 ; CN1-262, 18 juin 1805.— APC, MG 19, A2, sér. 3, 33 ; E1, sér. 1, 52 : 19771 (copies) ; RG 1, L3L : 38841–38844 ; RG 8, I (C sér.), 688E.— Arch. privées, W. H. Dunlop of Doonside (Ayr, Écosse), Dunlop papers.— PCA, St Gabriel Street Church (Montréal), Reg. of baptisms, marriages, and burials, 31 août 1815 (mfm aux ANQ-M).— PRO, CO 42/48 : ff.40–41 (mfm aux APC).— Alexander Dunlop of Clober, Reminiscences of Alexander Dunlop of Clober, 1792–1880 (Ayr, 1967).— Town of York, 1793–1815 (Firth), 116s., 126.— La Gazette de Québec, 1779–1815.— Almanach de Québec, 1791–1816.— J. F. Bayne, Dunlop parish ; a history of church, parish, and nobility (Édimbourg, 1935).— R. Campbell, Hist. of Scotch Presbyterian Church, 96.— Archibald Dunlop, Dunlop of that ilk ; memorabilia of the families of Dunlop, with special reference to John Dunlop of Rosebank [...] with the whole of the songs, and a large selection from the poems, of John Dunlop (Glasgow, 1898).— Macmillan, « New men in action », Canadian business hist. (Macmillan), 44–103 ; « The Scot as businessman », The Scottish tradition in Canada, W. S. Reid, édit. (Toronto, 1976 ; réimpr., 1979), 179–202 ; « Un financier qui fut un « diable d’homme », Le banquier et revue IBC (Montréal), 5 (1978), no 1 : 58–61.
David S. Macmillan et A. J. H. Richardson, « DUNLOP, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/dunlop_james_5F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/dunlop_james_5F.html |
Auteur de l'article: | David S. Macmillan et A. J. H. Richardson |
Titre de l'article: | DUNLOP, JAMES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |