FRASER, RICHARD DUNCAN, trafiquant de fourrures, marchand, officier de milice, fermier, juge de paix, homme politique et fonctionnaire, né vers 1784 dans la province de Québec, probablement à Montréal, troisième fils de Thomas Fraser* et de Mary MacBean ; dès janvier 1812, il avait épousé Mary McDonell, et ils eurent au moins deux fils et trois filles ; décédé le 1er avril 1857 à Fraserfield, comté de Grenville, Haut-Canada.
Le père de Richard Duncan Fraser, capitaine dans les Loyal Rangers d’Edward Jessup* durant la Révolution américaine, s’installa dans le canton n° 6 (canton d’Edwardsburgh) après la guerre et devint un important propriétaire terrien de l’est du Haut-Canada. Richard Duncan passa ses jeunes années dans le canton d’Edwardsburgh et aurait reçu son éducation de John Strachan*. De 1802 à 1806, il travailla à titre de commis pour la North West Company, sous les ordres de Duncan Cameron*, au lac Nipigon. À son retour dans le canton d’Edwardsburgh en 1807, il reçut une concession de 200 acres de terre en sa qualité de fils de loyaliste. Il s’installa dans le village de Johnstown où il travailla comme marchand jusqu’au début de la guerre de 1812.
Lieutenant dans le 2e régiment de milice de Grenville, Fraser fut affecté à une compagnie d’artillerie à Prescott. Puis, durant l’automne de 1812, il commanda une canonnière légère sur le Saint-Laurent. À la fin de février 1813, après avoir rejoint l’artillerie, il eut la responsabilité d’un canon de campagne durant la prise d’Ogdensburg, dans l’État de New York [V. George Richard John Macdonell*], et, peu après, il fut promu capitaine dans le 1er régiment de milice de Dundas dont son père était lieutenant-colonel. Sur les ordres du lieutenant-général sir George Prevost*, il recruta, en utilisant cependant ses propres fonds, une troupe de dragons légers qu’il conduisit, en novembre de la même année, à la bataille qui se déroula à la ferme de John Crysler. En 1814, l’officier supérieur de visite de la milice, le lieutenant-colonel Thomas Pearson, décrivit Fraser comme « un officier actif et zélé » ; ce dernier fut nommé adjoint au quartier-maître général en février 1815. Mais il ne put profiter des avantages de ce poste, car on apprenait au Canada que la guerre était finie.
Après la guerre, Fraser ne reprit pas sa carrière de marchand, mais fut « forcé d’avoir recours à la culture de la terre » pour faire vivre sa famille. De plus, il fit plusieurs tentatives infructueuses pendant les 15 années suivantes pour obtenir un poste dans le gouvernement. Il ne reçut qu’une seule nomination, celle de juge de paix pour le district de Johnstown en 1816. Les difficultés de Fraser à obtenir un poste, malgré l’appui de son père influent, peuvent avoir été la conséquence de son comportement coléreux et violent. Avant 1812, on l’avait reconnu coupable de trois différentes tentatives de voies de fait, entre autres, d’avoir attaqué Charles Jones*, de Brockville, et il fut condamné à des amendes. Comme officier de milice, il avait été accusé, en 1813, de violation de propriété privée, de tentatives de voies de fait et d’arrestation illégale, et l’on rendit un jugement contre lui pour dommages civils en 1814. Deux ans plus tard, Fraser fit une demande pour obtenir des fonds du gouvernement afin de payer ces dommages ; William Campbell*, qui avait présidé le procès civil, rapporta alors que la conduite de Fraser avait été « des plus violentes et brutales », et refusa de « donner quelque opinion que ce soit sur la question de savoir jusqu’où l’ingérence du gouvernement [... pouvait] aller sans atteindre à son honneur et à son intérêt ».
En 1818, Fraser se retrouva de nouveau devant la Cour des sessions trimestrielles de Brockville ; il était cette fois accusé d’une tentative de voies de fait contre Robert Gourlay*. Quand ce dernier était arrivé à Johnstown, au cours de son voyage dans l’est du Haut-Canada, Fraser l’avait appelé « un menteur et une fripouille » et s’était mis à le battre en public avec « une badine de correction ». Une petite bagarre avait suivi l’arrivée de partisans des deux hommes. Fraser échoua dans sa tentative de perturber la réunion de Gourlay par la force, mais il exerça son autorité de juge de paix en arrêtant ce dernier sous l’inculpation de diffamation séditieuse. En réponse, Gourlay accusa Fraser de tentatives de voies de fait. Gourlay fut acquitté d’une inculpation réduite de diffamation aux assises tenues en août de la même année à Brockville ; Fraser fut jugé devant un tribunal local bienveillant qui le condamna à payer une amende minime.
Avec de tels antécédents, il était peu probable que l’on risque de donner à Fraser un poste administratif d’une certaine importance. Durant les quelques années qui suivirent, il semble avoir modifié son comportement ; il n’y eut plus d’autres accusations de voies de fait portées contre lui. Finalement, en 1832, on récompensa la persévérance de Fraser en le nommant receveur des douanes pour Brockville. Cette nomination se fit un peu plus d’un an après son élection à la chambre d’Assemblée comme député de Grenville. En décembre 1831, durant la session qui se termina par la première expulsion de William Lyon Mackenzie* hors de la chambre, Fraser s’était principalement distingué en le menaçant de le cravacher. Aux élections générales d’octobre 1834, Fraser retira sa candidature avant l’ouverture du scrutin. Lors d’une élection partielle dans la circonscription de Leeds, au printemps de 1836, il s’allia à Ogle Robert Gowan*, mais les réformistes William Buell* et Mathew H. Howard battirent les deux candidats tories. Jusqu’à la rébellion de 1837–1838, Fraser dut se contenter de ses fonctions de juge de paix et de receveur des douanes.
En janvier 1838, par suite de la menace d’une invasion des patriotes, Fraser se retrouva en garnison à Prescott, à titre de colonel du 2e régiment de milice de Grenville. Quatre mois plus tard, il était à bord du paquebot Sir Robert Peel quand William Johnston*, Donald M’Leod* et d’autres patriotes attaquèrent et pillèrent le navire. En novembre, il commanda le flanc gauche à la bataille du Moulin à vent, près de Prescott [V. Plomer Young*]. Au cours de cette période où les relations entre le Haut-Canada et les États-Unis furent tendues, Fraser se trouva mêlé à un petit incident diplomatique. À titre de receveur des douanes, il saisit, à Brockville en mai 1839, le schooner américain G. S. Weeks, qui avait omis de déclarer un canon comme faisant partie de sa cargaison. Le lieutenant-gouverneur sir George Arthur mena une enquête personnelle et condamna le comportement des participants américains et canadiens dans cette affaire. Arthur considéra que Fraser « cherchait la popularité » et que ses actes irréfléchis et non autorisés (saisir le navire, puis le relâcher) avaient été à la base « de tout le mal qui [avait] suivi ».
À cette époque, Fraser avait aussi des ennuis avec le gouvernement, à qui il avait omis de remettre les droits de douane qu’il avait perçus. On l’avait interrogé à ce sujet en septembre 1838, et comme le gouvernement persistait dans ses réclamations en dépit des affirmations de Fraser selon lesquelles l’argent avait été perdu avec le Sir Robert Peel, celui-ci offrit de faire un paiement partiel en décembre de cette année-là. Il est évident que Fraser était, à tout le moins, incapable d’administrer les fonds qu’il recevait dans l’exercice de ses fonctions. Ses capacités dans le domaine des affaires étaient certainement médiocres. En 1840, à la suite de jugements civils, il devait £4 000 à des créanciers parmi lesquels figuraient la Bank of Upper Canada, la Banque de Montréal et la Commercial Bank of the Midland District. Sa mauvaise administration des fonds du gouvernement, son manque de jugement lors de l’affaire du G. S. Weeks, ainsi que ses virulentes opinions tories, ne lui laissèrent que peu d’alliés assez puissants pour l’aider quand les réformistes prirent le pouvoir en 1842. On le remplaça au poste de receveur des douanes en janvier 1843. En septembre de la même année, le réformiste William Buell Richards*, de Brockville, déclara que les décisions prises par Fraser en tant que magistrat étaient « loin d’être satisfaisantes » et recommanda son renvoi d’un poste qu’il était « totalement incapable de remplir ». Le mois suivant, le nom de Fraser était rayé de la liste des juges de paix du district.
Conservant seulement son poste de colonel dans la milice, Richard Duncan Fraser se retira à Fraserfield, dans le canton d’Edwardsburgh ; c’était une ferme donnant sur le Saint-Laurent qu’il avait héritée de son père et de son frère John, au début des années 1820. Fraser semble avoir quitté la politique active après les années 1830, mais il réapparut sur la scène publique pour une courte période en 1849 comme délégué au congrès de la British American League [V. Georges Moffatt*] à Kingston. Il mourut huit ans plus tard à Fraserfield.
AO, MS 35, alphabetical list of students, 26 nov. 1827 ; RG 8, sér. I-1-H, 2 : 42 ; sér. I-1-P, box 4 ; RG 21, United counties of Leeds and Grenville, Edwardsburgh Township, census and assessment rolls, 1811–1820, 1848 ; RG 22, sér. 12, 1 : 190, 225, 233 ; 2–6 ; sér. 14, boxes 2–3 ; sér. 131, 1, 4 ; sér. 134, 4 ; sér. 155, testament de Thomas Fraser ; sér. 179, John Fraser ; Mary Fraser.— APC, RG 1, E3, 30A 224–235 ; L3, 188 : F9/8 ; 189 : F10/37, F11/77 ; RG 5, A1 : 11450–11462, 12127–12130, 12465–12468, 13982–13983, 25948–25950, 30952–30953, 49558–49559, 51281–51283, 52468–52470, 93132–93138, 103272–103273, 108363–108364, 114278–114281 ; C1, 14, file 1748 ; RG 8, I (C sér.) ; RG 31, A1, 1851, Edwardsburgh Township ; RG 68, General index, 1651–1841 ; 1841–1867.— MTL, Robert Baldwin papers ; R. D. Fraser, « Journal, from Edwardsburgh to Nipigon and other places in the North or Indian country ».— PRO, CO 42/390 : 188–191 ; 42/460 : 144–154 ; 42/518 : 70–75.— Arthur papers (Sanderson).— Coll. Elgin-Grey (Doughty).— Docs. relating to NWC (Wallace).— H.-C., House of Assembly, Journal, 1831–1834.—Brockville Recorder, 22 déc. 1831, 10 oct. 1834, 9 avril 1857.— Kingston Gazette, 7 juill.–22 sept. 1818.— Armstrong, Handbook of Upper Canadian chronology.— Duncan Fraser, William Fraser, Senior, U.E., and his descendants in Fulton County, New York, and Grenville County, Ontario (Johnstown, N.Y., 1964).— Officers of British forces in Canada (Irving).— Patterson, « Studies in elections in U.C. ».
C. J. Shepard, « FRASER, RICHARD DUNCAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fraser_richard_duncan_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/fraser_richard_duncan_8F.html |
Auteur de l'article: | C. J. Shepard |
Titre de l'article: | FRASER, RICHARD DUNCAN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |