George-Étienne Cartier est l’un des membres les plus importants de la députation canadienne-française en 1851–1852. Son objectif consiste à faire en sorte que les Canadiens français tirent tous les avantages possibles du régime de l’Union. Son biographe précise que Cartier, du moment où il forme un gouvernement avec John Alexander Macdonald en 1857, est :
[…] l’homme le plus influent de la section bas-canadienne [de l’Assemblée législative de la Province du Canada].
Le réformateur législatif et institutionnel
Les relations avec le Canada-Est (Bas-Canada, Québec actuel) constituent un volet fondamental de l’action politique de Cartier, artisan d’importantes réformes législatives et institutionnelles :
Comme ministre et comme premier ministre, Cartier fut l’inspirateur de nombreuses mesures législatives qui, au milieu du [xixe] siècle […], contribuèrent au développement du Canada-Uni et donnèrent naissance à des institutions qui sont à l’origine de celles qui régissent encore le Canada et plus particulièrement le Québec.
Parmi les réformes qui deviennent réalité sous sa gouverne figure la réorganisation du monde municipal :
En 1855, le gouvernement, dont Cartier était membre, avait fait adopter l’Acte des municipalités et des chemins du Bas-Canada (18 Vict., c. 100) qui créait des municipalités correspondant aux paroisses religieuses, les groupait en municipalités de comté et qui fut à la base du système qui en bonne partie est encore en vigueur dans le Québec. En 1860, Cartier fit refondre cette loi et il déclara, le 6 mars, que « notre système municipal [est] l’une des principales institutions du Bas-Canada ».
Cartier légifère aussi sur la structure de l’enseignement primaire :
En 1856, il compléta la loi fondamentale de 1846 (9 Vict., c. 27), qui avait établi des écoles dans toutes les paroisses [du Canada-Est] et avait consacré le principe de la dualité religieuse de ces écoles, en faisant décréter par le parlement la création d’un conseil de l’Instruction publique formé de catholiques et de protestants (19 Vict., c. 14) et l’établissement d’écoles de formation pour les instituteurs et les institutrices (19 Vict., c. 54).
Pierre-Joseph-Olivier Chauveau est un acteur clé de ladite réforme qui mène, en 1859, à la création d’un premier conseil de l’Instruction publique au Canada-Est :
Le 17 décembre 1859, le gouvernement forme, grâce aux efforts déployés par Chauveau, le premier conseil de l’Instruction publique, une pièce maîtresse du système scolaire […] En tant que surintendant, Chauveau est amené à régler des problèmes administratifs quotidiens qui dégénèrent souvent en questions politiques. Ainsi, les anglo-protestants aspirant à posséder leur propre système scolaire constituent un puissant groupe de pression, dont Chauveau, de concert avec Cartier, doit tenir compte dans la répartition des sommes allouées à l’éducation.
Cartier s’est aussi montré en faveur de l’abolition de la tenure seigneuriale :
Il n’était pas membre du gouvernement lorsque, le 18 décembre 1854, fut sanctionné l’Acte pour l’abolition des droits et devoirs féodaux dans le Bas-Canada (18 Vict., c. 3), mais il était depuis longtemps favorable à cette mesure et, en 1853, il avait déclaré catégoriquement : « La tenure seigneuriale enraie le progrès du pays. » En 1859, il fera adopter une loi […] pour augmenter la compensation à verser aux anciens seigneurs, loi qui, selon les mots de Cartier « satisfera tous les grands intérêts et rendra justice aux seigneurs comme aux censitaires » (22 Vict., c. 48).
Procureur général du Canada-Est, Cartier orchestre également une refonte de l’administration de la justice et du droit civil :
En 1857, [Cartier] fit statuer par le parlement que, dans les Cantons de l’Est, peuplés surtout par des anglophones, les lois françaises s’appliqueraient comme ailleurs dans le Bas-Canada (20 Vict., c. 43). L’incertitude qui avait régné jusque-là menaçait, en effet, de créer un système de personnalité du droit dans lequel les personnes d’un même territoire sont jugées selon des droits différents, en raison de leurs origines. La même année, il réalisa, à l’encontre de vieilles traditions, la décentralisation judiciaire (20 Vict., c. 44). Par cette mesure, le nombre de juges dans le Bas-Canada était considérablement augmenté et de nouveaux districts judiciaires étaient créés en dehors des grandes villes. L’œuvre dont il était avec raison le plus fier fut la codification du droit civil. En 1857, il fit adopter la loi « pour pourvoir à la codification des lois du Bas-Canada qui se rapportent aux matières civiles et à la procédure » (20 Vict., c. 43). On prévoyait à cette fin la création d’une commission dont le président fut le juge René-Édouard Caron et qui accomplit un excellent travail de 1859 à 1865. Cartier fit approuver par le parlement le projet qui avait été rédigé (29 Vict., c. 41) et le Code civil du Bas-Canada fut mis en vigueur le 1er août 1866.
L’extrait suivant de la biographie du juriste René-Édouard Caron montre pourquoi il fallait entreprendre la codification du droit civil :
Le nom de Caron est resté étroitement lié à la codification du droit civil du Bas-Canada. Le 27 avril 1857, George-Étienne Cartier présentait à l’Assemblée législative de la province du Canada l’« acte pour pourvoir à la codification des lois du Bas-Canada qui se rapportent aux matières civiles et à la procédure » […] Le préambule de la loi rappelait les raisons d’entreprendre la codification. Les lois civiles en vigueur dans le Bas-Canada découlaient, pour la plus grande partie, de la Coutume de Paris, qui s’était appliquée en Nouvelle-France et dont l’acte de Québec avait assuré le maintien. Ces lois avaient toutefois été modifiées par des lois d’origine anglaise si bien qu’on n’avait pas toujours de bonnes versions comparables dans les deux langues utilisées devant les tribunaux. La France, en codifiant son droit au début du siècle, avait donné l’exemple au Bas-Canada qui pouvait aussi s’inspirer du dernier code civil que la Louisiane s’était donné en 1825. Par ailleurs, la codification française avait tari les commentaires des lois antérieures à la révolution et, dans certains cas, il semblait nécessaire de modifier les règles anciennes.
À l’occasion du décès de Cartier, en mai 1873, la Minerve retiendra d’ailleurs la contribution législative de l’homme d’État :
« Outre ce qu’il a fait pour l’avancement et la prospérité matérielle de notre patrie, M. Cartier peut revendiquer l’honneur d’avoir refondu la législation du Bas-Canada et de nous avoir doté d’un code de lois qui, sous ce rapport, nous élève au niveau de la nation la plus civilisée de l’Europe. »
Finalement, selon son biographe, Cartier :
[…] obtint pour ses compatriotes canadiens-français vivant dans le Québec les droits qu’il croyait essentiels à l’époque. Il voulait un Québec maître de ses destinées en éducation, en droit civil et dans les institutions locales.
Pour en savoir davantage sur des réformes législatives et institutionnelles entreprises au Canada-Est à l’époque de Cartier, nous vous invitons à consulter les listes de biographies suivantes.