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GRANT, CUTHBERT, trafiquant de fourrures, chef métis, fermier, fonctionnaire, juge de paix et homme politique, né vers 1793 au fort de la rivière Tremblante (près de Kamsack, Saskatchewan), fils de Cuthbert Grant*, trafiquant de fourrures, et d’une Métisse, probablement d’ascendance crise et française ; il épousa à la façon du pays Elizabeth MacKay, puis Madelaine Desmarais et peut-être une troisième femme dont on ignore le nom ; en 1823, il épousa à Saint-Boniface (Manitoba) Marie McGillis ; au moins trois fils et six filles naquirent de ces mariages ; décédé le 15 juillet 1854 dans la prairie du Cheval-Blanc (Saint-François-Xavier, Manitoba).
Cuthbert Grant, qui parlait couramment le français et l’anglais, fut le premier Métis instruit à exercer une influence profonde sur le destin de son peuple. Il contribua largement à implanter dans l’esprit de celui-ci la notion de nation métisse, qui joua un rôle si déterminant dans le soulèvement de la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba), en 1869–1870, et dans la rébellion du Nord-Ouest, en 1885. Pourtant, Grant n’était pas un rebelle. Tout au long de sa carrière, il appuya loyalement l’autorité qu’il connaissait, d’abord celle de la North West Company, puis, après 1821, celle de la Hudson’s Bay Company. Et si l’histoire garde de lui le souvenir d’un homme violent, ce n’est pas parce qu’il participa à des insurrections, mais parce qu’il prit part à la lutte que se livrèrent deux sociétés commerciales à une époque où le Nord-Ouest n’avait encore aucune institution politique.
On peut presque dire que Grant naquit au sein de la North West Company. Son père y était employé depuis longtemps et devint associé hivernant en 1795. Quant à son oncle, Robert Grant, il avait fait partie avec William Holmes* du groupe de trafiquants de fourrures montréalais qui l’avaient fondée en 1779. Grant passa sa petite enfance dans divers postes de traite de la compagnie, le long de la rivière Assiniboine. Son père mourut en 1799, après avoir pourvu dans son testament à l’éducation de ses deux fils, Cuthbert et James, et leur avoir donné comme tuteur William McGillivray*, représentant de la North West Company à Montréal. En 1801, McGillivray amena le jeune Cuthbert à Montréal et le fit baptiser le 12 octobre dans l’église Scotch Presbyterian, appelée plus tard église St Gabriel Street. Même si certains ont émis l’hypothèse qu’il alla étudier en Écosse, comme son frère, il semble qu’il fut plutôt élevé à Montréal, sous la tutelle de McGillivray.
C’est probablement vers 1810 que Grant entra au service de la compagnie comme employé des bureaux de Montréal, et, en 1812, il se rendit au fort William (Thunder Bay, Ontario) avec le convoi annuel. Cet été-là, à la réunion des associés de Montréal et des associés hivernants, il fut nommé commis au département du haut de la rivière Rouge. Affecté au fort Espérance (Saskatchewan), sur la rivière Qu’Appelle, sous la direction de John Pritchard, il fut placé à la tête d’un petit avant-poste.
À l’époque, les chasseurs avaient exterminé presque tous les animaux à fourrure de la région de la rivière Qu’Appelle, de sorte que le fort Espérance était devenu à toutes fins utiles un poste d’approvisionnement où l’on organisait avant tout la chasse au bison et la distribution du pemmican, nourriture essentielle pour ceux qui faisaient la traite dans la région de l’Athabasca. Quant à la lutte engagée entre la North West Company et la Hudson’s Bay Company pour s’assurer la haute main sur la traite des fourrures, elle s’intensifiait et menaçait, en 1812, de déboucher sur des actes de violence. À l’été, la tension s’accrut à cause de l’arrivée du premier contingent de colons écossais que lord Selkirk [Douglas*], membre du comité de Londres de la Hudson’s Bay Company, se proposait d’établir dans la vallée de la rivière Rouge, juste en travers des trajets empruntés par les Nor’Westers pour le transport des fourrures et du pemmican. La Hudson’s Bay Company affirmait qu’elle avait priorité sur ce territoire en vertu de la charte qui, en 1670, lui avait accordé Rupert’s Land ; la North West Company, de son côté, prétendait y avoir un droit d’accès parce qu’elle avait succédé aux trafiquants de fourrures et explorateurs français, et particulièrement à Pierre Gaultier* de Varennes et de La Vérendrye, qui avait fondé le fort Maurepas sur la rivière Rouge en 1734.
L’arrivée des colons amenés par Miles Macdonell*, qui venait d’être nommé gouverneur d’Assiniboia par la Hudson’s Bay Company, greva les ressources alimentaires de la région. Les colons arrivèrent trop tard pour faire les semailles et, durant l’hiver de 1812–1813, ils durent se nourrir de pemmican, ainsi que de la viande de bison que des Sauteux amis leur fournirent. L’année suivante, la colonie était encore loin de l’autosuffisance. Le 8 janvier 1814, Macdonell proclama qu’il était interdit d’exporter du pemmican de la colonie de la Rivière-Rouge sans sa permission. Cette interdiction mettait en danger la source d’approvisionnement des trafiquants de la North West Company dans la région de l’Athabasca, riche en fourrures.
Grant travaillait encore dans le département du haut de la rivière Rouge quand, en juillet 1814, Alexander Greenfield Macdonell*, cousin au second degré du gouverneur, et Duncan Cameron*, tous deux associés, de la North West Company, furent nommés à la tête de ce territoire. Les deux hommes étaient convaincus que le seul moyen de sauver les opérations de leur compagnie était de s’opposer farouchement à la proclamation du gouverneur. De plus, Macdonell et Cameron, tout comme Simon* et William McGillivray, représentants de la North West Company à Montréal, se rendaient compte que pour gagner un combat quelconque contre la colonie de Selkirk, qui était soutenue par la Hudson’s Bay Company, ils devraient s’assurer l’appui du seul autre groupe important de la région à part les Sauteux, lesquels s’étaient déjà montrés favorables aux colons. Ce groupe était celui des Métis, dont les traditions guerrières dans ces régions éloignées combinaient les tactiques indiennes avec l’emploi d’armes et de techniques européennes. Même si nombre de Métis étaient au service de la North West Company, quelques-uns s’étaient liés à la Hudson’s Bay Company, et l’ensemble de leur communauté, encore dépourvue d’un sentiment d’identité et de leaders reconnus, n’avait pas pris fermement position dans la lutte entre les deux compagnies.
Afin de s’assurer leur appui, les Nor’Westers se mirent à propager l’idée d’une nation métisse dont ils furent en fait les premiers à parler : en tant qu’aborigènes, disaient-ils, les Métis avaient des droits sur ce territoire et, en tant que chasseurs, ils avaient des intérêts particuliers, ce qui contredisait les prétentions de la colonie de la Hudson’s Bay Company. Ce faisant, les Nor’Westers jouaient sur le sentiment encore vague que les Métis avaient de leur identité et lui donnaient une forme et une orientation. Alexander Greenfield Macdonell et Cameron se mirent à chercher parmi leurs commis sang-mêlé les chefs qu’ils pourraient utiliser pour canaliser l’énergie des Métis et pour exciter leur colère en faveur de la North West Company. C’est à cette fin que Cameron nomma Grant, William Fraser, Angus Shaw et Nicolas (Nicholas) Montour « capitaines des Métis » à l’automne de 1814. Bientôt, il apparut que l’audace et les ressources de Grant en faisaient le meilleur des candidats et, en mars 1816, il fut désigné, toujours par Cameron, « capitaine général de tous les sang-mêlé ». On ne peut guère douter que Grant consentit à être utilisé par les Nor’Westers et qu’il le fit en partie à cause de son éternelle vanité et en partie par désir de monter dans la hiérarchie des fonctionnaires de la compagnie. Rien ne suggère qu’avant 1814 il ait considéré les Métis comme une nation et qu’il se soit préoccupé de quelque manière de leur cause ou même identifié à eux.
Le pouvoir de persuasion de Grant et les promesses de récompenses gagnèrent apparemment un nombre considérable de Métis à la cause de la North West Company. De 1814 à 1816, à titre de nouveau chef militaire d’une cavalerie métisse irrégulière, Grant eut à maintes reprises l’occasion de manifester son zèle. Le 30 août 1814, il arriva au fort Gibraltar (Winnipeg) avec Cameron en tant qu’un de ses officiers en uniforme et contribua à persuader nombre des colons de Selkirk d’accepter que la North West Company les emmène dans les Canadas. En mars 1815, après que des hommes de la Hudson’s Bay Company eurent arrêté Peter Pangman (connu sous le nom de Bostonais par les Métis) pour voies de fait, Grant, à la tête de 27 Métis, prit 4 colons comme otages. Cette fois, il y eut un échange de prisonniers, mais à mesure que l’année avançait les Nor’Westers firent de plus en plus pression sur les colons, et Grant demeura dans le feu de l’action. Le 7 juin, il établit un camp métis sur la rive ouest de la rivière Rouge, à quatre milles en aval de Point Douglas (Winnipeg), quartier général de la colonie, afin de couvrir le départ des canots de la North West Company qui transportaient 42 colons au Canada. Les hommes de Grant se mirent à attaquer la colonie, volant des chevaux et des charrues, et ils échangèrent des coups de feu avec les colons qui étaient restés. Lors d’un incident semblable au fort Douglas (Winnipeg) le 10 juin, un des hommes du gouverneur Macdonell fut tué. Le 17 juin, le gouverneur se rendit aux Nor’Westers, qui le mirent en état d’arrestation et l’envoyèrent dans les Canadas. Mais la colonie continua d’être attaquée, d’autres colons s’enfuirent et, le 25 juin, Peter Fidler*, à qui on avait confié la direction de la colonie après le départ de Macdonell, capitula selon les termes d’une entente au bas de laquelle la signature de Grant apparaît parmi celles des « chefs des sang-mêlé ». Fidler consentait à l’évacuation complète de la colonie. Personne ne signa l’entente au nom de la North West Company. On veilla à ce que les Métis, et Grant en particulier, paraissent responsables des actes qui avaient été commis pour défendre les intérêts de la compagnie.
Grant retourna à la rivière Qu’Appelle après que Fidler se fut rendu, mais l’incident ne marqua ni la fin de la colonie de Selkirk, ni celle de la présence de la Hudson’s Bay Company dans la région de la rivière Rouge. En août 1815, Colin Robertson*, ancien Nor’Wester passé à la Hudson’s Bay Company, arriva avec une cinquantaine de colons qui lui avaient demandé de les ramener et, en novembre, Robert Semple*, nommé gouverneur en chef des territoires de la Hudson’s Bay Company, vint prendre en charge le gouvernement de la colonie.
Grant réagit avec une hostilité calculée aux tentatives de rapprochement de Semple. Le 8 mai 1816, deux mois après avoir été nommé capitaine général par la North West Company, il partit avec une troupe de 60 cavaliers métis pour une expédition qui visait clairement à empêcher la compagnie rivale de se réinstaller dans la région de la rivière Rouge. D’abord, ils tendirent une embuscade aux bateaux de la Hudson’s Bay Company qui, sous le commandement de Pierre-Chrysologue Pambrun* et de James Sutherland, descendaient la rivière Qu’Appelle avec des provisions de pemmican. Rejoint par Alexander Greenfield Macdonell et les bateaux de la North West Company, Grant escorta ensuite les cargaisons de pemmican sur la rivière Assiniboine, puis, avec ses hommes, prit et pilla Brandon House (Manitoba), poste de la Hudson’s Bay Company commandé par Fidler, sur la rivière Souris. Il se dirigea ensuite vers Portage-la-Prairie, qu’il quitta le 18 juin pour aller remettre du pemmican aux convois de la North West Company qui l’attendaient sur le lac Winnipeg.
Le 19 juin, Grant arriva à environ trois milles du confluent de la rivière Assiniboine et de la rivière Rouge et se dirigea vers l’intérieur des terres, dans l’espoir d’encercler sans être vu le fort Douglas, qui avait été palissadé. Mais son groupe fut découvert. Le gouverneur Semple, à la tête d’une poignée d’hommes armés, partit le rencontrer à Seven Oaks (Winnipeg). On ne sait pas exactement comment le combat s’engagea ; le premier coup de feu fut peut-être tiré par les hommes de Semple. Mais certains faits demeurent évidents. L’affrontement n’aurait pas eu lieu si Grant et ses hommes n’étaient pas arrivés avec l’intention de manifester la même hostilité que lors de l’embuscade tendue aux bateaux chargés de pemmican de la Hudson’s Bay Company et lors de la prise de Brandon House. Dès le début de l’échange de coups de feu, Grant tira sur Semple et lui brisa le fémur ; incapable de se défendre, le gouverneur fut tué par un Métis ou un Indien. L’escarmouche dégénéra en un horrible massacre : en un quart d’heure, une vingtaine des hommes de Semple et un des compagnons de Grant furent tués. Les blessés furent exterminés sans pitié et la plupart des morts, mutilés. Grant ne put ni ne voulut empêcher cette boucherie ; il s’en servit certainement pour effrayer les colons qui restaient et les pousser à partir, assurant de nouveau la suprématie de la North West Company sur la région de la rivière Rouge.
En août 1816, Grant se trouvait à Bas-de-la-Rivière (Fort Alexander), poste de la North West Company, situé sur le lac Winnipeg. En raison de ses relations avec Archibald McLellan, on rapporta plus tard qu’il avait été impliqué dans le meurtre d’Owen Keveny*, représentant de la Hudson’s Bay Company, commis le mois suivant sur la rivière Winnipeg. Quand il apprit que Selkirk s’était emparé du dépôt de la North West Company au fort William, Grant se replia sur la rivière Rouge, puis retourna au fort Qu’Appelle en octobre. Après le rétablissement de la colonie et l’arrivée de William Bacheler Coltman*, commissaire du Bas-Canada venu enquêter sur le conflit qui sévissait dans le Nord-Ouest, Grant se rendit, en août 1817. Coltman recueillit sa déposition sur les événements de 1815 et de 1816, puis l’emmena à Montréal, où il devait faire face à des accusations de meurtre, de vol et de crime d’incendie. Grant arriva dans cette ville vers la fin d’octobre et fut détenu à la maison d’arrêt en attendant l’audition de sa première cause, celle du meurtre de Keveny. Comme sa culpabilité dans cette affaire était vraiment douteuse, il fut relâché, mais au printemps de 1818, à York (Toronto), on déclara fondées les accusations qui pesaient sur lui et sur d’autres Nor’Westers pour vol et pillage de biens de la Hudson’s Bay Company, de même que pour le meurtre de Semple et des colons tués à Seven Oaks. Grant se déroba à la justice et gagna le Nord-Ouest dans un canot léger. Comme, dans les Canadas, on encourageait la North West Company, dirigée à partir de Montréal, plutôt que la Hudson’s Bay Company, dont le siège se trouvait à Londres, les gens de justice de l’endroit n’étaient guère enthousiastes à l’idée de donner suite à l’affaire. Une fois que le lieutenant de Grant à Seven Oaks, François-Firmin Boucher, eut été acquitté du meurtre de Semple, on oublia tranquillement les accusations qui pesaient sur Grant.
Grant était présent lorsque, en juin 1820, le convoi de la Hudson’s Bay Company venant de la région de l’Athabasca, sous la direction de Robertson, tomba dans une embuscade dressée par des hommes de la North West Company aux rapides Grand (Manitoba). Ce fut le dernier affrontement majeur entre les deux compagnies. Un an plus tard, le conflit prit fin avec leur fusion sous la charte de la Hudson’s Bay Company. Les vieilles blessures refirent surface, et Grant, exclu de la nouvelle compagnie, se vit réduit à l’inaction. George Simpson, nouveau gouverneur du département du Nord de la Hudson’s Bay Company, où se trouvait la colonie de la Rivière-Rouge, le rencontra en février 1822 et conclut qu’on en avait fait l’« outil d’un parti » dans la lutte entre les deux compagnies. Simpson était assez astucieux pour reconnaître la malléabilité là où il la voyait et pour se rendre compte que, à cause de sa récente exclusion du service, Grant ne pouvait qu’avoir gagné du prestige auprès des Métis, désavantagés par la fusion des deux compagnies. Les Métis constituaient un élément de plus en plus instable dans la région de la rivière Rouge. Quiconque pourrait les diriger au nom de la Hudson’s Bay Company serait donc fort utile. En juillet 1823, Grant fut nommé commis au fort Garry (Winnipeg), dans la région de la rivière Rouge, et assermenté comme constable spécial. Mais sa présence dans la colonie était une provocation pour ceux qui se souvenaient du rôle qu’il avait joué lors des événements de 1815–1816. Après avoir été assailli par un groupe de colons menés par Alexander McDonell*, Grant se retira de la compagnie en 1824.
On encouragea Grant à s’établir près de la colonie et on lui concéda des terres dans la prairie du Cheval-Blanc, sur la rivière Assiniboine. C’est là qu’au printemps de 1824 il fonda le village de Grantown (Saint-François-Xavier) avec une centaine de familles métisses. En 1827, il avait cultivé 34 acres de terre et se considérait comme le seigneur de l’endroit, même s’il n’avait aucun motif légal de prétendre à ce titre. Il transportait des marchandises d’York Factory à la colonie de la Rivière-Rouge en vertu d’un contrat signé avec la Hudson’s Bay Company et, à compter de l’hiver de 1824–1825, il obtint de celle-ci un permis de trafiquant indépendant, tout comme Andrew McDermot*. En délivrant ainsi de tels permis de traite, la Hudson’s Bay Company comptait dominer le marché des fourrures qu’elle n’acquérait pas directement, afin de tenir les trafiquants américains à l’écart du territoire que lui accordait sa charte.
En juillet 1828, le conseil du département du Nord de la Hudson’s Bay Company nomma Grant surveillant des plaines de la rivière Rouge, au salaire annuel de £200, pour qu’il empêche « le commerce illicite des fourrures dans ce district ». Il avait donné son allégeance aux nouveaux maîtres, et sa valeur était reconnue. Les Métis le respectaient encore assez pour l’élire capitaine des chasses annuelles de bison. En 1835, Grant fut nommé juge de paix par le Conseil d’Assiniboia, qui avait pris en charge le gouvernement de la colonie après que celle-ci eut été rendue à la Hudson’s Bay Company par la succession de Selkirk en 1834. On l’invita à assister aux réunions du conseil et, en mars 1839, il fut nommé officiellement conseiller ainsi que shérif d’Assiniboia, tâche qu’il partagea avec Alexander Ross. À compter de 1840, les Métis et les Sioux se livrèrent à une sorte de guérilla provoquée par des empiétements sur les territoires tribaux de chasse au bison, et Grant, en tant que « chef des sang-mêlé et surveillant des plaines », négocia un traité de paix en 1844. Mais, dès 1851, les conflits violents reprenaient de plus belle entre les deux camps.
D’ailleurs, dès les années 1840, l’influence de Grant sur les Métis avait diminué. Une nouvelle génération de jeunes rebelles avait fait son apparition et un groupe français, mené par des hommes comme Louis Riel* père, commençait à retirer le leadership aux sang-mêlé écossais tels que Grant. Le problème majeur était la liberté du commerce : défiant le monopole de la Hudson’s Bay Company, les Métis entreprirent de vendre des fourrures aux Américains à Pembina (Dakota du Nord) et à St Paul (Minnesota), suivant en cela l’exemple de McDermot, à qui la Hudson’s Bay Company n’avait pas renouvelé son permis en 1843, et de James Sinclair. Cette fois, Grant, à titre de surveillant des plaines, de juge de paix et de shérif, était du côté de la compagnie. Quand Pierre-Guillaume Sayer* comparut sous une accusation de commerce illicite en 1849, Grant siégeait parmi les magistrats. Devant un groupe imposant de Métis armés qui manifestaient bruyamment leur appui à Sayer dans la salle d’audience et proclamaient que Sinclair était leur chef, Sayer fut jugé coupable d’avoir vendu des fourrures, mais ne fut pas puni. Dans la colonie, on claironna que ce verdict annonçait la fin du monopole de la Hudson’s Bay Company.
Grant n’étant plus utile à la compagnie, il fut relevé de ses fonctions de surveillant des plaines. Il existait alors une scission entre les Métis militants de la colonie de la Rivière-Rouge et les habitants de la prairie du Cheval-Blanc, encore soumis à l’influence modérée de Grant. Ses disciples, son gendre Pascal Breland*, par exemple, prirent la tête des Métis modérés qui se tinrent à l’écart de Louis Riel* en 1870 et s’opposèrent à l’activisme de Gabriel Dumont*.
Cuthbert Grant passa ses dernières années dans une inaction relative. N’étant plus un leader important des Métis, il ne pouvait plus guère servir à la Hudson’s Bay Company, et son rôle se réduisit à accueillir les riches voyageurs qui commençaient à visiter les Prairies. À la fin du printemps de 1854, il fit une chute de cheval. Il ne se remit pas de ses blessures et mourut le 15 juillet. Le lendemain, il fut inhumé dans l’église Saint-François-Xavier, qu’il avait construite à Grantown après s’être converti au catholicisme.
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George Woodcock, « GRANT, CUTHBERT (mort en 1854) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/grant_cuthbert_1854_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/grant_cuthbert_1854_8F.html |
Auteur de l'article: | George Woodcock |
Titre de l'article: | GRANT, CUTHBERT (mort en 1854) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |