PAPIN, JOSEPH, avocat et homme politique, né le 14 décembre 1825 à L’Assomption, Bas-Canada, cinquième des onze enfants de Basile Papin, cultivateur aisé, et de Marie-Rose Pelletier, décédé dans sa ville natale le 23 février 1862.

Après de brillantes études au collège de L’Assomption de 1835 à 1842, Joseph Papin s’initia au droit à Montréal dans le bureau de Joseph-Ferréol Pelletier ; il fut admis au barreau le 21 décembre 1846. Joseph Papin se fit rapidement connaître. Étudiant en droit, il avait fait partie du groupe fondateur de l’Institut canadien de Montréal en décembre 1844. Élu premier vice-président au mois d’août 1845, il devint président en novembre 1846 et le demeura jusqu’en novembre 1847. Aux élections du mois de mai 1848 à l’Institut canadien, il se produisit un affrontement entre le parti de la Minerve, favorable à Louis-Hippolyte La Fontaine, et celui de l’Avenir qui s’était prononcé pour Louis-Joseph Papineau* et contre l’Union. Antoine Gérin-Lajoie*, rédacteur à la Minerve, manqua de peu l’élection à la présidence remportée par Toussaint-Antoine-Rodolphe Laflamme*, l’un des collaborateurs de l’Avenir. Louis Labrèche-Viger*, Jean-Baptiste-Éric Dorion et Joseph Doutre* furent élus membres du comité de direction ainsi que Joseph Papin agissant comme secrétaire-archiviste ; ils comptaient parmi les 13 collaborateurs de l’Avenir. Avec les jeunes gens de l’Avenir et les amis de Papineau, Papin fit partie de l’Association pour le peuplement des Cantons de l’Est [V. Louis Labrèche-Viger] et il fut l’un des signataires du Manifeste annexionniste de 1849.

Aux élections provinciales de 1851, à l’instar de Jean-Baptiste-Éric Dorion, Antoine-Aimé Dorion*, Joseph Doutre et Joseph-Guillaume Barthe*, Papin fit campagne pour Louis-Joseph Papineau, candidat dans le comté de la cité de Montréal. Papineau ayant été battu, son ami et conseiller, Édouard-Raymond Fabre*, demanda à Joseph Papin et à Louis Labrèche-Viger de sonder l’opinion publique dans le comté de Deux-Montagnes où des élections complémentaires étaient devenues nécessaires à la suite de la mort du candidat élu, William Henry Scott*. Dans une grande assemblée tenue à Saint-André-Avellin, Papin fut chargé de présenter Papineau, et les partisans de ce dernier remportèrent à cette occasion un véritable triomphe, présage de la victoire du leader patriote en juillet 1852. Peu de temps auparavant Joseph Papin avait également fait campagne en faveur de Fabre et contre Wolfred Nelson lors de l’élection à la mairie de Montréal. Élu lui-même conseiller municipal pour le quartier Sainte-Marie en 1853, Papin vit son élection annulée en octobre 1854 par un jugement de la Cour supérieure parce qu’il n’avait pu faire la preuve de sa qualité de propriétaire foncier à Montréal depuis au moins un an avant l’élection. Durant ces années, Joseph Papin fut particulièrement actif au sein du mouvement visant à hâter l’abolition de la tenure seigneuriale.

Des élections générales furent tenues en 1854 et le Bas-Canada élut une douzaine de « rouges » à la chambre d’Assemblée. Le Pays, citant le Colonist de Toronto, écrivit à leur propos qu’ils étaient « incontestablement des hommes de plus de talent qui aient été envoyés au parlement par les Canadiens français depuis l’Union ». Joseph Papin, qui avait vainement posé sa candidature à la direction du groupe en 1853, était élu député dans L’Assomption, l’emportant sur Louis-Siméon Morin*, jeune avocat conservateur.

À la chambre d’Assemblée, le député Papin s’illustra surtout à propos de la question de la confessionnalité scolaire. En 1856, George Brown*, le chef des grits, avait soulevé la délicate question des écoles séparées du Haut-Canada et demandé la suppression de leurs privilèges. À l’inverse, le député William Locker Pickmore Felton* avait préconisé l’extension aux écoles catholiques du Haut-Canada des droits reconnus aux écoles protestantes du Bas-Canada. C’est alors que Joseph Papin proposa, au nom du principe de la séparation de l’Église et de l’État et de l’égalité de toutes les confessions religieuses, « d’établir dans toute la province un système général et uniforme d’éducation élémentaire gratuite et maintenue entièrement aux frais de l’État, par le moyen d’un fonds spécial qui serait créé à cet effet ; [...] que toutes les écoles soient ouvertes indistinctement à tous les enfants en âge de les fréquenter, sans qu’aucun d’eux soit exposé, par la nature de l’enseignement qui y sera donné, à voir ses croyances ou opinions religieuses violentées ou froissées en aucune manière ». On retint généralement chez les conservateurs, pour des fins de propagande, que Joseph Papin et les rouges avaient osé préconiser un système d’écoles dans lequel la religion aurait été bannie. Longtemps après 1856, la proposition de Papin était citée, avec l’article du programme de l’Avenir en faveur de l’annexion aux États-Unis, comme une des abominations des rouges. L’opposition de Papin aux écoles confessionnelles ne manqua pas d’être rappelée par la Minerve lors de l’élection de la fin de 1857 et du début de 1858 ; Papin fut défait de justesse dans L’Assomption par le conservateur Louis Archambeault* qui l’emporta avec une majorité de 16 voix.

Après cet échec, Papin put consacrer plus de temps à la pratique du droit. C’est lui qui défendit le jeune Médéric Lanctot*, étudiant en droit chez Joseph Doutre et Charles Daoust, quand il fut accusé, à l’époque des premières grandes attaques de Mgr Ignace Bourget* contre l’Institut canadien, d’avoir fracassé les fenêtres de l’Œuvre des bons livres. Il n’en demeura pas moins un libéral actif. C’est ainsi qu’il participa, à l’automne de 1859, aux discussions qui conduisirent au manifeste de l’opposition parlementaire du Bas-Canada préconisant « la confédération des deux Canadas » comme solution à l’instabilité politique de l’union canadienne [V. Luther Hamilton Holton*]. Au mois de mai 1858, après le décès de Joseph-Ferréol Pelletier, Joseph Papin devint avocat de la ville de Montréal, avec un traitement annuel de $2 000. Il conserva cette fonction jusqu’à sa mort.

Marié à Sophie Homier en novembre 1857, Joseph Papin mourut du cancer quatre ans plus tard, alors qu’il n’avait que 36 ans. Dans une lettre à l’évêque de Montréal, Mgr Bourget, le curé Pierre-Férréol Dorval, de L’Assomption, écrit qu’il s’était intéressé à Papin durant sa maladie et que celui-ci avait renoncé à l’Institut canadien et reçu les sacrements avant de mourir. Marie-Louise, seule enfant de Joseph Papin, sera la mère, entre autres, de Joseph-Papin Archambault*, jésuite très actif au xxe siècle.

Une brochure satirique, la Pléiade rouge, décrit Joseph Papin comme « Le Danton de la Montagne ». Elle ne lui reconnaît qu’un « beau physique » et une « voix puissante ». Mais Joseph Papin fut manifestement plus qu’un orateur à la voix tonitruante. Le rouge Henri-Émile Chevalier* écrivit quelques jours après le décès de Papin : « La démocratie canadienne vient de faire une perte considérable dans la personne de son chef le plus direct, M. Joseph Papin [...] et sa mort prématurée laisse dans le monde canadien un vide difficile à combler. » Pour sa part, Laurent-Olivier David*, un libéral modéré, écrivait dans l’Opinion publique, en 1871, que « l’âge, l’étude et la réflexion en eussent fait l’un des premiers hommes d’État et l’orateur le plus populaire du Bas-Canada ». Dans le Panthéon canadien [...], François-Marie-Uncas-Maximilien Bibaud*, auteur qui ne peut être soupçonné de parti pris pour le radicalisme, présente Joseph Papin comme « un des hommes les plus brillants qui parurent sur la scène politique à l’époque de la formation du parti libéral ».

Jean-Paul Bernard

ACAM, 355.114, 862-2.— ANQ-Q, AP-G–417, n° 541.— APC, MG 24, B40, 3, pp.460–462.— AVM, Biographies autres que celles des maires et conseillers, Joseph Papin.— Canada, prov. du, Assemblée législative, Journaux, 1856, 246s., 310–314, 615–618.— L’Avenir, 31 déc. 1847, 24 mai 1848, 13 oct. 1849.— La Minerve, 16, 25, 31 oct. 1851, 16 déc. 1857.— L’Opinion publique, 24 août 1871.— Le Pays, 5, 19, 29 août, 16 sept. 1854, 13, 17 mai 1856.— [F.-M.-U.-] M. Bibaud, Le panthéon canadien ; choix de biographies, dans lequel on a introduit les hommes les plus célèbres des autres colonies britanniques (2e éd., Montréal, 1891), 212–214.— Borthwick, Montréal, 107.— Le Jeune, Dictionnaire, II : 407.— Morgan, Bibliotheca Canadensis, 299.— J.-P. Archambault, La famille Papin (1653–1953) (Montréal, 1953).— Bernard, Les Rouges, 42, 45, 64s., 71, 117, 120s., 126–129, 147, 172s., 249.— L.-O. David, Biographies et portraits (Montréal, 1876), 81–205.— Gaspard Le Mage [P.-J.-O. Chauveau et J.-C. Taché], La pléiade rouge (Québec, 1854), 3s.— Hist. de la corporation de la cité de Montréal (Lamothe et al.), 210s.— Institut-canadien en 1852, J.-B.-É. Dorion, édit. (Montréal, 1852), 21–27.— Institut-canadien en 1855, J.-L. Lafontaine, édit. (Montréal, 1855), 172–178.— Monet, Last cannon shot, 286, 370, 383.— Un observateur [L.-H. Huot], Le rougisme en Canada ; ses idées religieuses, ses principes sociaux et ses tendances anti-canadiennes (Québec, 1864).— Guillaume Saint-Pierre, Les avocats de la Cité, La Revue du Barreau de la province de Québec (Montréal), 4 (1944) : 345–360.

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Jean-Paul Bernard, « PAPIN, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/papin_joseph_9F.html.

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Auteur de l'article:    Jean-Paul Bernard
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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
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