CAMERON, DUNCAN, trafiquant de fourrures et homme politique, né vers 1764 à Glen Moriston, Écosse, fils d’Alexander Cameron et de Margaret McDonell ; décédé le 15 mai 1848 à Williamstown, Haut-Canada.

En 1773, Duncan Cameron immigra dans la colonie de New York avec ses parents, qui s’établirent dans le comté de Tryon ; sept ans plus tard, pendant la Révolution américaine, il se joignit à un régiment loyaliste, probablement le King’s Royal Regiment of New York [V. sir John Johnson*]. Arrivé dans la province de Québec en 1785, il s’initia la même année à la traite des fourrures en qualité de commis d’Alexander Shaw et de Gabriel Cotté*, tous deux trafiquants indépendants de la région du lac Nipigon (Ontario).

Cameron se révéla bientôt un formidable adversaire de la Hudson’s Bay Company, qui tentait d’étendre son emprise sur le nord et l’ouest du lac Nipigon. Un employé de cette compagnie, James Sutherland*, qui passa l’hiver de 1790–1791 au lac Red, découvrit que Cameron était déjà « très respecté des Indiens car il [était] sur les lieux depuis quelques années ». Il notait avec consternation que son rival était bien pourvu en rhum de la Jamaïque, en tabac du Brésil et en uniformes élégants pour les Indiens ; de plus, Cameron arborait « un gros tromblon de cuivre qui produisait des détonations épouvantables » et « un magnifique drapeau de chalon » qui contrastait vivement avec le sien, une « vieille guenille ». Par ailleurs, « comme deux postes de traite attirent plus d’Indiens » qu’un seul, Sutherland ne passa pas un hiver infructueux, puisqu’il rapporta 33 ballots de fourrures à sa compagnie ; mais son adversaire, qui était mieux pourvu, qui connaissait mieux la région et savait en imposer, conserva la haute main et en amassa 45. Les deux trafiquants n’en eurent pas moins d’excellentes relations : lorsqu’ils se quittèrent au printemps, Sutherland remercia Cameron pour « sa conduite distinguée et son naturel obligeant ». Cameron séjourna encore au lac Red en 1791–1792, et son rival était cette fois John Best, un autre employé de la Hudson’s Bay Company, avec qui les rapports furent cependant beaucoup moins cordiaux. À titre d’associé hivernant de Shaw et de Cotté, il envoya également des trafiquants dans le bassin du lac Winnipeg, plus précisément dans le haut de la rivière Bloodvein.

En 1793–1794, Cameron envoya Jean-Baptiste Turcotte faire de la traite au lac Big (lac MacDowell, Ontario) et maintint sur la Bloodvein deux postes qui nuisaient aux activités de la Hudson’s Bay Company au lac Red. Il passa l’hiver de 1795–1796 à l’ouest du lac Winnipeg, à Partridge Crop, sur la rivière Fairford (Manitoba), alors que ses rivaux étaient Best à la rivière Dauphin ainsi que deux trafiquants indépendants, Joseph Rhéaume et Gabriel Atina Laviolette. Les rapports de traite étaient tendus. Le 31 mars 1796, Best écrivait qu’il était « presque impossible d’obtenir des fourrures sans se battre, puisque [Cameron] était constamment en désaccord avec [lui] au sujet de la traite ».

Après la mort de Cotté, en février 1795, Cameron prit comme fournisseurs de marchandises de traite la Forsyth, Richardson and Company et la Todd, McGill and Company. Puis, comme ces sociétés avaient temporairement cessé la traite dans le Nord-Ouest après avoir refusé en 1795 les actions que leur offrait la North West Company, Cameron n’eut d’autre choix que de se joindre à cette compagnie, dont il devint associé. En 1796, celle-ci lui confia la direction du département de Nipigon, qu’il allait conserver jusqu’en 1807. De 1796 à 1798, au lac Fly (lac Whiteloon, Ontario), dans le haut de la rivière Severn, il fit concurrence à David Sanderson de la Hudson’s Bay Company. Les deux hommes se trouvèrent de nouveau face à face au lac Sandy de 1798 à 1801 ; puis Sanderson partit pour la rivière Berens, et Cameron et ses hommes eurent presque le champ libre à la rivière Severn.

En 1803–1804, au lac Island (Manitoba), Cameron et ses 26 hommes écrasèrent leurs rivaux de la Hudson’s Bay Company que dirigeait James Peter Whitford. Au même endroit, en 1804–1805, Charles Thomas Isham* ne fit guère mieux que son prédécesseur contre les Nor’Westers, tandis que Cameron passait l’hiver au lac Owl (lac McInnes, Ontario) à rivaliser avec John Sanderson. Il subsiste des extraits du journal que Cameron tint cet hiver-là, de même que d’intéressantes observations ethnographiques sur la région, probablement écrites pendant la même période. Durant l’hiver de 1806–1807, il séjourna au lac Trout (lac Big Trout), à l’est du lac Severn, où selon James Swain, un employé de la Hudson’s Bay Company, il « traita avec les autochtones d’une manière très extravagante ».

En 1807, Cameron et Alexander MacKay* remplacèrent le frère de celui-ci, William*, à la tête du département du lac Winnipeg, dont la base était le fort Bas-de-la-Rivière (Fort Alexander, Manitoba). L’hiver suivant, au lac Drunken (lac Wrong), à l’est du lac Winnipeg, Cameron livra concurrence à Alexander Kennedy, un employé de la Hudson’s Bay Company. En juillet 1808, sur l’insistance de Cameron, la North West Company réduisit de moitié le nombre de ses postes et de sa main-d’œuvre dans le département, car ses dépenses y avaient largement dépassé ses recettes. De 1808 à 1811, il demeura au fort Alexander, ancien fort Bas-de-la-Rivière, à superviser la traite, que la concurrence et la chasse abusive au gibier à fourrure avaient grandement réduite. Pendant cette période, l’un de ses commis au lac Winnipeg, George Nelson* (qui épousa une cousine de sa femme, membre de la tribu des Sauteux), nota combien il avait « de l’estime et du respect » pour son patron Cameron : « jamais, disait-il, nous [les commis] ne sommes plus heureux que lorsque nous sommes réunis en sa compagnie ». En 1811, Cameron céda sa place à John Dugald Cameron* pour se rendre dans le département du lac à la Pluie, qu’il dirigea pendant trois ans.

La période la plus connue de la carrière de Cameron commence en 1814, lorsqu’il assuma avec Alexander Macdonell* (Greenfield) la direction du département de la rivière Rouge. Il se heurta à la colonie de la Rivière-Rouge, de la Hudson’s Bay Company, qu’avait établie deux ans plus tôt lord Selkirk [Douglas*] et que gouvernait Miles Macdonell*. À ce moment, les Nor’Westers avaient déjà intensifié leur opposition à la colonie en dressant contre elle les trafiquants indépendants locaux, les sang-mêlé et les Indiens [V. Cuthbert Grant*]. En août 1814, un employé de la Hudson’s Bay Company, Peter Fidler*, rapporta que Cameron et Macdonell, « vêtus d’un uniforme militaire », avaient quitté la Rivière-Rouge pour le fort Gibraltar (Winnipeg), poste de la North West Company. Cameron, qui s’était donné le grade de capitaine et avait attribué à son compagnon celui de lieutenant, affirmait que c’était lui le « chef de la contrée », et non l’administrateur Macdonell ; il envoya chercher tous les trafiquants indépendants de la région « dans l’espoir de les engager – afin de les empêcher [...] de chasser le bison pour faire vivre les colons ». Le 5 septembre, avec en main un mandat que leur avait délivré le Nor’Wester Archibald Norman McLeod, magistrat du territoire indien en vertu du Canada Jurisdiction Act, Cameron et sept hommes armés arrêtèrent John Spencer, shérif de la colonie, pour être « entré par effraction dans leurs magasins de Brandon House le printemps précédent ».

En juin 1815, comme les Nor’Westers poursuivaient leur harcèlement contre la colonie et comme on racontait que les Sioux et les Métis avaient proféré des menaces contre elle, quelque 140 colons quittèrent les lieux et Macdonell se rendit à Cameron, en échange, espérait-il, de la sécurité de ceux qui restaient. Lorsque les déprédations reprirent, les derniers occupants partirent eux aussi. Finalement, sur la route d’York Factory (Manitoba), ils rencontrèrent Colin Robertson, qui les persuada de retourner à la Rivière-Rouge.

En mars 1816, Robertson fit main basse sur le fort Gibraltar. Il y saisit des documents qui impliquaient la North West Company dans des raids menés contre la colonie et arrêta Cameron, qu’on envoya d’abord à York Factory puis, après un an de détention, en Angleterre. Libéré sans avoir subi de procès, il revint au Canada vers 1820 et intenta des poursuites contre Robertson « pour emprisonnement illégal [... et] pour des dommages-intérêts considérables ». Après s’être retiré de la traite des fourrures, il s’installa dans le comté de Glengarry, près de Williamstown, région où d’autres Nor’Westers s’étaient fixés, notamment David Thompson*.

Au moins de 1807 à 1812, Duncan Cameron avait eu une épouse et une famille indiennes qui le liaient de toute évidence au clan sauteux du Huard, dans la région du lac Nipigon. Dans une lettre du 28 juillet 1812, il prévenait un jeune parent de ne pas laisser « l’amour prendre le pas sur la raison ». « Se marier avant d’avoir une situation satisfaisante, poursuivait-il, c’est ruiner toutes ses perspectives d’avenir [...] cela, je le sais trop bien car j’ai payé cher pour l’apprendre. » A l’automne de 1820, il épousa dans le Haut-Canada Margaret McLeod, avec qui il eut une fille et trois fils, dont sir Roderick William*, qui s’occupa activement de commerce maritime avec l’Australie. Duncan Cameron fut député de Glengarry à la chambre d’Assemblée du Haut-Canada au cours de la neuvième législature (1825–1828). Il mourut à Williamstown le 15 mai 1848.

Jennifer S. H. Brown

AO, MU 2102, 1812, no 14, item 2 ; MU 2198, no 3 (photocopie).— APC, RG 1, L3, 107 : C14/252 ; RG 5, A1 : 38177–38178.— MTRL, George Nelson papers, journal no 5 : 190, 199, 206–207, 227 ; lettre à sa sœur, 4 juin 1811.— PAM, HBCA, B.3/b/46 : fos 32–33 ; B.51/a/1 : fo18, B.149/a/7 : fo 3 ; B.177/a/1 : fos 11–12, 16, 22–23, 26, 31–32 ; B.198/b/5 : fo 44 ; B.235/a/3 : fos 4–5.— Les Bourgeois de la Compagnie du Nord-Ouest (Masson), 2.— Docs, relating to NWC (Wallace).— HBRS, 1 (Rich) ; 2 (Rich et Fleming).— « United Empire Loyalists : enquiry into the losses and services in consequence of their loyalty ; evidence in the Canadian claims », AO Report, 1904 : 1093.— Legislators and legislatures of Ont. (Forman), 1 : 57.— Marriage bonds of Ont. (T. B. Wilson), 39. H. W. Duckworth, « The Nipigon trade to 1796 » (communication faite devant la fifth North American Fur Trade Conference, Montréal, 1985). J. G. Harkness, Stormont, Dundas and Glengarry : a history, 1784–1945 (Oshawa, Ontario, 1946). V. P. Lytwyn, The fur trade of the little north : Indians, pedlars, and Englishmen east of Lake Winnipeg, 1760–1821 (Winnipeg, 1986). J. A. Macdonell, Sketches illustrating the early settlement and history of Glengarry in Canada, relating principally to the Revolutionary War of 1775–83, the War of 1812–14 and the rebellion of 1837–8 [...] (Montréal, 1893). Rich, Fur trade (1976).

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Jennifer S. H. Brown, « CAMERON, DUNCAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cameron_duncan_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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